Texte intégral
Je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi les représentants des Français du Sénégal, parmi les descendants et les héritiers de la plus ancienne communauté française d'Afrique. Avec plus de 15.000 ressortissants, cette communauté est également l'une des plus nombreuses d'Afrique et, de loin, la plus nombreuse des communautés étrangères.
L'étroitesse des liens qui se sont tissés au fil des générations, une fraternité entre nos deux peuples qui s'est nourrie du sang versé en commun font, il est vrai, qu'un Français n'est pas ici un étranger comme les autres.
Ces liens si étroits ne se maintiennent pas du seul fait de l'histoire commune de nos deux pays. Ils vivent et se consolident grâce à votre activité et aux relations que vous entretenez avec nos partenaires sénégalais. Votre présence est la meilleure manifestation de notre engagement en Afrique et du rôle privilégié que joue la France sur ce continent.
Cet engagement a été réaffirmé de façon exemplaire lors de la dévaluation du franc CFA. Cette décision a été difficile à prendre mais elle était indispensable pour permettre aux pays de la zone de restaurer leur compétitivité, de rétablir le dialogue avec les institutions financières internationales et de renouer avec le développement. Cette évolution est l'assurance de votre succès futur en Afrique. C'est pourquoi, plus que les autres, vous pouvez comprendre cette opération, menée avec sérieux et sens des responsabilités et qui commence à produire des effets positifs.
Cela ne signifie pas pour autant que tout va pour le mieux. La dévaluation a entraîné pour certains d'entre vous des difficultés sérieuses. Le gouvernement a considéré qu'il convenait de leur accorder une attention prioritaire.
Votre première préoccupation est la scolarisation de vos enfants. L'existence d'un réseau scolaire dense et d'un niveau comparable à celui des établissements de France est d'ailleurs bien souvent l'une des conditions de votre expatriation. Pour l'année scolaire qui vient de s'écouler, les écolages n'ont pas été modifiés. Cette décision a demandé un effort exceptionnel en faveur des 10 établissements de la zone franc. Mais il faut bien être conscient que celui-ci ne pourra être maintenu au même niveau pour les années à venir. En effet, ces établissements qui perçoivent l'essentiel de leurs recettes en francs CFA doivent régler la majeure partie de leurs dépenses en francs français. La hausse inévitable des écolages sera contenue à un niveau aussi raisonnable que possible et étalée dans le temps. Par ailleurs, les modes de calculs, récemment modifiés, des bourses scolaires permettront aux familles de revenus modestes de pouvoir faire face à ces augmentations, afin qu'aucun enfant français ne soit, pour des raisons financières, exclu du système de scolarisation. La dévaluation du franc CFA a également placé bon nombre d'entre vous devant d'autres difficultés.
Je pense d'abord à ceux qui sont au chômage. Le gouvernement, conscient du fait que c'est dans le pays où ils ont perdu leur emploi que nos compatriotes sont le mieux placés pour occuper les nouveaux postes de travail qui seraient offerts, a obtenu des partenaires sociaux que les adhérents volontaires au régime français d'assurance chômage, licenciés entre le 12 janvier et le 30 juin en raison de la dévaluation, bénéficient dans leur pays de résidence, pendant 4 mois, des indemnités de chômage auxquelles ils ont droit.
Il est bien vite apparu que cette période transitoire était trop courte. C'est pourquoi je vous informe qu'une prorogation de l'accord jusqu'au 31 décembre 1994 a été demandée aux partenaires sociaux.
Je voudrais également rappeler les efforts consentis d'une part en faveur de la formation, grâce au Comité consulaire pour l'emploi et la formation professionnelle, d'autre part en faveur de la réinsertion en France dont ont bénéficié plusieurs dizaines de jeunes Français. Je n'oublie pas non plus que d'autres, sans être licenciés, sont de fait privés d'emploi. Je souhaite que la reprise économique qui s'amorce permette la régularisation de telles situations.
Je pense également à ceux d'entre vous qui ont contracté des prêts pour financer l'acquisition de biens immobiliers en France. Désormais grâce à l'interprétation large des dispositions de la loi sur le surendettement des particuliers, les Commissions locales d'examen des situations de surendettement peuvent envisager des rééchelonnements des dettes en accord avec les établissements créanciers.
Ces mesures n'ont pas permis de régler toutes les situations difficiles, en particulier celles des retraites. M. le ministre de la Coopération vous a déjà indiqué que le gouvernement avait décidé de mettre en place une aide forfaitaire exceptionnelle, pour les retraités français qu'ils vivent en France ou qu'ils aient choisi de rester dans le pays où ils avaient cotisé. Cette allocation sera versée avant le 31 décembre 1994.
Ces mesures ne permettront peut-être pas de répondre à toutes vos attentes mais une dévaluation est une opération difficile dont les conséquences doivent être appréciées sur le long terme.
Je vous l'ai dit : nous commençons à percevoir une amélioration de la situation. Les économies des pays où vous vivez et travaillez ne cessaient de régresser. La dévaluation a permis de renverser cette tendance. Les matières premières et produits locaux recommencent à trouver des marchés à l'exportation ; les touristes reviennent ; l'inflation est contenue dans des limites raisonnables. Tout ceci grâce au sérieux des gouvernements des pays de la zone franc. L'Afrique est de nouveau intégrée aux circuits financiers internationaux. Elle pourra ainsi bénéficier de nouvelles aides et envisager à nouveau les projets de développement qui prépareront l'avenir.
Cette nouvelle croissance sera profitable à tous. Elle ouvre de nouvelles perspectives pour nos entreprises. Elle est le gage que votre présence s'en trouvera renforcée.
Tel est le message que je souhaiterais que vous reteniez du voyage que j'accomplis en Afrique. Je suis ici pour réaffirmer solennellement l'engagement de la France aux côtés de ces pays africains qui sont si proches de nous par la géographie, l'histoire et la langue. Les événements de ces derniers mois ont montré de façon exemplaire la force de cet engagement et vous, Français du Sénégal, le savez mieux que quiconque, vous qui avez partagé les succès mais aussi les difficultés de ce pays.
Je tiens à rendre hommage une nouvelle fois au rôle que vous jouez pour la France et pour le Sénégal. Je vous remercie de l'appui et de la compréhension dont vous avez fait preuve au cours de ces derniers mois ; les autorités sénégalaises y auront, j'en suis convaincu, été sensibles. Vous êtes restés à leurs côtés aux moments les plus difficiles, vous serez avec eux demain pour jouir des fruits du progrès retrouvé !
Vive le Sénégal !
Vive la France !
J'ai tenu, dès le premier jour de mon voyage en Afrique qui, du Sénégal me conduire au Gabon en passant par la Côte d'Ivoire, à rencontrer nos forces armées présentes sur ce continent. A travers vous, officiers, sous-officiers, officiers-mariniers, gendarmes, soldats, marins et aviateurs, c'est aux quelque dix mille personnels des Forces Armées françaises stationnées au Sud du Sahara que je souhaite m'adresser.
Plus de trente ans après l'indépendance des Etats qui constituaient alors l'Empire français, cinq ans après la chute du mur de Berlin, la France continue à avoir des forces armées stationnées dans six pays d'Afrique, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Tchad, la Centrafrique et Djibouti. Cette présence résulte d'abord de la volonté de nos amis africains et ne durera qu'autant qu'ils en manifesteront le souhait. Si la France y répond, c'est parce qu'elle a une conception mondiale de ses responsabilités qui tient à son statut de membre permanent du Conseil de sécurité et à ses capacités de puissance nucléaire. C'est aussi parce que notre pays est lié à l'Afrique par des liens de solidarité et par une histoire commune qui nous attachent étroitement à chacun de ces pays et tout particulièrement au Sénégal.
La France fait partie aujourd'hui du petit nombre de pays qui estiment qu'ils ne peuvent rester indifférents lorsque la paix et la stabilité du monde sont menacées sur quelque continent que ce soit. Elle fait partie d'une société internationale dont elle se sent solidaire et qu'elle souhaite voir progresser vers davantage de justice et de paix. Nous pourrions nous contenter de regarder à nos seules frontières en fonction de nos seuls intérêts et d'y limiter notre action. Chacun sent bien que ce choix serait à la fois égoïste et à courte vue. La France s'est donc résolument engagée pour aider au règlement des crises et des différends auxquels est confrontée l'ONU. Elle est la plus présente dans l'ex-Yougoslavie, son rôle a été déterminant dans la solution du problème cambodgien, elle a participé activement aux opérations menées en Somalie et n'a cessé d'agir pour favoriser la paix au Moyen-Orient. Notre engagement actuel au Rwanda s'inscrit dans la même préoccupation, celle du droit. Nous n'avons aucun intérêt dans ce pays ; nous savions que les critiques seraient plus nombreuses que les concours. Mais nous avons la conscience aiguë que le drame humanitaire qui s'y déroule ne pouvait nous laisser indifférents pour des raisons morales et aussi parce qu'il menaçait de déstabiliser toute la région des grands lacs. Notre connaissance de l'Afrique et la présence de nos forces sur le continent faisaient de nous les seuls à pouvoir intervenir rapidement. C'est là la plus récente et évidente démonstration du sens qu'a la France de ses responsabilités dans le monde.
Nos liens avec l'Afrique et avec les pays de l'Afrique sub-saharienne donnent à ces responsabilités une signification particulière. Pendant plus d'un siècle, nous avons partagé notre destin avec le continent noir. Comment ne pas évoquer, en cette année du cinquantième anniversaire de la libération de notre pays, le lourd tribut que payèrent les soldats venus de nos colonies d'alors à la libération de la France ? Ici, à Dakar, rappelons-nous que tous les régiments originaires de ces régions portaient le nom générique de régiments de tirailleurs sénégalais. Comment ne pas ressentir profondément les liens culturels qui se sont tissés au fil des ans à travers l'usage commun de notre langue ? Ceux-ci se renforcent d'une communauté d'intérêts. L'Europe ne peut être indifférente au sort de l'Afrique. Une aggravation des déséquilibres économiques entre les deux continents ne serait pas sans conséquences graves pour notre société. Or, l'histoire nous le répète chaque jour, il ne peut y avoir de développement sans sécurité, tant aux frontières qu'à l'intérieur des pays.
L'effort que consent la France en maintenant un important dispositif militaire en Afrique subsaharienne s'inscrit dans cette logique. Votre présence ici, comme celles de vos camarades des trois armées et de la gendarmerie dans d'autres Etats d'Afrique, est une contribution essentielle à la stabilité de ce continent. Les efforts que vous déployez dans chacune de vos unités, ici à Dakar ou dans d'autres garnisons, concourent à la paix dans cette partie du monde. Vous apportez un supplément de sécurité indispensable aux pays de l'Afrique subsaharienne à un moment de leur histoire où ils doivent mobiliser toutes leurs énergies pour leur développement économique.
Votre présence au Cap Vert témoigne également de l'amitié séculaire qui unit le Sénégal et la France. Nos deux pays ont cette particularité commune d'être les extrémités occidentales de leurs continents respectifs. La pointe du Raz et le Cap des Amaldies sont des ouvertures vers le grand large mais aussi vers le monde et vers les autres. Nos peuples sont proches par cette singularité géographique partagée. Vous le ressentez bien ici à Dakar, dans vos vies professionnelles et familiales.
La relation exemplaire que vous entretenez avec l'armée sénégalaise le révèle chaque jour. Ce compagnonnage d'armes si vivant s'est manifesté de façon exemplaire dans l'opération humanitaire que mène la France au Rwanda. Alors même que la communauté internationale hésitait et se réfugiait dans une inaction bien égoïste, les troupes sénégalaises se sont trouvées aussitôt aux côtés de la France. Cette opération est difficile, elle demande à nos troupes un grand professionnalisme et une abnégation de tous les instants. Elle a jusqu'ici été menée avec mesure et succès.
La présence de vos familles à Dakar est aussi un symbole auquel je suis attaché. Dans la presqu'île du Cap Vert, vous êtes au sein de la société sénégalaise ; vos familles vivent dans Dakar ; vos enfant y sont scolarisés. C'est une preuve de la confiance partagée entre nos deux peuples. Pour chacun d'entre vous, c'est aussi au cours du séjour que vous effectuez, la possibilité de découvrir une culture différente de la vôtre. Soyez conscients que cette sensibilité particulière que vous acquérez ainsi nous est enviée par beaucoup dans le monde. La réussite exemplaire de notre contingent en Somalie a dû beaucoup à cette connaissance de la mentalité africaine et elle a forcé l'admiration de tous. Soyez persuadés qu'il est de votre devoir, lors de votre affectation à Dakar, d'acquérir cette nouvelle expérience en sortant des routines administratives et de vos cadres de vie habituels. Je suis particulièrement sensible à ce que, tous, vous avez fait pour permettre au Lycée français Jean Mermoz de ne pas fermer ses portes. Seules les forces françaises pouvaient mobiliser assez d'énergie et de savoir-faire pour arriver à ce résultat en parfaite collaboration avec les autorités sénégalaises et les services civils compétents de notre ambassade et de notre consulat général.
En ce moment où nous déployons tous nos efforts pour éviter le pire au Rwanda, je voudrais vous féliciter pour votre apport essentiel au déroulement de l'opération Turquoise.
Féliciter les Forces françaises du Cap-Vert qui ont permis de garder ouvertes et opérationnelles à toutes heures du jour et de la nuit, les escales aériennes et maritimes. Vous avez ainsi rendu possible un acheminement sans heurt des renforts et des moyens matériels. Dakar, par sa position géographique, est et demeurera un pivot essentiel pour notre dispositif au sud du Sahara.
Féliciter aussi nos assitants militaires techniques qui ont permis la mise sur pied du contingent sénégalais engagé dans Turquoise.
Je n'ignore pas enfin l'importance que revêt la disponibilité de la composante terre des Forces françaises du Cap-Vert.
Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, gendarmes, soldats, marins, aviateurs, je tenais à vous rencontrer. Votre rôle ici à Dakar, au Sénégal, sur le continent africain, est essentiel à la politique que le gouvernement français entend conduire dans cette partie du monde. Je veux vous assurer de ma confiance.
C'est un grand honneur pour moi de m'adresser aujourd'hui aux représentants du peuple sénégalais. Il existe entre lui et le peuple de France que je représente ici une très longue histoire qui, si j'en crois les chroniques, remonte à ce jour de Noël 1364 où des marins dieppois jetèrent l'ancre pour la première fois sur vos rivages. Cette histoire, nous l'assumons ensemble aujourd'hui. Elle est notre patrimoine commun, comme la racine profonde à partir de laquelle peut aujourd'hui se développer la relation si particulière d'amitié et de confiance qui existe entre nos deux nations.
Ma première pensée aujourd'hui est celle de la gratitude pour votre hospitalité et pour l'occasion que vous me donnez de vous parler en ami. Mon message sera simple. C'est un message de solidarité renouvelée de la France à l'égard du Sénégal et de l'Afrique ; c'est un message d'espoir dans l'avenir du continent africain, c'est un message de confiance dans notre capacité commune à construire une société internationale plus stable, plus juste et capable de favoriser le progrès économique et social.
En affirmant cet espoir, je n'ai pas le sentiment de faire preuve d'un optimisme déplacé alors même que le monde nous rappelle sans cesse en ex-Yougoslavie ou au Rwanda combien la paix et la liberté sont fragiles. Je souhaite au contraire affirmer que notre destin commun est entre nos mains, pour autant que nous sachions réagir aux difficultés économiques, aux crises politiques et traiter ensemble des vrais problèmes du monde nouveau qui nous entoure.
Dans les derniers mois, la France et le Sénégal ont fait à deux reprises, avec d'autres, la preuve de leur capacité à prendre leurs responsabilités. Pour combattre la crise économique et la récession, le Sénégal a courageusement décidé avec ses partenaires de la zone franc réunis à Dakar de dévaluer le franc CFA. La France a adopté des mesures d'accompagnement d'une ampleur exceptionnelle et elle a contribué à mobiliser les institutions internationales. Cet effort commence aujourd'hui à porter ses fruits. Dans un autre domaine, pour arrêter l'insupportable martyre du peuple rwandais, ils ont décidé de lancer ensemble une opération humanitaire dont toute la communauté internationale commence aujourd'hui à mesurer les mérites.
Cette voie est celle de la lucidité, mais aussi de l'honneur et du courage, je vous propose de la poursuivre ensemble.
Depuis 1989, nous sommes, vous en Afrique et nous en Europe, confrontés à un monde nouveau. La fin de la division de la communauté internationale en deux blocs a constitué comme une sorte d'opération vérité. Désormais, nul ne peut plus se réfugier derrière les idéologies pour masquer des pratiques politiques incertaines, une absence de rigueur dans la gestion économique ou des ambitions territoriales inavouées. La liberté nouvelle qui est apparue dans le monde met chacun en face de ses responsabilités, avec les dangers que font courir à tous ceux qui ne veulent pas respecter les règles communes mais aussi avec les moyens que nous offrent désormais les extraordinaires capacités de la science et de la technique modernes. Nous voyons partout une aspiration à la liberté politique mais aussi économique qui seule permet aux citoyens de donner le meilleur d'eux-mêmes et de contribuer au bien-être de leur société.
L'Afrique n'a pas bénéficié de cette nouvelle situation du monde. Son économie trop fragile a souffert davantage que d'autres de la crise économique. Ses institutions politiques ont souvent été déstabilisées par la baisse des niveaux de vie. N'étant plus un enjeu dans la compétition entre les deux blocs, elle court le risque d'être marginalisée. Plusieurs pays se sont défaits dans la violence de guerres fratricides, dans la division, privés d'Etats et d'organisation sociale.
La Somalie, le Libéria, le Zaïre, l'Angola, le Rwanda constituent autant de situations qui, à des degrés différents, menacent l'équilibre de leur région et celui du continent tout entier.
De son côté l'Europe, à la construction de laquelle la France a associé son destin, a vu renaître la guerre sur son territoire. La liberté et l'indépendance retrouvées d'une moitié du continent ont fait réapparaître d'anciennes divisions. L'Ouest de l'Europe n'est pas non plus épargné par les doutes et les difficultés. La crise économique y a développé le chômage dont la diminution est un souci majeur des gouvernements européens. La récession que nous avons traversée l'an dernier et dont nous commençons heureusement à sortir a aggravé les problèmes économiques et budgétaires auxquels nous devons faire face.
Ces difficultés, en Afrique comme en Europe, ne doivent pas nous conduire au repli sur nous-mêmes. S'il est légitime que la France se préoccupe d'abord de soutenir son activité pour créer des emplois et s'engage à rechercher la stabilité du continent où elle se trouve, j'estime essentiel qu'elle poursuive son engagement en faveur de l'Afrique et des Africains. Cet engagement témoigne de la force que constitue le partage d'une langue et d'une culture. C'est aussi l'intérêt de l'Afrique comme celui de la France. C'est l'effet de leur proximité géographique mais chacun sait bien que les crises comme la prospérité de l'une et de l'autre sont liées, qu'elles ont des effets, pour les uns et les autres, sur leur commerce, sur leur sécurité, sur leurs approvisionnements en matières premières ou encore sur les mouvements de population. Nos intérêts ne sont pas seuls en cause. Si les difficultés de l'Afrique devaient se prolonger et s'aggraver, ce serait pour la France et l'Europe l'échec d'une politique de développement et de coopération mais surtout nous y résigner, serait trahir le devoir moral de solidarité qui nous lie à l'Afrique et auquel je suis plus que tout attaché.
Nos destins sont étroitement liés. A nous de trouver ensemble les voies de la stabilité politique, de rester ouverts aux grands courants qui animent le monde et de fournir à nos peuples la prospérité à laquelle ils aspirent.
Comme l'Europe, l'Afrique a besoin de stabilité politique et par conséquent la démocratie et de consensus social, sans lesquels il n'est pas de développement durable. Comme l'Europe, il lui appartient de rechercher elle-même les moyens de les assurer.
La demande de démocratie est aussi forte en Afrique qu'ailleurs dans le monde. Déjà, en avril 1789, les habitants du Sénégal faisaient parvenir aux Etats généraux leurs "doléances et remontrances". Mais, comme dans d'autres régions du monde, la démocratie a longtemps été limitée par des légitimités qui s'appuyaient sur les idéologies de la guerre froide ou par les excès de régimes de partis uniques qui avaient supprimé tout pluralisme. Aujourd'hui, les nouvelles générations sont exigeantes. Elles nous rappellent que quelles que soient les différences d'évolution historique, de tradition, de psychologie des peuples, d'organisation des sociétés, la participation aux décisions de la communauté à laquelle il appartient constitue une aspiration fondamentale et universelle de l'individu.
Les voies vers la démocratie sont multiples ; elles sont longues à parcourir. Il a fallu plusieurs siècles aux démocraties occidentales pour devenir ce qu'elles sont. Les deux dernières guerres mondiales, auxquelles tant d'Africains ont participé aux côtés de la France, ont témoigné de leur fragilité. Le sacrifice consenti par tant des vôtres lors de la libération de la France, dont nous célébrons cette année le cinquantenaire, nous rappelle ce que nous leur devons mais aussi le prix des valeurs de démocratie et de liberté.
Je me garderai donc soigneusement de prodiguer conseils ou leçons. Je sais seulement que si l'Afrique souhaite poursuivre sa quête de la stabilité politique et du progrès économique, elle doit comme l'Europe avant elle s'engager résolument sur le chemin de l'Etat de droit. Les obstacles sont nombreux et le premier d'entre eux est le sous-développement, qui dans beaucoup de pays de votre continent ne permet souvent pas d'assurer l'éducation, et les conditions minimales de bien-être sans lesquelles il n'existe guère d'autonomie de l'individu. Je reviendrai, au cours de ce voyage en Afrique, sur notre impératif commun qui est le retour à la croissance sur votre continent et sur les espoirs que suscite la nouvelle politique courageuse mise en oeuvre dans ce but par les pays de la zone franc avec le concours actif des institutions internationales et de la France.
La stabilité politique est la condition première de ce nouveau départ économique. Elle est inséparable d'un consensus national où les droits et les devoirs de chacun sont clairement établis et respectés. Ce n'est qu'ainsi que la volonté et les énergies de tous peuvent être mobilisés.
Beaucoup de progrès ont été accomplis dans cette voie qui est d'autant plus fructueuse qu'elle s'adapte aux situations et aux traditions de chacun. La tradition africaine est riche. Elle s'appuie sur une habitude de recherche du consentement qui suppose le respect de l'autre et une longue école de dialogue. Elle s'incarne dans un très beau symbole, celui de l'arbre à palabres qui existait autrefois dans chaque village et qui est un peu à l'Afrique, ce qu'était à l'Europe l'Agora athénienne. Que de crises ont pu être évitées ou résolues grâce au recours aux méthodes traditionnelles africaines de réunion pour trouver un accord. Que de chemin parcouru également ces derniers temps vers l'adoption de formes plus modernes de démocratie, en particulier dans les pays francophones ! La presse s'y développe de façon exceptionnelle, et les moyens d'expression et de participation des citoyens sont de mieux en mieux respectés.
Plusieurs pays africains, et en premier lieu, le Sénégal, familier depuis longtemps, grâce à la sagesse des Présidents Senghor et Diouf, des us et coutumes de la démocratie, ont réussi à instaurer chez eux une démocratie vivante et exemplaire. Ce courant s'est accéléré ces dernières années, devant les revendications des peuples.
Chacun sait bien que reconnaître et respecter les droits de la minorité exigent davantage de vertu démocratique qu'accepter la victoire de la majorité. Il revient aux Africains de réfléchir aujourd'hui aux moyens de mieux intégrer les minorités dans leurs institutions. Cela peut être fait par le biais de commissions parlementaires, par la formation de gouvernements d'union nationale ou encore lorsqu'il s'agit de sortir d'une crise grave, par l'organisation, durant une période de transition, d'un partage du pouvoir entre les différentes forces politiques du pays. L'Afrique du Sud, si longtemps meurtrie, est aujourd'hui en train de donner au monde une leçon exemplaire de respect de la minorité et de partage du pouvoir. La démocratie signifie également le pluralisme et l'indépendance des pouvoirs : une justice réellement indépendante de l'exécutif, une presse libre sachant maîtriser cette liberté, constituent toujours des contre-pouvoirs, facteurs d'équilibre dans la vie publique. De même, la dévolution de certaines responsabilités aux pouvoirs régionaux et locaux peut contribuer à l'équilibre politique d'un pays.
A chaque pays de trouver sa propre formule, son propre calendrier, en fonction de son histoire, de ses traditions, de ses conditions propres. Il n'y a pas de recette unique, ni de figure imposée pour la démocratie, et je me garderai d'en suggérer une en particulier. L'important est que le système adopté réponde aux aspirations des peuples et à l'épanouissement des hommes. Il doit permettre leur mobilisation en faveur de la croissance et du développement, et fournir à l'effort qu'ils requièrent, tant de la part des populations que des bailleurs de fonds et des investisseurs étrangers, la stabilité indispensable.
Cette stabilité, l'Afrique comme l'Europe souhaite qu'elle inspire la vie internationale. C'est un objectif d'autant plus difficile à atteindre que sur tous les continents, la fin de la division du monde en deux blocs a fait resurgir beaucoup d'anciennes rivalités. En Europe comme en Afrique, l'on en revient souvent à traiter des problèmes que l'on avait cru dépassés, notamment ceux qui concernent les frontières et les minorités.
J'ai souvent entendu dire qu'aborder ces questions difficiles était un exercice dangereux et consistait en quelque sorte à ouvrir la boîte de Pandore. Je le fais aujourd'hui devant vous de façon d'autant plus libre que je suis convaincu du contraire. Il nous faut, en Europe, où nous le faisons en ce moment à mon initiative, comme en Afrique, avoir le courage politique de traiter ces questions difficiles de frontières et de minorités qui, précisément parce qu'elles sont trop souvent occultées, peuvent être à l'origine de crises graves.
S'agissant des frontières, l'Afrique a eu la grande sagesse de se prononcer pour leur intangibilité en adoptant une fois pour toutes le principe du respect des frontières héritées de la colonisation. La plupart des Etats africains ont jusqu'ici réussi à résoudre de façon pacifique les litiges qui pouvaient les opposer dans ce domaine. Comment ne pas exprimer sa satisfaction devant les développements récents du long contentieux qui a opposé le Tchad à la Libye et qui vient de trouver une conclusion dans l'arbitrage rendu par la Cour internationale de Justice, dont les termes ont été appliqués par les parties ?
Plus difficile est le problème des minorités et du respect de leurs droits. Des groupes de population, qui dans certains cas représentent une part importante de celle d'un pays, se trouvent parfois privés de toute participation au pouvoir et sans capacité à faire valoir leur particularisme ethnique, culturel ou religieux. La tentation peut être grande alors, au détriment du devoir de loyauté qu'un citoyen doit à son pays, de s'appuyer sur telle ou telle aide extérieure venant d'un pays voisin pour faire prévaloir ses revendications. La guerre qui sévit aujourd'hui au sud du Soudan nous en donne un triste exemple. L'ex-Yougoslavie également.
Comment traiter de façon préventive et sans chercher à les occulter les problèmes de frontières ou de minorités qui fragilisent aujourd'hui notre société internationale ? L'Europe pas plus que l'Afrique n'échappe à ces difficultés. La triste expérience de l'ex-Yougoslavie, comme le drame que traverse le Rwanda, nous le rappellent chaque jour. Pour tenter d'éviter la répétition de tels événements, j'ai proposé, en ce qui concerne l'Europe, la conclusion entre tous les pays du vieux continent d'un Pacte de stabilité qui réunirait tous les accords de bon voisinage qu'auraient signés entre eux les pays d'Europe centrale et orientale. Je suis convaincu que c'est en regardant leur problèmes en face et en nouant des relations de bon voisinage, que les pays européens définiront un nouveau pacte social de leurs relations fondé sur la stabilité des frontières, le respect des droits des minorités et l'habitude d'un dialogue régulier et confiant. L'expérience franco-allemande nous apprend depuis plus de trente ans que de bonnes procédures de discussion et de dialogue animées par une forte volonté politique, peuvent permettre des réconciliations exceptionnellement fécondes.
Il n'existe pas en la matière de recette unique ni transposable partout. Les Etats africains et l'Organisation de l'unité africaine s'emploient à trouver leur propre voie. L'organisation africaine a mis en place il y a un an un mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits qui manque encore de moyens et d'expérience, mais qui représente une prise de conscience très positive. La France en soutient la mise en oeuvre, et y voit un instrument qui doit réunir les concours des pays africains qui sont au premier chef concernés par les crises de leur continent. Le code de conduite adopté lors du récent sommet de l'OUA à l'initiative de la Tunisie marque au plan politique cette ambition.
D'autres orientations suivies par les pays africains contribuent également à la stabilité du continent. C'est principalement son ouverture sur lui-même et sur le monde. L'Afrique est une. Sans vouloir minimiser la spécificité de chacun ou les liens que la Francophonie ou l'Anglophonie ont pu faire naître, il est évident que les problèmes de l'Afrique ne peuvent trouver une solution sans une vue d'ensemble du continent, qui seule permettra de décloisonner les courants d'échange, de favoriser la liberté de circulation des biens, des hommes et des services et surtout de développer à l'échelle de l'Afrique tout entière une solidarité politique tellement nécessaire.
Les accords d'intégration régionale conduisent à une convergence des politiques économiques, mais contiennent également une dimension politique : les responsables prennent l'habitude de se consulter, de rapprocher leurs points de vue, voire de travailler ensemble. De nombreux exemples illustrent cet effet politique bénéfique, dans le monde, en Europe, en Asie ou sur le continent américain. En Afrique, les réunions de la Sadec, de même que celles de la zone franc contribuent à harmoniser les positions de leurs membres au plan politique général.
Les Africains savent que c'est à eux qu'incombe au premier chef la responsabilité de leur destin. C'est à l'Afrique qu'il appartient de poursuivre avec courage et détermination la rénovation de ses structures politiques et économiques.
Pour autant que les pays africains le souhaiteront, et dans le respect de leur indépendance, la France se tiendra à leur côté pour leur apporter son soutien dans cette tâche difficile. Devant la représentation du peuple du Sénégal, je voudrais réaffirmer de façon solennelle l'engagement de la France à l'égard du continent africain.
Cet effort et cette solidarité doivent d'abord jouer dans le domaine humanitaire et dans celui de la sécurité. Comment ne pas évoquer à cet égard le drame du Rwanda. Je considère que c'est l'honneur du gouvernement français d'avoir entrepris, bien seul au début, avec un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, une opération militaire de sauvetage humanitaire dans ce pays. Des centaines de milliers de morts, plusieurs millions de personnes réfugiées, la perspective de massacres à venir ; rien n'avait été en mesure de mobiliser la communauté internationale. Il nous a semblé impensable de laisser se prolonger ainsi sans réagir le martyre d'un peuple, et de nous désintéresser d'une nation africaine abandonnée de tous. Votre pays, Monsieur le Président, a éprouvé le même sentiment, et il s'est trouvé très vite et spontanément aux côtés de la France dans cette opération difficile et dangereuse. Une fois de plus, nos deux peuples se sont retrouvés ensemble sur les chemins du devoir et de l'honneur, convaincus comme le dit un dicton wolof que, "c'est l'honneur qui est le remède de l'homme".
Pour avoir respecté scrupuleusement le mandat humanitaire qui nous avait été donné par les Nations unies, nous avons aujourd'hui atteint les principaux objectifs que nous nous étions fixés en luttant de toutes nos forces contre le pire et en éveillant la conscience internationale. Et j'observe que la communauté internationale commence enfin à se mobiliser.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Fidèle à ses traditions et à ses amitiés, la France souhaite aujourd'hui donner une nouvelle dimension à ses relations avec l'Afrique. Comme le monde, nous avons les uns et les autres beaucoup changé. Notre coopération doit, une fois de plus, s'adapter à ces nouvelles circonstances.
La France est prête à apporter son aide à ses partenaires africains qui le souhaitent pour renforcer leurs institutions, pour les assister lorsque cela est nécessaire dans le bon déroulement des opérations démocratiques et enfin pour affermir leur état de droit. Celui-ci rassure les investisseurs, assure un meilleur équilibre des pouvoirs grâce à la formation de magistrats et de journalistes indépendants. La coopération en matière de gendarmerie et de police peut également favoriser la paix civile et permettre un maintien de l'ordre démocratique.
Mais la France souhaite également poursuivre une présence diplomatique active en Afrique. Lorsque les parties en présence font appel à elle, elle est prête, à titre préventif, à faciliter la solution des différends. Je crois, Monsieur le Président, que le "témoignage" qu'elle a été amenée à rendre sur la Casamance a été bien reçu. L'action qu'elle mène aujourd'hui conjointement avec l'Algérie et le Burkina Faso, peut également apporter une contribution utile au règlement de la question Touareg au Niger.
Mais de telles actions ressortent en premier lieu de la compétence de l'OUA. Les récents événements sur le continent africain concernent cette organisation qui souhaite aujourd'hui, selon les orientations des Nations unies, mener des actions capables de désamorcer les conflits ou de leur apporter une solution. Il faudra du temps et des efforts pour que cette politique puisse véritablement porter ses fruits et qu'à l'image de la CSCE sur le continent européen, l'OUA développe encore ses activités de diplomatie préventive et se transforme en un véritable mécanisme de sécurité collective ; mais la France avec d'autres pays est prête à apporter toute son aide à une telle orientation. L'Afrique dispose d'abord d'un réseau de diplomates de grande qualité et d'un nombre important d'observateurs expérimentés qui font actuellement partie des forces des Nations unies. L'OUA peut tirer le meilleur parti de cet acquis en faveur d'initiatives plus nombreuses de diplomatie préventive.
La dure leçon du Rwanda incite également à s'interroger sur les moyens dont dispose l'Afrique dans le domaine du maintien de la paix. Lorsque le Secrétaire général des Nations unies a voulu mettre en place la MINUAR renforcée, conformément au mandat qui lui avait été donné, il s'est trouvé en face d'effectifs fournis par de nombreux pays africains qui étaient suffisants en nombre pour accomplir leur tâche. En revanche, ces forces n'étaient pas équipées. Elles manquaient d'armements, de moyens de transport et de logistique et il a fallu les efforts que vous savez pour obtenir que les pays qui avaient promis de contribuer à cet équipement commencent à se mobiliser. Ne faut-il pas aujourd'hui réfléchir à la manière d'éviter à l'avenir de tels retards ? Il me paraît urgent d'étudier la mise sur pied d'une structure proprement africaine qui soit capable d'intervenir rapidement en Afrique pour des opérations de maintien de la paix. La France et les institutions européennes, mais aussi d'autres contributeurs, pourraient apporter leur coopération à un tel projet.
La solidarité et la coopération de la France s'exercent également et de façon importante dans le domaine du développement. Premier soutien de l'Afrique, premier des grands pays industrialisés par son effort d'aide au développement, la France a témoigné à l'occasion de la dévaluation du franc CFA de son engagement renouvelé en faveur de l'Afrique. Elle a mobilisé avec succès les institutions financières et les bailleurs de fonds internationaux pour que leur concours vienne assurer le succès de l'opération. Elle a elle-même consenti et continuera à consentir un effort financier considérable, pour autant que les programmes d'ajustement auront été mis en oeuvre avec détermination et que les critères en auront été respectés. Dans le même temps, le gouvernement a incité les entrepreneurs à tirer parti des perspectives de croissance et de développement qui existent désormais dans la zone franc et qui doivent leur permettre d'y investir avec confiance.
Cette dévaluation décidée courageusement par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone franc n'a qu'un but : rompre avec la récession qui asphyxiait vos pays depuis de nombreuses années. D'ores et déjà, les premiers efforts positifs s'en font sentir :
- des moyens supplémentaires ont été dégagés et la zone franc bénéficie à nouveau des concours financiers des institutions internationales dont elle avait été privée depuis plusieurs années ;
- la compétitivité des entreprises de la zone franc et de son secteur agricole a été restaurée comme en témoigne l'augmentation de ses exportations et le mouvement de retour des capitaux qui s'amorce ;
- les pays de la zone vont pouvoir à nouveau concentrer leurs efforts, en partenariat avec la coopération française, sur des projets de développement qui préparent l'avenir au lieu de rechercher difficilement les moyens d'assurer leurs seules dépenses de fonctionnement.
L'inflation maîtrisée, l'unité de la zone franc préservée, les signes d'une reprise qui apparaissent, sont autant de raisons aujourd'hui de poursuivre ensemble nos efforts car ils commencent à porter leurs fruits.
L'Afrique sait qu'elle peut compter sur la France ; elle doit aussi s'appuyer sur les efforts de l'Union européenne. Dès les premiers pas de la Communauté, la France a joué un rôle essentiel pour que l'Union européenne ait une véritable politique africaine. A chaque renouvellement de la Convention de Lomé, elle a pesé de tout son poids pour augmenter les moyens mis à la dispositions des Etats signataires, tout en développant son action bilatérale. Mon gouvernement est déterminé à poursuivre dans la voie de la solidarité euro-africaine qu'appelait de ses voeux le Président Senghor. Cette forte relation entre nos deux continents est pour eux un atout supplémentaire dans la compétition internationale.
Pour animer cette ambition, j'ai tenu en 1993 à ce qu'un ministère de plein exercice, dirigé par M. Michel Roussin qui est aujourd'hui à mes côtés, soit votre interlocuteur de façon permanente.
Monsieur le Président,
C'est un grand privilège qui m'a été donné de pouvoir m'adresser à l'Assemblée nationale sénégalaise, l'une des plus anciennes institutions parlementaires d'Afrique, symbole de la démocratie sur le continent. La France trouve dans l'exemple sénégalais et dans la richesse humaine des peuples africains, toutes les raisons de garder confiance dans l'avenir de l'Afrique.
Les événements récents ont montré une fois encore que la communauté franco-africaine existait, qu'elle avait une réalité politique en Afrique et dans le monde, qu'elle pouvait jouer un rôle bénéfique pour le continent. Ils nous appartient à vous et à nous, de la garder vivante, et de la faire évoluer en fonction de la nouvelle situation du monde. Vous pouvez compter sur le gouvernement français pour qu'il emploie toute son énergie. Et je ne doute pas que notre prochaine conférence franco-africaine, à Biarritz en novembre, ait à coeur d'en entretenir la vigueur, le dynamisme et l'élan fraternel.
Vive l'amitié entre la France et le Sénégal !
Vive le Sénégal !
L'étroitesse des liens qui se sont tissés au fil des générations, une fraternité entre nos deux peuples qui s'est nourrie du sang versé en commun font, il est vrai, qu'un Français n'est pas ici un étranger comme les autres.
Ces liens si étroits ne se maintiennent pas du seul fait de l'histoire commune de nos deux pays. Ils vivent et se consolident grâce à votre activité et aux relations que vous entretenez avec nos partenaires sénégalais. Votre présence est la meilleure manifestation de notre engagement en Afrique et du rôle privilégié que joue la France sur ce continent.
Cet engagement a été réaffirmé de façon exemplaire lors de la dévaluation du franc CFA. Cette décision a été difficile à prendre mais elle était indispensable pour permettre aux pays de la zone de restaurer leur compétitivité, de rétablir le dialogue avec les institutions financières internationales et de renouer avec le développement. Cette évolution est l'assurance de votre succès futur en Afrique. C'est pourquoi, plus que les autres, vous pouvez comprendre cette opération, menée avec sérieux et sens des responsabilités et qui commence à produire des effets positifs.
Cela ne signifie pas pour autant que tout va pour le mieux. La dévaluation a entraîné pour certains d'entre vous des difficultés sérieuses. Le gouvernement a considéré qu'il convenait de leur accorder une attention prioritaire.
Votre première préoccupation est la scolarisation de vos enfants. L'existence d'un réseau scolaire dense et d'un niveau comparable à celui des établissements de France est d'ailleurs bien souvent l'une des conditions de votre expatriation. Pour l'année scolaire qui vient de s'écouler, les écolages n'ont pas été modifiés. Cette décision a demandé un effort exceptionnel en faveur des 10 établissements de la zone franc. Mais il faut bien être conscient que celui-ci ne pourra être maintenu au même niveau pour les années à venir. En effet, ces établissements qui perçoivent l'essentiel de leurs recettes en francs CFA doivent régler la majeure partie de leurs dépenses en francs français. La hausse inévitable des écolages sera contenue à un niveau aussi raisonnable que possible et étalée dans le temps. Par ailleurs, les modes de calculs, récemment modifiés, des bourses scolaires permettront aux familles de revenus modestes de pouvoir faire face à ces augmentations, afin qu'aucun enfant français ne soit, pour des raisons financières, exclu du système de scolarisation. La dévaluation du franc CFA a également placé bon nombre d'entre vous devant d'autres difficultés.
Je pense d'abord à ceux qui sont au chômage. Le gouvernement, conscient du fait que c'est dans le pays où ils ont perdu leur emploi que nos compatriotes sont le mieux placés pour occuper les nouveaux postes de travail qui seraient offerts, a obtenu des partenaires sociaux que les adhérents volontaires au régime français d'assurance chômage, licenciés entre le 12 janvier et le 30 juin en raison de la dévaluation, bénéficient dans leur pays de résidence, pendant 4 mois, des indemnités de chômage auxquelles ils ont droit.
Il est bien vite apparu que cette période transitoire était trop courte. C'est pourquoi je vous informe qu'une prorogation de l'accord jusqu'au 31 décembre 1994 a été demandée aux partenaires sociaux.
Je voudrais également rappeler les efforts consentis d'une part en faveur de la formation, grâce au Comité consulaire pour l'emploi et la formation professionnelle, d'autre part en faveur de la réinsertion en France dont ont bénéficié plusieurs dizaines de jeunes Français. Je n'oublie pas non plus que d'autres, sans être licenciés, sont de fait privés d'emploi. Je souhaite que la reprise économique qui s'amorce permette la régularisation de telles situations.
Je pense également à ceux d'entre vous qui ont contracté des prêts pour financer l'acquisition de biens immobiliers en France. Désormais grâce à l'interprétation large des dispositions de la loi sur le surendettement des particuliers, les Commissions locales d'examen des situations de surendettement peuvent envisager des rééchelonnements des dettes en accord avec les établissements créanciers.
Ces mesures n'ont pas permis de régler toutes les situations difficiles, en particulier celles des retraites. M. le ministre de la Coopération vous a déjà indiqué que le gouvernement avait décidé de mettre en place une aide forfaitaire exceptionnelle, pour les retraités français qu'ils vivent en France ou qu'ils aient choisi de rester dans le pays où ils avaient cotisé. Cette allocation sera versée avant le 31 décembre 1994.
Ces mesures ne permettront peut-être pas de répondre à toutes vos attentes mais une dévaluation est une opération difficile dont les conséquences doivent être appréciées sur le long terme.
Je vous l'ai dit : nous commençons à percevoir une amélioration de la situation. Les économies des pays où vous vivez et travaillez ne cessaient de régresser. La dévaluation a permis de renverser cette tendance. Les matières premières et produits locaux recommencent à trouver des marchés à l'exportation ; les touristes reviennent ; l'inflation est contenue dans des limites raisonnables. Tout ceci grâce au sérieux des gouvernements des pays de la zone franc. L'Afrique est de nouveau intégrée aux circuits financiers internationaux. Elle pourra ainsi bénéficier de nouvelles aides et envisager à nouveau les projets de développement qui prépareront l'avenir.
Cette nouvelle croissance sera profitable à tous. Elle ouvre de nouvelles perspectives pour nos entreprises. Elle est le gage que votre présence s'en trouvera renforcée.
Tel est le message que je souhaiterais que vous reteniez du voyage que j'accomplis en Afrique. Je suis ici pour réaffirmer solennellement l'engagement de la France aux côtés de ces pays africains qui sont si proches de nous par la géographie, l'histoire et la langue. Les événements de ces derniers mois ont montré de façon exemplaire la force de cet engagement et vous, Français du Sénégal, le savez mieux que quiconque, vous qui avez partagé les succès mais aussi les difficultés de ce pays.
Je tiens à rendre hommage une nouvelle fois au rôle que vous jouez pour la France et pour le Sénégal. Je vous remercie de l'appui et de la compréhension dont vous avez fait preuve au cours de ces derniers mois ; les autorités sénégalaises y auront, j'en suis convaincu, été sensibles. Vous êtes restés à leurs côtés aux moments les plus difficiles, vous serez avec eux demain pour jouir des fruits du progrès retrouvé !
Vive le Sénégal !
Vive la France !
J'ai tenu, dès le premier jour de mon voyage en Afrique qui, du Sénégal me conduire au Gabon en passant par la Côte d'Ivoire, à rencontrer nos forces armées présentes sur ce continent. A travers vous, officiers, sous-officiers, officiers-mariniers, gendarmes, soldats, marins et aviateurs, c'est aux quelque dix mille personnels des Forces Armées françaises stationnées au Sud du Sahara que je souhaite m'adresser.
Plus de trente ans après l'indépendance des Etats qui constituaient alors l'Empire français, cinq ans après la chute du mur de Berlin, la France continue à avoir des forces armées stationnées dans six pays d'Afrique, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Tchad, la Centrafrique et Djibouti. Cette présence résulte d'abord de la volonté de nos amis africains et ne durera qu'autant qu'ils en manifesteront le souhait. Si la France y répond, c'est parce qu'elle a une conception mondiale de ses responsabilités qui tient à son statut de membre permanent du Conseil de sécurité et à ses capacités de puissance nucléaire. C'est aussi parce que notre pays est lié à l'Afrique par des liens de solidarité et par une histoire commune qui nous attachent étroitement à chacun de ces pays et tout particulièrement au Sénégal.
La France fait partie aujourd'hui du petit nombre de pays qui estiment qu'ils ne peuvent rester indifférents lorsque la paix et la stabilité du monde sont menacées sur quelque continent que ce soit. Elle fait partie d'une société internationale dont elle se sent solidaire et qu'elle souhaite voir progresser vers davantage de justice et de paix. Nous pourrions nous contenter de regarder à nos seules frontières en fonction de nos seuls intérêts et d'y limiter notre action. Chacun sent bien que ce choix serait à la fois égoïste et à courte vue. La France s'est donc résolument engagée pour aider au règlement des crises et des différends auxquels est confrontée l'ONU. Elle est la plus présente dans l'ex-Yougoslavie, son rôle a été déterminant dans la solution du problème cambodgien, elle a participé activement aux opérations menées en Somalie et n'a cessé d'agir pour favoriser la paix au Moyen-Orient. Notre engagement actuel au Rwanda s'inscrit dans la même préoccupation, celle du droit. Nous n'avons aucun intérêt dans ce pays ; nous savions que les critiques seraient plus nombreuses que les concours. Mais nous avons la conscience aiguë que le drame humanitaire qui s'y déroule ne pouvait nous laisser indifférents pour des raisons morales et aussi parce qu'il menaçait de déstabiliser toute la région des grands lacs. Notre connaissance de l'Afrique et la présence de nos forces sur le continent faisaient de nous les seuls à pouvoir intervenir rapidement. C'est là la plus récente et évidente démonstration du sens qu'a la France de ses responsabilités dans le monde.
Nos liens avec l'Afrique et avec les pays de l'Afrique sub-saharienne donnent à ces responsabilités une signification particulière. Pendant plus d'un siècle, nous avons partagé notre destin avec le continent noir. Comment ne pas évoquer, en cette année du cinquantième anniversaire de la libération de notre pays, le lourd tribut que payèrent les soldats venus de nos colonies d'alors à la libération de la France ? Ici, à Dakar, rappelons-nous que tous les régiments originaires de ces régions portaient le nom générique de régiments de tirailleurs sénégalais. Comment ne pas ressentir profondément les liens culturels qui se sont tissés au fil des ans à travers l'usage commun de notre langue ? Ceux-ci se renforcent d'une communauté d'intérêts. L'Europe ne peut être indifférente au sort de l'Afrique. Une aggravation des déséquilibres économiques entre les deux continents ne serait pas sans conséquences graves pour notre société. Or, l'histoire nous le répète chaque jour, il ne peut y avoir de développement sans sécurité, tant aux frontières qu'à l'intérieur des pays.
L'effort que consent la France en maintenant un important dispositif militaire en Afrique subsaharienne s'inscrit dans cette logique. Votre présence ici, comme celles de vos camarades des trois armées et de la gendarmerie dans d'autres Etats d'Afrique, est une contribution essentielle à la stabilité de ce continent. Les efforts que vous déployez dans chacune de vos unités, ici à Dakar ou dans d'autres garnisons, concourent à la paix dans cette partie du monde. Vous apportez un supplément de sécurité indispensable aux pays de l'Afrique subsaharienne à un moment de leur histoire où ils doivent mobiliser toutes leurs énergies pour leur développement économique.
Votre présence au Cap Vert témoigne également de l'amitié séculaire qui unit le Sénégal et la France. Nos deux pays ont cette particularité commune d'être les extrémités occidentales de leurs continents respectifs. La pointe du Raz et le Cap des Amaldies sont des ouvertures vers le grand large mais aussi vers le monde et vers les autres. Nos peuples sont proches par cette singularité géographique partagée. Vous le ressentez bien ici à Dakar, dans vos vies professionnelles et familiales.
La relation exemplaire que vous entretenez avec l'armée sénégalaise le révèle chaque jour. Ce compagnonnage d'armes si vivant s'est manifesté de façon exemplaire dans l'opération humanitaire que mène la France au Rwanda. Alors même que la communauté internationale hésitait et se réfugiait dans une inaction bien égoïste, les troupes sénégalaises se sont trouvées aussitôt aux côtés de la France. Cette opération est difficile, elle demande à nos troupes un grand professionnalisme et une abnégation de tous les instants. Elle a jusqu'ici été menée avec mesure et succès.
La présence de vos familles à Dakar est aussi un symbole auquel je suis attaché. Dans la presqu'île du Cap Vert, vous êtes au sein de la société sénégalaise ; vos familles vivent dans Dakar ; vos enfant y sont scolarisés. C'est une preuve de la confiance partagée entre nos deux peuples. Pour chacun d'entre vous, c'est aussi au cours du séjour que vous effectuez, la possibilité de découvrir une culture différente de la vôtre. Soyez conscients que cette sensibilité particulière que vous acquérez ainsi nous est enviée par beaucoup dans le monde. La réussite exemplaire de notre contingent en Somalie a dû beaucoup à cette connaissance de la mentalité africaine et elle a forcé l'admiration de tous. Soyez persuadés qu'il est de votre devoir, lors de votre affectation à Dakar, d'acquérir cette nouvelle expérience en sortant des routines administratives et de vos cadres de vie habituels. Je suis particulièrement sensible à ce que, tous, vous avez fait pour permettre au Lycée français Jean Mermoz de ne pas fermer ses portes. Seules les forces françaises pouvaient mobiliser assez d'énergie et de savoir-faire pour arriver à ce résultat en parfaite collaboration avec les autorités sénégalaises et les services civils compétents de notre ambassade et de notre consulat général.
En ce moment où nous déployons tous nos efforts pour éviter le pire au Rwanda, je voudrais vous féliciter pour votre apport essentiel au déroulement de l'opération Turquoise.
Féliciter les Forces françaises du Cap-Vert qui ont permis de garder ouvertes et opérationnelles à toutes heures du jour et de la nuit, les escales aériennes et maritimes. Vous avez ainsi rendu possible un acheminement sans heurt des renforts et des moyens matériels. Dakar, par sa position géographique, est et demeurera un pivot essentiel pour notre dispositif au sud du Sahara.
Féliciter aussi nos assitants militaires techniques qui ont permis la mise sur pied du contingent sénégalais engagé dans Turquoise.
Je n'ignore pas enfin l'importance que revêt la disponibilité de la composante terre des Forces françaises du Cap-Vert.
Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, gendarmes, soldats, marins, aviateurs, je tenais à vous rencontrer. Votre rôle ici à Dakar, au Sénégal, sur le continent africain, est essentiel à la politique que le gouvernement français entend conduire dans cette partie du monde. Je veux vous assurer de ma confiance.
C'est un grand honneur pour moi de m'adresser aujourd'hui aux représentants du peuple sénégalais. Il existe entre lui et le peuple de France que je représente ici une très longue histoire qui, si j'en crois les chroniques, remonte à ce jour de Noël 1364 où des marins dieppois jetèrent l'ancre pour la première fois sur vos rivages. Cette histoire, nous l'assumons ensemble aujourd'hui. Elle est notre patrimoine commun, comme la racine profonde à partir de laquelle peut aujourd'hui se développer la relation si particulière d'amitié et de confiance qui existe entre nos deux nations.
Ma première pensée aujourd'hui est celle de la gratitude pour votre hospitalité et pour l'occasion que vous me donnez de vous parler en ami. Mon message sera simple. C'est un message de solidarité renouvelée de la France à l'égard du Sénégal et de l'Afrique ; c'est un message d'espoir dans l'avenir du continent africain, c'est un message de confiance dans notre capacité commune à construire une société internationale plus stable, plus juste et capable de favoriser le progrès économique et social.
En affirmant cet espoir, je n'ai pas le sentiment de faire preuve d'un optimisme déplacé alors même que le monde nous rappelle sans cesse en ex-Yougoslavie ou au Rwanda combien la paix et la liberté sont fragiles. Je souhaite au contraire affirmer que notre destin commun est entre nos mains, pour autant que nous sachions réagir aux difficultés économiques, aux crises politiques et traiter ensemble des vrais problèmes du monde nouveau qui nous entoure.
Dans les derniers mois, la France et le Sénégal ont fait à deux reprises, avec d'autres, la preuve de leur capacité à prendre leurs responsabilités. Pour combattre la crise économique et la récession, le Sénégal a courageusement décidé avec ses partenaires de la zone franc réunis à Dakar de dévaluer le franc CFA. La France a adopté des mesures d'accompagnement d'une ampleur exceptionnelle et elle a contribué à mobiliser les institutions internationales. Cet effort commence aujourd'hui à porter ses fruits. Dans un autre domaine, pour arrêter l'insupportable martyre du peuple rwandais, ils ont décidé de lancer ensemble une opération humanitaire dont toute la communauté internationale commence aujourd'hui à mesurer les mérites.
Cette voie est celle de la lucidité, mais aussi de l'honneur et du courage, je vous propose de la poursuivre ensemble.
Depuis 1989, nous sommes, vous en Afrique et nous en Europe, confrontés à un monde nouveau. La fin de la division de la communauté internationale en deux blocs a constitué comme une sorte d'opération vérité. Désormais, nul ne peut plus se réfugier derrière les idéologies pour masquer des pratiques politiques incertaines, une absence de rigueur dans la gestion économique ou des ambitions territoriales inavouées. La liberté nouvelle qui est apparue dans le monde met chacun en face de ses responsabilités, avec les dangers que font courir à tous ceux qui ne veulent pas respecter les règles communes mais aussi avec les moyens que nous offrent désormais les extraordinaires capacités de la science et de la technique modernes. Nous voyons partout une aspiration à la liberté politique mais aussi économique qui seule permet aux citoyens de donner le meilleur d'eux-mêmes et de contribuer au bien-être de leur société.
L'Afrique n'a pas bénéficié de cette nouvelle situation du monde. Son économie trop fragile a souffert davantage que d'autres de la crise économique. Ses institutions politiques ont souvent été déstabilisées par la baisse des niveaux de vie. N'étant plus un enjeu dans la compétition entre les deux blocs, elle court le risque d'être marginalisée. Plusieurs pays se sont défaits dans la violence de guerres fratricides, dans la division, privés d'Etats et d'organisation sociale.
La Somalie, le Libéria, le Zaïre, l'Angola, le Rwanda constituent autant de situations qui, à des degrés différents, menacent l'équilibre de leur région et celui du continent tout entier.
De son côté l'Europe, à la construction de laquelle la France a associé son destin, a vu renaître la guerre sur son territoire. La liberté et l'indépendance retrouvées d'une moitié du continent ont fait réapparaître d'anciennes divisions. L'Ouest de l'Europe n'est pas non plus épargné par les doutes et les difficultés. La crise économique y a développé le chômage dont la diminution est un souci majeur des gouvernements européens. La récession que nous avons traversée l'an dernier et dont nous commençons heureusement à sortir a aggravé les problèmes économiques et budgétaires auxquels nous devons faire face.
Ces difficultés, en Afrique comme en Europe, ne doivent pas nous conduire au repli sur nous-mêmes. S'il est légitime que la France se préoccupe d'abord de soutenir son activité pour créer des emplois et s'engage à rechercher la stabilité du continent où elle se trouve, j'estime essentiel qu'elle poursuive son engagement en faveur de l'Afrique et des Africains. Cet engagement témoigne de la force que constitue le partage d'une langue et d'une culture. C'est aussi l'intérêt de l'Afrique comme celui de la France. C'est l'effet de leur proximité géographique mais chacun sait bien que les crises comme la prospérité de l'une et de l'autre sont liées, qu'elles ont des effets, pour les uns et les autres, sur leur commerce, sur leur sécurité, sur leurs approvisionnements en matières premières ou encore sur les mouvements de population. Nos intérêts ne sont pas seuls en cause. Si les difficultés de l'Afrique devaient se prolonger et s'aggraver, ce serait pour la France et l'Europe l'échec d'une politique de développement et de coopération mais surtout nous y résigner, serait trahir le devoir moral de solidarité qui nous lie à l'Afrique et auquel je suis plus que tout attaché.
Nos destins sont étroitement liés. A nous de trouver ensemble les voies de la stabilité politique, de rester ouverts aux grands courants qui animent le monde et de fournir à nos peuples la prospérité à laquelle ils aspirent.
Comme l'Europe, l'Afrique a besoin de stabilité politique et par conséquent la démocratie et de consensus social, sans lesquels il n'est pas de développement durable. Comme l'Europe, il lui appartient de rechercher elle-même les moyens de les assurer.
La demande de démocratie est aussi forte en Afrique qu'ailleurs dans le monde. Déjà, en avril 1789, les habitants du Sénégal faisaient parvenir aux Etats généraux leurs "doléances et remontrances". Mais, comme dans d'autres régions du monde, la démocratie a longtemps été limitée par des légitimités qui s'appuyaient sur les idéologies de la guerre froide ou par les excès de régimes de partis uniques qui avaient supprimé tout pluralisme. Aujourd'hui, les nouvelles générations sont exigeantes. Elles nous rappellent que quelles que soient les différences d'évolution historique, de tradition, de psychologie des peuples, d'organisation des sociétés, la participation aux décisions de la communauté à laquelle il appartient constitue une aspiration fondamentale et universelle de l'individu.
Les voies vers la démocratie sont multiples ; elles sont longues à parcourir. Il a fallu plusieurs siècles aux démocraties occidentales pour devenir ce qu'elles sont. Les deux dernières guerres mondiales, auxquelles tant d'Africains ont participé aux côtés de la France, ont témoigné de leur fragilité. Le sacrifice consenti par tant des vôtres lors de la libération de la France, dont nous célébrons cette année le cinquantenaire, nous rappelle ce que nous leur devons mais aussi le prix des valeurs de démocratie et de liberté.
Je me garderai donc soigneusement de prodiguer conseils ou leçons. Je sais seulement que si l'Afrique souhaite poursuivre sa quête de la stabilité politique et du progrès économique, elle doit comme l'Europe avant elle s'engager résolument sur le chemin de l'Etat de droit. Les obstacles sont nombreux et le premier d'entre eux est le sous-développement, qui dans beaucoup de pays de votre continent ne permet souvent pas d'assurer l'éducation, et les conditions minimales de bien-être sans lesquelles il n'existe guère d'autonomie de l'individu. Je reviendrai, au cours de ce voyage en Afrique, sur notre impératif commun qui est le retour à la croissance sur votre continent et sur les espoirs que suscite la nouvelle politique courageuse mise en oeuvre dans ce but par les pays de la zone franc avec le concours actif des institutions internationales et de la France.
La stabilité politique est la condition première de ce nouveau départ économique. Elle est inséparable d'un consensus national où les droits et les devoirs de chacun sont clairement établis et respectés. Ce n'est qu'ainsi que la volonté et les énergies de tous peuvent être mobilisés.
Beaucoup de progrès ont été accomplis dans cette voie qui est d'autant plus fructueuse qu'elle s'adapte aux situations et aux traditions de chacun. La tradition africaine est riche. Elle s'appuie sur une habitude de recherche du consentement qui suppose le respect de l'autre et une longue école de dialogue. Elle s'incarne dans un très beau symbole, celui de l'arbre à palabres qui existait autrefois dans chaque village et qui est un peu à l'Afrique, ce qu'était à l'Europe l'Agora athénienne. Que de crises ont pu être évitées ou résolues grâce au recours aux méthodes traditionnelles africaines de réunion pour trouver un accord. Que de chemin parcouru également ces derniers temps vers l'adoption de formes plus modernes de démocratie, en particulier dans les pays francophones ! La presse s'y développe de façon exceptionnelle, et les moyens d'expression et de participation des citoyens sont de mieux en mieux respectés.
Plusieurs pays africains, et en premier lieu, le Sénégal, familier depuis longtemps, grâce à la sagesse des Présidents Senghor et Diouf, des us et coutumes de la démocratie, ont réussi à instaurer chez eux une démocratie vivante et exemplaire. Ce courant s'est accéléré ces dernières années, devant les revendications des peuples.
Chacun sait bien que reconnaître et respecter les droits de la minorité exigent davantage de vertu démocratique qu'accepter la victoire de la majorité. Il revient aux Africains de réfléchir aujourd'hui aux moyens de mieux intégrer les minorités dans leurs institutions. Cela peut être fait par le biais de commissions parlementaires, par la formation de gouvernements d'union nationale ou encore lorsqu'il s'agit de sortir d'une crise grave, par l'organisation, durant une période de transition, d'un partage du pouvoir entre les différentes forces politiques du pays. L'Afrique du Sud, si longtemps meurtrie, est aujourd'hui en train de donner au monde une leçon exemplaire de respect de la minorité et de partage du pouvoir. La démocratie signifie également le pluralisme et l'indépendance des pouvoirs : une justice réellement indépendante de l'exécutif, une presse libre sachant maîtriser cette liberté, constituent toujours des contre-pouvoirs, facteurs d'équilibre dans la vie publique. De même, la dévolution de certaines responsabilités aux pouvoirs régionaux et locaux peut contribuer à l'équilibre politique d'un pays.
A chaque pays de trouver sa propre formule, son propre calendrier, en fonction de son histoire, de ses traditions, de ses conditions propres. Il n'y a pas de recette unique, ni de figure imposée pour la démocratie, et je me garderai d'en suggérer une en particulier. L'important est que le système adopté réponde aux aspirations des peuples et à l'épanouissement des hommes. Il doit permettre leur mobilisation en faveur de la croissance et du développement, et fournir à l'effort qu'ils requièrent, tant de la part des populations que des bailleurs de fonds et des investisseurs étrangers, la stabilité indispensable.
Cette stabilité, l'Afrique comme l'Europe souhaite qu'elle inspire la vie internationale. C'est un objectif d'autant plus difficile à atteindre que sur tous les continents, la fin de la division du monde en deux blocs a fait resurgir beaucoup d'anciennes rivalités. En Europe comme en Afrique, l'on en revient souvent à traiter des problèmes que l'on avait cru dépassés, notamment ceux qui concernent les frontières et les minorités.
J'ai souvent entendu dire qu'aborder ces questions difficiles était un exercice dangereux et consistait en quelque sorte à ouvrir la boîte de Pandore. Je le fais aujourd'hui devant vous de façon d'autant plus libre que je suis convaincu du contraire. Il nous faut, en Europe, où nous le faisons en ce moment à mon initiative, comme en Afrique, avoir le courage politique de traiter ces questions difficiles de frontières et de minorités qui, précisément parce qu'elles sont trop souvent occultées, peuvent être à l'origine de crises graves.
S'agissant des frontières, l'Afrique a eu la grande sagesse de se prononcer pour leur intangibilité en adoptant une fois pour toutes le principe du respect des frontières héritées de la colonisation. La plupart des Etats africains ont jusqu'ici réussi à résoudre de façon pacifique les litiges qui pouvaient les opposer dans ce domaine. Comment ne pas exprimer sa satisfaction devant les développements récents du long contentieux qui a opposé le Tchad à la Libye et qui vient de trouver une conclusion dans l'arbitrage rendu par la Cour internationale de Justice, dont les termes ont été appliqués par les parties ?
Plus difficile est le problème des minorités et du respect de leurs droits. Des groupes de population, qui dans certains cas représentent une part importante de celle d'un pays, se trouvent parfois privés de toute participation au pouvoir et sans capacité à faire valoir leur particularisme ethnique, culturel ou religieux. La tentation peut être grande alors, au détriment du devoir de loyauté qu'un citoyen doit à son pays, de s'appuyer sur telle ou telle aide extérieure venant d'un pays voisin pour faire prévaloir ses revendications. La guerre qui sévit aujourd'hui au sud du Soudan nous en donne un triste exemple. L'ex-Yougoslavie également.
Comment traiter de façon préventive et sans chercher à les occulter les problèmes de frontières ou de minorités qui fragilisent aujourd'hui notre société internationale ? L'Europe pas plus que l'Afrique n'échappe à ces difficultés. La triste expérience de l'ex-Yougoslavie, comme le drame que traverse le Rwanda, nous le rappellent chaque jour. Pour tenter d'éviter la répétition de tels événements, j'ai proposé, en ce qui concerne l'Europe, la conclusion entre tous les pays du vieux continent d'un Pacte de stabilité qui réunirait tous les accords de bon voisinage qu'auraient signés entre eux les pays d'Europe centrale et orientale. Je suis convaincu que c'est en regardant leur problèmes en face et en nouant des relations de bon voisinage, que les pays européens définiront un nouveau pacte social de leurs relations fondé sur la stabilité des frontières, le respect des droits des minorités et l'habitude d'un dialogue régulier et confiant. L'expérience franco-allemande nous apprend depuis plus de trente ans que de bonnes procédures de discussion et de dialogue animées par une forte volonté politique, peuvent permettre des réconciliations exceptionnellement fécondes.
Il n'existe pas en la matière de recette unique ni transposable partout. Les Etats africains et l'Organisation de l'unité africaine s'emploient à trouver leur propre voie. L'organisation africaine a mis en place il y a un an un mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits qui manque encore de moyens et d'expérience, mais qui représente une prise de conscience très positive. La France en soutient la mise en oeuvre, et y voit un instrument qui doit réunir les concours des pays africains qui sont au premier chef concernés par les crises de leur continent. Le code de conduite adopté lors du récent sommet de l'OUA à l'initiative de la Tunisie marque au plan politique cette ambition.
D'autres orientations suivies par les pays africains contribuent également à la stabilité du continent. C'est principalement son ouverture sur lui-même et sur le monde. L'Afrique est une. Sans vouloir minimiser la spécificité de chacun ou les liens que la Francophonie ou l'Anglophonie ont pu faire naître, il est évident que les problèmes de l'Afrique ne peuvent trouver une solution sans une vue d'ensemble du continent, qui seule permettra de décloisonner les courants d'échange, de favoriser la liberté de circulation des biens, des hommes et des services et surtout de développer à l'échelle de l'Afrique tout entière une solidarité politique tellement nécessaire.
Les accords d'intégration régionale conduisent à une convergence des politiques économiques, mais contiennent également une dimension politique : les responsables prennent l'habitude de se consulter, de rapprocher leurs points de vue, voire de travailler ensemble. De nombreux exemples illustrent cet effet politique bénéfique, dans le monde, en Europe, en Asie ou sur le continent américain. En Afrique, les réunions de la Sadec, de même que celles de la zone franc contribuent à harmoniser les positions de leurs membres au plan politique général.
Les Africains savent que c'est à eux qu'incombe au premier chef la responsabilité de leur destin. C'est à l'Afrique qu'il appartient de poursuivre avec courage et détermination la rénovation de ses structures politiques et économiques.
Pour autant que les pays africains le souhaiteront, et dans le respect de leur indépendance, la France se tiendra à leur côté pour leur apporter son soutien dans cette tâche difficile. Devant la représentation du peuple du Sénégal, je voudrais réaffirmer de façon solennelle l'engagement de la France à l'égard du continent africain.
Cet effort et cette solidarité doivent d'abord jouer dans le domaine humanitaire et dans celui de la sécurité. Comment ne pas évoquer à cet égard le drame du Rwanda. Je considère que c'est l'honneur du gouvernement français d'avoir entrepris, bien seul au début, avec un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, une opération militaire de sauvetage humanitaire dans ce pays. Des centaines de milliers de morts, plusieurs millions de personnes réfugiées, la perspective de massacres à venir ; rien n'avait été en mesure de mobiliser la communauté internationale. Il nous a semblé impensable de laisser se prolonger ainsi sans réagir le martyre d'un peuple, et de nous désintéresser d'une nation africaine abandonnée de tous. Votre pays, Monsieur le Président, a éprouvé le même sentiment, et il s'est trouvé très vite et spontanément aux côtés de la France dans cette opération difficile et dangereuse. Une fois de plus, nos deux peuples se sont retrouvés ensemble sur les chemins du devoir et de l'honneur, convaincus comme le dit un dicton wolof que, "c'est l'honneur qui est le remède de l'homme".
Pour avoir respecté scrupuleusement le mandat humanitaire qui nous avait été donné par les Nations unies, nous avons aujourd'hui atteint les principaux objectifs que nous nous étions fixés en luttant de toutes nos forces contre le pire et en éveillant la conscience internationale. Et j'observe que la communauté internationale commence enfin à se mobiliser.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Fidèle à ses traditions et à ses amitiés, la France souhaite aujourd'hui donner une nouvelle dimension à ses relations avec l'Afrique. Comme le monde, nous avons les uns et les autres beaucoup changé. Notre coopération doit, une fois de plus, s'adapter à ces nouvelles circonstances.
La France est prête à apporter son aide à ses partenaires africains qui le souhaitent pour renforcer leurs institutions, pour les assister lorsque cela est nécessaire dans le bon déroulement des opérations démocratiques et enfin pour affermir leur état de droit. Celui-ci rassure les investisseurs, assure un meilleur équilibre des pouvoirs grâce à la formation de magistrats et de journalistes indépendants. La coopération en matière de gendarmerie et de police peut également favoriser la paix civile et permettre un maintien de l'ordre démocratique.
Mais la France souhaite également poursuivre une présence diplomatique active en Afrique. Lorsque les parties en présence font appel à elle, elle est prête, à titre préventif, à faciliter la solution des différends. Je crois, Monsieur le Président, que le "témoignage" qu'elle a été amenée à rendre sur la Casamance a été bien reçu. L'action qu'elle mène aujourd'hui conjointement avec l'Algérie et le Burkina Faso, peut également apporter une contribution utile au règlement de la question Touareg au Niger.
Mais de telles actions ressortent en premier lieu de la compétence de l'OUA. Les récents événements sur le continent africain concernent cette organisation qui souhaite aujourd'hui, selon les orientations des Nations unies, mener des actions capables de désamorcer les conflits ou de leur apporter une solution. Il faudra du temps et des efforts pour que cette politique puisse véritablement porter ses fruits et qu'à l'image de la CSCE sur le continent européen, l'OUA développe encore ses activités de diplomatie préventive et se transforme en un véritable mécanisme de sécurité collective ; mais la France avec d'autres pays est prête à apporter toute son aide à une telle orientation. L'Afrique dispose d'abord d'un réseau de diplomates de grande qualité et d'un nombre important d'observateurs expérimentés qui font actuellement partie des forces des Nations unies. L'OUA peut tirer le meilleur parti de cet acquis en faveur d'initiatives plus nombreuses de diplomatie préventive.
La dure leçon du Rwanda incite également à s'interroger sur les moyens dont dispose l'Afrique dans le domaine du maintien de la paix. Lorsque le Secrétaire général des Nations unies a voulu mettre en place la MINUAR renforcée, conformément au mandat qui lui avait été donné, il s'est trouvé en face d'effectifs fournis par de nombreux pays africains qui étaient suffisants en nombre pour accomplir leur tâche. En revanche, ces forces n'étaient pas équipées. Elles manquaient d'armements, de moyens de transport et de logistique et il a fallu les efforts que vous savez pour obtenir que les pays qui avaient promis de contribuer à cet équipement commencent à se mobiliser. Ne faut-il pas aujourd'hui réfléchir à la manière d'éviter à l'avenir de tels retards ? Il me paraît urgent d'étudier la mise sur pied d'une structure proprement africaine qui soit capable d'intervenir rapidement en Afrique pour des opérations de maintien de la paix. La France et les institutions européennes, mais aussi d'autres contributeurs, pourraient apporter leur coopération à un tel projet.
La solidarité et la coopération de la France s'exercent également et de façon importante dans le domaine du développement. Premier soutien de l'Afrique, premier des grands pays industrialisés par son effort d'aide au développement, la France a témoigné à l'occasion de la dévaluation du franc CFA de son engagement renouvelé en faveur de l'Afrique. Elle a mobilisé avec succès les institutions financières et les bailleurs de fonds internationaux pour que leur concours vienne assurer le succès de l'opération. Elle a elle-même consenti et continuera à consentir un effort financier considérable, pour autant que les programmes d'ajustement auront été mis en oeuvre avec détermination et que les critères en auront été respectés. Dans le même temps, le gouvernement a incité les entrepreneurs à tirer parti des perspectives de croissance et de développement qui existent désormais dans la zone franc et qui doivent leur permettre d'y investir avec confiance.
Cette dévaluation décidée courageusement par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone franc n'a qu'un but : rompre avec la récession qui asphyxiait vos pays depuis de nombreuses années. D'ores et déjà, les premiers efforts positifs s'en font sentir :
- des moyens supplémentaires ont été dégagés et la zone franc bénéficie à nouveau des concours financiers des institutions internationales dont elle avait été privée depuis plusieurs années ;
- la compétitivité des entreprises de la zone franc et de son secteur agricole a été restaurée comme en témoigne l'augmentation de ses exportations et le mouvement de retour des capitaux qui s'amorce ;
- les pays de la zone vont pouvoir à nouveau concentrer leurs efforts, en partenariat avec la coopération française, sur des projets de développement qui préparent l'avenir au lieu de rechercher difficilement les moyens d'assurer leurs seules dépenses de fonctionnement.
L'inflation maîtrisée, l'unité de la zone franc préservée, les signes d'une reprise qui apparaissent, sont autant de raisons aujourd'hui de poursuivre ensemble nos efforts car ils commencent à porter leurs fruits.
L'Afrique sait qu'elle peut compter sur la France ; elle doit aussi s'appuyer sur les efforts de l'Union européenne. Dès les premiers pas de la Communauté, la France a joué un rôle essentiel pour que l'Union européenne ait une véritable politique africaine. A chaque renouvellement de la Convention de Lomé, elle a pesé de tout son poids pour augmenter les moyens mis à la dispositions des Etats signataires, tout en développant son action bilatérale. Mon gouvernement est déterminé à poursuivre dans la voie de la solidarité euro-africaine qu'appelait de ses voeux le Président Senghor. Cette forte relation entre nos deux continents est pour eux un atout supplémentaire dans la compétition internationale.
Pour animer cette ambition, j'ai tenu en 1993 à ce qu'un ministère de plein exercice, dirigé par M. Michel Roussin qui est aujourd'hui à mes côtés, soit votre interlocuteur de façon permanente.
Monsieur le Président,
C'est un grand privilège qui m'a été donné de pouvoir m'adresser à l'Assemblée nationale sénégalaise, l'une des plus anciennes institutions parlementaires d'Afrique, symbole de la démocratie sur le continent. La France trouve dans l'exemple sénégalais et dans la richesse humaine des peuples africains, toutes les raisons de garder confiance dans l'avenir de l'Afrique.
Les événements récents ont montré une fois encore que la communauté franco-africaine existait, qu'elle avait une réalité politique en Afrique et dans le monde, qu'elle pouvait jouer un rôle bénéfique pour le continent. Ils nous appartient à vous et à nous, de la garder vivante, et de la faire évoluer en fonction de la nouvelle situation du monde. Vous pouvez compter sur le gouvernement français pour qu'il emploie toute son énergie. Et je ne doute pas que notre prochaine conférence franco-africaine, à Biarritz en novembre, ait à coeur d'en entretenir la vigueur, le dynamisme et l'élan fraternel.
Vive l'amitié entre la France et le Sénégal !
Vive le Sénégal !