Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'accueillir ici, à votre 46e congrès et me donner ainsi la chance de venir à la rencontre de tous les producteurs de légumes de France.
Je sais, car vous me l'avez expliqué lors de notre première rencontre que cette filière est diverse, par ses produits bien sûr, mais aussi par ses structures et par sa géographie. Je sais aussi qu'elle est à la fois exigeante et dynamique, faite de professionnels réalistes et responsables.
Mais cela, vous n'avez pas eu besoin de me l'expliquer, Madame la Présidente. Je n'ai eu qu'à vous écouter parler de votre métier pour le comprendre.
J'ai été frappé en effet d'avoir en face de moi, comme aujourd'hui, de vrais patrons de PME, soucieux des contraintes à gérer et des charges à assumer mais conscients aussi des formidables potentialités du secteur qui est le vôtre. Employeurs de main d'oeuvre, animateurs de territoires, fournisseurs de produits sains, naturels et de qualité sur un marché concurrentiel et disputé : les entrepreneurs que vous êtes, de manière presque exemplaire, sont à la croisée de tous les enjeux que doit aujourd'hui relever notre agriculture.
Le premier de ces enjeux, ce sont les hommes. C'est à la fois la force et la richesse de votre secteur, par la qualité de ses chefs d'entreprise et sa place dans le tissu social des zones rurales. Mais c'est aussi un facteur important de compétitivité, peut être d'ailleurs un des plus importants.
Soyez sûrs que j'en ai bien conscience et que je m'emploie au sein du gouvernement et en liaison avec mon collègue François FILLON à apporter chaque fois que c'est possible une part de réponse à cette question essentielle.
L'emploi tout d'abord. Ou comment faire pour que vos exploitations continuent d'être ces pôles de main d'oeuvre attractifs en zones rurales ?
Comme vous le savez, le gouvernement a entrepris une réforme de grande ampleur pour alléger le coût du travail, tout en favorisant l'emploi.
S'agissant de l'emploi permanent, je rappelle que vos exploitations sont éligibles au nouveau dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.
Ouverte par la loi d'août dernier, cette mesure est destinée à soutenir financièrement les entreprises qui embauchent sous contrat à durée indéterminée des jeunes de 16 à 22 ans, dont le niveau de formation est inférieur au baccalauréat. Au delà de son intérêt économique, je crois que c'est un dispositif qui peut attirer des jeunes vers vos entreprises et leur mettre ainsi le pied à l'étrier dans un contexte professionnel agricole. Je crois donc que cela va tout à fait dans le bon sens.
Concernant l'emploi saisonnier, qui est une composante importante de l'emploi agricole et pour lequel de réelles difficultés de recrutement se sont faites ressentir, je crois que nul ne peut douter de la mobilisation des pouvoirs publics pour faciliter les embauches.
Un ensemble d'actions a ainsi été mis en place pour permettre d'offrir un service spécifique aux employeurs de main-d'oeuvre agricole et contribuer en même temps à l'insertion des demandeurs d'emploi.
Ce programme, qui permet de valoriser les métiers de l'agriculture, est décliné au plan local pour tenir compte de la réalité et des besoins des bassins d'emploi. Des groupes de travail expérimentaux se constituent en ce moment sous l'impulsion de certains préfets pour identifier les besoins de la profession, ou plutôt des professions, et pour y répondre de façon opérationnelle.
Ces actions devront notamment prendre appui sur l'accord national relatif aux saisonniers que les partenaires sociaux ont signé cet été et qui depuis, a été étendu.
Enfin, comme vous le savez, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a créé une nouvelle catégorie de contrat à durée déterminée dit " contrat vendanges ".
J'ai demandé à mes services et à la caisse centrale de mutualité sociale agricole d'établir un premier bilan de ce contrat, notamment sur son coût pour le budget de l'État.
Sur cette base, je crois utile qu'une concertation puisse être engagée avec les partenaires sociaux du secteur de la production pour la prochaine campagne de travaux saisonniers.
Cela étant, des difficultés peuvent persister malgré les efforts de tous et en particulier ceux que déploie la profession agricole pour faciliter le recrutement de saisonniers chez les demandeurs d'emploi.
Pour faire face à ces besoins qui ne peuvent être satisfaits pleinement sur le marché du travail, des instructions sont prises chaque année par le ministère des affaires sociales en concertation avec mes services pour préciser les modalités de recours à la main-d'oeuvre étrangère.
Au vu du bilan de la campagne 2002, je vais demander à mon collègue François FILLON que pour 2003, la circulaire concernant les règles d'introduction de main-d'oeuvre saisonnière étrangère tienne mieux compte de besoins locaux du secteur agricole, et notamment de ceux de votre filière.
Soutien à l'emploi des jeunes, adaptation du dispositif de l'emploi saisonnier, prise en compte des besoins spécifiques de vos secteurs en cas de difficultés de recrutement : voilà autant de dossiers sur lesquels le gouvernement s'est efforcé d'intégrer les spécificités de votre métier.
Evidemment cela ne résout pas tout. Et j'ai bien conscience que si le travail est une richesse, c'est aussi une charge, qui pèse lourd, très lourd, dans vos coûts de production. J'ai conscience également que c'est un facteur déterminant de votre compétitivité sur le marché communautaire.
Là-dessus, le gouvernement a déjà avancé des éléments de réponse tangibles.
S'agissant des coûts de la main-d'oeuvre, divers dispositifs visent à alléger les charges sociales des employeurs de main-d'ouvre, dont certains sont spécifiques aux exploitants agricoles.
Pour les salariés permanents, les entreprises et les exploitants agricoles bénéficient déjà de la " réduction bas salaires ", ainsi que de l'allégement dégressif des cotisations patronales de sécurité sociale pour les 35 heures.
Et sachez que dans le projet de loi actuellement en discussion, le gouvernement souhaite fusionner progressivement la réduction dégressive sur les bas salaires et l'allégement 35 heures pour parvenir, à une exonération unique qui sera totale à 1,7 SMIC.
S'agissant des travailleurs occasionnels, des efforts importants ont été engagés en réduisant de plus de 23 Meuros par an les cotisations sociales pesant sur ces emplois. Dans le secteur des fruits et légumes je vous rappelle que le taux de réduction est de 90 % sur la base d'une durée annuelle maximum de 100 jours par salarié.
Enfin je voudrais souligner que le projet de loi qui est en discussion sur l'assouplissement des 35 heures tient compte des observations de votre profession afin de l'adapter à la réalité du monde agricole. Cela consiste notamment à laisser aux accords de branche étendus le soin de fixer, dans certaines limites, le taux de majoration des heures supplémentaires.
Tout cela participe, je crois, de l'attention particulière que porte le gouvernement aux facteurs de compétitivité de vos entreprises et témoigne, s'il était besoin, de l'attachement qui est le nôtre, le mien en particulier, à prendre en compte chaque fois que c'est nécessaire la dimension spécifique qui est celle de vos exploitations et de votre métier.
Tous ces efforts que nous nous efforçons de mener au niveau national sont indispensables. Mais, vous l'avez dit vous-même Madame la Présidente, c'est avant tout au niveau communautaire que nous trouverons la clé d'une compétitivité équitable des producteurs face au marché.
Sur ce point comme sur d'autres, je crois que la réforme de l'OCM fruits et légumes s'est révélée insuffisante et qu'elle appelle aujourd'hui de profondes améliorations.
Profitant de la Présidence de l'Union européenne dont elle assumait la charge il y a 6 mois, l'Espagne a décidé de lancer ce débat, me fournissant ainsi l'occasion, dès les premiers jours de ma prise de fonction, de faire valoir au Commissaire et à mes collègues tout l'enjeu que représente la nécessaire adaptation de votre OCM.
Et vous aurez noté, j'en suis sûr Madame la Présidente, que j'ai confirmé cette priorité en choisissant de commencer par les fruits et légumes le mémorandum français sur la revue à mi-parcours.
Depuis, les débats ont enregistré des avancées significatives grâce à l'action du Président de la République mais cela n'enlève rien à l'urgence des ajustements techniques qui sont nécessaires dans les OCM qui fonctionnent mal ou qui pourraient fonctionner mieux.
A l'évidence la vôtre fait partie du nombre.
Je crois en effet, et je l'ai dit à maintes reprises, qu'il y a de réels progrès à faire sur l'organisation de la production et le contenu des programmes opérationnels.
Il me paraît important de renforcer l'organisation de la production et ce, de manière pragmatique. Dans cet esprit, les critères de reconnaissance doivent être à la fois clarifiés et simplifiés et s'accompagner d'incitations financières au regroupement des organisations de producteurs.
S'agissant des fonds opérationnels, je crois que nul ne remet en question l'évolution décisive qu'a connue l'OCM avec leur mise en place.
Pour autant, je crois que, là aussi, il y a un réel besoin de simplification et de stabilisation des règles.
Et sans doute faut-il être plus ambitieux encore pour que la nouvelle orientation de l'OCM prenne en compte mieux qu'elle ne le fait aujourd'hui, la fragilité de vos productions et leur sensibilité aux aléas.
Pour cela, il faut élargir le champ des fonds opérationnels. C'est l'esprit dans lequel a été suggérée l'introduction de nouveaux outils comme l'assurance-récolte, reprise d'ailleurs par les conclusions de la Présidence espagnole.
Voilà, le chantier est vaste. Mais le premier pas a déjà été franchi puisque la Commission a engagé le comité de gestion à lancer cette discussion, en suggérant que cela serve de base à ses propres propositions, annoncées pour le 2e trimestre.
Bien-sûr, dans ce débat certains points ne seront pas aussi consensuels que d'autres et je pense en particulier à la maîtrise de la connaissance de la production dont la France souhaite que le principe soit encouragé dans le cadre de l'OCM.
Vous avez vous-même évoqué l'idée d'une carte de producteurs.
Cela me paraît effectivement une idée intéressante et je suis tout à fait disposé à ce qu'on essaye de progresser sur une piste que les producteurs de fruits demandent également à explorer. Bien évidemment un tel projet ne peut prendre tout son sens qu'au niveau européen. Mais cela ne nous empêche pas d'avancer sur le plan technique afin d'identifier les méthodes les plus appropriées pour développer un tel système.
Si vous en être d'accord, je vous propose Madame la Présidente, qu'un groupe de travail associant l'administration, l'ONIFLHOR et les professionnels soit constitué rapidement pour travailler sur ce sujet.
Vous avez également suggéré l'idée d'un système d'épargne permettant aux entreprises de mieux gérer les aléas inhérents à votre activité. Sur ce point, je voudrais vous indiquer qu'une réponse existe déjà en partie au travers du régime d'épargne professionnelle de précaution défiscalisée qui a été mis en place par la loi de finances 2002. Le régime prévu est ouvert aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition et qui ont souscrit une assurance couvrant les dommages aux cultures. Cette mesure va très prochainement faire l'objet d'un décret d'application.
Elle se traduira par la possibilité de déduire un montant annuel maximum de 21 200 euros du bénéfice imposable pour faire face à des investissements ou à des aléas d'ordre climatique, économique, sanitaire ou familial. Voilà un outil moderne et concret qui peut contribuer à lisser les à-coups auxquels la sensibilité de votre secteur expose vos exploitations.
Cette sensibilité, inhérente au caractère périssable de vos produits et à la volatilité de la consommation justifie, comme vous l'avez dit, que tous les moyens disponibles soient mobilisés. Il s'agit bien entendu des crédits nationaux, mais aussi de toutes les sources de financement communautaires liées à l'OCM ou aux fonds structurels.
L'objectif et il s'agit d'un objectif commun auquel pouvoirs publics et professionnels doivent travailler, c'est d'optimiser ces différents financements pour les mettre à disposition des producteurs dans le cadre de projets collectifs.
Bien entendu, cette approche ne signifie pas la fin des instruments destinés à gérer les crises.
Cependant la pression à laquelle nous soumet Bruxelles nous oblige aujourd'hui, collectivement, à repenser les instruments conjoncturels de gestion des crises tels que nous les avons pratiqués jusqu'à maintenant.
Je crois qu'il faut être conscient des risques qui pèsent sur ces outils et travailler dès à présent pour définir et sécuriser des instruments plus efficaces en conformité avec le droit communautaire. C'est un chantier important auquel nous devons réfléchir ensemble, en responsabilité.
Mais quoi qu'il en soit et quoi qu'il advienne, l'Etat comme il l'a toujours fait, sera présent à vos côtés pour répondre aux difficultés de votre secteur avec les moyens nécessaires. A l'heure où on discute des budgets, où on compare des chiffres, où certains s'inquiètent, je voulais vous assurer d'une chose : on ne vous laissera pas tomber.
A cet égard Madame la Présidente, vous m'avez parlé des problèmes que rencontrent des exploitations spécialisées dans certaines productions comme le concombre ou la salade au terme d'une campagne perturbée. Comme vous me l'avez expliqué, il s'agit d'une situation très spécifique et qui appelle des réponses ciblées.
Avec le souci de permettre à ces exploitations de passer ce cap difficile, j'ai décidé de demander aux Préfets et aux Directeurs départementaux de l'agriculture de procéder à un examen de ces situations individuelles et d'y répondre grâce aux procédures d'accompagnement prévues dans le cadre d'AGRIDIFF.
Cette procédure qui a d'ailleurs été consolidée dans ses différents volets à l'occasion du débat budgétaire permettra de répondre au cas par cas aux situations les plus sensibles et d'aider les entreprises les plus fragilisées à surmonter cette période difficile.
Les aléas économiques ne sont malheureusement pas les seules préoccupations auxquelles votre secteur doit faire face.
Je pense évidemment à la sécurité sanitaire. Bien sûr, c'est un souci constant et vous y avez d'ailleurs fait référence très largement.
Mais je crois que c'est aussi un enjeu. Car de sa gestion dépendent les performances de vos exploitations, la qualité de vos produits mais aussi leur image et le crédit que leur accorde le consommateur. Et çà, c'est loin, très loin d'être secondaire...
Le capital confiance des légumes est à ce prix. Il est considérable et par conséquent très précieux.
Aussi est-ce avec le souci de le préserver que mes services ont récemment engagé plusieurs actions visant à orienter et sécuriser les pratiques agricoles.
Le premier chantier a trait aux mélanges de produits qui, comme vous le savez, est un sujet particulièrement sensible. L'objectif poursuivi est de mettre au clair cette pratique qui peut être utile, mais dont les risques restent insuffisamments évalués. C'est pourquoi il est apparu nécessaire de corriger une situation qui fait reposer toute la responsabilité sur les épaules de l'agriculteur, avec les conséquences très lourdes que cela peut avoir en cas d'accident.
Le soutien aux productions très spécialisées de votre filière est un autre chantier important. Comme vous le savez, ces productions ne bénéficient pas toujours de produits phyto-pharmaceutiques autorisés car les créneaux commerciaux qu'elles représentent sont souvent trop étroits.
En liaison avec les Instituts techniques, la Direction générale de l'alimentation a engagé un gros travail pour recenser les besoins de ces producteurs et simplifier les procédures concernant les autorisations d'usage mineur. Les résultats sont là et ces efforts permettent à certaines cultures légumières d'engager des démarches "qualité" avec une plus grande sécurité.
Vous l'avez compris, la situation phytosanitaire de votre secteur est pour moi un vrai sujet d'attention. On assiste, en effet, à l'apparition de plus en plus régulière de nouveaux parasites dont la France était indemne jusqu'à une période récente, et ceci évidemment en lien avec le développement des échanges.
Il convient donc d'engager une politique phytosanitaire basée sur le principe de la détection précoce en vue d'une éradication rapide. Cela suppose la collaboration de l'ensemble des acteurs des filières, notamment en matière de partage d'information, car la vigilance et l'alerte phytosanitaire ne sont pas du seul ressort des services de l'État. La surveillance du territoire est le devoir de tous.
Or, le dispositif actuel, ancré dans le code rural, me paraît nettement perfectible. C'est pourquoi, je vous propose d'engager un travail de réflexion autour des dispositifs de surveillance et de lutte, étant bien entendu que les mécanismes d'indemnisation eux aussi devront nécessairement être repensés.
Je crois que l'enjeu que représentent ces risques sanitaires mérite que l'on se mette autour de la table et qu'on redéfinisse les contours d'une politique efficace. C'est un gros chantier, mais je crois qu'il est essentiel tant pour la qualité de vos produits que pour la confiance du consommateur.
Le consommateur, c'est d'ailleurs votre meilleur allié car vos produits sont les mieux placés pour répondre à ses aspirations, rassurer ses craintes et satisfaire ses exigences. Naturels et nutritionnels, les légumes sont synonymes d'équilibre, de santé et de plaisir. Mais plus encore, le légume est un des rares produits bruts qui maintienne un lien direct entre le consommateur et la terre.
Lorsque nos enfants qui vivent en ville ne savent plus à quoi ressemble le champ de blé qui a servi à faire leurs pâtes ou le poisson avec lequel sont faites leurs croquettes, la carotte, le poireau, la tomate ou le chou-fleur sont là pour lui rappeler le goût et la couleur des saisons.
C'est important en tout cas de lui apprendre à les reconnaître et à les apprécier. Je compte d'ailleurs m'y investir avec mon collègue Xavier DARCOS et nous sommes en train d'y réfléchir ensemble.
L'éducation, la sensibilisation du consommateur commence par là.
Je sais que ce consommateur est au centre de vos préoccupations, " dans toutes les têtes " pour paraphraser le thème de votre Congrès.
Mais pour répondre à ses attentes, il faut que le marché répercute et valorise auprès de lui les efforts que vous menez pour innover, segmenter et identifier vos produits notamment avec les démarches " Légumes de France " et " Tradition maraîchère ". Cela veut dire " produire pour un marché " comme vous le dites fort justement.
Mais cela suppose une relation construite et loyale entre les producteurs et leurs acheteurs.
Or depuis plusieurs années, les relations commerciales entre la grande distribution et les producteurs se sont considérablement modifiées. La concentration de la distribution, sa part désormais prépondérante dans les débouchés du secteur, le développement des marques de distributeurs, les pratiques liées aux actions de promotion des enseignes ou à la coopération commerciale : autant d'évolutions qui semblent conduire inexorablement à accentuer le déséquilibre du pouvoir économique.
A intervalles réguliers, les tensions qui résultent de ce bras de fer conduisent le législateur à intervenir pour rétablir l'équilibre contractuel.
Vous connaissez tous ces textes aussi bien, sinon mieux que moi : après la modification de l'ordonnance de 86 et la loi d'orientation, c'est la loi sur les NRE qui a permis de consacrer un certain nombre de principes essentiels à la moralisation des pratiques commerciales :
- en affirmant l'interdiction de certaines pratiques illicites
- en renforçant la définition des pratiques abusives, comme la coopération commerciale disproportionnée ou ne correspondant pas à un service commercial effectif,
- enfin, en étendant la notion d'abus de dépendance économique aux relations commerciales.
Mais au-delà de ces principes essentiels, la loi a permis de reconnaître ou plutôt d'affirmer les spécificités du secteur des fruits et légumes frais, en complétant les dispositions du Code rural.
Il s'agit en particulier des opérations promotionnelles des fruits et légumes frais qui doivent désormais se définir dans le cadre interprofessionnel, pour éviter qu'elles n'orientent le prix de manière artificielle. Mais cela vise également la possibilité d'étendre des accords contractuels entre organisations professionnelles afin d'améliorer la lutte commune contre les crises conjoncturelles.
Certains disent : la loi existe, il n'y a qu'à l'appliquer.
Pour ma part, il n'y a pas d'ambiguïté : la loi existe, il faut qu'on l'applique, y compris en ayant recours aux sanctions prévues par le législateur.
C'est la volonté du gouvernement. Dans cet esprit, face aux tensions exacerbées que chacun de nous a constatées depuis plusieurs mois, mon collègue DUTREIL a organisé une table ronde le mois dernier afin de renouer un nécessaire dialogue entre l'amont et l'aval.
A la suite de cette réunion, nous avons décidé conjointement de confier à nos services le soin d'animer des groupes de travail sur les principaux sujets de crispation qui ont pu être identifiés. Je pense en particulier à la gestion des débuts de campagne et au traitement anticipé des situations de crise. Mais pas seulement.
Il me semble important également qu'à l'occasion de ce travail on puisse tirer les enseignements de l'avis du conseil de la concurrence sur l'accord interprofessionnel pêche-nectarine de l'été 2002. Cela doit nous aider à mieux définir les conditions permettant que la loi trouve toute son efficacité en appui aux démarches interprofessionnelles.
Le mode normal des relations interprofessionnelles, il est parfois bon de le rappeler, c'est le dialogue. C'est d'ailleurs ainsi qu'il est conçu au sein d'INTERFEL dont je salue le Président, François LAFFITE, qui a su défendre le principe d'une segmentation stratégique qui m'apparaît porteuse d'avenir.
Ce dialogue, pour être utile et constructif, doit pouvoir s'appuyer sur un échange serein et des données communes.
Or, je me suis rendu compte que nous manquons d'un outil opérationnel permettant d'objectiver ce débat. C'est pourquoi je vous propose de relancer l'observatoire économique des prix pour les fruits et légumes, avec trois objectifs principaux :
- assurer une meilleure transparence des marchés,
- faciliter la gestion concertée des marchés,
- nourrir le dialogue inter-professionnel.
Si vous en êtes d'accord, mes services organiseront très rapidement une réunion de travail avec vous et avec l'ensemble des partenaires de la filière, afin de me faire des propositions de fonctionnement, de calendrier et d'objectifs concrets à atteindre au travers de cet instrument.
Si nous y travaillons tous avec sincérité et détermination, je crois qu'on aura déjà fait un grand pas dans la connaissance du marché et de ses réalités.
C'est d'ailleurs dans ce même esprit, je crois, que vous m'avez suggéré l'idée d'un vaste audit des filières fruits et légumes.
Cette idée, chacun s'en souviendra, a été suggérée initialement par la distribution et je veux croire que c'est dans le même esprit constructif que celui qui vous porte aujourd'hui, Madame la Présidente, à vous engager sur ce projet. Je sais que la fédération des producteurs de fruits est à vos côtés dans cette démarche et que l'interprofession est également résolue à y consacrer ses efforts et ses compétences.
Je crois que cette volonté commune est le signe de la responsabilité de votre secteur et de sa capacité à se projeter dans l'avenir en cherchant à mieux comprendre ses faiblesses et à mieux valoriser ses atouts.
Ce qui va de soi dans mon esprit, c'est que, qui dit " audit de la filière " dit " audit de la filière dans son ensemble ", dans toutes ses composantes, dans tous ses maillons : " de la fourche à la fourchette " pour reprendre une expression consacrée.
Je suis donc partant, évidemment, pour lancer ce travail avec vous et avec tous vos partenaires, sans a priori et avec l'ambition d'identifier de véritables sources de progrès pour vos filières, tant dans leur économie que dans leur organisation.
Sans attendre et dès les prochains jours, je compte donc engager une concertation avec l'ensemble des familles professionnelles pour bâtir un cahier des charges et constituer le comité de pilotage qui devra suivre la réalisation de cet audit.
Bien entendu, il ne s'agit pas de tout attendre de ce travail. Il y a bien d'autres chantiers en cours. Nous venons d'en parler. Et si je suis là aujourd'hui, ici et avec vous, ce n'est pas par hasard : c'est avant tout pour vous assurer que je suis à vos côtés pour les mener de front.
Vous avez dit tout à l'heure, Madame la Présidente, que nous avions un point commun en participant tous les deux, chacun dans notre rôle, à notre premier congrès des producteurs de légumes. Je crois que nous en avons au moins un autre : c'est notre détermination commune à soutenir et développer vos filières qui font la richesse de notre économie et de nos territoires.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 novembre 2002)
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'accueillir ici, à votre 46e congrès et me donner ainsi la chance de venir à la rencontre de tous les producteurs de légumes de France.
Je sais, car vous me l'avez expliqué lors de notre première rencontre que cette filière est diverse, par ses produits bien sûr, mais aussi par ses structures et par sa géographie. Je sais aussi qu'elle est à la fois exigeante et dynamique, faite de professionnels réalistes et responsables.
Mais cela, vous n'avez pas eu besoin de me l'expliquer, Madame la Présidente. Je n'ai eu qu'à vous écouter parler de votre métier pour le comprendre.
J'ai été frappé en effet d'avoir en face de moi, comme aujourd'hui, de vrais patrons de PME, soucieux des contraintes à gérer et des charges à assumer mais conscients aussi des formidables potentialités du secteur qui est le vôtre. Employeurs de main d'oeuvre, animateurs de territoires, fournisseurs de produits sains, naturels et de qualité sur un marché concurrentiel et disputé : les entrepreneurs que vous êtes, de manière presque exemplaire, sont à la croisée de tous les enjeux que doit aujourd'hui relever notre agriculture.
Le premier de ces enjeux, ce sont les hommes. C'est à la fois la force et la richesse de votre secteur, par la qualité de ses chefs d'entreprise et sa place dans le tissu social des zones rurales. Mais c'est aussi un facteur important de compétitivité, peut être d'ailleurs un des plus importants.
Soyez sûrs que j'en ai bien conscience et que je m'emploie au sein du gouvernement et en liaison avec mon collègue François FILLON à apporter chaque fois que c'est possible une part de réponse à cette question essentielle.
L'emploi tout d'abord. Ou comment faire pour que vos exploitations continuent d'être ces pôles de main d'oeuvre attractifs en zones rurales ?
Comme vous le savez, le gouvernement a entrepris une réforme de grande ampleur pour alléger le coût du travail, tout en favorisant l'emploi.
S'agissant de l'emploi permanent, je rappelle que vos exploitations sont éligibles au nouveau dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.
Ouverte par la loi d'août dernier, cette mesure est destinée à soutenir financièrement les entreprises qui embauchent sous contrat à durée indéterminée des jeunes de 16 à 22 ans, dont le niveau de formation est inférieur au baccalauréat. Au delà de son intérêt économique, je crois que c'est un dispositif qui peut attirer des jeunes vers vos entreprises et leur mettre ainsi le pied à l'étrier dans un contexte professionnel agricole. Je crois donc que cela va tout à fait dans le bon sens.
Concernant l'emploi saisonnier, qui est une composante importante de l'emploi agricole et pour lequel de réelles difficultés de recrutement se sont faites ressentir, je crois que nul ne peut douter de la mobilisation des pouvoirs publics pour faciliter les embauches.
Un ensemble d'actions a ainsi été mis en place pour permettre d'offrir un service spécifique aux employeurs de main-d'oeuvre agricole et contribuer en même temps à l'insertion des demandeurs d'emploi.
Ce programme, qui permet de valoriser les métiers de l'agriculture, est décliné au plan local pour tenir compte de la réalité et des besoins des bassins d'emploi. Des groupes de travail expérimentaux se constituent en ce moment sous l'impulsion de certains préfets pour identifier les besoins de la profession, ou plutôt des professions, et pour y répondre de façon opérationnelle.
Ces actions devront notamment prendre appui sur l'accord national relatif aux saisonniers que les partenaires sociaux ont signé cet été et qui depuis, a été étendu.
Enfin, comme vous le savez, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a créé une nouvelle catégorie de contrat à durée déterminée dit " contrat vendanges ".
J'ai demandé à mes services et à la caisse centrale de mutualité sociale agricole d'établir un premier bilan de ce contrat, notamment sur son coût pour le budget de l'État.
Sur cette base, je crois utile qu'une concertation puisse être engagée avec les partenaires sociaux du secteur de la production pour la prochaine campagne de travaux saisonniers.
Cela étant, des difficultés peuvent persister malgré les efforts de tous et en particulier ceux que déploie la profession agricole pour faciliter le recrutement de saisonniers chez les demandeurs d'emploi.
Pour faire face à ces besoins qui ne peuvent être satisfaits pleinement sur le marché du travail, des instructions sont prises chaque année par le ministère des affaires sociales en concertation avec mes services pour préciser les modalités de recours à la main-d'oeuvre étrangère.
Au vu du bilan de la campagne 2002, je vais demander à mon collègue François FILLON que pour 2003, la circulaire concernant les règles d'introduction de main-d'oeuvre saisonnière étrangère tienne mieux compte de besoins locaux du secteur agricole, et notamment de ceux de votre filière.
Soutien à l'emploi des jeunes, adaptation du dispositif de l'emploi saisonnier, prise en compte des besoins spécifiques de vos secteurs en cas de difficultés de recrutement : voilà autant de dossiers sur lesquels le gouvernement s'est efforcé d'intégrer les spécificités de votre métier.
Evidemment cela ne résout pas tout. Et j'ai bien conscience que si le travail est une richesse, c'est aussi une charge, qui pèse lourd, très lourd, dans vos coûts de production. J'ai conscience également que c'est un facteur déterminant de votre compétitivité sur le marché communautaire.
Là-dessus, le gouvernement a déjà avancé des éléments de réponse tangibles.
S'agissant des coûts de la main-d'oeuvre, divers dispositifs visent à alléger les charges sociales des employeurs de main-d'ouvre, dont certains sont spécifiques aux exploitants agricoles.
Pour les salariés permanents, les entreprises et les exploitants agricoles bénéficient déjà de la " réduction bas salaires ", ainsi que de l'allégement dégressif des cotisations patronales de sécurité sociale pour les 35 heures.
Et sachez que dans le projet de loi actuellement en discussion, le gouvernement souhaite fusionner progressivement la réduction dégressive sur les bas salaires et l'allégement 35 heures pour parvenir, à une exonération unique qui sera totale à 1,7 SMIC.
S'agissant des travailleurs occasionnels, des efforts importants ont été engagés en réduisant de plus de 23 Meuros par an les cotisations sociales pesant sur ces emplois. Dans le secteur des fruits et légumes je vous rappelle que le taux de réduction est de 90 % sur la base d'une durée annuelle maximum de 100 jours par salarié.
Enfin je voudrais souligner que le projet de loi qui est en discussion sur l'assouplissement des 35 heures tient compte des observations de votre profession afin de l'adapter à la réalité du monde agricole. Cela consiste notamment à laisser aux accords de branche étendus le soin de fixer, dans certaines limites, le taux de majoration des heures supplémentaires.
Tout cela participe, je crois, de l'attention particulière que porte le gouvernement aux facteurs de compétitivité de vos entreprises et témoigne, s'il était besoin, de l'attachement qui est le nôtre, le mien en particulier, à prendre en compte chaque fois que c'est nécessaire la dimension spécifique qui est celle de vos exploitations et de votre métier.
Tous ces efforts que nous nous efforçons de mener au niveau national sont indispensables. Mais, vous l'avez dit vous-même Madame la Présidente, c'est avant tout au niveau communautaire que nous trouverons la clé d'une compétitivité équitable des producteurs face au marché.
Sur ce point comme sur d'autres, je crois que la réforme de l'OCM fruits et légumes s'est révélée insuffisante et qu'elle appelle aujourd'hui de profondes améliorations.
Profitant de la Présidence de l'Union européenne dont elle assumait la charge il y a 6 mois, l'Espagne a décidé de lancer ce débat, me fournissant ainsi l'occasion, dès les premiers jours de ma prise de fonction, de faire valoir au Commissaire et à mes collègues tout l'enjeu que représente la nécessaire adaptation de votre OCM.
Et vous aurez noté, j'en suis sûr Madame la Présidente, que j'ai confirmé cette priorité en choisissant de commencer par les fruits et légumes le mémorandum français sur la revue à mi-parcours.
Depuis, les débats ont enregistré des avancées significatives grâce à l'action du Président de la République mais cela n'enlève rien à l'urgence des ajustements techniques qui sont nécessaires dans les OCM qui fonctionnent mal ou qui pourraient fonctionner mieux.
A l'évidence la vôtre fait partie du nombre.
Je crois en effet, et je l'ai dit à maintes reprises, qu'il y a de réels progrès à faire sur l'organisation de la production et le contenu des programmes opérationnels.
Il me paraît important de renforcer l'organisation de la production et ce, de manière pragmatique. Dans cet esprit, les critères de reconnaissance doivent être à la fois clarifiés et simplifiés et s'accompagner d'incitations financières au regroupement des organisations de producteurs.
S'agissant des fonds opérationnels, je crois que nul ne remet en question l'évolution décisive qu'a connue l'OCM avec leur mise en place.
Pour autant, je crois que, là aussi, il y a un réel besoin de simplification et de stabilisation des règles.
Et sans doute faut-il être plus ambitieux encore pour que la nouvelle orientation de l'OCM prenne en compte mieux qu'elle ne le fait aujourd'hui, la fragilité de vos productions et leur sensibilité aux aléas.
Pour cela, il faut élargir le champ des fonds opérationnels. C'est l'esprit dans lequel a été suggérée l'introduction de nouveaux outils comme l'assurance-récolte, reprise d'ailleurs par les conclusions de la Présidence espagnole.
Voilà, le chantier est vaste. Mais le premier pas a déjà été franchi puisque la Commission a engagé le comité de gestion à lancer cette discussion, en suggérant que cela serve de base à ses propres propositions, annoncées pour le 2e trimestre.
Bien-sûr, dans ce débat certains points ne seront pas aussi consensuels que d'autres et je pense en particulier à la maîtrise de la connaissance de la production dont la France souhaite que le principe soit encouragé dans le cadre de l'OCM.
Vous avez vous-même évoqué l'idée d'une carte de producteurs.
Cela me paraît effectivement une idée intéressante et je suis tout à fait disposé à ce qu'on essaye de progresser sur une piste que les producteurs de fruits demandent également à explorer. Bien évidemment un tel projet ne peut prendre tout son sens qu'au niveau européen. Mais cela ne nous empêche pas d'avancer sur le plan technique afin d'identifier les méthodes les plus appropriées pour développer un tel système.
Si vous en être d'accord, je vous propose Madame la Présidente, qu'un groupe de travail associant l'administration, l'ONIFLHOR et les professionnels soit constitué rapidement pour travailler sur ce sujet.
Vous avez également suggéré l'idée d'un système d'épargne permettant aux entreprises de mieux gérer les aléas inhérents à votre activité. Sur ce point, je voudrais vous indiquer qu'une réponse existe déjà en partie au travers du régime d'épargne professionnelle de précaution défiscalisée qui a été mis en place par la loi de finances 2002. Le régime prévu est ouvert aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition et qui ont souscrit une assurance couvrant les dommages aux cultures. Cette mesure va très prochainement faire l'objet d'un décret d'application.
Elle se traduira par la possibilité de déduire un montant annuel maximum de 21 200 euros du bénéfice imposable pour faire face à des investissements ou à des aléas d'ordre climatique, économique, sanitaire ou familial. Voilà un outil moderne et concret qui peut contribuer à lisser les à-coups auxquels la sensibilité de votre secteur expose vos exploitations.
Cette sensibilité, inhérente au caractère périssable de vos produits et à la volatilité de la consommation justifie, comme vous l'avez dit, que tous les moyens disponibles soient mobilisés. Il s'agit bien entendu des crédits nationaux, mais aussi de toutes les sources de financement communautaires liées à l'OCM ou aux fonds structurels.
L'objectif et il s'agit d'un objectif commun auquel pouvoirs publics et professionnels doivent travailler, c'est d'optimiser ces différents financements pour les mettre à disposition des producteurs dans le cadre de projets collectifs.
Bien entendu, cette approche ne signifie pas la fin des instruments destinés à gérer les crises.
Cependant la pression à laquelle nous soumet Bruxelles nous oblige aujourd'hui, collectivement, à repenser les instruments conjoncturels de gestion des crises tels que nous les avons pratiqués jusqu'à maintenant.
Je crois qu'il faut être conscient des risques qui pèsent sur ces outils et travailler dès à présent pour définir et sécuriser des instruments plus efficaces en conformité avec le droit communautaire. C'est un chantier important auquel nous devons réfléchir ensemble, en responsabilité.
Mais quoi qu'il en soit et quoi qu'il advienne, l'Etat comme il l'a toujours fait, sera présent à vos côtés pour répondre aux difficultés de votre secteur avec les moyens nécessaires. A l'heure où on discute des budgets, où on compare des chiffres, où certains s'inquiètent, je voulais vous assurer d'une chose : on ne vous laissera pas tomber.
A cet égard Madame la Présidente, vous m'avez parlé des problèmes que rencontrent des exploitations spécialisées dans certaines productions comme le concombre ou la salade au terme d'une campagne perturbée. Comme vous me l'avez expliqué, il s'agit d'une situation très spécifique et qui appelle des réponses ciblées.
Avec le souci de permettre à ces exploitations de passer ce cap difficile, j'ai décidé de demander aux Préfets et aux Directeurs départementaux de l'agriculture de procéder à un examen de ces situations individuelles et d'y répondre grâce aux procédures d'accompagnement prévues dans le cadre d'AGRIDIFF.
Cette procédure qui a d'ailleurs été consolidée dans ses différents volets à l'occasion du débat budgétaire permettra de répondre au cas par cas aux situations les plus sensibles et d'aider les entreprises les plus fragilisées à surmonter cette période difficile.
Les aléas économiques ne sont malheureusement pas les seules préoccupations auxquelles votre secteur doit faire face.
Je pense évidemment à la sécurité sanitaire. Bien sûr, c'est un souci constant et vous y avez d'ailleurs fait référence très largement.
Mais je crois que c'est aussi un enjeu. Car de sa gestion dépendent les performances de vos exploitations, la qualité de vos produits mais aussi leur image et le crédit que leur accorde le consommateur. Et çà, c'est loin, très loin d'être secondaire...
Le capital confiance des légumes est à ce prix. Il est considérable et par conséquent très précieux.
Aussi est-ce avec le souci de le préserver que mes services ont récemment engagé plusieurs actions visant à orienter et sécuriser les pratiques agricoles.
Le premier chantier a trait aux mélanges de produits qui, comme vous le savez, est un sujet particulièrement sensible. L'objectif poursuivi est de mettre au clair cette pratique qui peut être utile, mais dont les risques restent insuffisamments évalués. C'est pourquoi il est apparu nécessaire de corriger une situation qui fait reposer toute la responsabilité sur les épaules de l'agriculteur, avec les conséquences très lourdes que cela peut avoir en cas d'accident.
Le soutien aux productions très spécialisées de votre filière est un autre chantier important. Comme vous le savez, ces productions ne bénéficient pas toujours de produits phyto-pharmaceutiques autorisés car les créneaux commerciaux qu'elles représentent sont souvent trop étroits.
En liaison avec les Instituts techniques, la Direction générale de l'alimentation a engagé un gros travail pour recenser les besoins de ces producteurs et simplifier les procédures concernant les autorisations d'usage mineur. Les résultats sont là et ces efforts permettent à certaines cultures légumières d'engager des démarches "qualité" avec une plus grande sécurité.
Vous l'avez compris, la situation phytosanitaire de votre secteur est pour moi un vrai sujet d'attention. On assiste, en effet, à l'apparition de plus en plus régulière de nouveaux parasites dont la France était indemne jusqu'à une période récente, et ceci évidemment en lien avec le développement des échanges.
Il convient donc d'engager une politique phytosanitaire basée sur le principe de la détection précoce en vue d'une éradication rapide. Cela suppose la collaboration de l'ensemble des acteurs des filières, notamment en matière de partage d'information, car la vigilance et l'alerte phytosanitaire ne sont pas du seul ressort des services de l'État. La surveillance du territoire est le devoir de tous.
Or, le dispositif actuel, ancré dans le code rural, me paraît nettement perfectible. C'est pourquoi, je vous propose d'engager un travail de réflexion autour des dispositifs de surveillance et de lutte, étant bien entendu que les mécanismes d'indemnisation eux aussi devront nécessairement être repensés.
Je crois que l'enjeu que représentent ces risques sanitaires mérite que l'on se mette autour de la table et qu'on redéfinisse les contours d'une politique efficace. C'est un gros chantier, mais je crois qu'il est essentiel tant pour la qualité de vos produits que pour la confiance du consommateur.
Le consommateur, c'est d'ailleurs votre meilleur allié car vos produits sont les mieux placés pour répondre à ses aspirations, rassurer ses craintes et satisfaire ses exigences. Naturels et nutritionnels, les légumes sont synonymes d'équilibre, de santé et de plaisir. Mais plus encore, le légume est un des rares produits bruts qui maintienne un lien direct entre le consommateur et la terre.
Lorsque nos enfants qui vivent en ville ne savent plus à quoi ressemble le champ de blé qui a servi à faire leurs pâtes ou le poisson avec lequel sont faites leurs croquettes, la carotte, le poireau, la tomate ou le chou-fleur sont là pour lui rappeler le goût et la couleur des saisons.
C'est important en tout cas de lui apprendre à les reconnaître et à les apprécier. Je compte d'ailleurs m'y investir avec mon collègue Xavier DARCOS et nous sommes en train d'y réfléchir ensemble.
L'éducation, la sensibilisation du consommateur commence par là.
Je sais que ce consommateur est au centre de vos préoccupations, " dans toutes les têtes " pour paraphraser le thème de votre Congrès.
Mais pour répondre à ses attentes, il faut que le marché répercute et valorise auprès de lui les efforts que vous menez pour innover, segmenter et identifier vos produits notamment avec les démarches " Légumes de France " et " Tradition maraîchère ". Cela veut dire " produire pour un marché " comme vous le dites fort justement.
Mais cela suppose une relation construite et loyale entre les producteurs et leurs acheteurs.
Or depuis plusieurs années, les relations commerciales entre la grande distribution et les producteurs se sont considérablement modifiées. La concentration de la distribution, sa part désormais prépondérante dans les débouchés du secteur, le développement des marques de distributeurs, les pratiques liées aux actions de promotion des enseignes ou à la coopération commerciale : autant d'évolutions qui semblent conduire inexorablement à accentuer le déséquilibre du pouvoir économique.
A intervalles réguliers, les tensions qui résultent de ce bras de fer conduisent le législateur à intervenir pour rétablir l'équilibre contractuel.
Vous connaissez tous ces textes aussi bien, sinon mieux que moi : après la modification de l'ordonnance de 86 et la loi d'orientation, c'est la loi sur les NRE qui a permis de consacrer un certain nombre de principes essentiels à la moralisation des pratiques commerciales :
- en affirmant l'interdiction de certaines pratiques illicites
- en renforçant la définition des pratiques abusives, comme la coopération commerciale disproportionnée ou ne correspondant pas à un service commercial effectif,
- enfin, en étendant la notion d'abus de dépendance économique aux relations commerciales.
Mais au-delà de ces principes essentiels, la loi a permis de reconnaître ou plutôt d'affirmer les spécificités du secteur des fruits et légumes frais, en complétant les dispositions du Code rural.
Il s'agit en particulier des opérations promotionnelles des fruits et légumes frais qui doivent désormais se définir dans le cadre interprofessionnel, pour éviter qu'elles n'orientent le prix de manière artificielle. Mais cela vise également la possibilité d'étendre des accords contractuels entre organisations professionnelles afin d'améliorer la lutte commune contre les crises conjoncturelles.
Certains disent : la loi existe, il n'y a qu'à l'appliquer.
Pour ma part, il n'y a pas d'ambiguïté : la loi existe, il faut qu'on l'applique, y compris en ayant recours aux sanctions prévues par le législateur.
C'est la volonté du gouvernement. Dans cet esprit, face aux tensions exacerbées que chacun de nous a constatées depuis plusieurs mois, mon collègue DUTREIL a organisé une table ronde le mois dernier afin de renouer un nécessaire dialogue entre l'amont et l'aval.
A la suite de cette réunion, nous avons décidé conjointement de confier à nos services le soin d'animer des groupes de travail sur les principaux sujets de crispation qui ont pu être identifiés. Je pense en particulier à la gestion des débuts de campagne et au traitement anticipé des situations de crise. Mais pas seulement.
Il me semble important également qu'à l'occasion de ce travail on puisse tirer les enseignements de l'avis du conseil de la concurrence sur l'accord interprofessionnel pêche-nectarine de l'été 2002. Cela doit nous aider à mieux définir les conditions permettant que la loi trouve toute son efficacité en appui aux démarches interprofessionnelles.
Le mode normal des relations interprofessionnelles, il est parfois bon de le rappeler, c'est le dialogue. C'est d'ailleurs ainsi qu'il est conçu au sein d'INTERFEL dont je salue le Président, François LAFFITE, qui a su défendre le principe d'une segmentation stratégique qui m'apparaît porteuse d'avenir.
Ce dialogue, pour être utile et constructif, doit pouvoir s'appuyer sur un échange serein et des données communes.
Or, je me suis rendu compte que nous manquons d'un outil opérationnel permettant d'objectiver ce débat. C'est pourquoi je vous propose de relancer l'observatoire économique des prix pour les fruits et légumes, avec trois objectifs principaux :
- assurer une meilleure transparence des marchés,
- faciliter la gestion concertée des marchés,
- nourrir le dialogue inter-professionnel.
Si vous en êtes d'accord, mes services organiseront très rapidement une réunion de travail avec vous et avec l'ensemble des partenaires de la filière, afin de me faire des propositions de fonctionnement, de calendrier et d'objectifs concrets à atteindre au travers de cet instrument.
Si nous y travaillons tous avec sincérité et détermination, je crois qu'on aura déjà fait un grand pas dans la connaissance du marché et de ses réalités.
C'est d'ailleurs dans ce même esprit, je crois, que vous m'avez suggéré l'idée d'un vaste audit des filières fruits et légumes.
Cette idée, chacun s'en souviendra, a été suggérée initialement par la distribution et je veux croire que c'est dans le même esprit constructif que celui qui vous porte aujourd'hui, Madame la Présidente, à vous engager sur ce projet. Je sais que la fédération des producteurs de fruits est à vos côtés dans cette démarche et que l'interprofession est également résolue à y consacrer ses efforts et ses compétences.
Je crois que cette volonté commune est le signe de la responsabilité de votre secteur et de sa capacité à se projeter dans l'avenir en cherchant à mieux comprendre ses faiblesses et à mieux valoriser ses atouts.
Ce qui va de soi dans mon esprit, c'est que, qui dit " audit de la filière " dit " audit de la filière dans son ensemble ", dans toutes ses composantes, dans tous ses maillons : " de la fourche à la fourchette " pour reprendre une expression consacrée.
Je suis donc partant, évidemment, pour lancer ce travail avec vous et avec tous vos partenaires, sans a priori et avec l'ambition d'identifier de véritables sources de progrès pour vos filières, tant dans leur économie que dans leur organisation.
Sans attendre et dès les prochains jours, je compte donc engager une concertation avec l'ensemble des familles professionnelles pour bâtir un cahier des charges et constituer le comité de pilotage qui devra suivre la réalisation de cet audit.
Bien entendu, il ne s'agit pas de tout attendre de ce travail. Il y a bien d'autres chantiers en cours. Nous venons d'en parler. Et si je suis là aujourd'hui, ici et avec vous, ce n'est pas par hasard : c'est avant tout pour vous assurer que je suis à vos côtés pour les mener de front.
Vous avez dit tout à l'heure, Madame la Présidente, que nous avions un point commun en participant tous les deux, chacun dans notre rôle, à notre premier congrès des producteurs de légumes. Je crois que nous en avons au moins un autre : c'est notre détermination commune à soutenir et développer vos filières qui font la richesse de notre économie et de nos territoires.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 novembre 2002)