Texte intégral
Chers amis, chers camarades,
Chaque année, c'est toujours un moment singulier de parcourir la fête en construction. Je parle d'un moment singulier parce que c'est à la fois un recommencement qui nous demande à tous et toutes ici un investissement fort, et une nouveauté de par l'enracinement de la Fête de l'Humanité dans l'actualité et dans la réalité de notre monde. Cet enracinement, c'est aussi celui de l'Huma, qui chaque jour, porte son regard sur la société. Le journal a repris des forces, il nous est, il est à beaucoup de ceux et celles qui agissent, d'un apport essentiel pour mener le combat politique pour une société qui respecte les individus et notre planète.
L'an passé, après les tragiques événements du 11 septembre, la fête nous a permis de nous interroger sur l'état du monde, d'échanger, et de mieux nous engager pour une autre mondialisation.
Cette année, la Fête est de nouveau un rendez-vous vital. Parce que durant l'année qui vient de s'écouler, nous avons connu un séisme démocratique, un séisme particulier pour notre parti parce que nous avons parfois le sentiment de ne pas être audibles, condition pour ceux et celles pour qui pourtant nous agissons, car les dérives du monde parfois nous laissent démunis, car pourtant, au milieu de tout cela, il y a du positif, du neuf prêt à se déployer : la fête doit permettre de contribuer aux mobilisations pour mettre en échec les projets destructeurs de la droite. Elle doit nous permettre de nous retrouver, pour débattre, confronter sur ce qui s'est passé ces dernières années, et construire une perspective avec tous ceux et toutes celles qui ne se résignent pas et qui restent en espérance d'une visée émancipatrice.
Avec elles, avec eux, tout au long de la Fête de l'Humanité, nous allons donner un signe fort car la fraternité qui y prend corps donne envie de se battre et d'inventer ; et nous en avons besoin.
Il n'est pas un homme ou une femme de progrès qui ne s'interroge en cette rentrée sur les conséquences de la nouvelle situation politique que connaît notre peuple, sur les moyens de résister et de lutter contre les très graves projets de la droite, sur les conditions d'une véritable alternative de transformation sociale. Et il n'est pas un communiste qui ne se pose la question de l'existence même de son parti comme une force politique capable d'animer cette perspective.
Ces interrogations, ces doutes, ces inquiétudes sont légitimes. Je les partage.
Parler des projets destructeurs de la droite n'est pas une clause de style. Mise en échec en 1997, elle est décidée aujourd'hui à agir vite et fort. L'échec de la gauche plurielle, les déceptions et les rancurs qu'il a suscitées, lui ont ouvert une véritable fenêtre politique pour mettre en uvre un programme ultra-libéral que le patronat attendait en piaffant depuis des années. La vague réactionnaire qui, un peu partout en Europe, suit l'échec des politiques social-libérales favorise ses plans.
C'est tout de suite, sans attendre, qu'elle veut porter le fer dans les acquis sociaux et démocratiques pour adapter la société française aux objectifs du capitalisme mondialisé. On l'a vu dès l'installation du gouvernement Raffarin, après le 21 avril. Et cela ne fait que s'accentuer. Sous prétexte de "libérer les énergies", c'est une politique de classe sans complexe que la droite met en uvre à marche forcée : mise en cause des 35 heures, coupes sombres dans les services publics, remise en cause des retraites livrées aux aléas de la Bourse, mise en péril du système de santé, remise en cause de l'allocation personnalisée d'autonomie, cadeaux fiscaux aux plus fortunés et aux entreprises, suppression de moyens humains pourtant si nécessaires pour l'école, etc. Ce n'est pas étonnant que Le Figaro puisse titrer son éditorial "La prison pour sauver l'école"
Toutes les décisions de ce gouvernement se prennent au nom de la France d'en haut, celle qui domine, exploite, s'enrichit. Le Medef avait donné les consignes. Mesure après mesure, projet après projet, la droite installe l'insécurité sociale, l'insécurité des droits, l'insécurité des moyens pour vivre.
C'est le sens des mesures annoncées par François Fillon, le Ministre des Affaires sociales. Gel du Smic, encore plus d'exonération de charges pour les patrons. Aujourd'hui les choses sont claires : c'est un gouvernement des affaires antisociales que nous avons.
Dans le même temps, la droite met en place une politique sécuritaire. Des enfants de treize ans promis à la prison, des militants traités comme des délinquants, des grilles qui séparent des quartiers, des immigrés menacés. Comme jadis, les couches laborieuses deviennent "les couches dangereuses". La "France d'en bas" rappelle incroyablement les "bas quartiers" dont la grande bourgeoisie parlait avec terreur au 19ème siècle.
Et en plus, on assiste à une véritable régression démocratique. Le projet dévoilé, il y a quelques jours, d'une réforme des modes de scrutin vise ouvertement à une bipolarisation accentuée qui garantirait l'alternance entre deux formations cherchant au centre le pouvoir. Après le PS qui avait cru s'assurer la victoire par un tripatouillage du calendrier électoral, la droite joue, à son tour, les apprentis sorciers. Car empêcher le débat d'idée et une véritable alternative démocratique pourrait bien faire le lit d'une extrême droite en embuscade et nous promettre demain des réveils plus catastrophiques encore que le 21 avril.
Sur tous les plans, la droite s'engage dans une transformation profonde de notre société qui déstabilise toutes les formes de solidarité et de sécurité sociales et démocratiques. Son action est d'autant plus rapide et brutale que le capitalisme se porte mal et appelle à la fois davantage de sacrifices sociaux, démocratiques et de renoncements politiques. L'été a été rempli des scandales d'Enron, Vivendi, World Com et autres, de la bérézina des fonds de pensions boursiers qui ne laissent à beaucoup de travailleurs retraités que leurs yeux pour pleurer, du spectacle effarant de PDG gagnant des sommes folles pendant que leurs entreprises périclitent et que leurs salariés sont jetés dehors. Mais le programme de la droite est de continuer : plus de libéralisme, moins de contrôles publics, moins de règles, plus de concurrence.
Dans ce contexte, je suis stupéfaite d'entendre certains à gauche reprocher à la droite de les copier Ce reproche est significatif de l'abandon par la gauche de positionnements progressistes sur certains sujets, c'est une des facettes de l'échec. Et j'ai envie de dire que tout appelle les communistes à être bien eux-mêmes, à ne pas baisser les bras. Face à cette situation d'une extrême gravité, d'une extrême difficulté aussi, nous serons présents, de toutes nos forces, pour participer à l'organisation de la résistance et de la riposte. Nous le serons dans les luttes avec les salariés, les jeunes, les sans papiers, les démocrates, toutes celles et tous ceux qui n'entendent pas se résigner. Nous avons lancé dès cet été des pétitions pour la défense du pouvoir d'achat, contre la privatisation d'EDF-GDF. Avec les chantiers de la transformation sociale que nous avons décidé d'ouvrir, nous allons amplifier notre effort sur tous les terrains cruciaux, dans les semaines et les mois qui viennent, pour rassembler largement dans l'action autour de solutions alternatives. C'est à une contre-offensive de toutes les énergies progressistes que nous devons contribuer.
Cela demande de travailler à une alternative politique sans laquelle l'avenir resterait bouché, nourrissant la démobilisation et l'échec. C'est une question essentielle à laquelle nous avons décidé de consacrer des forum dans chaque commune, au plus près de toutes celles et tous ceux qui réfléchissent et cherchent, comme nous, les chemins d'une véritable transformation sociale. Une question qui sera évidemment au centre de notre congrès, au printemps prochain.
Je dois vous avouer que je suis très surprise que les débats à gauche aient pris durant l'été les couleurs du règlement de compte. Et encore plus que certains des principaux dirigeants du Parti socialiste aient consacrés plus d'efforts à parler de parti unique qu'à s'interroger sur les raisons de l'échec et sur le contenu d'une alternative politique.
Pour ma part, ce sont ces questions là qui m'occupent. Pendant cinq ans, avec les autres ministres, avec les parlementaires communistes, avec toutes et tous les communistes, nous avons essayé de peser du plus fort que nous pouvions pour lutter contre la loi de l'argent, pour donner la parole aux jeunes, au monde du travail, pour que ce gouvernement aille plus loin. Mais ce qui a dominé et s'est exprimé dans les élections, ce sont les insatisfactions , et je me sens responsable, et le sentiment que, dans une gauche qui renonçait à ses idéaux et qui cédait au patronat, le Parti communiste ne savait pas, ne pouvait pas peser suffisamment pour répondre aux attentes populaires.
Alors, quelle alternative?
Nous allons en débattre, de la façon la plus ouverte qui soit, et le temps n'est évidemment pas venu des réponses. Mais permettez-moi d'exprimer aujourd'hui deux convictions.
La première est qu'il n'y a pas d'alternative possible sans une force politique communiste qui retrouve son dynamisme et son rayonnement, c'est à dire qui soit capable de faire vivre concrètement une véritable ambition de civilisation. Face à ce capitalisme qui broie les êtres humains et marchandise tout, nous avons la responsabilité décisive de porter l'espoir d'une société de progrès et de solidarité, enfin débarrassée du capitalisme et de ses maux, d'en chercher et d'en montrer les chemins.
Nous devons donc inlassablement travailler à inventer ce communisme d'aujourd'hui, libérateur d'humanité, porteur de grandes valeurs progressistes, capable de redonner espoir et dignité à toutes celles et tous ceux qui subissent exploitations et dominations. C'est selon moi une de nos tâches essentielles, incontournables.
Et - c'est ma deuxième conviction - cette exigence d'un communisme à la fois actuel et ressourcé est inséparable d'un devoir d'audace et d'invention politiques. Car si le communisme peut et doit, selon moi, rouvrir un horizon que l'immense offensive du capitalisme mondialisé a ces dernières décennies largement bouché, il ne pourra le faire qu'en faisant vivre l'ambition de sa visée dans des objectifs politiques concrets susceptibles de rassembler dès aujourd'hui majoritairement notre peuple. Nous avons ainsi aujourd'hui la responsabilité d'imaginer les conditions d'un large rassemblement autour de solutions alternatives antilibérales, de propositions apportant de véritables réponses aux attentes et aux aspirations qui travaillent notre société. C'est une lourde responsabilité pour un parti très affaibli, mais c'est un défi humain d'envergure : dans ce pays, va-t-il exister une force, des hommes et des femmes, qui refusent que cette société capitaliste porteuse de tant de souffrances et d'inégalités soit la seule possible ?
C'est pour cela que comme vous, comme beaucoup de communistes, je suis profondément préoccupée par l'avenir de notre parti. L'urgence de la riposte ne doit, en aucun cas, mettre en parenthèse, l'exigence d'une grande réflexion critique et de la confrontation qu'elle appelle.
Je tiens à ce débat dont dépendra l'existence d'une visée de transformation sociale dans notre pays. Il doit avoir lieu en vrai et en grand. Toutes les questions doivent être posées et chacun doit se sentir partie prenante. Nous entendons utiliser toutes les formes possibles pour que chaque communiste le maîtrise. Toutes les questions sont sur la table, y compris celles de notre avenir. Notre détermination est intacte. Elle n'est pas celle de l'entêtement, mais celle du dynamisme, de la recherche. Tout en menant l'action, les temps qui viennent doivent nous permettre de définir des perspectives, de nous remettre en question avec exigence, de réinventer la confiance et l'envie de construire ensemble, de rentrer en dialogue avec tous les hommes et toutes les femmes qui veulent porter un combat émancipateur.
Ce qui s'est exprimé aux élections nous invite à tirer tous les enseignements de ce qui s'est passé toutes ces dernières années. Les décisions de notre conférence nationale nous ouvrent les possibles pour espérer et construire.
Les chantiers de la transformation sociale vont alimenter les luttes sociales et politiques déjà engagées face aux privatisations, aux atteintes aux libertés sociales et politiques. Ce seront autant de rassemblements multiples pour les services publics, les retraites, la santé, l'école, la protection sociale, l'emploi, la démocratie dans l'entreprise, la cité, la société; autant de rencontres et d'actions pour une mondialisation solidaire, une Europe de la coopération et pour une décentralisation démocratique.
Nous allons, également, initier les forum dans chaque commune avec les citoyens et les citoyennes, les militants et militantes sociaux, associatifs et politiques. Ensemble nous allons les inviter à tirer les enseignements de l'échec à gauche, de l'affaiblissement du PCF. Nous voulons avancer avec elles et eux dans la construction d'une alternative qui ne peut se passer d'une force communiste.
En cette année 2002 2003, nous allons nous atteler à un débat à multiples facettes, avec bien sûr la tenue de notre congrès au printemps.
Mais également, avec la conférence nationale de décembre sur la crise de la politique et la montée du populisme, avec différents conseils nationaux, qui valideront les réflexions et les positions nationales sur des thèmes aussi importants que le capitalisme, le travail, les inégalités sociales, la place de la jeunesse, la sécurité, le féminisme, les discriminations, le sida, la mondialisation et le co-développement.
Le rassemblement politique et culturel que représente la fête de l'humanité est en quelque sorte le coup d'envoi de cet immense travail militant, de cette multitudes d'actes communistes que la direction nationale, collectivement, a la responsabilité d'animer avec vous toutes et tous. Avec Patrick LeHyaric, Max et toute l'équipe du journal nous avançons vers le même objectif. Ensemble, cette fête nous allons la réussir, elle est en quelque sorte nos universités populaires de rentrée.
Tout l'été, sa préparation est l'objet de milliers de rencontres individuelles et collectives. Nous avons encore deux semaines pour la faire connaître largement, pour démultiplier les contacts, les rendez vous. Deux semaines pour réussir ce grand rassemblement populaire et politique.
Chacune et chacun, nous y mettons le meilleur de nous mêmes pour la construire, pour qu'elle soit belle et humaine.
Moins que jamais, le spontanéisme n'est de mise. Allons au devant de toutes celles et ceux qui ne se résignent pas, qui ont envie de s'en mêler.
Sachons relever le défi ! Que la fête 2002 soit demain dans les mémoires comme celle d'un nouveau départ.
(source http://www.pcf.fr, le 30 août 2002)