Discours de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur les chantiers gouvernementaux en matière de politique de la montagne, Paris le 13 novembre 2002.

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Circonstance : Conseil national de la montagne à Paris le 13 novembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que je viens m'exprimer devant vous à l'occasion de cette séance d'installation du Conseil national de la montagne.
Avant de rejoindre le Gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, j'ai été un élu des territoires de montagnes. Aussi, ce sujet m'est particulièrement cher et vous comprendrez que je veuille vous en parler à la fois comme Ministre de l'Agriculture et comme élu de nos massifs.
Maintenir les populations montagnardes, développer de façon maîtrisée les activités économiques, restaurer une parité dans les revenus et les conditions de vie entre les zones de montagne et les zones de plaine, préserver l'environnement et les paysage montagnards sont les objectifs que poursuit notre politique de la montagne.
Ces objectifs sont intimement liés dans les diverses actions engagées par mon Ministère. A bien des égards, le maintien des exploitations demeure indissociable du développement d'activités de production agro-alimentaire de qualité. Il participe, par ailleurs, à la réalisation d'autres objectifs, comme le maintien des populations rurales ou le développement de nouvelles activités, telles que le tourisme. Compte tenu de la multifonctionnalité des espaces montagnards et de l'interdépendance de ces activités, les résultats de la politique de la montagne ne peuvent être jugés, au fond, que dans leur globalité.
Parler de la montagne n'est plus aujourd'hui pertinent. Il nous faut parler des montagnes, tant la géographie, l'économie ou la sociologie de nos massifs sont aujourd'hui diverses.
Le contexte administratif, économique et territorial de notre politique de la montagne a, par ailleurs, beaucoup évolué sans que le cadre de nos politiques ait été adapté. L'évolution des politiques communautaires, je pense aux fonds structurels et à la PAC, et des politiques nationales touchant à la décentralisation et à la démocratie de proximité, à l'aménagement du territoire ou à l'urbanisme, s'est opérée sans qu'aient été ajustés les textes propres à la montagne. Peu à peu, ces politiques ont ainsi perdu force et sens.
L'instance d'évaluation de la politique montagne a réalisé en 1999 un travail riche d'enseignements. A la demande de votre Conseil, une étude sur le pastoralisme a été conduite, dont les conclusions m'ont été remises le 30 juillet. Par ailleurs, le Sénat a constitué une Commission d'enquête sur la montagne, dont les conclusions sont désormais connus de tous.
L'ensemble de ces études me permettra, selon les souhaits du Premier ministre, de réviser la loi Montagne de 1985 et la loi Pastoralisme de 1972. Le projet de loi consacré au développement rural sera présenté au Parlement au premier semestre 2003. Pour ce faire, je souhaite, Mesdames, Messieurs, recueillir vos propositions et suggestions.
Je souhaite que la nouvelle loi valorise les activités spécifiques à la montagne et consolide l'identité des massifs.
J'entends, par ailleurs, conforter la multifonctionnalité des activités de montagne. A cet égard, j'envisage de réformer le statut des personnes, notamment dans le cadre de la pluriactivité. Je souhaite ainsi mettre en oeuvre la caisse-pivot dans les meilleurs délais, et multiplier les formations bi-qualifiantes.
La politique de la montagne doit être conçue comme une politique globale d'aménagement du territoire et non comme une politique strictement agricole. Elus et agriculteurs en sont convaincus, mais cette pensée demeure encore peu familière aux autres catégories socioprofessionnelles.
Ce travail national ne sera pas suffisant, s'il n'est pas relayé au plan européen.
Dans le cadre de nos engagements internationaux, il convient de développer une politique agricole en faveur des zones de montagne.
J'entends définir les lignes de cette nouvelle politique de la montagne en concertation avec les montagnards. Le groupe de travail permanent sur la montagne créé en décembre 1998, au lendemain des manifestations d'Aiton me paraît le lieu pertinent de ce dialogue. C'est pourquoi, je l'ai confirmé dans cette vocation, dès mon arrivée rue de Varenne.
Récemment, j'ai chargé ce groupe élargi de réfléchir à un dispositif dans la perspective de la réforme des fonds structurels. Le groupe de travail s'est réuni le 24 septembre dernier et doit me remettre très prochainement des propositions.
Il me parait important que les pays concernés par la problématique si spécifique des zones de montagne unissent leurs efforts pour faire reconnaître ce que nous appelons en France " un droit à la différence ".
Il nous faut également rendre les aides du second pilier de la PAC plus accessibles aux agriculteurs des zones de montagne. De ce point de vue, je souhaite que la revue à mi-parcours de la PAC conforte l'engagement de l'Union européenne en faveur d'un développement rural simple, efficace, adapté aux difficultés que doivent surmonter ces agriculteurs.
La réforme du second pilier devra consacrer ces améliorations, et ne pas se contenter d'ouvrir la voie à des expérimentations. Il est de notre responsabilité d'offrir aux agriculteurs - en particulier ceux des zones soumises aux handicaps naturels - une visiblité à moyen terme.
Lors de sa réunion du 5 février 2001, le Conseil national de la montagne avait décidé de créer un groupe de travail interministériel sur le pastoralisme placé sous l'autorité de mon Ministère a été créé pour définir un plan d'action en faveur du pastoralisme.
Lors de la dernière réunion du Conseil national de la montagne en février 2001, trois sous-groupes, animés par la Direction de l'Espace Rural et de la Forêt de mon Ministère et ouverts aux acteurs de terrains, ont été créés.
Jean-Paul AMOUDRY, Sénateur de la Haute-Savoie, président de la Société d'économie alpestre de la Haute-Savoie, Gérard BEDOS, président du SUAIA Pyrénées, Paul AUBERT, président de la chambre d'agriculture des Hautes-Alpes et René TRAMIER, membre de la Chambre régionale Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont accepté de diriger les travaux consacrés aux entités collectives et leur évolution, à la valorisation des espaces et des productions, à l'emploi, la formation et aux métiers ; et je veux les en remercier.
Le 30 juillet, après plus d'un an de travail, le groupe m'a remis ses conclusions et propositions sur cinq thèmes principaux :
les conditions du développement de l'activité ;
l'adaptation des dispositifs d'aides publiques pour la gestion des espaces collectifs ;
le soutien aux négociations sur les conditions d'emploi des bergers/vachers ;
la coordination des formations ;
enfin, l'identification et la coordination des crédits dédiés au pastoralisme.
Fort de 42 propositions, le rapport invite à une refonte et à une simplification des textes, dont la plupart sont antérieurs à 1972. Il souligne le poids économique du pastoralisme dans les régions de montagne. Il rappelle le rôle irremplaçable des hommes, dans la gestion de ces vastes étendues d'altitude et confirme que le pastoralisme reste " une forme moderne d'exploitation collective des pâturages dans les régions d'économie montagnarde ".
Le rapport exprime le souhait que les outils de notre politique agricole soient adaptés à ces territoires particuliers et suggère la mise en oeuvre d'un plan de formation spécifique aux pastoralistes.
Pour notre pays, le pastoralisme est une activité économique conduite sur un vaste territoire contrasté, avec une prédominance forte de l'agriculture fondée sur l'élevage.
Mais les contributions du pastoralisme dépassent largement la seule dimension agricole. Je n'en citerai que quelques-unes :
la production de biens alimentaires de qualité élaborés à partir de fourrages naturels ;
le maintien d'une activité économique et d'un tissu rural permanent en zone défavorisée ;
le maintien de l'ouverture des paysages et la conservation de la biodiversité ;
et la mise à disposition d'espaces entretenus pour le tourisme " vert ".
Au total, près de 5,4 millions d'hectares, dont 1,4 millions de surface toujours en herbe peu productives, constituent notre zone pastorale, la majorité demeurant la propriété de l'Etat, des collectivités locales, de section de communes ou de commissions syndicales.
Le pastoralisme est donc un sujet important pour l'espace montagnard. Mieux gérer, mieux valoriser, davantage professionnaliser le pastoralisme peut être un facteur d'enrichissement pour les régions de montagne, comme le souligne fort justement le récent rapport de la mission commune du Sénat sur l'avenir de la montagne.
C'est pourquoi, je souhaite que nous puissions donner suite à ce travail. D'une part, je veux proposer à Monsieur le Premier Ministre de confier au Sénateur AMOUDRY une mission temporaire sur ce sujet. D'autre part, j'entends conduire, avec le Ministère de l'Ecologie et du Développement durable, une réflexion sur l'actualisation de la loi pastorale et consacrer au pastoralisme un chapitre de la loi sur les affaires rurales que je soumettrai au Parlement en 2003.
Le Conseil national de la montagne sera bien sûr associé à ce travail.
Pilier de la politique de la montagne depuis 1972, les ICHN ont été reprises dans le cadre de la politique communautaire en 1975. A la suite des négociations conduites par le gouvernement au cours de l'été 2000,
l'année 2001 a été celle du changement ; 2002 sera celle de la consolidation du nouveau dispositif.
Des modifications réglementaires sont déjà intervenues en 2002 :
Les tarifs haute montagne sont augmentés de 20 %, ceux de montagne de 5 %, ceux du piémont et des zones défavorisées simples respectivement de 3 et 2 %.
Les pommiers, poiriers et pêchers en haute montagne et montagne sèches sont désormais pris en compte.
L'écrêtement pour les jeunes agriculteurs en phase d'installation, les bénéficiaires en haute montagne, les bénéficiaires des aides aux surfaces cultivées de haute montagne et montagne sèches, sera porté à hauteur de 120 % du montant 2000.
Les modes de calcul pour le piémont laitier, dont les producteurs laitiers bénéficiaient d'une prime moins revalorisée qu'ailleurs, sont rectifiés.
Ces nouvelles mesures ont pu être financées grâce à une augmentation de l'enveloppe budgétaire de 30 millions d'euros inscrite dans la loi de Finances rectificative et aux retours communautaires.
Suivant ma demande, 77.322 bénéficiaires ont perçu 327,6 millions d'euros, au plus tard le 19 septembre dernier. Les paiements au 15 octobre ont par ailleurs concerné un peu plus de 10.000 personnes. Des paiements sont programmés ces jours-ci et fin novembre pour les autres agriculteurs et notamment ceux qui ont été tirés au sort pour faire l'objet d'un contrôle, ce qui est un problème, je le concède.
Je pense que le soutien le plus significatif et sur lequel je souhaite faire porter mes efforts demeure l'Indemnité Compensatoire de Handicap Naturel.
Toute modification de ses critères doit faire l'objet d'une négociation avec la Commission européenne et doit être engagée dès le début de l'été. En 2003, les actions de cette année seront au moins reconduites. La demande des éleveurs ovins de voir majorer la bonification pour pâturage estival devrait être honorée. Mais dans certains secteurs, j'observe que la nouvelle ICHN pousse à la surenchère et à l'agrandissement. Il est inacceptable, je le dis comme je le pense, que l'ICHN contribue à " vider " la montagne. De plus, les petites exploitations de montagne ont perdu une partie des avantages qui y étaient attachés. C'est pourquoi, j'introduirai dans la révision 2003 du PDRN une revalorisation significative des ICHN pour les 25 premiers hectares. Cette mesure sera vraisemblablement mise en oeuvre de façon progressive, mais c'est une nécessité. J'entends que nous parvenions à majorer de 50 % son montant. L'ICHN est à mes yeux le véritable outil de compensation des revenus.
La compensation des surcoûts est également un objectif que nous devons nous donner.
Vous connaissez les outils en faveur des bâtiments d'élevage et de la mécanisation. 2.500 dossiers d'aides aux bâtiments sont attendus cette année pour environ 27 millions d'euros, ce qui représente une subvention moyenne de 10.742 euros par dossier. Par ailleurs, 500 dossiers d'aides à la mécanisation seront servis cette année, pour un peu moins de 3 millions d'euros, soit 5 679 euros en moyenne par dossier. Ces crédits budgétaires sont disponibles.
Les professionnels m'ont fait connaître leurs demandes concernant le stockage de fourrage et l'élargissement de la liste de matériel. Je propose que le groupe de travail examine ces questions et m'adresse rapidement des propositions.
Cette question concerne prioritairement les jeunes en phase d'installation. Or, le niveau des installations est aujourd'hui préoccupant et doit nous mobiliser.
L'agriculture de montagne se trouve exclue du PMPOA 2, du fait des conditions négociées avec la Commission européenne en 2001. J'ai demandé à ma collègue, Roselyne BACHELOT, Ministre de l'Ecologie et du Développement durable que des opérations coordonnées, dès lors quelles sont liées à un contrat de milieu, puissent être relancées. Celles-ci concernent directement les zones de montagne.
A mes yeux, l'agriculture de montagne remplit d'abord une fonction de production. Aussi, je souhaite que nous puissions efficacement soutenir les produits de montagne.
Le décret n° 2000-1231 du 15 décembre 2000 relatif à l'utilisation de la dénomination "montagne" vient préciser les dispositions de la Loi d'Orientation Agricole.
Je veux que l'ensemble des étapes d'élaboration du produit, y compris la production des matières premières et l'alimentation des animaux, sont bien situées en zone de montagne. Je souhaite ainsi mieux valoriser la production agricole dans ces zones, et lutter contre les utilisations injustifiées de cette dénomination. Aussi, j'entends faire preuve de rigueur dans l'application de ce texte.
Rappelons que cette nouvelle base législative répondait à une mise en cause du dispositif national antérieur par la Cour de justice européenne.
Au niveau européen, il n'existe à ce jour aucun dispositif réglementaire d'encadrement ou de protection de la dénomination " montagne ". Or, seule une réglementation communautaire pourrait efficacement protéger les productions de montagne. Toutefois, l'approche retenue jusqu'alors par la Commission et les autres Etats-membres concernés ne semble pas véritablement propice à une telle démarche. En dépit des difficultés, je demeure résolu à défendre cette option auprès de nos partenaires et de la Commission.
D'autre part, la valorisation sur place implique que les outils de transformation en zone de montagne puissent être maintenus et modernisés. Les volets montagne des contrats de plan ont bien sûr vocation à accompagner les acteurs locaux dans la réalisation de leur projet. Dans le cadre de la révision à mi-parcours des contrats de plan, le dialogue entre l'Etat, les élus et les socioprofessionnels doit permettre, à travers des projets de territoires, de développer de nouveaux produits.
Depuis maintenant dix ans, les zones de montagne bénéficient de la prime à l'herbe. Cette mesure visait à encourager les productions herbagères. Sa reconduction me paraît à la fois fondée et légitime. Financée dans le cadre du second pilier de la PAC, c'est-à-dire à 50 %, par l'Union européenne, cette mesure ne pouvait pas, du point de vue de la Commission, être prolongée sous une forme identique.
Le Président de la République et vous-même, Monsieur le Premier ministre, avez arbitré en faveur d'une formule ambitieuse. Un nouveau dispositif sera mis en uvre pour les bénéficiaires de l'ancienne formule de la prime à l'herbe et les jeunes agriculteurs qui s'installent sur ses territoires. Cette nouvelle prime herbagère agri-environnementale sera mise en uvre dès 2003. Elle sera majorée de 70 % en moyenne par rapport à l'ancienne prime à l'herbe. Les ajustements techniques avec les services européens sont en cours. Le taux de spécialisation herbagère et le taux de chargement à l'hectare sont des variables d'ajustement importantes. Pour ma part, je souhaite que tous les bénéficiaires de la prime 1997-2002 puissent bénéficier de la nouvelle prime herbagère.
Nos prédécesseurs n'avaient engagé avant l'été aucun dossier en ce sens. J'ai dû ainsi trouver une solution alternative pour 2003, afin que chaque agriculteur puisse faire sa demande en avril et être payé dès septembre/octobre. Ce choix nous permettra, d'ailleurs, de poursuivre les négociations avec la Commission pour perfectionner le dispositif, les années suivantes.
Révision de la loi Montagne et de la loi pastorale, reconnaissance européenne de la spécificité montagnarde, révision des volets des Contrats de plan consacrés à la montagne, majoration de l'ICHN pour les 25 premiers hectares, voici les principaux chantiers en faveur de la montagne que j'entends conduire dans les prochaines semaines. Le couple ICHN-PHEA constituera pour sa part, le vecteur d'une politique de l'herbe forte et généreuse. Cette politique en faveur des zones de montagne constitue un enjeu majeur de l'action de mon Ministère ; et vous pouvez compter sur moi pour les défendre et les promouvoir.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 14 novembre 2002)