Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre et président du RPR, sur la politique du logement, l'accession à la propriété et l'aide au logement notamment par l'attribution de prêts à taux zéro, Moulins le 13 mai 1997.

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Circonstance : Réunion publique dans le cadre des élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997, Moulins le 13 mai 1997

Texte intégral

Monsieur le Maire, Monsieur le Ministre, cher Pierre-André Périssol, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, chers amis... je voulais vous dire combien je suis heureux de venir passer ces quelques instants avec vous, ici, à Moulins, d'abord parce que l'on y est très bien accueilli - il y avait une petite chorale, là, à l'entrée qui me chantait : "Il y a longtemps que je t'aime, jamais je ne t'oublierai", et, moi, je me suis dit qu'il y avait longtemps que l'on ne m'avait pas dit cela ! - et puis aussi d'être, ici, dans une ville qui, comme l'a dit son Maire, est en train de bouger sous l'impulsion de Pierre-André Périssol.
Il a bien voulu dire que j'avais essayé de m'intéresser très directement au problème du logement durant ces deux années, deux dernières années, mais je peux vous dire que c'était facile, d'une certaine manière, car j'avais, en Pierre-André Périssol, un ministre du logement d'abord compétent - il savait de quoi il parlait, il sait de quoi il parle -, ensuite convaincu de la nécessité de faire des réformes dans ce domaine et, enfin, tenace et décidé à aboutir lorsqu'il avait un projet. Vous savez qu'il faut de la ténacité, entre le ministère des Finances, d'un côté, et les administrations diverses et variées, de l'autre, pour faire aboutir des réformes. Il l'a fait. Si bien qu'aujourd'hui le paysage législatif, administratif, réglementaire du logement, a été totalement rénové. Je vais y revenir.
Je voudrais commencer par fêter un événement heureux - il y en a, fort heureusement, de temps en temps dans la vie publique, même s'ils sont moins médiatisés que d'autres -. L'événement, qui nous rassemble aujourd'hui, a une valeur symbolique, bien sûr, c'est l'attribution du 200 000ème prêt à taux zéro, c'est-à-dire, pour être tout à fait concret, la 200 000ème famille qui accède à la propriété grâce à ce type nouveau de prêt qui a été institué dès octobre 1995, conformément aux engagements qu'avait pris Jacques Chirac pendant sa campagne présidentielle et sous l'impulsion de Pierre-André Périssol.
Vous avez, chère Madame, cher Monsieur, construit un projet dans votre tête, avant d'essayer de le construire sur le terrain. Je sais qu'il vous a sans doute fallu beaucoup d'efforts pour le faire aboutir, j'imagine sans peine qu'il va contribuer à votre bonheur familial, à l'épanouissement de votre famille, de Mélanie et puis, peut-être, des frères et surs que vous lui donnerez, et je vous souhaite grande réussite.
200 000 familles comme la vôtre bénéficient déjà de ce nouveau dispositif. Nous devons tous nous féliciter de ce premier résultat : 200 000 en moins de deux ans, qui aurait pu prédire un tel succès ?
A l'heure où la critique s'exerce souvent sur l'action gouvernementale, et c'est bien normal dans une démocratie, je voudrais remettre, si j'ose dire, un peu devant vous, qui êtes des professionnels, les pendules à l'heure.
Que signifie l'attribution de ce 200 000ème prêt ? D'abord, je l'ai dit, la mise en uvre rapide d'un engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne présidentielle.
"La France pour tous", vous vous souvenez de la formule, c'est l'ambition d'un septennat tout entier, vous le savez, et c'est donc sur la durée qu'il nous faut maintenant juger de la portée de ces engagements.
L'objectif du Gouvernement, depuis 2 ans, n'a pas changé : remettre en marche le moteur de l'intégration sociale, la France pour tous, afin de rétablir une meilleure cohésion sociale dans notre pays.
Or, la première étape d'une bonne intégration sociale, c'est le logement et c'est le logement, bien sûr, à tous les niveaux.
D'abord, pour ceux qui n'en ont pas, pour ceux qui n'ont pas de domicile fixe, au premier chef. L'effort, que nous avons déjà accompli dans ce domaine avec les 10 000 premiers logements d'urgence et les 10 000 logements d'insertion qui ont été construits dans un délai record, sera poursuivi, puisque le projet de loi de cohésion sociale, dont vous avez entendu parler, que nous avons mis du temps à élaborer parce que nous avons voulu le faire en liaison avec toutes les associations concernées, sera repris par la prochaine Assemblée Nationale, sans attendre, dès le mois de juin.
Il prévoit, je le rappelle, 100 000 nouveaux logements d'insertion au cours des 5 prochaines années. Mais aussi, bien sur, le logement pour tous nos concitoyens, quelle que soit leur situation, familles qui veulent accéder à la propriété, locataires ou propriétaires qui veulent s'agrandir ou qui doivent déménager pour des raisons professionnelles, ménages modestes à la recherche de logements à loyer modéré, ou d'une aide personnelle au logement, qui soit une aide juste.
N'oublions jamais, dans ce domaine comme dans tous les autres, d'où nous venons pour prendre vraiment la mesure des progrès accomplis en l'espace de deux ans.
Quelle était, en effet, la situation dans le secteur du logement à la fin des années 1993 ?
L'accession à la propriété était en panne, à cause d'un produit, le PAP, le Prêt d'Accession à la Propriété, - le domaine du logement est un de ceux où les sigles fleurissent de manière la plus abondante, enfin tout le monde les connaît ici - qui n'était plus adapté à la réalité des besoins, ni à la situation budgétaire de notre pays.
L'investissement immobilier était pénalisé par rapport à toutes les autres formes de placement, avec pour seul effet l'augmentation du nombre des mal logés.
Les aides personnelles au logement n'avaient pas évolué depuis 1977 et elles étaient devenues extrêmement injustes car des ménages, qui se trouvaient dans des situations identiques, recevaient des aides souvent très différentes.
Il fallait donc réformer en profondeur le secteur du logement pour rétablir l'efficacité économique et la justice sociale. Et le Ministre du Logement s'y est attaché. Après deux années de travail, d'énormes progrès ont été accomplis, au moins, je le répète, dans le cadre législatif et réglementaire.
J'en prends quelques exemples :
- la réforme des aides personnelles au logement vient d'être menée à bien après une concertation exemplaire avec les organisations familiales et les organismes H.L.M., le nouveau barème qui a été adopté, est fondé sur plus de justice et plus d'efficacité.
Justice d'abord, puisque les ménages, qui se trouvent en situation comparable, recevront désormais la même aide, ce qui n'était pas le cas dans le système antérieur.
Efficacité ensuite, puisque le niveau de l'aide sera déterminé à partir du revenu et du loyer payé en fonction d'un taux d'effort qui sera connu et lisible.
C'est donc, pour l'allocataire, une compréhension plus rapide et plus facile de ce qui lui est proposé. C'est, je crois, cela aussi, réformer l'Etat et simplifier la vie des citoyens.
- deuxième exemple, il fallait relancer l'offre de logement locatif privé, qui était en panne, je l'ai dit, à cause d'une fiscalité véritablement confiscatoire :
* dans l'ancien, 4 ans, depuis 1993, sous le gouvernement d'Edouard Balladur et sous le mien, nous avons relevé de 8 à 14 % le taux de la déduction forfaitaire et permis l'imputation sur le revenu global des déficits liés à la réalisation des travaux dans les logements donnés en location, jusqu'à un plafond de 70 000 F.
* dans le neuf, nous avons décidé de considérer l'activité des propriétaires bailleurs comme une véritable activité économique à part entière, en instaurant une possibilité d'amortissement des logements locatifs. C'était une vieille revendication, jamais satisfaite. Elle a donné lieu à une réforme législative importante, et je vois, de temps en temps, des petites affichettes fleurir sur telle ou telle vitrine d'agent immobilier disant : "L'amortissement Périssol - puisque c'est comme cela que ça s'appelle mon cher ministre - une mesure révolutionnaire". Et c'est vrai que c'est une mesure révolutionnaire qui n'a évidemment pas encore aujourd'hui produit tous ses effets, car il faut du temps pour que les réformes pénètrent dans les comportements.
Néanmoins, cela représente déjà le tiers des ventes de logements neufs, et les ventes de logements d'aujourd'hui sont évidemment les mises en chantier de demain, vous le savez mieux que moi.
- enfin, je dirais même surtout, nous avons, avec notre majorité, redonné un nouveau souffle à l'accession à la propriété.
L'accession à la propriété a toujours été et reste, je crois, plus que jamais un puissant ressort de promotion sociale, un objectif pour lequel les Français sont prêts à travailler, à investir, à entreprendre, à faire, le cas échéant, des sacrifices. Permettre à tous les Français qui le veulent, d'acheter leur logement, c'est vraiment créer une dynamique d'initiative et de partage dans notre société. C'est créer des emplois, c'est aussi favoriser la solidarité, et je le répète, le partage, car l'accession à la propriété peut libérer des places dans les logements H.L.M. qui doivent être réservés à ceux qui en ont le plus besoin.
Dans ce domaine, comme dans d'autres, il existe une grande différence d'approche entre ce que nous proposent certains et nos propres engagements. Nous continuerons donc à favoriser l'accession à la propriété, car c'est notre vision d'une société française permettant à chacun de choisir la voie de la responsabilité et de la liberté, de l'initiative et du partage.
Nous continuerons dans cette voie en menant plus précisément une politique qui couvrira plus largement l'immobilier ancien. Je sais que c'est l'un des soucis de beaucoup de professionnels.
C'est en effet l'une des principales richesses de notre pays que de disposer d'un parc immobilier ancien, varié et de qualité, réparti sur l'ensemble du territoire, en ville comme en milieu rural.
En favorisant l'accession à la propriété dans l'ancien, aussi, pour ceux qui le souhaitent bien sûr, on favorise l'équilibre social des villes, on préserve et on entretient notre patrimoine - notre patrimoine rural aussi -, on soutient l'activité économique du bâtiment.
Le bâtiment, précisément, a traversé - je le sais - et traverse encore, malgré tous les efforts que je viens de rappeler, des moments difficiles. Mais, en effet, plus que tout autre secteur, il avait souffert de taux d'intérêt élevés qui étaient la conséquence inéluctable du laxisme budgétaire chez nous comme ailleurs. Plus que tout autre, maintenant, je crois, il peut bénéficier - et j'espère que ce sera pour longtemps - de la baisse des taux d'intérêt et des marges de manuvre que laissera aux ménages français une réelle politique de baisse des impôts, dans l'ancien comme dans le neuf.
Des éléments de reprise sont d'ores et déjà visibles dans la construction de maisons individuelles, dans les ventes de logements neufs, dans les transactions immobilières.
Comme Pierre-André Périssol, J'ai confiance dans une accentuation progressive de cette reprise. La dernière enquête de l'INSEE tend d'ailleurs à le confirmer et atteste que nous sommes sur la bonne voie et qu'il faut poursuivre notre chemin.
Demandons-nous un instant ce qui se passerait si l'on en revenait aux errements anciens ? N'oublions pas qu'un point de hausse des taux d'intérêt, et cela peut se passer en 24 heures, - c'est extraordinairement difficile et lent d'obtenir une baisse d'un point, mais la hausse, cela va très vite-, si les marchés en décident ainsi, donc un point de hausse des taux d'intérêt, cela correspond à un renchérissement de 10 % du coût d'un logement pour un ménage qui finance son acquisition avec 70 % d'emprunt et 30 % de fonds propres. Ce que nous souhaitons, c'est donc conforter cette politique de taux d'intérêt bas et, pour cela, il nous faut bien sûr poursuivre dans la voie de la politique de remise en ordre de nos finances, que nous avons empruntée.
Il nous faut aussi poursuivre l'effort d'adaptation des outils de financement du logement aux réalités des besoins, segment de marché par segment de marché, dans l'entretien de notre patrimoine immobilier, et vous avez vu que notre plate-forme prévoit l'extension du prêt à taux zéro à l'ancien et la baisse des droits de mutation, mais aussi dans la construction neuve, pour répondre à la croissance de notre population et à la venue de nos enfants.
Pas plus tard que la semaine dernière, le Ministre de l'Economie et des Finances, à ma demande, a annoncé une baisse de 6 à 5,5 % des taux des prêts pour le logement intermédiaire et pour la transformation de bureaux en logements. C'était une demande ancienne des organismes H.L.M., l'amélioration générale de la situation économique l'a enfin permis.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Présidents, le rappel que je voulais faire, la mise en perspective de ce qui a été accompli depuis 1993 et tout spécialement depuis l'élection de Jacques Chirac et sous l'impulsion de Pierre-André Périssol. Tout ceci mérite maintenant d'être conforté et de se traduire, je l'espère le plus vite possible, dans des commandes, dans des mises en chantier, dans des constructions qu'attend, à juste titre, le secteur du bâtiment.
En tout cas, je conclurai en vous invitant à ne pas vous tromper ni d'époque, ni de chemin. Dans moins de 15 jours, nous aurons un choix crucial à effectuer, un choix entre la mise en uvre effective du droit au logement, qui est notre objectif, et le retour à un certain nombre de blocages économiques et sociaux, que nous avons trop longtemps connus dans ce secteur, avec les résultats que l'on sait. J'ai pour ma part la plus grande confiance dans le bon sens des Françaises et des Français.
Je vous remercie de votre attention.