Texte intégral
Mes chers amis,
J'ai été heureux de vous retrouver, nombreux et en forme, pour cette rentrée. J'ai été heureux de vous retrouver optimistes et convaincus, courageux à l'issue d'une année bouleversante et à l'orée d'une année cruciale pour la France, l'Europe et le monde.
Une ambiance différente des autres universités d'été. Chaleureuse et cohérente.
Un mot sur l'année écoulée.
Ce que nous avons vécu ensemble, c'est une grande aventure. Nous avons traversé ensemble la plus grande et, au fond, la plus belle aventure qui puisse s'offrir aujourd'hui dans l'engagement politique. Aller à la rencontre d'un peuple tout entier, s'adresser à lui, lui parler de son présent et de son avenir. Comme on l'a vu, l'élection présidentielle en France, c'est une aventure dont on ne sort pas souvent vivant ! Si vous faites la liste de ceux qui étaient sur la ligne de départ il y a un an, un an après vous constaterez beaucoup de vides. Il y a eu d'énormes surprises !
Beaucoup qui étaient portés au pinacle se sont écroulés, et ont dû quitter l'arène, comme souvent injustement critiqués, sous les lazzis et les quolibets.
Nous, nous avons eu la chance de faire le chemin inverse : partis dans la défaveur, et arrivés en portant un vrai espoir, avec un score et une place qui prouvent que les Français, deux millions d'entre eux en tout cas, et je crois bien plus largement, ont entendu le message du renouveau que nous portions.
Le 21 avril, le résultat a éclaté comme un coup de tonnerre. Jospin éliminé, l'extrême-droite au deuxième tour, une mobilisation civique sans frontière, tout cela personne ne l'avait prévu.
Bref, une grande secousse pour la France.
Vous connaissez la suite : Jacques Chirac réélu par tous les Républicains. La logique de la Cinquième République jouant ensuite à plein puisque son calendrier avait été rétabli, et donnant une majorité très large.
Et vous le savez, le choix par les gouvernants d'un parti unique, l'UMP, chargé de faire disparaître les formations politiques de la droite et du centre et de prendre leur place.
En votre nom, j'ai dit non à cette décision.
Question de tempérament, sans doute !
C'est la première fois dans l'histoire qu'on décidait de faire disparaître des formations politiques sans demander l'avis de leurs adhérents ! L'accepter, c'eût été trahir votre confiance.
Question de conviction ! Ce qui fait une formation politique, ce sont ses idées, pas la référence à un homme.
Question d'intérêt national, enfin ! Un seul parti, ayant tous les pouvoirs, sans interlocuteur, sans partenaire, sans complément, c'est inévitablement, un jour ou l'autre, la certitude de l'erreur et de l'échec. Le pouvoir rend si vite mal-voyant et mal-entendant ! Il faut des partenaires pour faire entendre un autre son de cloche que le son de cloche officiel !
Bref, il faut un autre mouvement dans la majorité que le parti gouvernemental.
Et puis, surtout, nous sommes ce que nous sommes. Pour nous, le temps doit être à la liberté et au respect mutuel, au partenariat et non pas à la domination. Nous n'aimons et n'acceptons que les alliances d'hommes et de femmes libres. Nous voulons cela pour nos familles, femmes et hommes à égalité ; nous le voulons pour nos entreprises, salariés respectés, cadres écoutés. Nous le voulons pour notre majorité, pour notre pays, aussi bien, j'y viendrai dans un moment que pour la vie internationale.
La démocratie, la République se sont construites pour que chacun soit respecté pour ce qu'il est, dans ses idées, comme dans son identité.
Vous l'avez compris : cela n'a pas été facile. Mais les résultats sont là. Nous avons un groupe à l'Assemblée nationale. Ce groupe est le plus jeune de l'Assemblée, par sa moyenne d'âge. Il est présidé par le plus jeune président de groupe, Hervé Morin, qui a mon amitié et que je remercie pour son action, pour son style, pour sa manière franche et directe, sans peur, de porter nos idées.
Il fallait présenter des candidats pour exister. Il fallait un groupe pour nous faire entendre.
Nous avons devant nous une responsabilité sans précédent, une responsabilité pour le présent, et une responsabilité pour l'avenir.
Je veux d'abord clarifier notre position vis-à-vis du gouvernement.
Je lis, ici ou là, des analyses fausses. Bien sûr, nous avons voulu garder notre autonomie. Bien sûr, nous avons eu à nous plaindre de certaines attitudes. Mais au-dessus de tout cela, il y a l'intérêt national. Et l'intérêt national aujourd'hui commande que le gouvernement réussisse.
Je suis sûr qu'en disant cela, je me fais le porte-parole non seulement des Français qui se reconnaissent dans la majorité nouvelle, mais de millions de Français, de tous bords, qui vivent tous les jours la situation de notre pays. Je vous le dis comme je le pense : la France ne peut pas se payer le luxe, ou la misère, d'un échec de plus !
Voyez-vous, je considère que la situation de notre pays est difficile. J'ai dit lors du débat de politique générale, et je redis devant vous que, selon moi, la situation de la France est plus difficile aujourd'hui, moralement, qu'elle ne l'a jamais été depuis la guerre d'Algérie.
C'est sans doute une différence d'appréciation avec nos partenaires. Je considère que toutes les raisons qui ont provoqué le tremblement de terre du 21 avril, toutes ces raisons sont là, intactes et prêtes à resurgir. Nous avons un pays qui ne se porte pas bien, qui prend du retard, une Europe flageolante, un monde dangereux, une démocratie qui va mal.
C'est pourquoi chacun doit aider à sa mesure et à sa place. Un échec de plus serait terrible pour la France. Et c'est pourquoi, je vous le dis, malgré les agressions que nous avons eu à subir, notre attitude sera une attitude constructive. Aucune autre attitude n'est digne de nous et de la France, de la difficulté de l'heure.
Nous dirons clairement les choses, sans fioritures, sans nuds et sans rubans. Mais nous serons constructifs, parce que ce qui va se jouer est, au sens propre, crucial.
Un débat larvé s'est développé tout l'été. Faut-il tenir les promesses, notamment en matière d'impôts ? Ou faut-il changer de ligne ?
Les promesses dont il s'agit ne sont pas les miennes. Pendant la campagne, je les ai même discutées en termes vifs. Mais je mets en garde contre un changement de ligne, même avec les meilleures intentions du monde.
Dans une démocratie conséquente, il ne peut y avoir que deux raisons pour changer de cap.
Soit un événement imprévisible et imprévu, d'une ampleur telle qu'il obligerait à tout revoir, à tout changer : ce sont des cas d'urgence nationale. Le 11 septembre, il y a presque un an, a été aux Etats-Unis un événement de cette sorte. Par bonheur, je n'en aperçois aucun. Les fléchissements de la croissance, ils ne sont pas une nouveauté : ils étaient là, présents, et même obsédants, depuis des mois.
Soit un constat d'échec : la ligne essayée s'avère mauvaise. Et là, ce sont des révisions déchirantes. Heureusement, nous n'en sommes pas là.
Mais il y a, depuis des années, un tel doute sur les politiques, sur leur volonté d'action, sur leur désinvolture par rapport à leurs engagements que je redouterais plus que tout un changement de cap.
Le Président Jacques Chirac a été élu sur ce plan. Il ne peut pas changer de ligne. Je crois d'ailleurs qu'il ne le voudra pas. Et il aura bien raison. Tous les membres de la majorité, en particulier ceux qui se sont fait élire sous l'étiquette UMP, sont engagés par ce plan.
Changer de ligne, ce serait considérer que " les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent ". Pour nous, les promesses n'engagent pas que ceux qui les reçoivent !
J'ai défendu pendant la campagne, je défendrai pendant les cinq ans qui viennent une idée de " démocratie responsable ". La démocratie responsable c'est de considérer que les propositions que l'on avance, solennelles et chiffrées, pendant la campagne ce sont des promesses, mais dès l'élection acquise, elles sont devenues des engagements, une parole donnée, une règle d'or, à laquelle on ne se dérobe pas, en dehors des deux circonstances exceptionnelles que j'ai citées.
Ainsi peut-être le débat électoral enfin pris au sérieux entraînera-t-il moins de promesses, et ce sera tant mieux pour la France.
Le Premier ministre bénéficie d'un préjugé favorable. Ce préjugé favorable, il l'a auprès de nous aussi. Je lui suggère sur ce sujet une clarification. Beaucoup de Français se sont interrogés. Il y a maintenant besoin de dire clairement ce que sont les priorités du gouvernement en cette période de rentrée.
Le gouvernement et la majorité ont beaucoup insisté sur la sincérité des comptes publics. La sincérité, ce n'est pas seulement un exercice de vertu, ce n'est pas seulement une attitude morale. La sincérité des comptes publics, c'est la condition de la volonté politique.
Il faut donc revoir l'hypothèse de croissance. Puisque tous les indicateurs nous disent aujourd'hui que la croissance qu'on espérait à 3 % peinera à dépasser 2 %. On peut espérer. Mais on ne peut pas raisonnablement prévoir qu'un redressement interviendra assez tôt pour atteindre les 3 %.
Et il faut dire au pays quel sera, dans l'esprit du chef du gouvernement, le montant de la baisse de l'impôt sur le revenu, de la baisse des charges, de la baisse de l'impôt sur les sociétés. Et donc, à terme, le déficit et la manière de le réduire. Non pas seulement, comme on le dit souvent, pour satisfaire à nos engagements européens. Mais parce qu'un grand pays ne peut pas creuser éternellement sa dette, vivre à crédit, sans se trouver à terme asphyxié, ligoté, impuissant.
Bien sûr, il y faut du courage.
Voyez-vous, plus j'avance, plus je suis convaincu que le courage est la première des vertus en politique. Des idées, il y en a beaucoup, et qui paraissent excellentes. Des idéologies, il y en a beaucoup, des justes et des fausses. Des plans, des mesures, il y en foison : des dizaines, des vingtaines par problème.
Mais le courage tranquille de résister à l'adversité, ou aux intimidations, ou aux sondages, de dire clairement ce que l'on va faire, et de le faire, c'est la vertu par excellence.
J'imagine que le Premier ministre va consulter les formations politiques sur la question ouverte pendant l'été d'un changement des règles du jeu sur les modes de scrutin.
J'ai lu ce qui a été écrit partout sur un changement des modes de scrutin qui viserait à réduire l'UDF.
Je dirai très tranquillement au premier ministre que, franchement, ceux qui le pousseraient dans ce sens, ne le conseillent pas bien et que dans les circonstances où se trouve la France, il y a bien d'autres priorités positives et constructives !
Aux dernières élections présidentielles, les candidats des deux principaux partis, ensemble, n'ont pas dépassé 35 % des voix. Cela ne me paraît pas un projet digne de la France de vouloir verrouiller notre démocratie, et réserver, croit-on, à ces 35 % tous les postes de responsabilité, pour le présent et pour l'avenir. Je vais d'ailleurs vous livrer un secret : évidemment, et quelles que soient les subtilités de ces manuvres, elles échoueront.
Car il est très difficile de faire boire un âne qui n'a pas soif ! Et il est encore plus difficile d'obliger un peuple à choisir ce qu'il ne veut pas choisir ! Je résume : le verrouillage, ce n'est ni bon, ni juste! Et le verrouillage, cela échoue à tous les coups.
Ma conviction profonde est que les Français ne veulent pas d'un monopole à deux, d'un verrouillage UMP/PS. Ils veulent une démocratie ouverte, efficace et juste. Ils veulent des majorités solides, mais une représentation équitable de tous les courants d'opinion.
Les défenseurs de ce double monopole gagneraient d'ailleurs à réfléchir un peu. Ils citent en exemple l'Espagne et l'Allemagne. Je leur fais remarquer, pour qu'ils y réfléchissent, qu'en Espagne, comme en Allemagne, la règle du jeu c'est la proportionnelle !
Nous devrons affirmer nos valeurs.
Nous voulons une société solidaire.
La solidarité, c'est très différent du chacun pour soi, et c'est très différent du socialisme.
Le socialisme, c'est l'étatisme. On a vu quel était sur l'étatisme le jugement profond des Français, y compris des Français défavorisés. À l'expérience, ils ont vérifié que l'étatisme, au lieu de les aider, de les faire avancer, les paralysait, les trahissait.
C'est en particulier le sens du quiproquo fantastique sur les 35 heures. Les salariés français ont compris intuitivement, notamment ceux qui étaient au bas de l'échelle, que les 35 heures, cela avait des inconvénients plus graves que les avantages qui étaient ainsi apportés. Que cela les bloquait, en réalité, dans leurs conditions de travail, ou dans leur feuille de paie, dans leur liberté et dans leur progression de carrière. Et que les avantages principaux des 35 heures, ceux du temps libre, ils étaient garantis davantage à ceux dont la carrière était faite qu'à ceux dont la vie et la carrière étaient à faire.
La solidarité, au contraire, suppose la liberté, l'initiative, le risque. Simplement, quand on prend des risques, on n'est pas seul. Quand on avance, on sait qu'on peut avoir un accident. Quand on est fort, on sait qu'il y a de plus faibles. On sait qu'on doit se serrer les coudes.
Et permettez-moi de le dire en ces temps de rentrée des classes : la solidarité véritable, cela commence par l'égalité des chances à l'école.
J'aurais aimé que l'éducation et la recherche figurent au nombre des priorités énoncées par le gouvernement.
Pour moi, l'éducation, ce doit être non pas une priorité mais la priorité des priorités.
Généralement, à droite, la première décision en matière d'éducation, c'est de diminuer les moyens, le nombre de postes. Je souhaiterais que ce ne soit pas le cas cette année. Parce que cela empêche de poser la question sous le bon angle, le seul qui compte selon moi. Non pas diminuer les moyens, mais augmenter le niveau d'exigence de l'école et de l'université.
J'ai été frappé, hier, par l'intervention de l'un d'entre vous, étudiant en Seine-Saint-Denis. " Il y a une escroquerie, a-t-il dit. On a créé des universités nouvelles en banlieue parisienne. Les professeurs souvent sont les mêmes, ou en tout cas, ont la même qualification. Mais quand on a fini ses études, on s'aperçoit, au moment de l'embauche, qu'une licence en droit à Assas, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même diplôme, pourtant national, qu'une licence en droit en Seine-Saint-Denis. Ce n'est pas juste. "
Voilà un objectif que je suggère au gouvernement : non pas s'attaquer aux moyens, mais augmenter le niveau d'exigence et fixer comme objectif national de tout faire pour qu'il n'y ait plus d'éducation à deux vitesses. À deux vitesses, sans le dire, à deux vitesses connues des seuls initiés !
Et parlant d'objectifs nationaux, je veux dire que la recherche est inséparable de la formation. Que c'est à ces deux critères que l'avenir de la nation se jugera.
Vous voyez, c'est une illustration. Certains parmi vous m'ont écrit en disant : " Donnez-nous une illustration de nos différences, si elles existent avec l'UMP. " Je vous en donne une : nous voulons une politique où l'éducation et la recherche seront une vraie priorité, avec un vrai contrat d'élévation du niveau d'exigence, et une volonté de mettre un terme à l'école, à l'université à deux vitesses.
Nous pensons que la France a toujours besoin d'un modèle nouveau, d'une nouvelle pensée, hardie, conquérante. Et pas d'un verrouillage.
Nous défricherons ce chemin. Mais nous le défricherons pas à pas. Aujourd'hui, l'intérêt national, c'est que le gouvernement agisse, conformément aux engagements du Président de la République, et que la situation de la France s'améliore. Nous le soutiendrons. Et l'intérêt national commande que l'on agisse, que l'on s'exprime, avec une vision, un horizon.
Nous allons montrer qu'on peut être solidaire et différent !
Mais pour cela, il est une condition : construire !
Après cette secousse, nous avons un impératif, une mission d'urgence ! Construire. Partout où des jeunes, courageux, généreux, ambitieux, auront le désir de faire entendre une voix différente, c'est avec eux que nous construirons.
Je ferai le tour de France des régions et des départements. Nous serons présents partout, avec une mentalité de commando, solidaire et audacieux, avec des gens qui veulent que les choses bougent. Nous avons moins de sortants. C'est bien, le jour venu, nous aurons des entrants !
Mais cela signifie des efforts sans commune mesure avec les années passées ! Il nous faut nous projeter hors de nous-mêmes. Il faut rechercher les leaders et les responsables de demain. Et il faut les former. C'est un effort de renouvellement sans précédent. Dans notre nouvelle organisation, les responsabilités d'implantation, de ressource humaine et de formation seront des responsabilités prioritaires.
Cela ira de pair avec le projet !
Nous voulons une France solidaire. Nous voulons une France créative. Nous voulons une France portant un idéal qui tourne le dos à l'égoïsme et au matérialisme, qui soit généreux. Et nous voulons une France courageuse.
Le monde et l'Europe ont besoin de cette France-là.
Probabilité forte de guerre. Irak. C'est la première fois, depuis des décennies, qu'un grand pays, que la nation la plus puissante de la planète s'affirme prête à déclencher une guerre de première intention.
C'est une immense question. Quelles sont les raisons affichées pour une offensive à si haut risque ? L'Irak serait lié à Al-Quaeda, a-t-on dit au début. Les preuves n'ont pas été apportées, et cette thèse n'est plus guère soutenue. L'Irak est un État dangereux, préparant des armes de destruction massive. Si c'est vrai, c'est inacceptable pour la conscience et pour la sécurité du monde.
Le monde a le devoir de se défendre, y compris préventivement. Mais notre arme principale, ce n'est pas un gendarme pour le monde, c'est le droit international. Il convient que l'ONU impose ses inspecteurs. Il convient que les inspecteurs soient libres de faire leur travail et fassent rapport à l'organisation internationale. Si les inspecteurs sont empêchés de travailler, ou si des armes de destruction massive sont trouvées, l'action est légitime. Mais la guerre ne peut pas être la première intention. Elle ne peut être que l'ultima ratio, le dernier recours, des Nations-Unies.
Toutes les guerres sont terribles et dangereuses. Dans toutes les guerres, les civils sont victimes. Dans celle-ci plus dans toute autre, dans cette région plus que dans toute autre, le risque est immense.
Jacques Chirac a défendu une telle ligne et je l'approuve. Mais le fait que les chefs d'État et de gouvernement européens s'expriment en ordre dispersé, et pour dire des choses différentes, fait que nous ne pesons pas dans le déroulement des choses.
Le monde a besoin de la France et de l'Europe. Johannesburg.
Les mois qui viennent vont être cruciaux pour l'Europe et pour le monde.
Nous avons dix-huit mois ( !), dix-huit mois seulement pour trancher de l'une des questions les plus importantes pour l'idée que nous nous faisons de l'avenir de l'humanité.
Le monde sera-t-il pendant cinquante ans, peut-être plus, dominé par une seule puissance, ou ira-t-il vers l'équilibre des puissances ?
Et vous voyez, cette question qui devrait faire arrêter dans leurs travaux, dans leurs habitudes et leur ronron tous les cerveaux, tous les curs de citoyens du monde, cette question qui devrait obséder les chefs d'État de la planète, ma conviction est que sa réponse est purement et simplement entre nos mains !
Si un Churchill était là, s'il revenait, ce serait le moment ou jamais de dire : " jamais sans doute le destin de tant d'hommes n'a dépendu de si peu "
Car monopole d'une hyper-puissance, ou équilibre des puissances, cela dépend d'une seule décision, celle des Européens. Et celle des Européens dépend de celle des Français.
Voyez-vous, pour moi, l'Europe n'a que faire des étiquettes et la France a bien le droit d'exiger qu'on écrive dans la langue !
Mais il dépend d'elle d'avoir une voix en matière de diplomatie, une volonté et une réalité en matière de défense.
Je voudrais mettre ces chiffres devant vos yeux. Ce n'est pas que les Américains soient plus nombreux que nous ! Nous sommes 375 millions, ils sont 280 millions. Ce n'est pas qu'ils soient plus riches que nous ! Notre produit intérieur est de 10 000 milliards, le leur de 7 000 seulement. Mais ils existent comme puissance politique, et nous ne voulons pas exister ! Et cela a sa traduction immédiate en termes d'influence, en termes de recherche, en termes d'industrie.
Et cela n'a rien à voir avec une quelconque américano-phobie !
J'aime les Etats-Unis. Je sais ce que nous leur devons.
Simplement, un homme, un peuple, une communauté ne devrait jamais accepter, si cela est en son pouvoir, que qui que ce soit décide à sa place de son destin ! Elle ne devrait jamais accepter que les conditions soient créées pour que qui que ce soit décide à leur place du destin des autres hommes, des autres peuples et des autres communautés.
La réponse à cette question dépend de ceci : que voulons-nous mettre en commun, que voulons-nous construire ensemble ? Pour moi, il faut que la France propose clairement à ses partenaires européens un pas de géant, pas des mots creux, un pas de géant en matière de défense et de diplomatie.
Et, corollairement, les décisions qu'à l'avenir nous devrons prendre si nous décidons de mettre en commun et de décider ensemble en matière de défense et de diplomatie, comment rendons-nous les citoyens, les opinions publiques européennes partie prenante de leur destin ?
Si c'est oui, le monde ira vers l'équilibre des puissances. Si c'est non, nous paierons les pots cassés en matière de culture, de langue, d'influence, de brevets. Jamais le sort de tant d'hommes n'aura dépendu de si peu.
Et urgence, en termes de mois. L'élargissement est mal parti.
La réunification européenne est un droit et un devoir. Mais l'élargissement, ce doit être l'élargissement de quelque chose, et pas l'élargissement de rien. Si c'est l'élargissement de la confusion, de l'impuissance, alors ce sera davantage de confusion et d'impuissance, un marché de dupes et la plus belle idée qu'ait accouchée l'histoire des hommes aura sombré dans leur pusillanimité.
Valéry Giscard d'Estaing, la Convention, " dernière chance de l'Europe unie ".
Nous sommes des constructeurs.
(source http://www.udf.org, le 4 septembre 2002)
J'ai été heureux de vous retrouver, nombreux et en forme, pour cette rentrée. J'ai été heureux de vous retrouver optimistes et convaincus, courageux à l'issue d'une année bouleversante et à l'orée d'une année cruciale pour la France, l'Europe et le monde.
Une ambiance différente des autres universités d'été. Chaleureuse et cohérente.
Un mot sur l'année écoulée.
Ce que nous avons vécu ensemble, c'est une grande aventure. Nous avons traversé ensemble la plus grande et, au fond, la plus belle aventure qui puisse s'offrir aujourd'hui dans l'engagement politique. Aller à la rencontre d'un peuple tout entier, s'adresser à lui, lui parler de son présent et de son avenir. Comme on l'a vu, l'élection présidentielle en France, c'est une aventure dont on ne sort pas souvent vivant ! Si vous faites la liste de ceux qui étaient sur la ligne de départ il y a un an, un an après vous constaterez beaucoup de vides. Il y a eu d'énormes surprises !
Beaucoup qui étaient portés au pinacle se sont écroulés, et ont dû quitter l'arène, comme souvent injustement critiqués, sous les lazzis et les quolibets.
Nous, nous avons eu la chance de faire le chemin inverse : partis dans la défaveur, et arrivés en portant un vrai espoir, avec un score et une place qui prouvent que les Français, deux millions d'entre eux en tout cas, et je crois bien plus largement, ont entendu le message du renouveau que nous portions.
Le 21 avril, le résultat a éclaté comme un coup de tonnerre. Jospin éliminé, l'extrême-droite au deuxième tour, une mobilisation civique sans frontière, tout cela personne ne l'avait prévu.
Bref, une grande secousse pour la France.
Vous connaissez la suite : Jacques Chirac réélu par tous les Républicains. La logique de la Cinquième République jouant ensuite à plein puisque son calendrier avait été rétabli, et donnant une majorité très large.
Et vous le savez, le choix par les gouvernants d'un parti unique, l'UMP, chargé de faire disparaître les formations politiques de la droite et du centre et de prendre leur place.
En votre nom, j'ai dit non à cette décision.
Question de tempérament, sans doute !
C'est la première fois dans l'histoire qu'on décidait de faire disparaître des formations politiques sans demander l'avis de leurs adhérents ! L'accepter, c'eût été trahir votre confiance.
Question de conviction ! Ce qui fait une formation politique, ce sont ses idées, pas la référence à un homme.
Question d'intérêt national, enfin ! Un seul parti, ayant tous les pouvoirs, sans interlocuteur, sans partenaire, sans complément, c'est inévitablement, un jour ou l'autre, la certitude de l'erreur et de l'échec. Le pouvoir rend si vite mal-voyant et mal-entendant ! Il faut des partenaires pour faire entendre un autre son de cloche que le son de cloche officiel !
Bref, il faut un autre mouvement dans la majorité que le parti gouvernemental.
Et puis, surtout, nous sommes ce que nous sommes. Pour nous, le temps doit être à la liberté et au respect mutuel, au partenariat et non pas à la domination. Nous n'aimons et n'acceptons que les alliances d'hommes et de femmes libres. Nous voulons cela pour nos familles, femmes et hommes à égalité ; nous le voulons pour nos entreprises, salariés respectés, cadres écoutés. Nous le voulons pour notre majorité, pour notre pays, aussi bien, j'y viendrai dans un moment que pour la vie internationale.
La démocratie, la République se sont construites pour que chacun soit respecté pour ce qu'il est, dans ses idées, comme dans son identité.
Vous l'avez compris : cela n'a pas été facile. Mais les résultats sont là. Nous avons un groupe à l'Assemblée nationale. Ce groupe est le plus jeune de l'Assemblée, par sa moyenne d'âge. Il est présidé par le plus jeune président de groupe, Hervé Morin, qui a mon amitié et que je remercie pour son action, pour son style, pour sa manière franche et directe, sans peur, de porter nos idées.
Il fallait présenter des candidats pour exister. Il fallait un groupe pour nous faire entendre.
Nous avons devant nous une responsabilité sans précédent, une responsabilité pour le présent, et une responsabilité pour l'avenir.
Je veux d'abord clarifier notre position vis-à-vis du gouvernement.
Je lis, ici ou là, des analyses fausses. Bien sûr, nous avons voulu garder notre autonomie. Bien sûr, nous avons eu à nous plaindre de certaines attitudes. Mais au-dessus de tout cela, il y a l'intérêt national. Et l'intérêt national aujourd'hui commande que le gouvernement réussisse.
Je suis sûr qu'en disant cela, je me fais le porte-parole non seulement des Français qui se reconnaissent dans la majorité nouvelle, mais de millions de Français, de tous bords, qui vivent tous les jours la situation de notre pays. Je vous le dis comme je le pense : la France ne peut pas se payer le luxe, ou la misère, d'un échec de plus !
Voyez-vous, je considère que la situation de notre pays est difficile. J'ai dit lors du débat de politique générale, et je redis devant vous que, selon moi, la situation de la France est plus difficile aujourd'hui, moralement, qu'elle ne l'a jamais été depuis la guerre d'Algérie.
C'est sans doute une différence d'appréciation avec nos partenaires. Je considère que toutes les raisons qui ont provoqué le tremblement de terre du 21 avril, toutes ces raisons sont là, intactes et prêtes à resurgir. Nous avons un pays qui ne se porte pas bien, qui prend du retard, une Europe flageolante, un monde dangereux, une démocratie qui va mal.
C'est pourquoi chacun doit aider à sa mesure et à sa place. Un échec de plus serait terrible pour la France. Et c'est pourquoi, je vous le dis, malgré les agressions que nous avons eu à subir, notre attitude sera une attitude constructive. Aucune autre attitude n'est digne de nous et de la France, de la difficulté de l'heure.
Nous dirons clairement les choses, sans fioritures, sans nuds et sans rubans. Mais nous serons constructifs, parce que ce qui va se jouer est, au sens propre, crucial.
Un débat larvé s'est développé tout l'été. Faut-il tenir les promesses, notamment en matière d'impôts ? Ou faut-il changer de ligne ?
Les promesses dont il s'agit ne sont pas les miennes. Pendant la campagne, je les ai même discutées en termes vifs. Mais je mets en garde contre un changement de ligne, même avec les meilleures intentions du monde.
Dans une démocratie conséquente, il ne peut y avoir que deux raisons pour changer de cap.
Soit un événement imprévisible et imprévu, d'une ampleur telle qu'il obligerait à tout revoir, à tout changer : ce sont des cas d'urgence nationale. Le 11 septembre, il y a presque un an, a été aux Etats-Unis un événement de cette sorte. Par bonheur, je n'en aperçois aucun. Les fléchissements de la croissance, ils ne sont pas une nouveauté : ils étaient là, présents, et même obsédants, depuis des mois.
Soit un constat d'échec : la ligne essayée s'avère mauvaise. Et là, ce sont des révisions déchirantes. Heureusement, nous n'en sommes pas là.
Mais il y a, depuis des années, un tel doute sur les politiques, sur leur volonté d'action, sur leur désinvolture par rapport à leurs engagements que je redouterais plus que tout un changement de cap.
Le Président Jacques Chirac a été élu sur ce plan. Il ne peut pas changer de ligne. Je crois d'ailleurs qu'il ne le voudra pas. Et il aura bien raison. Tous les membres de la majorité, en particulier ceux qui se sont fait élire sous l'étiquette UMP, sont engagés par ce plan.
Changer de ligne, ce serait considérer que " les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent ". Pour nous, les promesses n'engagent pas que ceux qui les reçoivent !
J'ai défendu pendant la campagne, je défendrai pendant les cinq ans qui viennent une idée de " démocratie responsable ". La démocratie responsable c'est de considérer que les propositions que l'on avance, solennelles et chiffrées, pendant la campagne ce sont des promesses, mais dès l'élection acquise, elles sont devenues des engagements, une parole donnée, une règle d'or, à laquelle on ne se dérobe pas, en dehors des deux circonstances exceptionnelles que j'ai citées.
Ainsi peut-être le débat électoral enfin pris au sérieux entraînera-t-il moins de promesses, et ce sera tant mieux pour la France.
Le Premier ministre bénéficie d'un préjugé favorable. Ce préjugé favorable, il l'a auprès de nous aussi. Je lui suggère sur ce sujet une clarification. Beaucoup de Français se sont interrogés. Il y a maintenant besoin de dire clairement ce que sont les priorités du gouvernement en cette période de rentrée.
Le gouvernement et la majorité ont beaucoup insisté sur la sincérité des comptes publics. La sincérité, ce n'est pas seulement un exercice de vertu, ce n'est pas seulement une attitude morale. La sincérité des comptes publics, c'est la condition de la volonté politique.
Il faut donc revoir l'hypothèse de croissance. Puisque tous les indicateurs nous disent aujourd'hui que la croissance qu'on espérait à 3 % peinera à dépasser 2 %. On peut espérer. Mais on ne peut pas raisonnablement prévoir qu'un redressement interviendra assez tôt pour atteindre les 3 %.
Et il faut dire au pays quel sera, dans l'esprit du chef du gouvernement, le montant de la baisse de l'impôt sur le revenu, de la baisse des charges, de la baisse de l'impôt sur les sociétés. Et donc, à terme, le déficit et la manière de le réduire. Non pas seulement, comme on le dit souvent, pour satisfaire à nos engagements européens. Mais parce qu'un grand pays ne peut pas creuser éternellement sa dette, vivre à crédit, sans se trouver à terme asphyxié, ligoté, impuissant.
Bien sûr, il y faut du courage.
Voyez-vous, plus j'avance, plus je suis convaincu que le courage est la première des vertus en politique. Des idées, il y en a beaucoup, et qui paraissent excellentes. Des idéologies, il y en a beaucoup, des justes et des fausses. Des plans, des mesures, il y en foison : des dizaines, des vingtaines par problème.
Mais le courage tranquille de résister à l'adversité, ou aux intimidations, ou aux sondages, de dire clairement ce que l'on va faire, et de le faire, c'est la vertu par excellence.
J'imagine que le Premier ministre va consulter les formations politiques sur la question ouverte pendant l'été d'un changement des règles du jeu sur les modes de scrutin.
J'ai lu ce qui a été écrit partout sur un changement des modes de scrutin qui viserait à réduire l'UDF.
Je dirai très tranquillement au premier ministre que, franchement, ceux qui le pousseraient dans ce sens, ne le conseillent pas bien et que dans les circonstances où se trouve la France, il y a bien d'autres priorités positives et constructives !
Aux dernières élections présidentielles, les candidats des deux principaux partis, ensemble, n'ont pas dépassé 35 % des voix. Cela ne me paraît pas un projet digne de la France de vouloir verrouiller notre démocratie, et réserver, croit-on, à ces 35 % tous les postes de responsabilité, pour le présent et pour l'avenir. Je vais d'ailleurs vous livrer un secret : évidemment, et quelles que soient les subtilités de ces manuvres, elles échoueront.
Car il est très difficile de faire boire un âne qui n'a pas soif ! Et il est encore plus difficile d'obliger un peuple à choisir ce qu'il ne veut pas choisir ! Je résume : le verrouillage, ce n'est ni bon, ni juste! Et le verrouillage, cela échoue à tous les coups.
Ma conviction profonde est que les Français ne veulent pas d'un monopole à deux, d'un verrouillage UMP/PS. Ils veulent une démocratie ouverte, efficace et juste. Ils veulent des majorités solides, mais une représentation équitable de tous les courants d'opinion.
Les défenseurs de ce double monopole gagneraient d'ailleurs à réfléchir un peu. Ils citent en exemple l'Espagne et l'Allemagne. Je leur fais remarquer, pour qu'ils y réfléchissent, qu'en Espagne, comme en Allemagne, la règle du jeu c'est la proportionnelle !
Nous devrons affirmer nos valeurs.
Nous voulons une société solidaire.
La solidarité, c'est très différent du chacun pour soi, et c'est très différent du socialisme.
Le socialisme, c'est l'étatisme. On a vu quel était sur l'étatisme le jugement profond des Français, y compris des Français défavorisés. À l'expérience, ils ont vérifié que l'étatisme, au lieu de les aider, de les faire avancer, les paralysait, les trahissait.
C'est en particulier le sens du quiproquo fantastique sur les 35 heures. Les salariés français ont compris intuitivement, notamment ceux qui étaient au bas de l'échelle, que les 35 heures, cela avait des inconvénients plus graves que les avantages qui étaient ainsi apportés. Que cela les bloquait, en réalité, dans leurs conditions de travail, ou dans leur feuille de paie, dans leur liberté et dans leur progression de carrière. Et que les avantages principaux des 35 heures, ceux du temps libre, ils étaient garantis davantage à ceux dont la carrière était faite qu'à ceux dont la vie et la carrière étaient à faire.
La solidarité, au contraire, suppose la liberté, l'initiative, le risque. Simplement, quand on prend des risques, on n'est pas seul. Quand on avance, on sait qu'on peut avoir un accident. Quand on est fort, on sait qu'il y a de plus faibles. On sait qu'on doit se serrer les coudes.
Et permettez-moi de le dire en ces temps de rentrée des classes : la solidarité véritable, cela commence par l'égalité des chances à l'école.
J'aurais aimé que l'éducation et la recherche figurent au nombre des priorités énoncées par le gouvernement.
Pour moi, l'éducation, ce doit être non pas une priorité mais la priorité des priorités.
Généralement, à droite, la première décision en matière d'éducation, c'est de diminuer les moyens, le nombre de postes. Je souhaiterais que ce ne soit pas le cas cette année. Parce que cela empêche de poser la question sous le bon angle, le seul qui compte selon moi. Non pas diminuer les moyens, mais augmenter le niveau d'exigence de l'école et de l'université.
J'ai été frappé, hier, par l'intervention de l'un d'entre vous, étudiant en Seine-Saint-Denis. " Il y a une escroquerie, a-t-il dit. On a créé des universités nouvelles en banlieue parisienne. Les professeurs souvent sont les mêmes, ou en tout cas, ont la même qualification. Mais quand on a fini ses études, on s'aperçoit, au moment de l'embauche, qu'une licence en droit à Assas, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même diplôme, pourtant national, qu'une licence en droit en Seine-Saint-Denis. Ce n'est pas juste. "
Voilà un objectif que je suggère au gouvernement : non pas s'attaquer aux moyens, mais augmenter le niveau d'exigence et fixer comme objectif national de tout faire pour qu'il n'y ait plus d'éducation à deux vitesses. À deux vitesses, sans le dire, à deux vitesses connues des seuls initiés !
Et parlant d'objectifs nationaux, je veux dire que la recherche est inséparable de la formation. Que c'est à ces deux critères que l'avenir de la nation se jugera.
Vous voyez, c'est une illustration. Certains parmi vous m'ont écrit en disant : " Donnez-nous une illustration de nos différences, si elles existent avec l'UMP. " Je vous en donne une : nous voulons une politique où l'éducation et la recherche seront une vraie priorité, avec un vrai contrat d'élévation du niveau d'exigence, et une volonté de mettre un terme à l'école, à l'université à deux vitesses.
Nous pensons que la France a toujours besoin d'un modèle nouveau, d'une nouvelle pensée, hardie, conquérante. Et pas d'un verrouillage.
Nous défricherons ce chemin. Mais nous le défricherons pas à pas. Aujourd'hui, l'intérêt national, c'est que le gouvernement agisse, conformément aux engagements du Président de la République, et que la situation de la France s'améliore. Nous le soutiendrons. Et l'intérêt national commande que l'on agisse, que l'on s'exprime, avec une vision, un horizon.
Nous allons montrer qu'on peut être solidaire et différent !
Mais pour cela, il est une condition : construire !
Après cette secousse, nous avons un impératif, une mission d'urgence ! Construire. Partout où des jeunes, courageux, généreux, ambitieux, auront le désir de faire entendre une voix différente, c'est avec eux que nous construirons.
Je ferai le tour de France des régions et des départements. Nous serons présents partout, avec une mentalité de commando, solidaire et audacieux, avec des gens qui veulent que les choses bougent. Nous avons moins de sortants. C'est bien, le jour venu, nous aurons des entrants !
Mais cela signifie des efforts sans commune mesure avec les années passées ! Il nous faut nous projeter hors de nous-mêmes. Il faut rechercher les leaders et les responsables de demain. Et il faut les former. C'est un effort de renouvellement sans précédent. Dans notre nouvelle organisation, les responsabilités d'implantation, de ressource humaine et de formation seront des responsabilités prioritaires.
Cela ira de pair avec le projet !
Nous voulons une France solidaire. Nous voulons une France créative. Nous voulons une France portant un idéal qui tourne le dos à l'égoïsme et au matérialisme, qui soit généreux. Et nous voulons une France courageuse.
Le monde et l'Europe ont besoin de cette France-là.
Probabilité forte de guerre. Irak. C'est la première fois, depuis des décennies, qu'un grand pays, que la nation la plus puissante de la planète s'affirme prête à déclencher une guerre de première intention.
C'est une immense question. Quelles sont les raisons affichées pour une offensive à si haut risque ? L'Irak serait lié à Al-Quaeda, a-t-on dit au début. Les preuves n'ont pas été apportées, et cette thèse n'est plus guère soutenue. L'Irak est un État dangereux, préparant des armes de destruction massive. Si c'est vrai, c'est inacceptable pour la conscience et pour la sécurité du monde.
Le monde a le devoir de se défendre, y compris préventivement. Mais notre arme principale, ce n'est pas un gendarme pour le monde, c'est le droit international. Il convient que l'ONU impose ses inspecteurs. Il convient que les inspecteurs soient libres de faire leur travail et fassent rapport à l'organisation internationale. Si les inspecteurs sont empêchés de travailler, ou si des armes de destruction massive sont trouvées, l'action est légitime. Mais la guerre ne peut pas être la première intention. Elle ne peut être que l'ultima ratio, le dernier recours, des Nations-Unies.
Toutes les guerres sont terribles et dangereuses. Dans toutes les guerres, les civils sont victimes. Dans celle-ci plus dans toute autre, dans cette région plus que dans toute autre, le risque est immense.
Jacques Chirac a défendu une telle ligne et je l'approuve. Mais le fait que les chefs d'État et de gouvernement européens s'expriment en ordre dispersé, et pour dire des choses différentes, fait que nous ne pesons pas dans le déroulement des choses.
Le monde a besoin de la France et de l'Europe. Johannesburg.
Les mois qui viennent vont être cruciaux pour l'Europe et pour le monde.
Nous avons dix-huit mois ( !), dix-huit mois seulement pour trancher de l'une des questions les plus importantes pour l'idée que nous nous faisons de l'avenir de l'humanité.
Le monde sera-t-il pendant cinquante ans, peut-être plus, dominé par une seule puissance, ou ira-t-il vers l'équilibre des puissances ?
Et vous voyez, cette question qui devrait faire arrêter dans leurs travaux, dans leurs habitudes et leur ronron tous les cerveaux, tous les curs de citoyens du monde, cette question qui devrait obséder les chefs d'État de la planète, ma conviction est que sa réponse est purement et simplement entre nos mains !
Si un Churchill était là, s'il revenait, ce serait le moment ou jamais de dire : " jamais sans doute le destin de tant d'hommes n'a dépendu de si peu "
Car monopole d'une hyper-puissance, ou équilibre des puissances, cela dépend d'une seule décision, celle des Européens. Et celle des Européens dépend de celle des Français.
Voyez-vous, pour moi, l'Europe n'a que faire des étiquettes et la France a bien le droit d'exiger qu'on écrive dans la langue !
Mais il dépend d'elle d'avoir une voix en matière de diplomatie, une volonté et une réalité en matière de défense.
Je voudrais mettre ces chiffres devant vos yeux. Ce n'est pas que les Américains soient plus nombreux que nous ! Nous sommes 375 millions, ils sont 280 millions. Ce n'est pas qu'ils soient plus riches que nous ! Notre produit intérieur est de 10 000 milliards, le leur de 7 000 seulement. Mais ils existent comme puissance politique, et nous ne voulons pas exister ! Et cela a sa traduction immédiate en termes d'influence, en termes de recherche, en termes d'industrie.
Et cela n'a rien à voir avec une quelconque américano-phobie !
J'aime les Etats-Unis. Je sais ce que nous leur devons.
Simplement, un homme, un peuple, une communauté ne devrait jamais accepter, si cela est en son pouvoir, que qui que ce soit décide à sa place de son destin ! Elle ne devrait jamais accepter que les conditions soient créées pour que qui que ce soit décide à leur place du destin des autres hommes, des autres peuples et des autres communautés.
La réponse à cette question dépend de ceci : que voulons-nous mettre en commun, que voulons-nous construire ensemble ? Pour moi, il faut que la France propose clairement à ses partenaires européens un pas de géant, pas des mots creux, un pas de géant en matière de défense et de diplomatie.
Et, corollairement, les décisions qu'à l'avenir nous devrons prendre si nous décidons de mettre en commun et de décider ensemble en matière de défense et de diplomatie, comment rendons-nous les citoyens, les opinions publiques européennes partie prenante de leur destin ?
Si c'est oui, le monde ira vers l'équilibre des puissances. Si c'est non, nous paierons les pots cassés en matière de culture, de langue, d'influence, de brevets. Jamais le sort de tant d'hommes n'aura dépendu de si peu.
Et urgence, en termes de mois. L'élargissement est mal parti.
La réunification européenne est un droit et un devoir. Mais l'élargissement, ce doit être l'élargissement de quelque chose, et pas l'élargissement de rien. Si c'est l'élargissement de la confusion, de l'impuissance, alors ce sera davantage de confusion et d'impuissance, un marché de dupes et la plus belle idée qu'ait accouchée l'histoire des hommes aura sombré dans leur pusillanimité.
Valéry Giscard d'Estaing, la Convention, " dernière chance de l'Europe unie ".
Nous sommes des constructeurs.
(source http://www.udf.org, le 4 septembre 2002)