Texte intégral
Nous engageons aujourd'hui la première étape d'une réflexion sur l'avenir de la PAC, à laquelle la France entend pleinement participer dans un esprit d'ouverture pourvu que le calendrier arrêté à Berlin soit respecté. Or la Commission nous propose avec cette communication une profonde modification de la PAC qu'elle entend mettre en oeuvre dès maintenant. En faisant ce choix, elle prend la responsabilité d'aller très au-delà d'un mandat défini, je le rappelle, par les chefs d'Etat et de gouvernement à Berlin, qui n'entendaient pas aller pour cet exercice à mi-parcours au-delà d'un certain nombre de rendez-vous techniques destinés à tirer parti, si nécessaire, de l'expérience acquise.
Je ne peux donc souscrire à cette démarche : on ne définit pas en quelques semaines l'avenir de la PAC, pas plus qu'on ne la change tous les trois ans.
L'ampleur des changements proposés est d'autant plus inopportune qu'elle interfère avec un autre exercice, celui engagé à l'OMC, qu'elle va rendre plus difficile pour l'Union. En effet, la proposition de découpler totalement les aides à l'agriculture risque fort de modifier de façon déterminante l'équilibre de la négociation, en affichant d'entrée ce qui correspond à une demande majeure de certains de nos partenaires. Or je rappelle que le Conseil a en novembre 2000 donné à l'unanimité un mandat à la Commission, mandat qui reste toujours valable et qui faisait des décisions prises lors de l'Agenda 2000 la base de notre position. Cette façon de s'affranchir des décisions du Conseil en le plaçant devant le fait accompli n'est pas acceptable.
Le contenu du document dont nous discutons rend en tous cas d'autant plus indispensable de bien séparer l'examen à mi-parcours et le troisième grand exercice que constitue la négociation d'élargissement, comme le souligne à juste titre le commissaire Fischler. Si nous souhaitons aboutir dans le délai prévu par notre " feuille de route " et sur lequel nous avons pris un engagement politique vis-à-vis des pays candidats, il ne peut être question de faire le lien avec un débat sur la PAC dont nous voyons qu'il va évidemment prendre, et à juste titre, du temps. De plus, il y aurait une certaine désinvolture, et même une désinvolture certaine à décider sur des sujets politiquement lourds sans permettre aux futurs Etats membres de se prononcer eux aussi, alors qu'ils sont directement concernés.
2)
Après la question du calendrier, le document de la Commission m'inspire une deuxième réserve qui tient à tout ce qu'il ne contient pas. Nos producteurs sont dans plusieurs filières confrontés à des difficultés auxquelles la Commission soit ne répond pas, soit n'évoque même pas. C'est le cas des céréales, de la viticulture, des volailles, des fruits et légumes. Dans tous ces secteurs, des problèmes concrets pèsent sur l'équilibre de nombreuses exploitations, pour lesquelles la réponse à apporter ne peut être que communautaire.
Dans le cas des céréales, il y a urgence à régler les problèmes créés par le mauvais fonctionnement de notre système de tarification, afin d'assurer le respect de la préférence communautaire. On observe le même détournement des procédures douanières pour la volaille. Sur le marché du vin, nous voyons très bien après trois ans de mise en oeuvre que les mécanismes de régulation ne fonctionnent pas et doivent être adaptés à la diversité des situations à l'intérieur de la Communauté.
Dans le secteur des fruits et légumes, la mise en place des fonds opérationnels a constitué une évolution décisive qui va dans le bon sens, mais leur fonctionnement doit être rendu plus efficace et pragmatique.
Enfin, je note qu'aucune proposition n'est faite pour conforter le rôle positif joué par les cultures riches en protéines, tant pour nos assolements que pour notre indépendance alimentaire.
L'absence de réponses suffisantes et adaptées sur tous ces sujets m'étonne d'autant plus que l'intérêt d'un examen à mi-parcours de la PAC devrait légitimement se concentrer sur de telles questions concrètes, soulevées par l'expérience acquise dans les organisations de marché. Nous avons là un domaine tout trouvé pour améliorer à court terme le fonctionnement de la PAC.
3)
Au sujet du découplage, je crois qu'il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur le fond. Trop de questions fondamentales restent sans réponse.
Quelle conséquence la suppression de l'obligation de produire va-t-elle avoir dans tous les secteurs où le revenu est fortement dépendant des aides directes, en particulier la viande bovine ? Quelle conséquence va avoir la disparition de tous les instruments de maîtrise de la production, à commencer par la jachère ou les droits à produire en matière animale ?
Quelle est la faisabilité pratique, en particulier sur la durée, d'un tel découplage, qui va créer une rente artificielle différente pour chaque hectare de terre ?
Quels sont les risques d'abandon des territoires les moins productifs, la montagne par exemple ?
Plus fondamentalement, quelle sera à terme la légitimité vis-à-vis de l'opinion publique d'aides versées sans obligation de produire ?
Le grand reproche que l'on peut faire à la Commission, c'est précisément de laisser dans l'ombre toutes ces questions essentielles. Elle fait ainsi preuve ici d'un incroyable renversement de la méthode par rapport à ce que le bon sens exige. En effet, elle nous propose un système dont nous sentons bien, et elle ne les conteste pas, que les conséquences sont énormes aussi bien sur l'avenir des filières que sur la localisation des productions et donc l'avenir des territoires et des hommes. Or, elle n'accompagne ce que tout le monde s'accorde à considérer comme une révolution d'aucune étude d'impact économique et social.
La bonne méthode eût consisté à adopter la même approche que celle utilisée à juste titre par la Commission sur le secteur du lait. Il aurait alors fallu présenter diverses options, avec pour chacune des avantages et des inconvénients, et une évaluation sérieuse de leur impact.
Il me semble indispensable que la Commission réalise préalablement cette évaluation équitable du découplage, nous propose des alternatives. C'est alors que nous pourrons commencer à débattre sur des bases sérieuses. On n'engage pas l'avenir de millions d'agriculteurs et de territoires entiers sur un fondement aussi léger. De même, je ne peux souscrire à la proposition de modulation telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui.
Si cela peut aider la Commission dans ce travail important, voici quelques questions fondamentales qu'il convient de se poser :
4)
Que l'on me comprenne bien : Contrairement à ce que certains tentent de faire croire, la France ne défend pas le maintien d'un modèle productiviste, qui a d'ailleurs été abandonné en 1992. Cessons d'agiter de vieilles lunes comme on accuse un chien d'avoir la rage pour mieux le noyer. Je tiens donc à saluer les propositions de la Commission sur les nouvelles mesures qui pourraient être inscrites dans le deuxième pilier. Elles répondent à des préoccupations que nous partageons, et nous semblent aller réellement dans le bon sens.
Nous sommes prêts à discuter concrètement des moyens de renforcer le développement rural, mais nous voulons que cela marche. Pour cela, il faut d'abord se garder de mélanger les genres, en n'essayant pas de faire par ce biais une politique de cohésion, qui reste légitime sur le fond bien évidemment mais relève d'autres instruments existants et spécifiques.
Pour être efficace, il faut aussi éviter les fausses solutions, et notre expérience de la modulation nous inspire sur ce point. Il est clair par exemple que l'exigence de cofinancement pour les crédits supplémentaires destinés au deuxième pilier va peser sur les budgets nationaux, ce qui nous mène droit à l'échec. Il en va de même sans simplification réelle des règles d'utilisation de la modulation.
En conclusion, je voudrais insister sur l'état d'esprit d'ouverture dans lequel la France aborde cet examen à mi-parcours de la PAC dans la mesure où les décisions et le calendrier de Berlin seraient respectés. Parce que les enjeux sont vitaux pour nos agriculteurs et nos espaces ruraux, nous devons respecter deux règles :
La première est de procéder avec méthode. Pour cela, la Commission doit encore clarifier de nombreux points essentiels afin que le débat se déroule dans la transparence.
La seconde doit être le respect du calendrier. Certains sujets exigent du temps, je crois que c'est une règle d'or de toute vraie démocratie.
Et je dirais pour terminer que nous aurons un débat fructueux, riche et constructif à condition que les positions des uns et des autres ne soient pas opposées : n'opposons pas les agriculteurs et la société civile, comme je l'ai entendu. Nous sommes ici des représentants de la société civile.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 16 juillet 2002)
Je ne peux donc souscrire à cette démarche : on ne définit pas en quelques semaines l'avenir de la PAC, pas plus qu'on ne la change tous les trois ans.
L'ampleur des changements proposés est d'autant plus inopportune qu'elle interfère avec un autre exercice, celui engagé à l'OMC, qu'elle va rendre plus difficile pour l'Union. En effet, la proposition de découpler totalement les aides à l'agriculture risque fort de modifier de façon déterminante l'équilibre de la négociation, en affichant d'entrée ce qui correspond à une demande majeure de certains de nos partenaires. Or je rappelle que le Conseil a en novembre 2000 donné à l'unanimité un mandat à la Commission, mandat qui reste toujours valable et qui faisait des décisions prises lors de l'Agenda 2000 la base de notre position. Cette façon de s'affranchir des décisions du Conseil en le plaçant devant le fait accompli n'est pas acceptable.
Le contenu du document dont nous discutons rend en tous cas d'autant plus indispensable de bien séparer l'examen à mi-parcours et le troisième grand exercice que constitue la négociation d'élargissement, comme le souligne à juste titre le commissaire Fischler. Si nous souhaitons aboutir dans le délai prévu par notre " feuille de route " et sur lequel nous avons pris un engagement politique vis-à-vis des pays candidats, il ne peut être question de faire le lien avec un débat sur la PAC dont nous voyons qu'il va évidemment prendre, et à juste titre, du temps. De plus, il y aurait une certaine désinvolture, et même une désinvolture certaine à décider sur des sujets politiquement lourds sans permettre aux futurs Etats membres de se prononcer eux aussi, alors qu'ils sont directement concernés.
2)
Après la question du calendrier, le document de la Commission m'inspire une deuxième réserve qui tient à tout ce qu'il ne contient pas. Nos producteurs sont dans plusieurs filières confrontés à des difficultés auxquelles la Commission soit ne répond pas, soit n'évoque même pas. C'est le cas des céréales, de la viticulture, des volailles, des fruits et légumes. Dans tous ces secteurs, des problèmes concrets pèsent sur l'équilibre de nombreuses exploitations, pour lesquelles la réponse à apporter ne peut être que communautaire.
Dans le cas des céréales, il y a urgence à régler les problèmes créés par le mauvais fonctionnement de notre système de tarification, afin d'assurer le respect de la préférence communautaire. On observe le même détournement des procédures douanières pour la volaille. Sur le marché du vin, nous voyons très bien après trois ans de mise en oeuvre que les mécanismes de régulation ne fonctionnent pas et doivent être adaptés à la diversité des situations à l'intérieur de la Communauté.
Dans le secteur des fruits et légumes, la mise en place des fonds opérationnels a constitué une évolution décisive qui va dans le bon sens, mais leur fonctionnement doit être rendu plus efficace et pragmatique.
Enfin, je note qu'aucune proposition n'est faite pour conforter le rôle positif joué par les cultures riches en protéines, tant pour nos assolements que pour notre indépendance alimentaire.
L'absence de réponses suffisantes et adaptées sur tous ces sujets m'étonne d'autant plus que l'intérêt d'un examen à mi-parcours de la PAC devrait légitimement se concentrer sur de telles questions concrètes, soulevées par l'expérience acquise dans les organisations de marché. Nous avons là un domaine tout trouvé pour améliorer à court terme le fonctionnement de la PAC.
3)
Au sujet du découplage, je crois qu'il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur le fond. Trop de questions fondamentales restent sans réponse.
Quelle conséquence la suppression de l'obligation de produire va-t-elle avoir dans tous les secteurs où le revenu est fortement dépendant des aides directes, en particulier la viande bovine ? Quelle conséquence va avoir la disparition de tous les instruments de maîtrise de la production, à commencer par la jachère ou les droits à produire en matière animale ?
Quelle est la faisabilité pratique, en particulier sur la durée, d'un tel découplage, qui va créer une rente artificielle différente pour chaque hectare de terre ?
Quels sont les risques d'abandon des territoires les moins productifs, la montagne par exemple ?
Plus fondamentalement, quelle sera à terme la légitimité vis-à-vis de l'opinion publique d'aides versées sans obligation de produire ?
Le grand reproche que l'on peut faire à la Commission, c'est précisément de laisser dans l'ombre toutes ces questions essentielles. Elle fait ainsi preuve ici d'un incroyable renversement de la méthode par rapport à ce que le bon sens exige. En effet, elle nous propose un système dont nous sentons bien, et elle ne les conteste pas, que les conséquences sont énormes aussi bien sur l'avenir des filières que sur la localisation des productions et donc l'avenir des territoires et des hommes. Or, elle n'accompagne ce que tout le monde s'accorde à considérer comme une révolution d'aucune étude d'impact économique et social.
La bonne méthode eût consisté à adopter la même approche que celle utilisée à juste titre par la Commission sur le secteur du lait. Il aurait alors fallu présenter diverses options, avec pour chacune des avantages et des inconvénients, et une évaluation sérieuse de leur impact.
Il me semble indispensable que la Commission réalise préalablement cette évaluation équitable du découplage, nous propose des alternatives. C'est alors que nous pourrons commencer à débattre sur des bases sérieuses. On n'engage pas l'avenir de millions d'agriculteurs et de territoires entiers sur un fondement aussi léger. De même, je ne peux souscrire à la proposition de modulation telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui.
Si cela peut aider la Commission dans ce travail important, voici quelques questions fondamentales qu'il convient de se poser :
4)
Que l'on me comprenne bien : Contrairement à ce que certains tentent de faire croire, la France ne défend pas le maintien d'un modèle productiviste, qui a d'ailleurs été abandonné en 1992. Cessons d'agiter de vieilles lunes comme on accuse un chien d'avoir la rage pour mieux le noyer. Je tiens donc à saluer les propositions de la Commission sur les nouvelles mesures qui pourraient être inscrites dans le deuxième pilier. Elles répondent à des préoccupations que nous partageons, et nous semblent aller réellement dans le bon sens.
Nous sommes prêts à discuter concrètement des moyens de renforcer le développement rural, mais nous voulons que cela marche. Pour cela, il faut d'abord se garder de mélanger les genres, en n'essayant pas de faire par ce biais une politique de cohésion, qui reste légitime sur le fond bien évidemment mais relève d'autres instruments existants et spécifiques.
Pour être efficace, il faut aussi éviter les fausses solutions, et notre expérience de la modulation nous inspire sur ce point. Il est clair par exemple que l'exigence de cofinancement pour les crédits supplémentaires destinés au deuxième pilier va peser sur les budgets nationaux, ce qui nous mène droit à l'échec. Il en va de même sans simplification réelle des règles d'utilisation de la modulation.
En conclusion, je voudrais insister sur l'état d'esprit d'ouverture dans lequel la France aborde cet examen à mi-parcours de la PAC dans la mesure où les décisions et le calendrier de Berlin seraient respectés. Parce que les enjeux sont vitaux pour nos agriculteurs et nos espaces ruraux, nous devons respecter deux règles :
La première est de procéder avec méthode. Pour cela, la Commission doit encore clarifier de nombreux points essentiels afin que le débat se déroule dans la transparence.
La seconde doit être le respect du calendrier. Certains sujets exigent du temps, je crois que c'est une règle d'or de toute vraie démocratie.
Et je dirais pour terminer que nous aurons un débat fructueux, riche et constructif à condition que les positions des uns et des autres ne soient pas opposées : n'opposons pas les agriculteurs et la société civile, comme je l'ai entendu. Nous sommes ici des représentants de la société civile.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 16 juillet 2002)