Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui pour réfléchir, comme votre colloque m'y invite, aux enjeux du début du siècle prochain. Au cours des cinquante dernières années, la France a su relever bien des défis : la reconstruction après la guerre, la conquête d'une croissance forte pendant près de trois décennies, la transformation d'une économie rurale en une puissance industrielle, une ouverture réussie à l'échange international. Notre pays a vaincu l'inflation dans les années quatre-vingts. Plus récemment, son commerce est devenu largement excédentaire. Il a surmonté l'obsession de ce que l'on appelait naguère la contrainte extérieure. Mais nous avons aussi connu le retour d'un chômage de masse, une croissance faible pendant la plus grande partie de cette décennie et nous avons accumulé de ce fait un retard considérable en matière d'investissement.
Depuis un peu plus de deux ans, nous avons retrouvé le chemin de la croissance. Le chômage recule. Le pays a repris confiance en son avenir. La France est considérée aujourd'hui comme une des économies les plus dynamiques. Il nous faut transformer ces premiers succès en un acquis durable pour reconquérir le plein emploi et préparer l'avenir. Nous voulons une France moderne. Pour nous, la modernité doit être complète -économique, bien sûr, mais aussi sociale- et surtout partagée -elle doit être le bien commun de tous les Français. C'est cette vision de l'avenir qui inspire notre politique économique. Une politique qui cherche à installer la France dans un régime de croissance et à dégager les ressorts d'une " nouvelle compétitivité ".
I. Notre politique est d'abord au service d'une croissance durable.
Il nous fallait en premier lieu rétablir la confiance. C'est par là que nous avons commencé il y deux ans et demi, dans une situation dont certains oublient peut-être aujourd'hui qu'elle était loin d'être favorable. Notre économie était alors frappée d'immobilisme. Notre qualification pour l'euro n'était pas acquise. Alors que l'économie mondiale était à l'époque en croissance, la France en était à l'écart. Depuis nous avons su obtenir la croissance alors même que le monde traversait une crise majeure, due aux troubles financiers.
Certes, la création de l'euro est un atout important pour la stabilité monétaire et financière de l'Europe. Elle a permis aux nations européennes de traverser avec moins de dommages cette crise mondiale. Mais la comparaison avec la situation de nos plus proches partenaires de la zone euro, qui connaissent le même environnement extérieur et monétaire, montre que la politique que nous avons conduite avec Dominique STRAUSS-KAHN n'a pas été étrangère à notre actuel dynamisme. L'OCDE nous crédite, avec le FMI, de la plus forte croissance des grands pays industrialisés pour les deux années à venir. Elle souligne dans la dernière publication de ses perspectives économiques que " l'économie française est entrée dans un cercle vertueux de croissance, de confiance, de création d'emploi et de baisse du chômage ".
Cet enchaînement vertueux, nous devons le prolonger : en gérant dans la durée nos marges de manoeuvres budgétaires, en poursuivant la réforme de notre fiscalité pour promouvoir l'emploi, en inscrivant notre action dans une Europe forte.
Nous avons reconquis des marges de manoeuvre. Entre 1997 et 2000, la France est le pays européen qui aura réalisé la plus forte réduction de son déficit public, même si nous partions, je le sais, d'un niveau plus élevé. Nous l'avons fait en consolidant la croissance et en nous appuyant sur une programmation à moyen terme des dépenses publiques qui préserve notre capacité à financer les priorités de l'action gouvernementale. Cet effort était indispensable pour maîtriser, puis réduire notre dette publique. Une dette réduite, c'est moins d'impôts pour financer la rente et plus de moyens pour les " dépenses d'avenir ", notamment l'éducation et la recherche, décisives pour la croissance à long terme. Nous continuerons cet effort.
Nous devons poursuivre la réforme fiscale. Nous le savons : notre système fiscal souffre autant de sa structure déséquilibrée que de son niveau excessif . Depuis trente mois, le Gouvernement a travaillé à rééquilibrer les prélèvements en faveur de l'emploi et des revenus d'activité. La substitution de la CSG aux cotisations sociales a contribué à ce rééquilibrage. La réduction des cotisations patronales sur les emplois peu qualifiés en contrepartie du développement de la fiscalité écologique -dès le premier janvier prochain- marquera davantage cette réorientation au profit de l'emploi. Dans le même esprit, la TVA et la taxe professionnelle ont été abaissées.
Dans les prochaines lois de finances, nous poursuivrons la réforme fiscale en concentrant notre effort sur la baisse des prélèvements directs. Je souhaite que le plus grand nombre de Français puisse en bénéficier et qu'ainsi notre système de prélèvements soit mieux réparti. La taxe d'habitation est souvent lourde pour les ménages les plus modestes. Les impositions directes sur les revenus du travail sont trop concentrées. La priorité à l'emploi guidera ces réformes. Il faudra supprimer les mécanismes qui découragent encore le retour sur le marché du travail pour ceux qui en ont été exclus.
La croissance, nous la voulons aussi pour l'Europe.
L'horizon de la décennie qui s'ouvre doit être pour l'Europe celui du plein emploi. Les résultats obtenus ces dernières années dans certains pays européens doivent nous encourager à inscrire clairement cet objectif comme moteur de l'ambition européenne. Les performances des Etats les plus avancés dans la réduction du chômage pourraient constituer la référence vers laquelle nos pays s'efforceraient de converger à terme. L'Union européenne devrait également se donner un objectif de croissance soutenue -de l'ordre de 3 %-, susceptible de réduire sensiblement le chômage. En même temps, après la réalisation du grand marché puis celle de l'union monétaire, il est nécessaire que les Européens fassent de l'Europe sociale une réalité. Pour cela, nous proposerons à nos partenaires une sorte d'" agenda social européen " s'efforçant d'ordonner sur cinq ans les actions à conduire.
L'harmonisation fiscale est le complément indispensable de ces politiques. Des travaux importants ont été accomplis sur la fiscalité des entreprises et sur celle de l'épargne. Notre volonté commune est de parvenir à un accord politique au Conseil européen d'Helsinki. Certains de nos partenaires continuent de faire obstacle à un accord sur le projet de directive sur la taxation de l'épargne. Ils invoquent des risques de délocalisation des activités financières qui nous paraissent largement surestimés. La France continuera d'insister pour que les Quinze parviennent à un accord sur ce sujet capital.
Ces débats sont d'autant plus importants que l'euro sera bientôt une réalité pour tous les citoyens. Le délai qui nous sépare de l'introduction des pièces et des billets, -deux ans-, est en fait bref. Nous devons nous y préparer. La France entend bien, durant sa présidence de l'Union européenne, promouvoir toutes les actions visant à faciliter l'usage par tous de l'euro. Dès le premier semestre 2000, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi prévoyant le remplacement à partir du 1er janvier 2002 de tous les montants et seuils libellés en francs figurant dans nos lois par leur équivalent en euro. Ce texte permettra aux consommateurs et aux entreprises de s'adapter plus rapidement à ce changement fondamental. Je souhaite bien sûr que celles-ci continuent d'accomplir le nécessaire travail de pédagogie en faveur de l'euro.
Aussi forte que soit la confiance, aussi adapté que soit le dosage de notre politique conjoncturelle, aussi solide que soit notre monnaie unique, c'est également sur les facteurs structurels de la croissance que nous devons agir.
Selon certains, mon Gouvernement se serait contenté de bénéficier d'une conjoncture économique favorable et aurait renoncé à engager des " réformes de structures ". J'avoue comprendre avec difficulté comment nos résultats économiques, meilleurs que ceux de nos voisins, et nettement supérieurs à ceux d'hier, ne s'expliqueraient ni par notre politique conjoncturelle, ni par notre action structurelle.
Certes, " réformer " ne signifie pas pour ce Gouvernement démanteler la protection sociale ou encore fragiliser le statut des salariés. Réformer, ce doit être libérer les initiatives, accroître le potentiel de production, rendre l'économie plus compétitive. Pour cela, le Gouvernement doit pouvoir compter sur un patronat qui accepte le changement dans sa propre sphère et ne se contente pas d'appeler les autres acteurs de la vie économique et sociale à se moderniser. Naturellement ces réformes structurelles ne produisent leur plein effet que par le dialogue et la concertation avec tous les acteurs. Nous savons bien que ce retour à la croissance n'aurait pas été possible sans des entrepreneurs actifs et innovants. On ne saurait améliorer la compétitivité de notre économie qu'avec les entreprises.
II. Nous devons créer ensemble les conditions d'une " nouvelle compétitivité ".
Dans une économie mondiale où connaissances et capitaux circulent sans entrave, la compétitivité d'une nation repose non seulement sur la performance de ses entreprises, mais aussi sur la vitalité de sa recherche, sur sa capacité à favoriser l'innovation, la création et la prise de risques, sur la qualité de ses services publics et sur la modernisation de ses relations sociales.
Intelligence, innovation, initiative : là sont nos vrais avantages comparatifs.
Les dirigeants d'entreprises étrangères établies en France s'accordent sur la très grande qualité professionnelle des femmes et des hommes de notre pays. La France est parmi les pays de l'OCDE le deuxième pour " l'investissement en connaissance " -Recherche et Développement, investissement en logiciels, dépenses d'éducation. Elle y consacre plus de 10 % de son PIB. Il est crucial de développer et d'utiliser pleinement ce capital d'intelligence. Le Gouvernement s'y emploie depuis trente mois.
Nous préparons la France à la société de l'information. Les technologies de l'information contribueront de plus en plus à la croissance et à l'emploi. C'est pourquoi le Gouvernement s'est mobilisé. Un programme d'action de près de 6 milliards de francs a permis des avancées nombreuses et rapides. Il faut intensifier nos efforts, je l'ai souligné à l'université d'été de la communication d'Hourtin. Nous renforcerons nos moyens de recherche dans les technologies de l'information. Si l'Europe n'a pas su négocier la révolution de la micro-informatique, elle peut occuper d'ici cinq ans la meilleure place dans l'internet de deuxième génération. La sécurité des systèmes d'information des entreprises est aussi un enjeu stratégique auquel nous veillerons. Le Gouvernement travaille avec vous pour prévenir le bogue de l'an 2000. L'évaluation la plus récente de l'organisation mondiale " Global 2000 " place notre pays parmi les six nations du monde les mieux préparées à cet égard.
Nous améliorons le financement de l'innovation : le Gouvernement a créé en 1998 les " bons de créateurs d'entreprises ". Cet instrument attractif de rémunération des salariés est destiné aux jeunes entreprises des secteurs en croissance rapide. Ces bons leur permettent d'attirer les cadres de haut niveau dont elles ont besoin mais qu'elles ne peuvent souvent pas rémunérer sous forme de salaire au prix du marché. Les stock options ont par ailleurs suscité un débat. Le régime qui leur est aujourd'hui applicable n'est pas satisfaisant. Dans le cadre de la mission sur l'épargne salariale que je leur ai confiée, j'ai demandé à MM. BALLIGAND et de FOUCAULD de faire des propositions au Gouvernement.
La création d'entreprises doit être encouragée. Pour soutenir les créateurs d'entreprises, le Gouvernement a pris dès juillet 1997 de sérieuses mesures de simplification administrative. Les plus significatives sont la réduction des obligations déclaratives, l'harmonisation des procédures, la suppression de nombreuses taxes, la simplification des obligations au titre de la TVA. L'environnement des entreprises s'améliore aussi en matière d'administration électronique. La diffusion gratuite des annonces de marchés publics sur l'internet, opérationnelle depuis l'été, la possibilité de procéder sur l'internet aux déclarations de TVA en l'an 2000, puis aux déclarations dans le domaine social, sont des mesures de simplification tangibles attendues par les entreprises.
Des assises de la création d'entreprise seront convoquées cet hiver, sous l'égide du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Les mesures étudiées avec tous les partenaires auront pour objet de donner une forte impulsion pour que des entreprises se créent en grand nombre dans notre pays. Je peux vous annoncer que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend une disposition qui permettra désormais de réduire de 30 % le poids initial des cotisations sociales demandées à un créateur d'entreprise et d'en reporter le paiement après trois mois de fonctionnement révolus.
Le secteur public aussi se modernise. Il contribue à la compétitivité de notre pays. Nous nous efforçons de montrer que l'Etat peut être dans les entreprises publiques un actionnaire actif, à l'écoute des salariés, attentif à l'évolution de l'environnement concurrentiel, au service du développement des entreprises. Certaines réussites sont exemplaires. Pour Thomson Multimédia, que certains voulaient abandonner, nous avons fait le choix de la confiance dans l'entreprise publique. Aujourd'hui, cette entreprise fait des profits, attire les partenaires industriels les plus prestigieux et a les moyens de son expansion. Dans le secteur des télécommunications, où les mutations s'accélèrent, nous avons donné à France Télécom les outils de son développement à l'étranger. La fusion d'Aérospatiale Matra et de l'allemand DASA est un autre succès de cette politique industrielle volontariste : nous avons fait avancer l'Europe de l'aéronautique et de l'espace et constitué un ensemble industriel de premier plan. La présence de l'Etat au capital garantit un ancrage industriel européen en partenariat avec les autres actionnaires et favorisera la réalisation de projets ambitieux. Dans le secteur financier, l'Etat a non seulement mis fin aux sinistres mais encore largement contribué, sans parti pris, à l'indispensable consolidation de la banque et de l'assurance françaises, dont nous savons qu'elle n'est pas achevée, pour leur permettre de faire face aux conséquences de l'introduction de l'euro.
Être demain plus compétitif suppose également de nous doter de régulations efficaces.
La régulation est un atout pour les entreprises et les marchés.
Car réguler ce n'est pas nécessairement réglementer. Affirmer le besoin de régulation, c'est refuser le jeu sans frein des forces du marché. C'est définir des règles du jeu, lutter contre la concurrence déloyale, réduire les inégalités entre acteurs économiques, organiser des voies de recours. La régulation permet d'éviter le désordre et les abus, et de protéger les opérateurs économiques les plus faibles.
Si la régulation n'emprunte pas toujours le chemin de la loi, elle ne l'exclut pas non plus. C'est dans cet esprit que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Christian SAUTTER, proposera au nom du Gouvernement un projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. Comme je l'ai indiqué fin septembre à Strasbourg, il traitera notamment de la limitation des pratiques commerciales abusives dans la distribution, de la modification du droit bancaire et boursier, du renforcement du droit de la concurrence et des concentrations, de l'amélioration de l'information et de la consultation des salariés en cas d'opérations industrielles et financières. Mais ce texte pourrait également inclure des dispositions relatives à ce qu'il est convenu d'appeler le " gouvernement d'entreprise " et au rôle qu'exercent les salariés à travers les mécanismes d'épargne salariale.
Cette régulation ne saurait se limiter au seul cadre national. L'action que conduit le Gouvernement pour une régulation mondiale intéresse également la compétitivité de nos entreprises. La question n'est plus de savoir si nous voulons ou non la mondialisation. Elle est un fait : les trois quarts des échanges mondiaux de biens sont totalement libéralisés ou soumis à des droits de douane négligeables. C'est aussi le cas des mouvements de capitaux. La question est de savoir comment nous maîtrisions cette mondialisation.
Il nous faut pour cela des organisations internationales efficaces et reconnues par tous. C'est le sens des initiatives que nous avons prises pour renforcer et réformer les institutions de Bretton-Woods. C'est aussi ce que nous voulons affirmer à l'OMC, pour mettre fin aux tentations de l'action unilatérale.
Renforcer l'OMC suppose de lui assurer légitimité et transparence. La décision par consensus lui confère sa légitimité politique. Les règles qu'elle édicte émanent directement de la volonté des Etats. Le Gouvernement a, depuis plus d'un an, choisi de garantir en France la transparence démocratique des négociations commerciales. Un dialogue étroit est engagé avec le Parlement, qui sera représenté lors de la réunion de Seattle, mais aussi avec des représentants de la société civile, -syndicats, entreprises et associations de consommateurs. L'Union européenne a défini une position commune sur des bases proches de nos positions. Nous la défendrons avec la plus grande fermeté.
Renforcer notre compétitivité c'est aussi moderniser nos relations sociales.
Parce qu'en associant aux changements nécessaires et parfois rapides tous les acteurs nous rendons notre économie plus mobile et plus réactive. Parce que les formes nouvelles d'organisation du travail, qui requièrent souplesse et implication, rendent indispensable une pleine adhésion des salariés.
La modernisation négociée de notre économie est en marche. C'est d'ailleurs un fait reconnu par tous les observateurs étrangers, à défaut de l'être toujours ici. La démarche que nous avons engagée sur la réduction du temps de travail est à cet égard déterminante.
La loi sur les 35 heures est une loi pour l'emploi, et non contre les entreprises. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Notre but est bien par la mise en place de modalités négociées d'organisation du temps de travail, de moderniser notre économie et de lui permettre de créer plus d'emplois. Il est certes trop tôt pour faire le bilan d'un processus qui prendra plusieurs années. Aujourd'hui, plus d'une centaine d'accords de branche, près de 18 000 accords d'entreprise sont signés, près de 2,4 millions de salariés sont concernés avec en contrepartie plus de 130 000 emplois créés ou sauvegardés. Tout cela va se retrouver, se retrouve déjà, dans l'accélération et des créations d'emplois et de la baisse du chômage. Le dialogue social connaît une relance sans précédent. Je m'en réjouis, car la négociation et le dialogue sont indispensables à la conduite et à l'accompagnement des changements.
Le Gouvernement a mis en place des dispositions financières conséquentes : une aide incitative dans un premier temps, des allégements substantiels de cotisations sociales bientôt ; soit près de 110 milliards de francs à terme. La loi ne s'appliquera que progressivement. Pour les entreprises de plus de 20 salariés, la durée légale du travail s'abaissera dès le début 2000. Ce ne sera le cas qu'à partir de 2002 pour celles de moins de 20 salariés.
Si nous avons mis en place ces modalités, c'est bien parce que le Gouvernement est particulièrement attaché au dialogue social et souhaite que des négociations puissent se nouer dans des conditions satisfaisantes dans le respect de la volonté du législateur.
Nous veillons à améliorer et redresser notre protection sociale. Je pense naturellement, tout d'abord, à la situation de l'assurance-maladie, à laquelle nous consacrons une part très importante de la richesse nationale, alors que nombre de nos concitoyens restent privés d'une prise en charge satisfaisante. C'est pourquoi, avec Mme AUBRY, nous nous sommes attelés à la maîtrise des dépenses de santé. Nous nous efforçons de réduire les gaspillages, notamment par une nouvelle politique du médicament. Dans le même temps, la création de la couverture maladie universelle permettra à ceux qui sont en difficulté d'accéder aux soins dans des conditions satisfaisantes.
Pour ce qui concerne les retraites, dont nous savons tous que le financement constituera dans l'avenir un problème d'ampleur, il s'agit, à mes yeux, de consolider dans l'équité les régimes par répartition et d'assurer leur équilibre à l'horizon 2020. Comme je l'ai indiqué, je préciserai les orientations du Gouvernement dès le début de l'année 2000.
Dans une économie en mouvement, il faut aussi permettre à chacun de s'adapter. C'est pourquoi il doit être possible de se former tout au long de sa vie. Ce sera un enjeu central de la réforme de la formation professionnelle que nous engagerons. Nous devrons organiser un droit individuel à la formation, transférable en cas de changement d'entreprise et garanti collectivement. La seconde loi sur la réduction négociée du temps de travail a validé les accords innovants sur la formation professionnelle conclus dans le cadre de la première loi. Elle a appelé à la négociation d'un accord national interprofessionnel qui fixerait un nouveau cadre. Les créations d'emplois, en particulier dans les secteurs innovants, et des départs en retraite plus nombreux accroîtront fortement les besoins de personnels qualifiés. Par ailleurs, la baisse du chômage rendra plus difficile la recherche des compétences requises. J'espère que sur ce sujet de plus en plus important pour les entreprises, les partenaires sociaux engageront rapidement des discussions.
Mesdames, Messieurs,
Pour retrouver le plein emploi, c'est bien une reconquête qu'il s'agit de conduire. Cette bataille, le Gouvernement entend la mener sur tous les fronts, celui de l'innovation et de l'initiative, celui d'une croissance forte, durable et riche en emplois, celui de la réinsertion des chômeurs dans une société du travail. Nous la mèneront avec vous, qui innovez toujours avec talent et investissez désormais avec dynamisme. La croissance retrouvée peut faciliter les réformes, si nous savons rassembler les Français autour des changements qu'il faut mettre en oeuvre. Chaque gain de croissance, chaque création d'entreprise, chaque nouvel emploi est une raison de plus pour chacun de participer aux progrès d'une modernité collectivement maîtrisée.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 novembre 1999)
Je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui pour réfléchir, comme votre colloque m'y invite, aux enjeux du début du siècle prochain. Au cours des cinquante dernières années, la France a su relever bien des défis : la reconstruction après la guerre, la conquête d'une croissance forte pendant près de trois décennies, la transformation d'une économie rurale en une puissance industrielle, une ouverture réussie à l'échange international. Notre pays a vaincu l'inflation dans les années quatre-vingts. Plus récemment, son commerce est devenu largement excédentaire. Il a surmonté l'obsession de ce que l'on appelait naguère la contrainte extérieure. Mais nous avons aussi connu le retour d'un chômage de masse, une croissance faible pendant la plus grande partie de cette décennie et nous avons accumulé de ce fait un retard considérable en matière d'investissement.
Depuis un peu plus de deux ans, nous avons retrouvé le chemin de la croissance. Le chômage recule. Le pays a repris confiance en son avenir. La France est considérée aujourd'hui comme une des économies les plus dynamiques. Il nous faut transformer ces premiers succès en un acquis durable pour reconquérir le plein emploi et préparer l'avenir. Nous voulons une France moderne. Pour nous, la modernité doit être complète -économique, bien sûr, mais aussi sociale- et surtout partagée -elle doit être le bien commun de tous les Français. C'est cette vision de l'avenir qui inspire notre politique économique. Une politique qui cherche à installer la France dans un régime de croissance et à dégager les ressorts d'une " nouvelle compétitivité ".
I. Notre politique est d'abord au service d'une croissance durable.
Il nous fallait en premier lieu rétablir la confiance. C'est par là que nous avons commencé il y deux ans et demi, dans une situation dont certains oublient peut-être aujourd'hui qu'elle était loin d'être favorable. Notre économie était alors frappée d'immobilisme. Notre qualification pour l'euro n'était pas acquise. Alors que l'économie mondiale était à l'époque en croissance, la France en était à l'écart. Depuis nous avons su obtenir la croissance alors même que le monde traversait une crise majeure, due aux troubles financiers.
Certes, la création de l'euro est un atout important pour la stabilité monétaire et financière de l'Europe. Elle a permis aux nations européennes de traverser avec moins de dommages cette crise mondiale. Mais la comparaison avec la situation de nos plus proches partenaires de la zone euro, qui connaissent le même environnement extérieur et monétaire, montre que la politique que nous avons conduite avec Dominique STRAUSS-KAHN n'a pas été étrangère à notre actuel dynamisme. L'OCDE nous crédite, avec le FMI, de la plus forte croissance des grands pays industrialisés pour les deux années à venir. Elle souligne dans la dernière publication de ses perspectives économiques que " l'économie française est entrée dans un cercle vertueux de croissance, de confiance, de création d'emploi et de baisse du chômage ".
Cet enchaînement vertueux, nous devons le prolonger : en gérant dans la durée nos marges de manoeuvres budgétaires, en poursuivant la réforme de notre fiscalité pour promouvoir l'emploi, en inscrivant notre action dans une Europe forte.
Nous avons reconquis des marges de manoeuvre. Entre 1997 et 2000, la France est le pays européen qui aura réalisé la plus forte réduction de son déficit public, même si nous partions, je le sais, d'un niveau plus élevé. Nous l'avons fait en consolidant la croissance et en nous appuyant sur une programmation à moyen terme des dépenses publiques qui préserve notre capacité à financer les priorités de l'action gouvernementale. Cet effort était indispensable pour maîtriser, puis réduire notre dette publique. Une dette réduite, c'est moins d'impôts pour financer la rente et plus de moyens pour les " dépenses d'avenir ", notamment l'éducation et la recherche, décisives pour la croissance à long terme. Nous continuerons cet effort.
Nous devons poursuivre la réforme fiscale. Nous le savons : notre système fiscal souffre autant de sa structure déséquilibrée que de son niveau excessif . Depuis trente mois, le Gouvernement a travaillé à rééquilibrer les prélèvements en faveur de l'emploi et des revenus d'activité. La substitution de la CSG aux cotisations sociales a contribué à ce rééquilibrage. La réduction des cotisations patronales sur les emplois peu qualifiés en contrepartie du développement de la fiscalité écologique -dès le premier janvier prochain- marquera davantage cette réorientation au profit de l'emploi. Dans le même esprit, la TVA et la taxe professionnelle ont été abaissées.
Dans les prochaines lois de finances, nous poursuivrons la réforme fiscale en concentrant notre effort sur la baisse des prélèvements directs. Je souhaite que le plus grand nombre de Français puisse en bénéficier et qu'ainsi notre système de prélèvements soit mieux réparti. La taxe d'habitation est souvent lourde pour les ménages les plus modestes. Les impositions directes sur les revenus du travail sont trop concentrées. La priorité à l'emploi guidera ces réformes. Il faudra supprimer les mécanismes qui découragent encore le retour sur le marché du travail pour ceux qui en ont été exclus.
La croissance, nous la voulons aussi pour l'Europe.
L'horizon de la décennie qui s'ouvre doit être pour l'Europe celui du plein emploi. Les résultats obtenus ces dernières années dans certains pays européens doivent nous encourager à inscrire clairement cet objectif comme moteur de l'ambition européenne. Les performances des Etats les plus avancés dans la réduction du chômage pourraient constituer la référence vers laquelle nos pays s'efforceraient de converger à terme. L'Union européenne devrait également se donner un objectif de croissance soutenue -de l'ordre de 3 %-, susceptible de réduire sensiblement le chômage. En même temps, après la réalisation du grand marché puis celle de l'union monétaire, il est nécessaire que les Européens fassent de l'Europe sociale une réalité. Pour cela, nous proposerons à nos partenaires une sorte d'" agenda social européen " s'efforçant d'ordonner sur cinq ans les actions à conduire.
L'harmonisation fiscale est le complément indispensable de ces politiques. Des travaux importants ont été accomplis sur la fiscalité des entreprises et sur celle de l'épargne. Notre volonté commune est de parvenir à un accord politique au Conseil européen d'Helsinki. Certains de nos partenaires continuent de faire obstacle à un accord sur le projet de directive sur la taxation de l'épargne. Ils invoquent des risques de délocalisation des activités financières qui nous paraissent largement surestimés. La France continuera d'insister pour que les Quinze parviennent à un accord sur ce sujet capital.
Ces débats sont d'autant plus importants que l'euro sera bientôt une réalité pour tous les citoyens. Le délai qui nous sépare de l'introduction des pièces et des billets, -deux ans-, est en fait bref. Nous devons nous y préparer. La France entend bien, durant sa présidence de l'Union européenne, promouvoir toutes les actions visant à faciliter l'usage par tous de l'euro. Dès le premier semestre 2000, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi prévoyant le remplacement à partir du 1er janvier 2002 de tous les montants et seuils libellés en francs figurant dans nos lois par leur équivalent en euro. Ce texte permettra aux consommateurs et aux entreprises de s'adapter plus rapidement à ce changement fondamental. Je souhaite bien sûr que celles-ci continuent d'accomplir le nécessaire travail de pédagogie en faveur de l'euro.
Aussi forte que soit la confiance, aussi adapté que soit le dosage de notre politique conjoncturelle, aussi solide que soit notre monnaie unique, c'est également sur les facteurs structurels de la croissance que nous devons agir.
Selon certains, mon Gouvernement se serait contenté de bénéficier d'une conjoncture économique favorable et aurait renoncé à engager des " réformes de structures ". J'avoue comprendre avec difficulté comment nos résultats économiques, meilleurs que ceux de nos voisins, et nettement supérieurs à ceux d'hier, ne s'expliqueraient ni par notre politique conjoncturelle, ni par notre action structurelle.
Certes, " réformer " ne signifie pas pour ce Gouvernement démanteler la protection sociale ou encore fragiliser le statut des salariés. Réformer, ce doit être libérer les initiatives, accroître le potentiel de production, rendre l'économie plus compétitive. Pour cela, le Gouvernement doit pouvoir compter sur un patronat qui accepte le changement dans sa propre sphère et ne se contente pas d'appeler les autres acteurs de la vie économique et sociale à se moderniser. Naturellement ces réformes structurelles ne produisent leur plein effet que par le dialogue et la concertation avec tous les acteurs. Nous savons bien que ce retour à la croissance n'aurait pas été possible sans des entrepreneurs actifs et innovants. On ne saurait améliorer la compétitivité de notre économie qu'avec les entreprises.
II. Nous devons créer ensemble les conditions d'une " nouvelle compétitivité ".
Dans une économie mondiale où connaissances et capitaux circulent sans entrave, la compétitivité d'une nation repose non seulement sur la performance de ses entreprises, mais aussi sur la vitalité de sa recherche, sur sa capacité à favoriser l'innovation, la création et la prise de risques, sur la qualité de ses services publics et sur la modernisation de ses relations sociales.
Intelligence, innovation, initiative : là sont nos vrais avantages comparatifs.
Les dirigeants d'entreprises étrangères établies en France s'accordent sur la très grande qualité professionnelle des femmes et des hommes de notre pays. La France est parmi les pays de l'OCDE le deuxième pour " l'investissement en connaissance " -Recherche et Développement, investissement en logiciels, dépenses d'éducation. Elle y consacre plus de 10 % de son PIB. Il est crucial de développer et d'utiliser pleinement ce capital d'intelligence. Le Gouvernement s'y emploie depuis trente mois.
Nous préparons la France à la société de l'information. Les technologies de l'information contribueront de plus en plus à la croissance et à l'emploi. C'est pourquoi le Gouvernement s'est mobilisé. Un programme d'action de près de 6 milliards de francs a permis des avancées nombreuses et rapides. Il faut intensifier nos efforts, je l'ai souligné à l'université d'été de la communication d'Hourtin. Nous renforcerons nos moyens de recherche dans les technologies de l'information. Si l'Europe n'a pas su négocier la révolution de la micro-informatique, elle peut occuper d'ici cinq ans la meilleure place dans l'internet de deuxième génération. La sécurité des systèmes d'information des entreprises est aussi un enjeu stratégique auquel nous veillerons. Le Gouvernement travaille avec vous pour prévenir le bogue de l'an 2000. L'évaluation la plus récente de l'organisation mondiale " Global 2000 " place notre pays parmi les six nations du monde les mieux préparées à cet égard.
Nous améliorons le financement de l'innovation : le Gouvernement a créé en 1998 les " bons de créateurs d'entreprises ". Cet instrument attractif de rémunération des salariés est destiné aux jeunes entreprises des secteurs en croissance rapide. Ces bons leur permettent d'attirer les cadres de haut niveau dont elles ont besoin mais qu'elles ne peuvent souvent pas rémunérer sous forme de salaire au prix du marché. Les stock options ont par ailleurs suscité un débat. Le régime qui leur est aujourd'hui applicable n'est pas satisfaisant. Dans le cadre de la mission sur l'épargne salariale que je leur ai confiée, j'ai demandé à MM. BALLIGAND et de FOUCAULD de faire des propositions au Gouvernement.
La création d'entreprises doit être encouragée. Pour soutenir les créateurs d'entreprises, le Gouvernement a pris dès juillet 1997 de sérieuses mesures de simplification administrative. Les plus significatives sont la réduction des obligations déclaratives, l'harmonisation des procédures, la suppression de nombreuses taxes, la simplification des obligations au titre de la TVA. L'environnement des entreprises s'améliore aussi en matière d'administration électronique. La diffusion gratuite des annonces de marchés publics sur l'internet, opérationnelle depuis l'été, la possibilité de procéder sur l'internet aux déclarations de TVA en l'an 2000, puis aux déclarations dans le domaine social, sont des mesures de simplification tangibles attendues par les entreprises.
Des assises de la création d'entreprise seront convoquées cet hiver, sous l'égide du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Les mesures étudiées avec tous les partenaires auront pour objet de donner une forte impulsion pour que des entreprises se créent en grand nombre dans notre pays. Je peux vous annoncer que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comprend une disposition qui permettra désormais de réduire de 30 % le poids initial des cotisations sociales demandées à un créateur d'entreprise et d'en reporter le paiement après trois mois de fonctionnement révolus.
Le secteur public aussi se modernise. Il contribue à la compétitivité de notre pays. Nous nous efforçons de montrer que l'Etat peut être dans les entreprises publiques un actionnaire actif, à l'écoute des salariés, attentif à l'évolution de l'environnement concurrentiel, au service du développement des entreprises. Certaines réussites sont exemplaires. Pour Thomson Multimédia, que certains voulaient abandonner, nous avons fait le choix de la confiance dans l'entreprise publique. Aujourd'hui, cette entreprise fait des profits, attire les partenaires industriels les plus prestigieux et a les moyens de son expansion. Dans le secteur des télécommunications, où les mutations s'accélèrent, nous avons donné à France Télécom les outils de son développement à l'étranger. La fusion d'Aérospatiale Matra et de l'allemand DASA est un autre succès de cette politique industrielle volontariste : nous avons fait avancer l'Europe de l'aéronautique et de l'espace et constitué un ensemble industriel de premier plan. La présence de l'Etat au capital garantit un ancrage industriel européen en partenariat avec les autres actionnaires et favorisera la réalisation de projets ambitieux. Dans le secteur financier, l'Etat a non seulement mis fin aux sinistres mais encore largement contribué, sans parti pris, à l'indispensable consolidation de la banque et de l'assurance françaises, dont nous savons qu'elle n'est pas achevée, pour leur permettre de faire face aux conséquences de l'introduction de l'euro.
Être demain plus compétitif suppose également de nous doter de régulations efficaces.
La régulation est un atout pour les entreprises et les marchés.
Car réguler ce n'est pas nécessairement réglementer. Affirmer le besoin de régulation, c'est refuser le jeu sans frein des forces du marché. C'est définir des règles du jeu, lutter contre la concurrence déloyale, réduire les inégalités entre acteurs économiques, organiser des voies de recours. La régulation permet d'éviter le désordre et les abus, et de protéger les opérateurs économiques les plus faibles.
Si la régulation n'emprunte pas toujours le chemin de la loi, elle ne l'exclut pas non plus. C'est dans cet esprit que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Christian SAUTTER, proposera au nom du Gouvernement un projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. Comme je l'ai indiqué fin septembre à Strasbourg, il traitera notamment de la limitation des pratiques commerciales abusives dans la distribution, de la modification du droit bancaire et boursier, du renforcement du droit de la concurrence et des concentrations, de l'amélioration de l'information et de la consultation des salariés en cas d'opérations industrielles et financières. Mais ce texte pourrait également inclure des dispositions relatives à ce qu'il est convenu d'appeler le " gouvernement d'entreprise " et au rôle qu'exercent les salariés à travers les mécanismes d'épargne salariale.
Cette régulation ne saurait se limiter au seul cadre national. L'action que conduit le Gouvernement pour une régulation mondiale intéresse également la compétitivité de nos entreprises. La question n'est plus de savoir si nous voulons ou non la mondialisation. Elle est un fait : les trois quarts des échanges mondiaux de biens sont totalement libéralisés ou soumis à des droits de douane négligeables. C'est aussi le cas des mouvements de capitaux. La question est de savoir comment nous maîtrisions cette mondialisation.
Il nous faut pour cela des organisations internationales efficaces et reconnues par tous. C'est le sens des initiatives que nous avons prises pour renforcer et réformer les institutions de Bretton-Woods. C'est aussi ce que nous voulons affirmer à l'OMC, pour mettre fin aux tentations de l'action unilatérale.
Renforcer l'OMC suppose de lui assurer légitimité et transparence. La décision par consensus lui confère sa légitimité politique. Les règles qu'elle édicte émanent directement de la volonté des Etats. Le Gouvernement a, depuis plus d'un an, choisi de garantir en France la transparence démocratique des négociations commerciales. Un dialogue étroit est engagé avec le Parlement, qui sera représenté lors de la réunion de Seattle, mais aussi avec des représentants de la société civile, -syndicats, entreprises et associations de consommateurs. L'Union européenne a défini une position commune sur des bases proches de nos positions. Nous la défendrons avec la plus grande fermeté.
Renforcer notre compétitivité c'est aussi moderniser nos relations sociales.
Parce qu'en associant aux changements nécessaires et parfois rapides tous les acteurs nous rendons notre économie plus mobile et plus réactive. Parce que les formes nouvelles d'organisation du travail, qui requièrent souplesse et implication, rendent indispensable une pleine adhésion des salariés.
La modernisation négociée de notre économie est en marche. C'est d'ailleurs un fait reconnu par tous les observateurs étrangers, à défaut de l'être toujours ici. La démarche que nous avons engagée sur la réduction du temps de travail est à cet égard déterminante.
La loi sur les 35 heures est une loi pour l'emploi, et non contre les entreprises. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Notre but est bien par la mise en place de modalités négociées d'organisation du temps de travail, de moderniser notre économie et de lui permettre de créer plus d'emplois. Il est certes trop tôt pour faire le bilan d'un processus qui prendra plusieurs années. Aujourd'hui, plus d'une centaine d'accords de branche, près de 18 000 accords d'entreprise sont signés, près de 2,4 millions de salariés sont concernés avec en contrepartie plus de 130 000 emplois créés ou sauvegardés. Tout cela va se retrouver, se retrouve déjà, dans l'accélération et des créations d'emplois et de la baisse du chômage. Le dialogue social connaît une relance sans précédent. Je m'en réjouis, car la négociation et le dialogue sont indispensables à la conduite et à l'accompagnement des changements.
Le Gouvernement a mis en place des dispositions financières conséquentes : une aide incitative dans un premier temps, des allégements substantiels de cotisations sociales bientôt ; soit près de 110 milliards de francs à terme. La loi ne s'appliquera que progressivement. Pour les entreprises de plus de 20 salariés, la durée légale du travail s'abaissera dès le début 2000. Ce ne sera le cas qu'à partir de 2002 pour celles de moins de 20 salariés.
Si nous avons mis en place ces modalités, c'est bien parce que le Gouvernement est particulièrement attaché au dialogue social et souhaite que des négociations puissent se nouer dans des conditions satisfaisantes dans le respect de la volonté du législateur.
Nous veillons à améliorer et redresser notre protection sociale. Je pense naturellement, tout d'abord, à la situation de l'assurance-maladie, à laquelle nous consacrons une part très importante de la richesse nationale, alors que nombre de nos concitoyens restent privés d'une prise en charge satisfaisante. C'est pourquoi, avec Mme AUBRY, nous nous sommes attelés à la maîtrise des dépenses de santé. Nous nous efforçons de réduire les gaspillages, notamment par une nouvelle politique du médicament. Dans le même temps, la création de la couverture maladie universelle permettra à ceux qui sont en difficulté d'accéder aux soins dans des conditions satisfaisantes.
Pour ce qui concerne les retraites, dont nous savons tous que le financement constituera dans l'avenir un problème d'ampleur, il s'agit, à mes yeux, de consolider dans l'équité les régimes par répartition et d'assurer leur équilibre à l'horizon 2020. Comme je l'ai indiqué, je préciserai les orientations du Gouvernement dès le début de l'année 2000.
Dans une économie en mouvement, il faut aussi permettre à chacun de s'adapter. C'est pourquoi il doit être possible de se former tout au long de sa vie. Ce sera un enjeu central de la réforme de la formation professionnelle que nous engagerons. Nous devrons organiser un droit individuel à la formation, transférable en cas de changement d'entreprise et garanti collectivement. La seconde loi sur la réduction négociée du temps de travail a validé les accords innovants sur la formation professionnelle conclus dans le cadre de la première loi. Elle a appelé à la négociation d'un accord national interprofessionnel qui fixerait un nouveau cadre. Les créations d'emplois, en particulier dans les secteurs innovants, et des départs en retraite plus nombreux accroîtront fortement les besoins de personnels qualifiés. Par ailleurs, la baisse du chômage rendra plus difficile la recherche des compétences requises. J'espère que sur ce sujet de plus en plus important pour les entreprises, les partenaires sociaux engageront rapidement des discussions.
Mesdames, Messieurs,
Pour retrouver le plein emploi, c'est bien une reconquête qu'il s'agit de conduire. Cette bataille, le Gouvernement entend la mener sur tous les fronts, celui de l'innovation et de l'initiative, celui d'une croissance forte, durable et riche en emplois, celui de la réinsertion des chômeurs dans une société du travail. Nous la mèneront avec vous, qui innovez toujours avec talent et investissez désormais avec dynamisme. La croissance retrouvée peut faciliter les réformes, si nous savons rassembler les Français autour des changements qu'il faut mettre en oeuvre. Chaque gain de croissance, chaque création d'entreprise, chaque nouvel emploi est une raison de plus pour chacun de participer aux progrès d'une modernité collectivement maîtrisée.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 novembre 1999)