Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur le nouvel ordre international et les moyens du ministère au service de l'action extérieure, Paris le 27 août 2002.

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Circonstance : Réunion de la Xème conférence des ambassadeurs à Paris le 27 août 2002

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Assemblée nationale
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de vous accueillir aujourd'hui en compagnie de Noëlle Lenoir, de Pierre-André Wiltzer et Renaud Muselier pour cette dixième Conférence des ambassadeurs.
En quelques années, trois ruptures successives ont bouleversé l'ordre du monde : choc de la chute du mur de Berlin et de la dislocation de l'empire communiste ; choc de la mondialisation, amplifié par la révolution des technologies de l'information ; choc enfin du 11 septembre, révélant les nouveaux gouffres : terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crime organisé, sur fond de montée du fanatisme et de l'intolérance.
Riche de possibles, de projets, d'opportunités nouvelles, notre monde apparaît aussi imprévisible, dangereux, marqué par l'urgence et l'interdépendance. Bref, un monde sans ordre mais qui aspire à en retrouver un.
Car le monde aujourd'hui est en quête de sens et de repères.
Que reste-t-il des pensées universalistes ? Le communisme a été disqualifié par le goulag et l'échec économique et social ; le libéralisme triomphant, s'il a accru la prospérité, a aussi creusé les inégalités, gaspillé les ressources naturelles et provoqué des atteintes grandissantes à notre environnement ; même l'humanisme sort éprouvé d'un siècle qui a mené la barbarie jusqu'aux bornes de l'indicible.
Nul n'élabore plus, comme au siècle des Lumières, des projets de paix perpétuelle. Nul n'ose plus imaginer, comme naguère Briand ou Wilson, de mettre la guerre hors la loi. Plus de schémas simples désormais pour maîtriser la complexité ; le temps s'accélère ; l'espace se fragmente et se démultiplie, tandis que les territoires - stratégiques, économiques, culturels - se superposent sans se recouvrir. Partout, à la faveur de la globalisation, les frontières entre le dehors et le dedans s'atténuent, comme s'estompe aussi la distinction entre politique intérieure et politique étrangère.
Dans ce contexte, les plaies anciennes demeurent : la pauvreté et la faim, les épidémies, la destruction de l'environnement, les conflits régionaux. Ces fléaux ne s'apaisent que rarement ; trop souvent ils redoublent d'intensité.
Le spectre de la famine continue de planer sur l'Afrique, du Biafra au Karamoja, de la Corne au Sud du continent, où quelque 13 millions de personnes sont aujourd'hui touchées. Les disparités de développement atteignent des niveaux insupportables : en Afghanistan, un bébé sur quatre n'atteint pas l'âge de cinq ans.
Après la peste au Moyen Age, la syphilis à la Renaissance et le choléra au XIXème siècle, c'est la pandémie du sida qui, bien que contenue dans les pays riches, poursuit son hécatombe dans le tiers-monde : en Afrique sub-saharienne, 11 millions d'enfants ont été privés de leurs parents par cette maladie ; sur 28,5 millions de personnes touchées, moins de 30.000 ont reçu un traitement adapté.
Les atteintes à l'environnement, elles, n'ont cessé de s'aggraver depuis qu'en 1873, 700 personnes succombèrent en une semaine au "smog" londonien. A côté du risque technologique - de Seveso à Bhopal et Tchernobyl - apparaissent des menaces globales, à l'image du réchauffement climatique ou de la déforestation, et d'autres plus diffuses, comme celles qui pèsent sur l'alimentation.
Les crises financières, également, qui n'ont rien perdu de leur soudaineté depuis la banqueroute de Law et la crise de 1929, demeurent redoutables. Malgré les efforts de coopération, notre économie mondialisée manque de mécanismes de régulation à sa mesure : après les turbulences asiatiques, on le constate aujourd'hui encore en Amérique du Sud, secouée par la crise argentine. Les récents scandales financiers aux Etats-Unis ne font qu'accroître les doutes sur la stabilité du système économique international.
Enfin, le globe reste troué de plaies vives, traversé de crises qui s'éternisent au Proche-Orient, au Cachemire ou dans la région des Grands Lacs.
A ces données anciennes, se superposent désormais de nouvelles menaces que nourrit l'instabilité du monde : le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, le crime organisé. Elles font émerger de nouveaux acteurs qui profitent des lacunes de l'ordre mondial, qu'ils soient Etats, mafias, groupes terroristes. Le mouvement leur est propice ; le réseau, nouvelle loi du monde, leur est familier. La route de la soie des temps anciens est devenue un lacis de chemins ouverts : routes du commerce, voies de l'information, des migrations, mais aussi de la drogue, du trafic d'armes, du terrorisme. Enfin, l'économie mondialisée, pauvre de règles et de gendarmes, leur fournit de multiples points d'entrée.
Ce nouveau système, complexe, dangereux, instable, ne connaît aujourd'hui qu'une loi : celle de l'interdépendance.
Les échanges commerciaux sont plus fluides et plus intenses, les innovations se diffusent rapidement, les informations, les idées circulent plus librement.
Mais si elle crée les conditions d'une plus grande prospérité, la mondialisation est aussi celle de l'injustice et de la violence.
De même que, selon les mathématiciens, le battement d'une aile de papillon en Asie peut être à l'origine d'une tempête en mer d'Irlande, un événement passé inaperçu peut produire, à des dizaines de milliers de kilomètres, un effet dévastateur. Des crises locales connaissent un retentissement mondial. Je pense par exemple à la tension entre l'Inde et le Pakistan, dont chacun mesure les implications pour la sécurité régionale et internationale. Il n'est plus possible de se voiler la face devant tel ou tel foyer de désordre, en se berçant de l'illusion rassurante que nous ne sommes pas concernés.
Désormais, le monde brasse le monde. Des mouvements souterrains agitent de vastes plaques tectoniques qui tremblent et se fissurent à leur périphérie. Les causalités sont plus obscures, plus indirectes, plus lointaines. Les crises localisées servent de voies de pénétration au désordre global. Le réseau toujours plus dense d'interconnexions qui parcourt la planète est propice à de surprenants courts-circuits de l'espace et du temps. N'apprend-on pas aujourd'hui que les groupes armés colombiens ont bénéficié de l'expérience acquise par l'armée républicaine irlandaise, ou que la préparation des attentats du 11 septembre s'est déroulée aussi bien dans les montagnes de l'Afghanistan que dans plusieurs pays d'Europe et aux Etats-Unis ?
Depuis longtemps déjà nous pressentions cette interdépendance accrue. Voici cinq cents ans que les humanistes se disent "citoyens du monde". Voici plus de trente ans que les premières photographies prises de l'espace nous ont permis de contempler à distance notre planète.
A plusieurs reprises, au fil des siècles, le destin a fait signe au monde et multiplié les sommations : occasion de l'humanisme, entrevue à la Renaissance avec la découverte de l'Amérique, perdue dans la brutalité de la conquête et les déchirements des querelles religieuses ; occasion des Lumières, ambition du XVIIIème siècle ruinée par l'antagonisme des nationalités ; occasion enfin de la paix, au lendemain des deux guerres mondiales, brisée par la montée des totalitarismes et l'affrontement des blocs.
La mondialisation aujourd'hui nous offre une nouvelle chance. Avec le développement durable, émerge la notion essentielle de "biens publics mondiaux". L'humanité se découvre un patrimoine commun, pressent une responsabilité partagée, entrevoit, pour la première fois, qu'entre les hommes, entre les Etats, entre les différents acteurs de la société internationale, se forge une véritable communauté de destin.
A l'heure d'internet et de la mondialisation, l'histoire s'écrit sur un livre global. De formidables aventures se construisent, de Mère Teresa dans les bidonvilles de Calcutta à Jody Williams, cheville ouvrière de la campagne internationale pour l'interdiction des mines antipersonnel, en passant par Médecins sans frontières et tous les pionniers de l'humanitaire, incarnant un nouvel engagement au service des plus démunis.
Mais la communauté mondiale se fonde aussi dans la crise, dans la peur, dans l'angoisse. Face à l'urgence du terrorisme, pour la première fois, le monde se sent un devoir commun. Aucun Etat, aucun territoire ne peut se croire hors d'atteinte d'un fléau qui conjugue archaïsme et haute technologie pour déjouer nos défenses. Dans notre village global, si nous n'y prenons garde, nous pouvons tous devenir ses otages. Seule une réponse coordonnée est à la hauteur de l'enjeu. L'intérêt de chacun rejoint désormais l'intérêt de tous.
C'est pourquoi notre époque troublée recèle une chance unique, une occasion exceptionnelle de jeter les bases du système international du XXIème siècle.
Il est clair en effet qu'à l'urgence de l'heure comme à l'ensemble des problèmes soulevés par le monde globalisé, les voies traditionnelles de la diplomatie n'offrent que des réponses partielles.
Les grandes questions horizontales comme la protection de l'environnement, l'aide au développement, le progrès social, l'alimentation, qui constituent le développement durable, sont le plus souvent abordées dans des conférences mondiales. Si elles contribuent à la prise de conscience, leurs résultats s'avèrent parfois décevants, sources de malentendus et de confrontation. Ces rendez-vous doivent évoluer pour atteindre leurs objectifs.
Dans le domaine de la défense, les alliances militaires traditionnelles tendent à faire place à des coalitions plus rapides et plus souples ; elles permettent de traiter en urgence une crise, mais sont-elles en mesure d'apporter des réponses durables ?
De grands ensembles régionaux émergent et tentent de s'organiser. Même le plus intégré d'entre eux, l'Union européenne, confronté à l'élargissement le plus important de son histoire, se doit de repenser ses ambitions et son organisation pour préserver et renforcer son efficacité et son poids dans le monde.
Avec leurs pesanteurs, leurs lenteurs, leurs précautions, les voies traditionnelles de la diplomatie peuvent parfois sembler décourageantes. Risque alors de se faire jour la tentation de la fuite en avant, dans l'espoir illusoire de ressaisir le monde en appliquant les solutions du passé. Le danger est pourtant de ne faire qu'aggraver les maux auxquels on cherche à porter remède.
Hier, la force l'emportait : elle pouvait assujettir des peuples, contrôler des territoires, s'approprier leurs ressources, imposer un ordre. La Pythie de Delphes s'inclinait devant Alexandre comme le pape ployait devant Napoléon. Les empires du Nouveau Monde tombaient sous l'assaut des conquistadores, tout comme Rome avait cédé jadis au glaive d'Alaric.
Mais aujourd'hui la force seule apparaît bien souvent comme une force vaine. Dans un environnement complexe, où tout se tient, tout interagit, où les Etats ne sont plus seuls, un monde plus sûr ne peut être qu'un monde en paix. Dans une société internationale qui, de plus en plus, forme une véritable communauté, son usage doit intégrer les nouvelles exigences de la démocratie, de la liberté, du respect du droit. Dans des sociétés ouvertes, l'ambition d'un contrôle total apparaît de plus en plus comme une illusion aussi coûteuse que dangereuse. La puissance coule désormais par les canaux de l'influence plutôt que par ceux de l'autorité.
De fait, c'est une véritable révolution de la puissance qui s'accomplit sous nos yeux. Certes, le potentiel militaire demeure un élément essentiel. Pourtant, les données de la stratégie sont entièrement renouvelées. Il s'agit de moins en moins de défendre des frontières, de plus en plus de faire face à des menaces mobiles ou invisibles, ou encore d'avoir la capacité de projeter ses forces sur des théâtres lointains. Les terroristes se rient de l'arme atomique, mais nous tremblons qu'ils ne la retournent contre nous. Les systèmes techniques les plus sophistiqués s'avèrent impuissants face aux bombes humaines.
Le 11 septembre l'a cruellement démontré : le danger est devenu imprévisible et les conflits, asymétriques. Le faible peut faire chanceler le fort en s'insinuant dans les interstices de la puissance. Quand de jeunes pirates informatiques parviennent à s'introduire dans les ordinateurs du Pentagone ou de la NASA, ne doit-on pas redouter une apocalypse virtuelle ? Demain, sans doute, la guerre montrera de nouveaux visages, investira de nouveaux champs, brandira de nouvelles armes.
Il faut bien plus que la force pour maîtriser le monde d'aujourd'hui. Ce n'est donc pas d'un excès de puissance que nous souffrons. Le danger est bien plus redoutable : c'est le vide de la puissance.
La puissance ne se réduit plus à des alignements d'hommes, de canons ou d'usines, ni même de laboratoires ou de prix Nobel. La véritable puissance, désormais, est ce qui crée de l'ordre et donne du sens. Elle est ce qui résiste à la désorganisation, aux dérèglements et aux troubles. Bref, elle doit être cette conscience qui, à travers une force de conviction, d'exemple et d'influence, est capable de porter remède aux difficultés du monde.
Sur ces bases nouvelles, le système international doit se recomposer.
Au XIXème siècle, il s'était organisé sur le modèle du concert des puissances qu'illustra la diplomatie du Congrès de Vienne, celle de Metternich et de Talleyrand. Dans l'entre-deux-guerres, on vit progresser l'idéalisme auquel est resté attaché le nom du président Wilson. Après 1945, nous avons eu la diplomatie des deux grands blocs et de l'affrontement Est-Ouest. Ce modèle à son tour a disparu en même temps que le mur de Berlin. Il est clair qu'il n'a pas encore été remplacé.
Le système international superpose aujourd'hui les héritages des siècles passés. Du XIXème siècle, nous conservons en partie le jeu classique de la puissance assis, depuis les traités de Westphalie de 1648, sur les rapports de force et l'équilibre des Etats-nations souverains. Le XXème siècle nous a légué les grandes institutions multilatérales qui forment le système onusien.
Il reste à imaginer un nouveau modèle qui réponde aux défis de notre temps ainsi qu'aux données actuelles de la puissance. Dans cette configuration, l'Etat-nation conservera une place essentielle.
L'échelon régional s'affirmera. L'expérience remarquable encourageante de l'Afrique vient confirmer sur ce point les leçons de l'Europe. On le voit aujourd'hui en République démocratique du Congo, mais aussi avec les trois Etats de la rivière Mano ou encore au Soudan : la prise de conscience régionale est la meilleure alliée de la paix et de la sécurité. Cela vaut également au Proche-Orient. Même si la situation peut paraître très noire, l'initiative de paix saoudienne, reprise au Sommet de Beyrouth de la Ligue arabe, crée une donnée nouvelle. Confronté à la question de l'avenir de la région, l'Etat d'Israël ne peut lui-même que constater les limites de toute réponse unilatérale.
Au-delà des ensembles régionaux, émergeront les nouvelles formes de gouvernance mondiale qu'appellent les enjeux globaux, qu'ils soient d'ordre économique, social, environnemental, culturel ou éthique.
Les acteurs non étatiques recevront enfin une place à la mesure de la position désormais incontournable qu'ils occupent sur la nouvelle scène internationale.
Il est encore trop tôt pour dessiner la physionomie exacte de cet ordre international en devenir. Nous ne la découvrirons que dans le mouvement. Le rôle des institutions multilatérales sera certainement accru. Sans doute une part sera-t-elle faite également à des mécanismes plus informels, ménageant des formules plus légères et plus souples de coopération, à l'image du groupe de contact dans les Balkans, du quartet au Proche-Orient ou du G8 pour les affaires économiques globales. Sans doute aussi verra-t-on se dessiner des modalités nouvelles, à l'image de celles que l'Union européenne invente au fur et à mesure de son développement.
Mais si les formes du système à venir sont encore incertaines, nous pouvons d'ores et déjà avancer les principes généraux dont il devra s'inspirer.
Ces principes nous sont familiers. Ils ne sont autres que ceux de la démocratie et de l'état de droit.
Alors que la société internationale doit devenir une véritable communauté, comment pourrions-nous lui refuser les préceptes essentiels de nos communautés nationales ? Nul ne peut se satisfaire de la "realpolitik" et de la loi du plus fort. Il y va de la crédibilité même de nos démocraties, même s'il ne saurait s'agir de transposer, à l'échelon mondial, tel ou tel modèle existant.
Cette exigence démocratique qu'il nous appartient d'insuffler à la communauté mondiale dicte un triple impératif : de partage, de légitimité, de justice.
L'impératif de partage s'impose dans un monde interdépendant, dans lequel chacun, à son niveau et en fonction de ses moyens, peut apporter une contribution unique à la construction de la paix et de la stabilité.
Pendant longtemps, la puissance s'est exercée en contrepartie d'une protection accordée à des vassaux, des protégés ou des alliés. Mais dans notre monde, toute puissance globale risque de s'exposer en retour à des menaces asymétriques. Ceux qui refusent les règles du jeu et s'insinuent dans les failles du système s'arrogent une capacité de déstabilisation inattendue. Un cercle vicieux s'enclenche : l'excès de puissance corrode la puissance.
La nouvelle contrepartie de la puissance, son antidote, la clef d'un nouveau cercle vertueux, résident désormais dans le partage : partage de la sécurité, partage de la solidarité, partage de la culture.
Chacun a donc le devoir de faire entendre sa voix et le droit d'être écouté. Dans ce contexte, l'Amérique et l'Europe ont l'une et l'autre des responsabilités particulières. Entre elles, existent naturellement des convergences, qui tiennent notamment aux liens de l'histoire et à la force des valeurs communes de liberté, de démocratie, de respect du droit.
Mais ces convergences ménagent également de larges complémentarités. Les Etats-Unis possèdent un dynamisme, une énergie, une ardeur exceptionnels. L'Europe, elle, est riche d'une expérience et d'une diversité uniques. Au travers d'une histoire souvent douloureuse, elle a appris que s'il faut lutter de toutes ses forces contre la barbarie, l'on doit aussi exorciser les démons tapis dans le cur de chacun d'entre nous pour s'ouvrir à la différence, à l'Autre. Pour partager le fardeau des défis qu'il lui faut relever, le monde a donc besoin à la fois d'une Amérique et d'une Europe fortes et responsables, unies au sein d'un nouveau partenariat euro-atlantique. Il a besoin aussi de pôles de stabilité, d'identité et de responsabilité, qu'il s'agisse de la Russie, de la Chine, du Japon, de l'Inde ou des autres puissances qui doivent jouer tout leur rôle sur la scène mondiale.
Le deuxième impératif est celui de la légitimité. Les règles démocratiques ont précisément pour objet de réaliser l'alchimie unique par laquelle la force se transforme en droit.
Qui ne voit aujourd'hui que cette légitimité est indispensable à une action contre le terrorisme ? Celle-ci ne peut en effet se borner à trancher une tête qui, telle celle de l'hydre de Lerne, repousserait et se multiplierait. L'exigence démocratique, loin d'être une entrave à l'action, la facilite et la renforce.
Elle s'impose de la même manière dans l'indispensable lutte contre la prolifération des armes de destruction massive qu'il faut mener sans faiblesse. La communauté internationale se trouve toujours confrontée au problème de l'Iraq, ou plutôt d'un régime qui, depuis des années, défie les règles internationales fixées par le Conseil de sécurité des Nations unies, prend son peuple en otage et fait peser une menace sur la sécurité, notamment celle de ses voisins. Une telle attitude n'est pas acceptable. Nous, Européens, savons trop le prix de la faiblesse face aux dictatures pour fermer les yeux et accepter d'entrer dans le jeu de la passivité. Nous devons donc maintenir avec la plus grande fermeté notre exigence d'un retour sans condition des inspecteurs de l'ONU.
Mais, à défaut d'obtenir pleine satisfaction sur ce point, les mesures à prendre doivent être arrêtées par la communauté internationale, selon un processus collectif, et dans le respect de procédures plaçant chacun face à ses responsabilités. Dans cet esprit, aucune action militaire ne peut être conduite sans une décision du Conseil de sécurité. C'est un principe auquel la France ne saurait déroger. En tout état de cause, nous devons rester fidèles à notre objectif et notre intérêt communs : l'amélioration de la situation humanitaire et la sécurité régionale grâce à la reprise du contrôle des armements de l'Iraq.
Le choix de la concertation éclaire et renforce la décision par la collégialité et la transparence. Il évite de donner prise au soupçon ou au procès d'intention. Il est également le gage d'un processus d'apprentissage et de partage de la responsabilité. Il ne suffit pas en effet d'aller d'une urgence à une autre, au gré des événements et des crises. Il faut, dans les trous noirs et les zones grises du monde, cultiver les embryons d'organisation, tisser patiemment les fils de l'échange pour introduire plus de stabilité. Cela suppose une ambition et un engagement durable partout où il faut reconstruire, dans les Balkans comme en Afghanistan. La même exigence s'impose pour faire progresser, avec patience et ténacité, le respect des Droits de l'Homme, à travers notamment notre soutien à la Cour pénale internationale et à l'action de la Commission des Droits de l'Homme de Genève.
L'idéal démocratique dessine enfin un impératif de justice.
Je ne suis pas de ceux qui croient que la démocratie peut se réduire à ses formes. Elle est porteuse à mes yeux d'une exigence de fraternité qui réchauffe la puissance, donne un sens à la force et assure la cohésion de la communauté. C'est là l'héritage des peuples de l'Europe : l'idéal d'une démocratie sociale, forgé dans la prospérité comme dans les épreuves. Allié à l'idéal américain d'une démocratie de liberté, il forme le bien commun du monde occidental.
Cet idéal vaut aussi pour la communauté internationale que nous devons organiser. C'est pourquoi il est indispensable d'ouvrir résolument les grands chantiers trop longtemps différés de la pauvreté, de la maladie, de la destruction de l'environnement, des crises financières et des conflits régionaux.
Car ces plaies ouvertes risquent en permanence de s'aviver davantage, voire de gangrener notre monde. Nous ne pouvons accepter qu'un fléau comme le sida ravage l'Afrique quand des médicaments efficaces et accessibles existent. Nous ne pouvons tolérer que des enfants meurent de faim quand nous croulons sous les surplus de nourriture. Nous ne pouvons accepter de laisser se poursuivre la dérive actuelle d'un prélèvement sur les ressources naturelles, supérieur aux capacités de reconstitution de la planète. Nous ne pouvons laisser s'éterniser des crises sanglantes quand les principes propres à les résoudre sont connus de tous.
Si la générosité ne suffit pas à en convaincre le monde occidental, qu'il considère alors son intérêt. Car ces tragédies sont autant de points d'appui pour les fauteurs de trouble, de portes d'entrée pour le désordre, d'opportunités pour le terrorisme. Faute d'y porter remède, nos tentatives pour donner au monde plus de sécurité risquent d'être notre rocher de Sisyphe. L'exigence d'action, qui s'impose à nous, constitue la seule vraie réponse à cette situation dramatique où l'indifférence et l'égoïsme des pays nantis attisent le sentiment d'injustice durement ressenti par les nations du sud et encouragent de part et d'autre la tentation funeste du repli sur soi.
Face à tous ces défis, quelle ambition pour la France ?
Nous avons à faire vivre à la fois notre héritage et notre vision, en portant une exigence de lucidité, d'imagination, de solidarité et d'action.
Forte de sa mémoire, la France a, tout d'abord, un devoir de lucidité.
Les légistes royaux nous ont légué la notion d'intérêt général ; la Révolution a proclamé l'idéal des Droits de l'Homme ; Robert Schuman, Jean Monnet ont fondé le rêve européen : depuis toujours, notre pays a vocation à l'universel, à la défense de valeurs aujourd'hui essentielles à la paix et à la stabilité du monde.
Hantés par des siècles de guerres fratricides, par deux guerres mondiales autodestructrices, nous avons su tirer les leçons de ces drames en créant une Europe unie. En son sein, des pays qui, trop souvent, avaient connu la guerre, telles la France et l'Allemagne, entretiennent désormais des relations d'amitié profonde et sincère. Leur cohésion engendre une stabilité qui s'étend à tout un continent. Cette expérience unique nous a enseigné à quel point l'émergence d'ensembles régionaux forts est un facteur de stabilité et de paix. A nous d'approfondir cet exemple en renforçant et en développant la cohésion de l'Europe. Nous devons aujourd'hui donner un nouvel élan à la construction européenne, selon les perspectives tracées par le président de la République dans son discours de Strasbourg du 6 mars dernier.
La France a, ensuite, un devoir d'imagination qu'elle doit mettre au service de cette ambition. Notre pays a été l'un des inventeurs de l'Europe. Pour en rester l'un des moteurs, il doit faire preuve de vision et de volonté. L'élargissement sans précédent de l'Union, avec l'arrivée de dix nouveaux membres, est un immense pari. Nous ne le gagnerons qu'en mettant en place les moyens d'une vraie direction politique, capable de donner à l'Europe une ambition porteuse d'influence et d'action.
C'est pourquoi nous proposons notamment la désignation d'un président du Conseil européen incarnant dans la durée cette nouvelle volonté. Il faut réformer les institutions européennes dans une double perspective : une efficacité accrue si nous voulons être encore capables d'agir à 25 comme nous avons su le faire lorsque nous étions 6, 10 ou 15 ; mais aussi davantage de démocratie dans un dispositif plus simple, plus transparent et plus légitime pour donner aux citoyens de l'Europe le sentiment que cette action collective se fait avec eux.
Tel est l'enjeu fondamental de la Convention sur l'avenir de l'Europe, qui doit déboucher, à l'horizon 2004, sur un texte de portée constitutionnelle. Pour que cette convention parvienne à des conclusions porteuses d'avenir, notre pays doit y prendre une part active et faire des propositions qui aillent au coeur des difficultés actuelles. Il s'agit d'abord de maintenir l'équilibre entre les trois institutions politiques - Conseil, Commission et Parlement - tout en renforçant leur capacité d'action réciproque. Il faut ensuite assurer à l'Europe davantage d'unité dans les trois domaines où elle doit aujourd'hui montrer qu'elle peut agir avec efficacité : la politique économique et monétaire, pour gérer au mieux notre monnaie unique ; la diplomatie et la défense, pour que les Européens puissent peser sur les affaires du monde, notamment grâce à la possession de moyens militaires suffisants ; la justice et la police, pour permettre à nos pays de faire face à l'immigration illégale ou aux réseaux du crime organisé. Enfin, ce système institutionnel doit être soumis à un réel contrôle démocratique, à commencer par celui des parlements nationaux trop souvent ignorés dans ce domaine.
Donner à l'Union l'identité dont elle a besoin pour peser sur les affaires du monde, loin d'affaiblir l'expression de notre identité nationale, en sera au contraire le démultiplicateur. Pour cela, dans le cadre tracé par le président de la République, le couple franco-allemand doit retrouver sa dynamique et son rôle de moteur, à la hauteur des défis de son temps. Le Traité de l'Elysée de 1963 a ouvert une période de rapprochement et de coopération sans précédent entre nos deux pays. A nous de retrouver ce même élan pour dépasser ce qui peut encore nous séparer et définir ensemble une vision commune de l'avenir de l'Europe. Ce sont les initiatives de nos deux pays qui ont lancé Schengen ou la monnaie unique ; demain, ce sont elles qui peuvent donner à l'Union élargie des assises fortes et lui permettre de trouver la voie originale entre les modèles fédéral et intergouvernemental. Cette ligne de crête, sachons la nourrir de l'expérience acquise par plus de quarante ans de construction européenne et par une ambition forte qui reste la marque de la démarche franco-allemande.
Cet élan doit se développer en étroite relation avec nos autres partenaires européens et nous avons déjà montré que notre pays était capable de lancer des initiatives majeures avec eux, comme nous l'avons fait à Saint-Malo avec le Royaume-Uni. Car l'Europe, continent promontoire, au carrefour de plusieurs mondes, est riche de la diversité des sensibilités et des visions qu'elle rassemble, depuis l'ouverture britannique sur l'espace atlantique jusqu'à l'ancrage continental des Etats de la nouvelle Europe en passant par l'inspiration originale des pays du Nord et par l'enracinement au sein du monde méditerranéen des nations du Sud du continent.
L'Europe est un formidable laboratoire de partage, de mise en commun des souverainetés, une entreprise sans précédent, fondée sur la négociation, la force des traités, le respect des autres. Autant de valeurs que nous, Européens, devons porter au service d'un ordre mondial reposant sur l'application de règles valables pour tous.
La France a également un devoir de solidarité qu'elle exprimera avec force à Johannesburg par la présence du président de la République, convaincus que nous sommes que la mondialisation de l'économie exige la mondialisation de la solidarité.
Lors des dernières années, notre effort d'aide au développement n'a pas été à la hauteur de l'enjeu. Nous allons combler le retard accumulé en l'augmentant de 50 % sur les cinq ans à venir.
Vis-à-vis de l'Afrique, ce devoir de solidarité - faut-il le rappeler ? - n'est pas un fardeau : il est notre vocation et une chance pour l'avenir. Sanctuaire de biens mondiaux essentiels - l'eau, l'espace, l'air - l'Afrique porte en elle des trésors de sagesse et de mémoire, qu'il s'agisse du respect dû aux aînés, de l'importance de l'enracinement et des solidarités, d'une autre perception du temps ou de la parole. Elle a beaucoup à enseigner à notre civilisation étourdie de modernité. C'est donc dans une logique de respect, de partage et d'échange que nous devons nous tourner vers elle.
Des liens profonds nous unissent. Après le lourd tribut payé par les bataillons africains à la Première guerre mondiale, c'est en s'appuyant sur l'Afrique, secondant la détermination de Félix Eboué, que la Résistance a pu entreprendre la reconquête de l'honneur de la France. C'est la France qui, par la politique de coopération voulue par le général de Gaulle, a su refonder ses liens avec des peuples amis.
Cet héritage partagé exige de notre part une solidarité sans faille dans les épreuves que l'Afrique traverse. Elle compte sur nous, au moment où elle est en train de définir sa propre organisation régionale, avec l'Union africaine, et ses règles du jeu économiques, avec le NEPAD. Notre rôle est de l'épauler dans ces projets et d'en être l'avocat auprès de la communauté internationale.
La France a, enfin, un devoir d'efficacité. Il s'agit de mettre à profit notre culture du dialogue et de l'ouverture pour avancer, imaginer, bâtir.
Notre diplomatie a longtemps oscillé entre la conquête et le repli sur l'Hexagone. La singularité française s'est ensuite affirmée, selon le dessein du général de Gaulle, pour porter haut la voix de la France et dépasser la logique des blocs. Aujourd'hui, dans le désordre du monde, il faut d'abord chercher à dessiner un chemin, en affirmant la vocation universaliste et humaniste d'un pays traversé d'influences multiples, riche d'une diversité constamment renouvelée, des solidarités profondes qui unissent l'espace francophone.
Il faut à la fois valoriser nos convergences avec nos partenaires, et mieux exploiter nos complémentarités. C'est ce que nous tentons par exemple de mettre en uvre au Proche-Orient où un consensus se dessine en vue de la création rapide d'un Etat palestinien capable de vivre en paix aux côtés de l'Etat d'Israël. Chacun peut constater à quel point il serait vain d'espérer la sécurité sans la paix. Aujourd'hui, le projet d'une conférence internationale soigneusement préparée pourrait créer l'élan indispensable à la relance du processus de paix.
Face à la révolution du monde, il faut sans relâche prendre l'initiative. Ceci vaut tout particulièrement pour l'organisation et le fonctionnement de notre ministère.
Nous ne devons jamais perdre de vue que c'est au service de la France et des Français que nous travaillons, à la fois pour défendre leurs intérêts, pour assurer leur sécurité - je pense particulièrement à nos compatriotes établis hors de France - mais aussi pour promouvoir une certaine idée de notre pays et contribuer à son rayonnement.
Nous devons donc nous donner les moyens de renforcer l'efficacité de notre administration. Pour préserver la vision stratégique qui doit guider notre action extérieure, le ministère des Affaires étrangères doit devenir le centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de l'Etat.
Ce souci de donner au Département tout son rôle interministériel exigera de nous un esprit de réforme rigoureux et persévérant.
Il nous revient de porter un projet exemplaire dans le sens de la réforme de l'Etat, conformément à la volonté exprimée par le président de la République et par le Premier ministre. Je souhaite que le Département devienne une administration-pilote dans ce grand chantier.
L'expérience budgétaire nous démontre qu'il est indispensable d'avoir une vision fondée sur une approche large, englobant l'ensemble des services de l'Etat. Nous devons affirmer une authentique unité d'action. Cet objectif est primordial ; il implique que les ambassadeurs assument pleinement leur fonction de chefs de l'administration française à l'étranger. C'est en somme s'engager dans la mise en uvre effective du décret de 1979.
Cette réforme nous mobilisera tous au cours des prochains mois. Je souhaite à ce stade vous en tracer les grandes lignes et vous assurer de ma détermination à faire avancer ces projets indispensables pour moderniser notre appareil diplomatique.
D'abord, il faut rationaliser le réseau extérieur de l'Etat. Cela réclame de préparer l'intégration au sein de nos ambassades de l'ensemble des services. Nous disposons aujourd'hui de 268 ambassades, représentations permanentes et consulats à l'étranger ; les autres administrations ont, pour leur part, 438 implantations. Tout ceci ne va pas sans surcoûts et dysfonctionnements : sept ou huit services de gestion différents, autant de systèmes informatiques, des modalités hétérogènes de gestion du personnel ou du budget, des locaux dispersés, au mépris de tous les impératifs de sécurité
Cet émiettement de notre représentation nationale à l'étranger n'est pas sain ; il va à l'encontre de nos intérêts ; il nuit à notre crédibilité. Une unité de direction, de cadre, bref, d'action est indispensable.
Pour produire tous ses fruits, cette réforme doit se fixer des objectifs ambitieux : une enveloppe unique de fonctionnement par poste, une gestion unifiée du personnel et de la logistique, des comités de gestion rénovés, la recherche d'une unité d'implantation des services.
En contrepartie, nous devrons nous ouvrir à des fonctionnaires issus d'autres administrations, faire place à toutes les sensibilités, à toutes les problématiques. Riche d'autres apports, de nouvelles expériences, notre ministère sera plus dynamique. A la pointe de la réforme de l'Etat, il accroîtra sa légitimité et ses moyens d'action.
Il faudra ensuite adapter notre réseau diplomatique et consulaire aux nouvelles réalités de la vie internationale. Ainsi, nos ambassades au sein de l'Union européenne s'interrogent souvent sur leur raison d'être et leur valeur ajoutée par rapport aux négociations menées dans le cadre communautaire. Je souhaite les placer à l'avant-garde de la modernisation de notre administration. Elles devront expérimenter en grandeur réelle, avant leur généralisation, les réformes de notre réseau diplomatique. Il faut également aller vers un renforcement de leur fonction interministérielle, par exemple en s'inspirant de notre représentation permanente à Bruxelles.
La réflexion concernant l'adaptation de notre dispositif consulaire en Europe est déjà bien avancée. Il est temps à présent de passer à la mise en uvre, en centralisant certaines fonctions consulaires sur un seul poste par pays là où c'est possible. Il faudra aller au-delà en approfondissant les réflexions engagées en vue d'un transfert aux autorités des autres Etats membres de certaines tâches actuellement effectuées par nos consulats au profit de nos ressortissants.
Nous devrons également traduire au niveau de nos structures le poids grandissant de l'échelon régional, en explorant à fond le concept d'ambassades régionales afin d'en apprécier l'opportunité de principe, les avantages et les limites. Pour mieux nous adapter au mouvement du monde, il faut également constituer des équipes d'agents très mobiles pour assurer un renfort temporaire sur tel ou tel de nos postes en fonction de la conjoncture internationale.
Dans un monde où l'identité constitue un enjeu crucial, la dimension culturelle de notre action diplomatique constitue une priorité. Les structures de notre réseau culturel, je l'ai dit le 18 juillet dernier, devront être rationalisées pour qu'à terme ne subsiste plus qu'une seule forme d'"institut français". Dans un souci d'ouverture, d'initiative et de responsabilité, ceux-ci se verront doter d'une large autonomie financière. Afin de mieux faire entendre notre voix, la mise en uvre d'une chaîne française d'information internationale sera, par ailleurs, une priorité, conformément à la volonté du président de la République.
Enfin, notre ministère doit se préparer aux nouveaux outils de la gestion publique. Cela implique une meilleure articulation entre les fonctions de conception et d'exécution, un effort accru de déconcentration ainsi qu'une véritable culture de l'évaluation. Mais cette évolution appelle aussi des progrès significatifs pour simplifier les modalités du contrôle financier, pour mettre en place la budgétisation des dépenses de personnel ou encore pour développer de nouvelles règles de contrôle de gestion en liaison avec la clarification des missions du Département.
Cette réforme ne réussira qu'en s'inscrivant dans un calendrier ambitieux. Le comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat devrait être relancé très rapidement, de manière à ce que la loi de finances 2004 intègre un plan de réaménagement d'ensemble, augmentant notre efficacité et permettant des économies pour l'Etat, en commençant par la rationalisation de notre dispositif diplomatique en Europe.
Mesdames, Messieurs,
Le monde bouillonne de projets, d'innovations, d'opportunités. Mais il a aussi sa face d'ombre. Comme les déserts gagnent sur les terres fertiles, les zones grises semblent s'étendre. Les réseaux terroristes ou mafieux pénètrent au cur de nos métropoles et dans notre tissu économique. Le désordre se répand de manière tantôt brutale, tantôt insidieuse.
Renoncera-t-on à le maîtriser, au risque de laisser dégénérer les crises ? Va-t-on faire cavalier seul, quitte à focaliser les oppositions et les ressentiments ? Laissera-t-on, par orgueil, par ignorance ou par mépris, la discorde s'installer ? C'est la vocation de l'Europe d'aider à la cicatrisation de tels malentendus et à l'échange entre les pays, entre les peuples, entre les cultures. La voie que nous voulons tracer passe par l'acceptation d'une co-responsabilité dans le règlement des crises ; elle passe aussi par la promotion de l'exigence démocratique dont nous sommes porteurs.
Le nouveau monde est en constant changement. Rien n'est écrit d'avance. Tout est possible. C'est notre chance, et cela trace le sens de notre responsabilité. Une nouvelle page s'ouvre pour notre diplomatie. C'est notre honneur, et c'est notre devoir, de l'écrire ensemble.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2002)