Texte intégral
Monsieur le président de l'Assemblée nationale, monsieur le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, bienvenue à l'Hôtel Matignon.
Je suis particulièrement heureux ici de vous accueillir pour cette dixième conférence initiée par l'un de mes prédécesseurs, A. Juppé, une conférence dont je mesure toute l'importance et qui est l'occasion de mettre à jour la feuille de route destinée aux ambassadeurs dans l'accomplissement de leurs missions. Elle est aussi - et je sais que votre ministre y tient particulièrement - un moment de réflexion et d'échanges. C'est pour cela que vous avez eu et que vous aurez des déclarations importantes, des allocutions significatives : celle du ministre hier, celle du Président demain. J'essaye de me faufiler entre eux deux. Je voudrais vraiment vous dire combien cette démarche de conférences sur ce thème " Que signifie, aujourd'hui, dans un monde en mouvement la puissance des Etats et des nations ? " est importante et combien cette question est forte, même si je pense que la réponse est moins complexe que les choses pourraient nous le faire croire.
Car la France est forte si elle est créative. La France est forte si elle est solidaire. Et la France est forte si elle est responsable. La France est forte quand c'est une force qui va et qui sait où elle va. L'économie, l'éducation, la culture, la Défense et bien sûr la diplomatie sont des facteurs essentiels et immuables de la puissance. Mais aujourd'hui, si ces facteurs demeurent, l'environnement dans lequel nous évoluons apparaît mouvant, incertain, caractérisé par la multiplication des insécurités comme D. de Villepin vous en entretenait hier. Le terrorisme, les atteintes au milieu, les conflits qui perdurent et menacent, les épidémies, les famines, les incertitudes économiques contribuent à rendre l'action extérieure d'autant plus impérative qu'elle est évidemment complexe.
Mais, à ces défis, à ces contraintes, à tous ces paramètres souvent pesants et préoccupants nous devons aussi ajouter toutes ces chances pour notre avenir qui sont aujourd'hui offertes notamment par notre contexte européen. Les initiatives européennes et les perspectives de l'élargissement de l'Union notamment. Je dis "défi", je dis "chance" mais je dis également "nécessité" de destin pour ce qui concerne cette échéance de l'élargissement qui approche si rapidement. L'élargissement de l'Union européenne est un impératif évidemment historique. Il est, je le crois, aussi moral. Pendant cinquante années, les peuples d'Europe centrale et orientale ont rêvé de nous, ont rêvé d'Europe. Ils ont assimilé le combat pour la liberté au combat pour l'Europe. Et nous ne pouvons pas les décevoir. Donc nous sommes, sans hésitation, dans ce grand projet européen.
Le Conseil européen de Copenhague en décembre prochain sera donc historique : il constituera cette étape décisive pour leur avenir, pour notre avenir. La France veillera, s'y implique et s'y impliquera pour que ce rendez-vous soit un succès. L'Europe n'est pas cette monstruosité distante et éloignée ; L'Europe c'est nous. C'est nous qui la constituons. C'est en grande partie nous qui l'animons. L'Europe c'est nous, l'Europe c'est notre avenir mais surtout l'Europe, c'est notre projet. Je crois qu'il est important de bien mesurer aujourd'hui, dans ce monde incertain, qu'il n'y a pas de projets sans pensée. Et c'est pour ça que l'Europe a besoin de la France, de la pensée de la France. Notre projet est celui d'une France porteuse d'un nouvel humanisme, porteuse de ce projet d'humanité qui est celui de la France. L'humanité ne nous est pas donnée ni par l'histoire, si décevante, ni par la science, si menaçante. L'humanité nous est donnée parce que c'est le projet de la France. C'est en défendant cette cause que la France a fait entendre sa voix dans le monde. Et donc notre capacité à faire entendre notre message sera d'autant plus importante que nous réussirons les rendez-vous qui sont devant nous : celui de Johannesburg très prochainement ; celui de Beyrouth pour la francophonie ; celui de Prague pour l'Otan ; celui de Copenhague pour l'avenir de l'Union européenne. Nous souhaitons donc, ensemble, pouvoir servir la France en servant ces messages de la France. Quelquefois d'ailleurs, ces messages sont plus grands que la France : le développement durable, la construction européenne, la sécurité de l'Europe, la solidarité atlantique, la francophonie et évidemment la diversité culturelle. Je pense que cette ambition qui est donnée à la politique étrangère de la France, cette ambition de pensée est très importante. C'est, je crois, pour nous une nécessité. Un grand combattant glorieux disait : "les empires de l'avenir sont les empires de l'esprit". Nous devons porter les messages de la France. Nous comptons sur vous tous pour ce faire.
Les Françaises et les Français ont décidé de leur avenir au printemps dernier et le président de la République m'a confié la mission d'animer l'action du Gouvernement. Quelques mots sur cette action et en ce qu'elle vous concerne aussi.
D'abord nous souhaitons vraiment - et c'est une priorité - en réaffirmant l'autorité républicaine pouvoir recentrer l'action de l'Etat sur ses missions principales. Quelque fois, quand on se disperse on finit par perdre et l'efficacité et, parfois, la crédibilité. Le fait que nous voulions recentrer l'action de l'Etat c'est pour nous un des moyens de reconquérir cette autorité républicaine. Et en ce qui nous concerne, aujourd'hui, la sécurité et la diplomatie sont des atouts de la puissance. Ce sont ces fonctions régaliennes par excellence. L'esprit de réforme qui nous anime, naturellement, sur ces différentes politiques, sera mobilisé.
La sécurité des Français se joue en France ; elle se joue aussi à l'extérieur de nos frontières. Comme vous le savez, je vous ai demandé au lendemain du tragique attentat de Karachi, avec D. de Villepin, qu'une attention particulière soit portée aux risques qui pèsent sur nos compatriotes à l'étranger. Je tiens à vous remercier de votre engagement pour votre contribution à cet égard et je souhaite renouveler mes consignes, nos consignes de vigilance et d'alerte. Je voudrais rappeler aussi à cette occasion le rôle irremplaçable que jouent nos communautés expatriées pour le rayonnement de la France et la promotion de nos intérêts. Je sais que ce rôle est particulièrement important grâce aux médiateurs que sont Mesdames et Messieurs les sénateurs qui représentent ces Français expatriés. Nous devons être tous très attentifs à ces communautés, notamment dans les périodes de trouble que nous connaissons. La représentation de la France à l'étranger est à l'image de notre pays : elle doit être ouverte, accueillante, soucieuse de convaincre et de rendre service. Cela fait partie aussi de cette République des proximités que nous voulons plus vivante.
Les Français ont montré, lors des élections du printemps dernier, qu'ils étaient exaspérés par les dysfonctionnements de notre République mais qu'ils étaient profondément attachés à ces valeurs de la République, à cette liberté, à cette égalité, à cette fraternité qui nous rassemblent pour peu qu'on les fasse vivre, y compris parmi les communautés à l'étranger.
Sécurité de nos compatriotes, sécurité de la France elle-même. Le terrorisme, dans ses nouvelles dimensions, s'ajoute aux facteurs de risques déjà connus pour dessiner un paysage stratégique encore plus incertain. De même, la prolifération des armes de destruction massive constitue un défi majeur pour notre sécurité et celle de l'Europe. La coopération internationale, la recherche de solutions concertées dans le cadre de l'Union européenne, mais aussi aux Nations-Unies avec nos principaux partenaires notamment au sein du G8, sont indispensables pour y répondre. Mais cette nouvelle réalité impose aussi la remise à niveau des moyens de nos armées, conformément aux orientations établies par le chef de l'Etat, par le président de la République.
L'effort d'équipement nécessaire sera clairement traduit dans la nouvelle loi de programmation militaire dans le budget 2003. Un effort sans précédent sera fait dans cette loi quinquennale pour redonner puissance et confiance à nos armées. Et ce, dès les prochains Conseils de ministres afin, qu'avant la fin de l'année, le Parlement puisse débattre de ces moyens nouveaux de confiance et aussi de puissance. La Défense est l'une des clés de notre place en Europe, au moment où l'Alliance atlantique se prépare prochainement, à Prague, en novembre, à accueillir de nouveaux membres, l'Union européenne s'est fixée une ambition : se doter des moyens de prévenir et de gérer les crises susceptibles d'affecter notre sécurité. Cette ambition c'est la France qui la porte, qui la portera, forte de nos convictions mais aussi, comme le souhaite le président de la République, de la crédibilité de nos armées. C'est un enjeu important pour nous et c'est pour cela que tous les moyens ont été mobilisés pour cette loi de programmation.
J'évoquais notre outil de défense et je souhaiterais parler de notre appareil diplomatique. Le réseau est vaste, il est performant et bien servi. La réflexion que nous menons sur l'organisation de l'Etat et sur les modes d'intervention concerne bien entendu notre dispositif à l'étranger. Le double souci qui nous anime - d'une part la cohérence mais aussi l'optimum budgétaire doit permettre évidemment d'améliorer la représentation et l'action de l'Etat à l'extérieur, dans le sens de l'unité de direction et d'exécution des directives gouvernementales. Je compte sur vos idées, et tout particulièrement sur celles de votre ministre qui n'en manque point, sur celles de vos ministres, pour que la France puisse se doter d'un outil à la hauteur de ses missions et des ses ambitions.
Recentrer l'Etat sur ses missions régaliennes, c'est aussi revoir notre politique d'asile. J'insiste sur ce point particulièrement préoccupant. Comme vous le savez la situation de demandeurs d'asile est devenue un thème majeur de nos préoccupations tant par son ampleur - la demande a été multipliée par trois en trois ans - que par ses conséquences en ce qui concerne évidemment l'immigration clandestine et les dispositifs d'accueil. Je souhaite que nous puissions très rapidement aboutir, en respectant les principes qui sont les nôtres, à cette réforme qui simplifiera et accélérera le traitement des demandes comme l'a demandé le chef de l'Etat. La concertation interministérielle menée sur ce thème aboutira dès l'année prochaine à un texte sur la réforme du droit d'asile. Elle entérinera une unité de procédure et d'appel. En attendant, vous le savez, des mesures d'urgence sont prises afin de réduire le nombre des dossiers en instance, tout en améliorant l'examen des demandes d'asile.
Recentrer l'action, affirmer l'autorité républicaine, c'est une première mission. La seconde est de valoriser cette République des valeurs partagées, cette République des proximités. J'avais indiqué, le 3 juillet, monsieur le Président, à la représentation nationale que je souhaite proposer à nos concitoyens une nouvelle étape de la décentralisation. Mais la décentralisation n'est pas la dislocation. Ce n'est pas une République qui se sépare ; c'est une République qui, par une meilleure circulation va chercher de la force au plus près des Français sans oublier ses ambitions internationales. C'est pour ça que ce processus de décentralisation est tout à fait compatible à une plus grande implication de la société civile comme partenaire de notre politique étrangère. Je crois qu'il est tout à fait important de développer les nombreuses initiatives qui ont été déjà engagées dans le cadre de la coopération décentralisée. Il y a de formidables exemples. Il y a longtemps, quand j'étais président de conseil régional - les jours sont assez longs ici - j'ai participé à de nombreuses initiatives de coopération décentralisée. Franchement j'étais fier de travailler avec un ambassadeur qui assurait la cohérence de la politique de la France, qui pouvait guider nos contacts, qui pouvait faire en sorte que nos initiatives, nos impulsions, nos ambitions soient cohérentes avec celles de la France, qui laissait de la place à la liberté et qui apportait de la cohérence, et de faire en sorte que le territoire et la nation ensemble puisent conjuguer leurs efforts pour assurer la présence de la France.
Les territoires de France, les villes, les départements, les régions, ont envie de participer à un certain nombre d'actions internationales, qu'elles soient de solidarité ou de développement. Aidons-les en leur apportant la cohérence et l'expression de leur liberté et évitons qu'elles travaillent seules dans le désordre voire la dispersion. Et c'est, je crois, très important de travailler ensemble sur ces questions. Mais sachez vraiment que les élus de France sont aujourd'hui très mobilisés par toutes les causes internationales auxquelles vous êtes associés.
Troisième priorité : nous voulons une France créative, nous voulons une France qui croit aux idées, qui croit à l'imagination, qui croit, Madame la ministre, à la recherche, qui croit à cette capacité d'inventer. Nous pensons qu'il faut alléger de nombreuses contraintes, nous pensons qu'il faut faire en sorte que les forces vives soient libérées, et que l'on puisse favoriser évidemment la vente de nos produits en Asie, mais aussi ailleurs, faire en sorte que nos entreprises, les grandes mais aussi les plus petites, soient capables de promouvoir leur valeur ajoutée.
L'avenir de notre pays, aujourd'hui, sur le plan international, n'est pas forcément la course à la puissance, au gigantisme, à la concentration, à toujours plus grand, plus fort. L'avenir est au talent, à l'idée, à la valeur ajoutée, au brevet, à tout ce qui peut être aujourd'hui apporté par l'intelligence. C'est ce combat de l'intelligence qui est le combat de la France, et c'est pour cela qu'il nous faut mobiliser toutes les forces créatrices de notre pays, et leur mettre l'horizon international au coeur même de leurs convictions pour qu'elles puissent trouver, auprès de vous, les accompagnements nécessaires à leur promotion.
La promotion de la France, c'est aussi la promotion de notre destination France. Je sais que vous avez travaillé avec le secrétaire d'Etat au Tourisme sur ces sujets, pour une partie d'entre vous. Je crois qu'il est très important qu'on valorise l'attractivité de la France. C'est vrai évidemment de notre tourisme. Nous avons cette capacité à attirer aujourd'hui, malgré notre météo qui ne nous est pas spécifique. Nous avons, je crois, au-delà de l'action touristique, à faire en sorte que nous puissions offrir aux citoyens du monde le partage de la France.
C'est cela au fond l'activité touristique. Ce n'est pas seulement un échange de devises, c'est le partage d'un art de vivre, c'est le partage de traditions, c'est le partage d'un patrimoine, c'est le partage de notre territoire. Je crois qu'il est très important que vous puissiez participer à cette mobilisation notamment en permettant toutes les initiatives de promotion de tous les talents de la France qui peuvent, dans vos ambassades, dans les pays où vous êtes présents, exprimer cette qualité France que nous voulons promouvoir.
Evidemment, la puissance de notre pays, c'est aussi sa culture. Je le disais : la France s'est engagée dans ce combat pour la diversité culturelle. Beaucoup de citoyens du monde nous attendent sur ces sujets et reconnaissent notre leadership. Cette diversité culturelle doit pour nous être un combat permanent.
La France se reconnaît dans la déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle. Elle s'y reconnaît tout particulièrement lorsque cette déclaration fait de la diversité culturelle un patrimoine commun à l'humanité, un facteur de développement. Elle s'y reconnaît quand cette déclaration lie la diversité culturelle aux droits de l'homme, en proclamant que toute personne doit pouvoir s'exprimer, créer et diffuser dans la langue de son choix, et en particulier dans sa langue maternelle. Voilà encore une façon de promouvoir et de stimuler la création et toutes les industries culturelles et de communication qui sont liées.
Nous sommes évidemment, - et vous le savez, on vous l'a dit souvent mais je tiens à le répéter- notre pays reste historiquement attaché à la diversité linguistique. Mon Gouvernement est déterminé à faire respecter la place du français dans les instances internationales, en particulier, évidemment, au sein de l'Union européenne. Et je tiens à dire qu'il y a eu des débats récemment, y compris sur nos étiquettes des produits à l'intérieur de notre espace national, pour lesquelles on nous a fait un certain nombre de reproches et nous avons pris les décisions nécessaires pour montrer notre ouverture à mettre les autres langues mais notre fermeté à ce que notre langue soit présente. Et je crois que c'est très important. D'ailleurs, cet attachement à notre langue n'est pas un message de fermeture ; c'est par la connaissance de notre identité qu'on trouve le goût de l'autre et c'est parce qu'on possède sa langue qu'on va au devant de la langue des autres. Et c'est cet attachement que nous devons promouvoir, qui n'est nullement un attachement de repli mais au contraire un attachement d'ouverture. C'est pour cela que le rendez-vous, à Beyrouth, avec toute la francophonie prochainement est si important pour notre présence dans le monde. Et au-delà de cette diversité culturelle, n'oublions pas que notre langue aussi est médiatrice de ce dialogue entre le Nord et le Sud que nous voulons encourager.
Car, en effet, comme le Président nous y invite, le combat pour la mondialisation humanisée fait partie de nos priorités. C'est pour cela qu'en permanence, nous travaillons à inventer, pour mieux maîtriser cette mondialisation aujourd'hui partout en développement, une nouvelle gouvernance mondiale qui prenne en compte le respect de la personne humaine. C'est cela l'apport de la France : la gouvernance mondiale qui respecte la personne humaine. Et j'espère que nous réussirons, notamment à Evian, dans l'organisation de ce grand rendez-vous international, que nous serons capables de montrer qu'on peut chercher les voies nouvelles d'une gouvernance mondiale par le dialogue, tout en restant proche des citoyens et tout en étant obsédé par l'épanouissement de la personne et pas seulement par l'organisation des sommets. La France doit jouer un rôle de moteur pour mieux faire respecter l'ensemble de ses préoccupations humaines au sein de la mondialisation Toutes ces préoccupations de solidarité sont évidemment présentes dans la stratégie de la France. D. De Villepin vous a parlé de notre attachement à l'Afrique et je rejoins tout à fait les propos qu'il a développés devant vous.
Je termine en vous disant notre conviction qu'aujourd'hui, dans le monde, le mouvement est le projet politique le plus ambitieux. Si nous restons immobiles, si nous restons enfermés dans nos certitudes, nous serons attaqués de toutes parts et fragilisés par toutes les forces qui sont en mouvement. C'est notre capacité d'initiative, c'est notre capacité de mouvement qui donnera des chances à notre projet politique. Et c'est pour cela que la construction européenne est si importante pour nous : c'est parce que c'est le grand mouvement de demain, mais de demain matin, y compris sur le débat institutionnel avec les travaux de la Convention, présidée par M. Giscard d'Estaing, qui vont nous permettre d'inventer là aussi des formes d'organisation politique qui renforcent la légitimité démocratique, qui valorisent l'efficacité des décisions et qui rapprochent le citoyen des institutions. C'est un élément très important de ce mouvement : 2004, l'élargissement, [c'est] demain matin. C'est là, pour la France, le moyen d'avoir une vision d'avenir dynamique.
Dans cette vision d'avenir, il est évident que l'entente franco-allemande sera un élément stratégique ; il nous faudra redonner du contenu à cette entente. Peut-être pouvons-nous dire que dans l'exercice des responsabilités nouvelles que nous exerçons les uns et les autres, nous avons été un peu déçus du contenu de cette amitié immense mais qui trouve peu ou pas suffisamment de réalité concrète. Nous voulons renforcer cet axe pour pouvoir porter ensemble des idées, porter ensemble des projets, porter ensemble notre ambition européenne. Le 40e anniversaire du Traité de l'Elysée sera pour nous l'occasion de donner ce nouveau souffle à l'entente franco-allemande, moteur de la construction européenne. Voilà, mesdames et messiers les ambassadeurs, mesdames et messieurs, en quelques mots, ce que je voulais vous dire ce soir, en vous remerciant pour votre contribution éminente dans le travail d'analyse et de décision que vous permettez au Gouvernement de mener. Comme tous ceux qui servent l'Etat, avec compétence, avec énergie, avec dévouement, vous êtes cette architecture vivante de notre République. C'est pour cela que je vous exprime notre confiance, notre appel au mouvement mais aussi notre attachement à ces valeurs de la République que tous les serviteurs de l'Etat doivent avoir en priorité dans leur action personnelle et collective. Merci à tous."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 août 2002)
Je suis particulièrement heureux ici de vous accueillir pour cette dixième conférence initiée par l'un de mes prédécesseurs, A. Juppé, une conférence dont je mesure toute l'importance et qui est l'occasion de mettre à jour la feuille de route destinée aux ambassadeurs dans l'accomplissement de leurs missions. Elle est aussi - et je sais que votre ministre y tient particulièrement - un moment de réflexion et d'échanges. C'est pour cela que vous avez eu et que vous aurez des déclarations importantes, des allocutions significatives : celle du ministre hier, celle du Président demain. J'essaye de me faufiler entre eux deux. Je voudrais vraiment vous dire combien cette démarche de conférences sur ce thème " Que signifie, aujourd'hui, dans un monde en mouvement la puissance des Etats et des nations ? " est importante et combien cette question est forte, même si je pense que la réponse est moins complexe que les choses pourraient nous le faire croire.
Car la France est forte si elle est créative. La France est forte si elle est solidaire. Et la France est forte si elle est responsable. La France est forte quand c'est une force qui va et qui sait où elle va. L'économie, l'éducation, la culture, la Défense et bien sûr la diplomatie sont des facteurs essentiels et immuables de la puissance. Mais aujourd'hui, si ces facteurs demeurent, l'environnement dans lequel nous évoluons apparaît mouvant, incertain, caractérisé par la multiplication des insécurités comme D. de Villepin vous en entretenait hier. Le terrorisme, les atteintes au milieu, les conflits qui perdurent et menacent, les épidémies, les famines, les incertitudes économiques contribuent à rendre l'action extérieure d'autant plus impérative qu'elle est évidemment complexe.
Mais, à ces défis, à ces contraintes, à tous ces paramètres souvent pesants et préoccupants nous devons aussi ajouter toutes ces chances pour notre avenir qui sont aujourd'hui offertes notamment par notre contexte européen. Les initiatives européennes et les perspectives de l'élargissement de l'Union notamment. Je dis "défi", je dis "chance" mais je dis également "nécessité" de destin pour ce qui concerne cette échéance de l'élargissement qui approche si rapidement. L'élargissement de l'Union européenne est un impératif évidemment historique. Il est, je le crois, aussi moral. Pendant cinquante années, les peuples d'Europe centrale et orientale ont rêvé de nous, ont rêvé d'Europe. Ils ont assimilé le combat pour la liberté au combat pour l'Europe. Et nous ne pouvons pas les décevoir. Donc nous sommes, sans hésitation, dans ce grand projet européen.
Le Conseil européen de Copenhague en décembre prochain sera donc historique : il constituera cette étape décisive pour leur avenir, pour notre avenir. La France veillera, s'y implique et s'y impliquera pour que ce rendez-vous soit un succès. L'Europe n'est pas cette monstruosité distante et éloignée ; L'Europe c'est nous. C'est nous qui la constituons. C'est en grande partie nous qui l'animons. L'Europe c'est nous, l'Europe c'est notre avenir mais surtout l'Europe, c'est notre projet. Je crois qu'il est important de bien mesurer aujourd'hui, dans ce monde incertain, qu'il n'y a pas de projets sans pensée. Et c'est pour ça que l'Europe a besoin de la France, de la pensée de la France. Notre projet est celui d'une France porteuse d'un nouvel humanisme, porteuse de ce projet d'humanité qui est celui de la France. L'humanité ne nous est pas donnée ni par l'histoire, si décevante, ni par la science, si menaçante. L'humanité nous est donnée parce que c'est le projet de la France. C'est en défendant cette cause que la France a fait entendre sa voix dans le monde. Et donc notre capacité à faire entendre notre message sera d'autant plus importante que nous réussirons les rendez-vous qui sont devant nous : celui de Johannesburg très prochainement ; celui de Beyrouth pour la francophonie ; celui de Prague pour l'Otan ; celui de Copenhague pour l'avenir de l'Union européenne. Nous souhaitons donc, ensemble, pouvoir servir la France en servant ces messages de la France. Quelquefois d'ailleurs, ces messages sont plus grands que la France : le développement durable, la construction européenne, la sécurité de l'Europe, la solidarité atlantique, la francophonie et évidemment la diversité culturelle. Je pense que cette ambition qui est donnée à la politique étrangère de la France, cette ambition de pensée est très importante. C'est, je crois, pour nous une nécessité. Un grand combattant glorieux disait : "les empires de l'avenir sont les empires de l'esprit". Nous devons porter les messages de la France. Nous comptons sur vous tous pour ce faire.
Les Françaises et les Français ont décidé de leur avenir au printemps dernier et le président de la République m'a confié la mission d'animer l'action du Gouvernement. Quelques mots sur cette action et en ce qu'elle vous concerne aussi.
D'abord nous souhaitons vraiment - et c'est une priorité - en réaffirmant l'autorité républicaine pouvoir recentrer l'action de l'Etat sur ses missions principales. Quelque fois, quand on se disperse on finit par perdre et l'efficacité et, parfois, la crédibilité. Le fait que nous voulions recentrer l'action de l'Etat c'est pour nous un des moyens de reconquérir cette autorité républicaine. Et en ce qui nous concerne, aujourd'hui, la sécurité et la diplomatie sont des atouts de la puissance. Ce sont ces fonctions régaliennes par excellence. L'esprit de réforme qui nous anime, naturellement, sur ces différentes politiques, sera mobilisé.
La sécurité des Français se joue en France ; elle se joue aussi à l'extérieur de nos frontières. Comme vous le savez, je vous ai demandé au lendemain du tragique attentat de Karachi, avec D. de Villepin, qu'une attention particulière soit portée aux risques qui pèsent sur nos compatriotes à l'étranger. Je tiens à vous remercier de votre engagement pour votre contribution à cet égard et je souhaite renouveler mes consignes, nos consignes de vigilance et d'alerte. Je voudrais rappeler aussi à cette occasion le rôle irremplaçable que jouent nos communautés expatriées pour le rayonnement de la France et la promotion de nos intérêts. Je sais que ce rôle est particulièrement important grâce aux médiateurs que sont Mesdames et Messieurs les sénateurs qui représentent ces Français expatriés. Nous devons être tous très attentifs à ces communautés, notamment dans les périodes de trouble que nous connaissons. La représentation de la France à l'étranger est à l'image de notre pays : elle doit être ouverte, accueillante, soucieuse de convaincre et de rendre service. Cela fait partie aussi de cette République des proximités que nous voulons plus vivante.
Les Français ont montré, lors des élections du printemps dernier, qu'ils étaient exaspérés par les dysfonctionnements de notre République mais qu'ils étaient profondément attachés à ces valeurs de la République, à cette liberté, à cette égalité, à cette fraternité qui nous rassemblent pour peu qu'on les fasse vivre, y compris parmi les communautés à l'étranger.
Sécurité de nos compatriotes, sécurité de la France elle-même. Le terrorisme, dans ses nouvelles dimensions, s'ajoute aux facteurs de risques déjà connus pour dessiner un paysage stratégique encore plus incertain. De même, la prolifération des armes de destruction massive constitue un défi majeur pour notre sécurité et celle de l'Europe. La coopération internationale, la recherche de solutions concertées dans le cadre de l'Union européenne, mais aussi aux Nations-Unies avec nos principaux partenaires notamment au sein du G8, sont indispensables pour y répondre. Mais cette nouvelle réalité impose aussi la remise à niveau des moyens de nos armées, conformément aux orientations établies par le chef de l'Etat, par le président de la République.
L'effort d'équipement nécessaire sera clairement traduit dans la nouvelle loi de programmation militaire dans le budget 2003. Un effort sans précédent sera fait dans cette loi quinquennale pour redonner puissance et confiance à nos armées. Et ce, dès les prochains Conseils de ministres afin, qu'avant la fin de l'année, le Parlement puisse débattre de ces moyens nouveaux de confiance et aussi de puissance. La Défense est l'une des clés de notre place en Europe, au moment où l'Alliance atlantique se prépare prochainement, à Prague, en novembre, à accueillir de nouveaux membres, l'Union européenne s'est fixée une ambition : se doter des moyens de prévenir et de gérer les crises susceptibles d'affecter notre sécurité. Cette ambition c'est la France qui la porte, qui la portera, forte de nos convictions mais aussi, comme le souhaite le président de la République, de la crédibilité de nos armées. C'est un enjeu important pour nous et c'est pour cela que tous les moyens ont été mobilisés pour cette loi de programmation.
J'évoquais notre outil de défense et je souhaiterais parler de notre appareil diplomatique. Le réseau est vaste, il est performant et bien servi. La réflexion que nous menons sur l'organisation de l'Etat et sur les modes d'intervention concerne bien entendu notre dispositif à l'étranger. Le double souci qui nous anime - d'une part la cohérence mais aussi l'optimum budgétaire doit permettre évidemment d'améliorer la représentation et l'action de l'Etat à l'extérieur, dans le sens de l'unité de direction et d'exécution des directives gouvernementales. Je compte sur vos idées, et tout particulièrement sur celles de votre ministre qui n'en manque point, sur celles de vos ministres, pour que la France puisse se doter d'un outil à la hauteur de ses missions et des ses ambitions.
Recentrer l'Etat sur ses missions régaliennes, c'est aussi revoir notre politique d'asile. J'insiste sur ce point particulièrement préoccupant. Comme vous le savez la situation de demandeurs d'asile est devenue un thème majeur de nos préoccupations tant par son ampleur - la demande a été multipliée par trois en trois ans - que par ses conséquences en ce qui concerne évidemment l'immigration clandestine et les dispositifs d'accueil. Je souhaite que nous puissions très rapidement aboutir, en respectant les principes qui sont les nôtres, à cette réforme qui simplifiera et accélérera le traitement des demandes comme l'a demandé le chef de l'Etat. La concertation interministérielle menée sur ce thème aboutira dès l'année prochaine à un texte sur la réforme du droit d'asile. Elle entérinera une unité de procédure et d'appel. En attendant, vous le savez, des mesures d'urgence sont prises afin de réduire le nombre des dossiers en instance, tout en améliorant l'examen des demandes d'asile.
Recentrer l'action, affirmer l'autorité républicaine, c'est une première mission. La seconde est de valoriser cette République des valeurs partagées, cette République des proximités. J'avais indiqué, le 3 juillet, monsieur le Président, à la représentation nationale que je souhaite proposer à nos concitoyens une nouvelle étape de la décentralisation. Mais la décentralisation n'est pas la dislocation. Ce n'est pas une République qui se sépare ; c'est une République qui, par une meilleure circulation va chercher de la force au plus près des Français sans oublier ses ambitions internationales. C'est pour ça que ce processus de décentralisation est tout à fait compatible à une plus grande implication de la société civile comme partenaire de notre politique étrangère. Je crois qu'il est tout à fait important de développer les nombreuses initiatives qui ont été déjà engagées dans le cadre de la coopération décentralisée. Il y a de formidables exemples. Il y a longtemps, quand j'étais président de conseil régional - les jours sont assez longs ici - j'ai participé à de nombreuses initiatives de coopération décentralisée. Franchement j'étais fier de travailler avec un ambassadeur qui assurait la cohérence de la politique de la France, qui pouvait guider nos contacts, qui pouvait faire en sorte que nos initiatives, nos impulsions, nos ambitions soient cohérentes avec celles de la France, qui laissait de la place à la liberté et qui apportait de la cohérence, et de faire en sorte que le territoire et la nation ensemble puisent conjuguer leurs efforts pour assurer la présence de la France.
Les territoires de France, les villes, les départements, les régions, ont envie de participer à un certain nombre d'actions internationales, qu'elles soient de solidarité ou de développement. Aidons-les en leur apportant la cohérence et l'expression de leur liberté et évitons qu'elles travaillent seules dans le désordre voire la dispersion. Et c'est, je crois, très important de travailler ensemble sur ces questions. Mais sachez vraiment que les élus de France sont aujourd'hui très mobilisés par toutes les causes internationales auxquelles vous êtes associés.
Troisième priorité : nous voulons une France créative, nous voulons une France qui croit aux idées, qui croit à l'imagination, qui croit, Madame la ministre, à la recherche, qui croit à cette capacité d'inventer. Nous pensons qu'il faut alléger de nombreuses contraintes, nous pensons qu'il faut faire en sorte que les forces vives soient libérées, et que l'on puisse favoriser évidemment la vente de nos produits en Asie, mais aussi ailleurs, faire en sorte que nos entreprises, les grandes mais aussi les plus petites, soient capables de promouvoir leur valeur ajoutée.
L'avenir de notre pays, aujourd'hui, sur le plan international, n'est pas forcément la course à la puissance, au gigantisme, à la concentration, à toujours plus grand, plus fort. L'avenir est au talent, à l'idée, à la valeur ajoutée, au brevet, à tout ce qui peut être aujourd'hui apporté par l'intelligence. C'est ce combat de l'intelligence qui est le combat de la France, et c'est pour cela qu'il nous faut mobiliser toutes les forces créatrices de notre pays, et leur mettre l'horizon international au coeur même de leurs convictions pour qu'elles puissent trouver, auprès de vous, les accompagnements nécessaires à leur promotion.
La promotion de la France, c'est aussi la promotion de notre destination France. Je sais que vous avez travaillé avec le secrétaire d'Etat au Tourisme sur ces sujets, pour une partie d'entre vous. Je crois qu'il est très important qu'on valorise l'attractivité de la France. C'est vrai évidemment de notre tourisme. Nous avons cette capacité à attirer aujourd'hui, malgré notre météo qui ne nous est pas spécifique. Nous avons, je crois, au-delà de l'action touristique, à faire en sorte que nous puissions offrir aux citoyens du monde le partage de la France.
C'est cela au fond l'activité touristique. Ce n'est pas seulement un échange de devises, c'est le partage d'un art de vivre, c'est le partage de traditions, c'est le partage d'un patrimoine, c'est le partage de notre territoire. Je crois qu'il est très important que vous puissiez participer à cette mobilisation notamment en permettant toutes les initiatives de promotion de tous les talents de la France qui peuvent, dans vos ambassades, dans les pays où vous êtes présents, exprimer cette qualité France que nous voulons promouvoir.
Evidemment, la puissance de notre pays, c'est aussi sa culture. Je le disais : la France s'est engagée dans ce combat pour la diversité culturelle. Beaucoup de citoyens du monde nous attendent sur ces sujets et reconnaissent notre leadership. Cette diversité culturelle doit pour nous être un combat permanent.
La France se reconnaît dans la déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle. Elle s'y reconnaît tout particulièrement lorsque cette déclaration fait de la diversité culturelle un patrimoine commun à l'humanité, un facteur de développement. Elle s'y reconnaît quand cette déclaration lie la diversité culturelle aux droits de l'homme, en proclamant que toute personne doit pouvoir s'exprimer, créer et diffuser dans la langue de son choix, et en particulier dans sa langue maternelle. Voilà encore une façon de promouvoir et de stimuler la création et toutes les industries culturelles et de communication qui sont liées.
Nous sommes évidemment, - et vous le savez, on vous l'a dit souvent mais je tiens à le répéter- notre pays reste historiquement attaché à la diversité linguistique. Mon Gouvernement est déterminé à faire respecter la place du français dans les instances internationales, en particulier, évidemment, au sein de l'Union européenne. Et je tiens à dire qu'il y a eu des débats récemment, y compris sur nos étiquettes des produits à l'intérieur de notre espace national, pour lesquelles on nous a fait un certain nombre de reproches et nous avons pris les décisions nécessaires pour montrer notre ouverture à mettre les autres langues mais notre fermeté à ce que notre langue soit présente. Et je crois que c'est très important. D'ailleurs, cet attachement à notre langue n'est pas un message de fermeture ; c'est par la connaissance de notre identité qu'on trouve le goût de l'autre et c'est parce qu'on possède sa langue qu'on va au devant de la langue des autres. Et c'est cet attachement que nous devons promouvoir, qui n'est nullement un attachement de repli mais au contraire un attachement d'ouverture. C'est pour cela que le rendez-vous, à Beyrouth, avec toute la francophonie prochainement est si important pour notre présence dans le monde. Et au-delà de cette diversité culturelle, n'oublions pas que notre langue aussi est médiatrice de ce dialogue entre le Nord et le Sud que nous voulons encourager.
Car, en effet, comme le Président nous y invite, le combat pour la mondialisation humanisée fait partie de nos priorités. C'est pour cela qu'en permanence, nous travaillons à inventer, pour mieux maîtriser cette mondialisation aujourd'hui partout en développement, une nouvelle gouvernance mondiale qui prenne en compte le respect de la personne humaine. C'est cela l'apport de la France : la gouvernance mondiale qui respecte la personne humaine. Et j'espère que nous réussirons, notamment à Evian, dans l'organisation de ce grand rendez-vous international, que nous serons capables de montrer qu'on peut chercher les voies nouvelles d'une gouvernance mondiale par le dialogue, tout en restant proche des citoyens et tout en étant obsédé par l'épanouissement de la personne et pas seulement par l'organisation des sommets. La France doit jouer un rôle de moteur pour mieux faire respecter l'ensemble de ses préoccupations humaines au sein de la mondialisation Toutes ces préoccupations de solidarité sont évidemment présentes dans la stratégie de la France. D. De Villepin vous a parlé de notre attachement à l'Afrique et je rejoins tout à fait les propos qu'il a développés devant vous.
Je termine en vous disant notre conviction qu'aujourd'hui, dans le monde, le mouvement est le projet politique le plus ambitieux. Si nous restons immobiles, si nous restons enfermés dans nos certitudes, nous serons attaqués de toutes parts et fragilisés par toutes les forces qui sont en mouvement. C'est notre capacité d'initiative, c'est notre capacité de mouvement qui donnera des chances à notre projet politique. Et c'est pour cela que la construction européenne est si importante pour nous : c'est parce que c'est le grand mouvement de demain, mais de demain matin, y compris sur le débat institutionnel avec les travaux de la Convention, présidée par M. Giscard d'Estaing, qui vont nous permettre d'inventer là aussi des formes d'organisation politique qui renforcent la légitimité démocratique, qui valorisent l'efficacité des décisions et qui rapprochent le citoyen des institutions. C'est un élément très important de ce mouvement : 2004, l'élargissement, [c'est] demain matin. C'est là, pour la France, le moyen d'avoir une vision d'avenir dynamique.
Dans cette vision d'avenir, il est évident que l'entente franco-allemande sera un élément stratégique ; il nous faudra redonner du contenu à cette entente. Peut-être pouvons-nous dire que dans l'exercice des responsabilités nouvelles que nous exerçons les uns et les autres, nous avons été un peu déçus du contenu de cette amitié immense mais qui trouve peu ou pas suffisamment de réalité concrète. Nous voulons renforcer cet axe pour pouvoir porter ensemble des idées, porter ensemble des projets, porter ensemble notre ambition européenne. Le 40e anniversaire du Traité de l'Elysée sera pour nous l'occasion de donner ce nouveau souffle à l'entente franco-allemande, moteur de la construction européenne. Voilà, mesdames et messiers les ambassadeurs, mesdames et messieurs, en quelques mots, ce que je voulais vous dire ce soir, en vous remerciant pour votre contribution éminente dans le travail d'analyse et de décision que vous permettez au Gouvernement de mener. Comme tous ceux qui servent l'Etat, avec compétence, avec énergie, avec dévouement, vous êtes cette architecture vivante de notre République. C'est pour cela que je vous exprime notre confiance, notre appel au mouvement mais aussi notre attachement à ces valeurs de la République que tous les serviteurs de l'Etat doivent avoir en priorité dans leur action personnelle et collective. Merci à tous."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 août 2002)