Texte intégral
Interview à France inter le 21 juin 2000
STEPHANE PAOLI : L'Etat donnera-t-il son agrément à la nouvelle convention de l'Unedic dont le protocole d'accord a été approuvé par le MEDEF, la CFDT et la CFTC. La semaine prochaine, la commission paritaire nationale, qui regroupe les partenaires sociaux, doit se réunir pour rédiger le texte juridique sur lequel se prononcera la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry. Tout est-t-il désormais figé ou existe-t-il encore un espace de renégociation comme le demandent les syndicats non-signataires et aussi les associations de chômeurs ? Ou au moins une marge de manuvre ? Invité de " Questions directes ", Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF. Bonjour.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Bonjour.
STEPHANE PAOLI : Comment interprétez-vous les déclarations hier après-midi à l'Assemblée de madame Aubry ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oh, écoutez, moi, ce n'est pas mon rôle d'interpréter les déclarations des ministres. On a conclu un accord qui pour nous est valide - je crois qu'il l'est pour tout le monde -, qui est novateur - je crois que tout le monde le reconnaît - et qui est responsable, c'est-à-dire que les partenaires sociaux sont dans leur rôle et prennent leurs responsabilités. Il y a un agrément qui est prévu. Cet agrément sera-t-il donné ou pas, c'est une question. Je vous rappelle simplement que c'est normal, quand on a fait un accord, qu'on a longuement négocié et que l'on est parvenu à un équilibre, de dire : bon, eh bien écoutez, cet accord, il est ce qu'il est, vous l'agréez ou vous ne l'agréez pas, mais on ne va pas commence, je dirais, à le trafiquer, à le tripoter. Ca, c'est clair.
STEPHANE PAOLI : Mais au moins, tout de même, il y a un signal que Madame Aubry, quand vous l'entendez dire : je ne méconnais pas la nécessité par exemple, c'était au sein de l'Assemblée, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité dit : moi, je ne méconnais pas la nécessité de sanctionner ceux qui ne veulent pas accepter un travail, mais, dit-elle, l'Etat doit conserver un rôle d'arbitre un peu des rapports sociaux. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Moi je réponds qu'ils ont tout-à-fait raison. Et d'ailleurs, dans le code du Travail qui a été en son temps rédigé par madame Aubry, il existe toute une gamme de sanctions beaucoup plus sévères, beaucoup plus fortes que celles qui sont envisagées comme des incitations à reprendre vite un emploi, ce qui est tout de même bien l'objectif de cet accord, dont nous disons qu'il est bon pour les demandeurs d'emploi parce qu'il diminue ce que l'on appelle la dégressivité, c'est-à-dire que le fait qu'on diminue l'indemnité du chômeur au fur et à mesure que celui-ci se trouve dans le chômage. C'est un système qui existe actuellement, il est assez injuste : ceux qui ne peuvent pas facilement retrouver du travail voient baisser leur indemnisation. Nous disons : ce n'est pas normal, alors maintenant, on ne touchera plus à l'indemnisation, elle restera ce qu'elle est. Mais on va bien entendu faire tout ce que l'on peut, par des services personnalisés, pour remettre au travail ceux qui en cherchent. Tout ceci nous paraît, comment dirais-je, de bon progrès social.
STEPHANE PAOLI : Est-ce que vous acceptez l'idée que l'Etat reste le garant de l'égalité de traitement des chômeurs par l'Anpe ? Parce que c'est ça que dit aussi Martine Aubry.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, alors, écoutez, ce sont des mots parce que là, quand le politique se saisit des choses, il politise. Nous, nous sommes dans notre métier d'organisateur des relations sociales afin de mettre en place des système efficaces. Il peut y avoir actuellement des ambiguïtés sur le rôle des uns et des autres, il y a des organisations, elles sont nombreuses, elles sont assez complexes, elles sont compliquées dans leur fonctionnement. Je crois que ce sera l'occasion, en effet, pour appliquer la nouvelle convention, de regarder avec plus de précision le rôle de l'Anpe et le rôle de l'Unedic. Et il y aura des conversations techniques à ce sujet entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, la CFDT, la CFTC, qui ont signé l'accord avec nous et qui connaissent tout ça par cur et qui, avec nous, vont bien entendu régler les choses qui doivent l'être sur le plan technique. Ca va de soi.
STEPHANE PAOLI : Il y a un enjeu très important monsieur Seillière, vous le savez mieux que quiconque, c'est la refondation sociale. Est-ce que ça veut dire que dans les jours qui viennent, là, entre le moment où vous allez vous réunir pour rédiger le texte juridique, il existe, et je reprends la formule de madame Notat, non pas une renégociation mais des marges de manuvre possibles.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, écoutez, on n'est pas dans la manuvre ! Ca, c'est encore une fois la vision des politiques. Nous, nous avons
STEPHANE PAOLI : Là c'est madame Notat qui parle en l'occurrence
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, mais pas du tout Je vais dire simplement qu'il n'y a pas de manuvre ou de marge de manuvre. Il y a à appliquer un système. Un système nouveau, encore une fois bon pour les demandeurs d'emploi, bon pour les entreprises, n'oubliez pas qu'on baisse fortement la cotisation des salariés, bon pour notre pays parce que, finalement, on vise à aller vers le plein emploi, c'est-à-dire en fait à aller vers 4 % de chômage dans notre pays et non pas aux alentours de 10 %. Nous visons, bien entendu, à nous mettre dans le même système que celui qui est en place de plus en plus en Europe, qui incite au retour à l'emploi par des bilans de compétences. Bon, tout ceci, ce n'est pas de la manuvre, tout ceci, c'est un système nouveau qui doit permettre le retour à l'emploi. On l'appliquera bien entendu. Techniquement, il peut y avoir des difficultés, mais nous ne sommes pas du tout du sentiment, si vous voulez, qu'il y a dans tout ceci une affaire politique. Il y a à améliorer le système de retour à l'emploi dans notre pays. Et c'est dans cet esprit que les partenaires sociaux ont conclu une convention et que nous allons demander bien entendu à l'Etat de l'agréer. La tradition républicaine fait, vous le savez, qu'on n'a jamais en fait refusé d'agréer un grand accord social dans notre pays. Il n'y a strictement aucune raison de ne pas le faire aujourd'hui.
STEPHANE PAOLI : Mais alors, justement, et pardon d'insister monsieur Seillière, mais l'enjeu est très important, est-ce que vous dites ce matin sur l'antenne d'INTER que, voilà, on a signé, on s'est mis d'accord, c'est à prendre ou à laisser ? Ou dites-vous : non, il y a encore des choses dont on peut effectivement régler un tout petit peu les détails.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, par définition, la mise en uvre d'un accord sur le plan technique implique, vous l'avez dit, des conversations techniques, des conversations juridiques de façon à ce que tout ceci se mette en place. Comme c'est nouveau, il va quand même bien falloir l'organiser. Et bien entendu, nous sommes tout prêts, et c'est tout-à-fait normal, les partenaires sociaux qui ont signé cet accord sont tout prêts à le mettre en uvre dans des conversations avec les pouvoirs publics sur ceci ou sur cela. Mais cela n'empêche pas, si vous voulez, que ce qui a été convenu, c'est-à-dire en fait, eh bien c'est un accord et celui-ci, il doit être agréé.
STEPHANE PAOLI : Est-ce que, par exemple, quand vous entendez Force ouvrière ou la CGC dire : il faudrait qu'on reprenne un petit peu tout ce qui est relatif aux définir les conditions d'indemnisation, peut-être réfléchir à un dispositif qui serait basé sur le volontariat. Est-ce que ça, ça va trop loin à vos yeux ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah, bien, écoutez, la négociation est terminée, l'accord est signé, il y a des organisations syndicales qui ont considéré que ce n'était pas pour elles un bon accord, elles n'ont pas voulu le faire, c'est fini. Ca, ça va de soi. Lors de la mise en uvre de cet accord, et bien entendu jusqu'au 30 juin, si ces syndicats veulent signer parce qu'ils auront réfléchi - vous savez, il y a eu des volte-face dans tout ça, pour des raisons diverses et variées -, nous sommes bien entendu tout-à-fait demandeurs de ce que les syndicats qui ont cru, pour des raisons qui me paraissent assez éloignées du sujet lui-même, ne pas signer, viennent le signer et que nous soyons en effet plus nombreux. Mais cela dit, notre accord est valide et je vous rappelle que madame Notat et la CFDT et la CFTC, dans le monde des entreprises privées, ce n'est pas rien ! Ce sont de grands syndicats du monde des entreprises privées et vous le savez, que, par exemple, la CGT et Fo sont très fortes dans le service public. Mais nous sommes avec des syndicats qui sont tout-à-fait efficaces dans le domaine de la représentation des salariés dans notre domaine.
STEPHANE PAOLI : Mais alors, justement, tenez, représentation, la CGT dit : bon, là encore, l'enjeu est important, deux syndicats simplement signant, ce n'est pas suffisamment représentatif vu les enjeux, encore une fois de ces réformes.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ce sont des jugements tout-à-fait subjectifs, de nature d'ailleurs je dirais politique. Il y a une règle du jeu, elle est tout-à-fait claire, elle est tout-à-fait connue, la plupart des accords sont signés par un, deux, trois, quatre, cinq syndicats, ils sont toujours valables dans ce genre de cas et bien entendu, on peut discuter à l'infini de savoir si de rajouter trois lettres au bas d'un accord le rend ou non politiquement valable. Mais enfin, encore une fois, ce n'est pas le sujet. Nous sommes tout-à-fait sortis du politique, nous sommes dans le concret
STEPHANE PAOLI : Tout le monde veut vous y faire rentrer. Vous avez entendu y compris ce qu'on disait dans le journal de 8 heures tout-à-l'heure : vous affirmez ne pas faire de politique, et pourtant, vous occupez l'espace dont certains considèrent beaucoup qu'il a été un peu abandonné par la droite.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, n'inversons pas les rôles. Un gouvernement fait de la politique, il s'oppose quelquefois au MEDEF, c'est sa responsabilité. Le MEDEF ne s'oppose à personne. Il est dans son métier de représentation des entrepreneurs pour discuter avec les salariés, pour faire des accords. C'est ce que nous faisons. Un bon accord, encore une fois j'y reviens parce qu'il est bon pour les demandeurs d'emploi, c'est fondamental si vous voulez, n'oublions pas cela, nous améliorons considérablement la situation des demandeurs d'emploi et leur capacité de revenir à l'emploi. Le système actuel, il y a 800 000 personnes dont on demande qu'elles viennent travailler et 1,7 million de personnes inscrites au chômage et on n'arrive pas à les faire se rencontrer. C'est uns système dont nous disons : il n'est pas bon. Donc, on va l'améliorer pour que chacun, avec un service personnalisé, chaque chômeur, pas le chômage
STEPHANE PAOLI : Mais vraiment, monsieur Seillière, vraiment au profit du chômeur ? Là, on touche maintenant à des questions qui sont quasi-philosophiques et éthiques. Quand madame Aubry vous dit : bon, il n'est pas question de contraindre les chômeurs à accepter n'importe quel emploi, et certains d'ailleurs ont posé aussi la question, et faut-il qu'il l'accepte n'importe où sont emploi, ça nous conduit où ça ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Attendez Ca nous conduit Simplement, vous posez la question. Madame Notat a signé cet accord. Alors, vous croyez que madame Notat signe un accord dans lequel on va demander à n'importe quel chômeur de faire n'importe quoi, aller n'importe où ? C'est un procès d'intention, de nature politique, qui n'a pas de sens ! Bien entendu, nous sommes, nous, les entrepreneurs et les syndicats signataires, responsables devant chaque demandeur d'emploi de lui produire un emploi qui est de sa profession, de son niveau de rémunération, qui est abordable facilement pour lui sur le plan pratique. Si d'ailleurs il doit y avoir un déplacement, nous sommes, et nous l'avons mis dans l'accord, tout prêts à organiser et à financer le déplacement, le déménagement. C'est un accord donc, attention, c'est un accord qui est signé par madame Notat, ne l'oubliez pas avant d'en faire le procès en termes offensants.
STEPHANE PAOLI : Oui, mais ça, c'est des questions qui sont légitimes quand même, c'est normal que
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, elles ne sont pas légitimes, elles ne sont pas légitimes, elles sont politiques ! Je m'excuse de le dire, mais quand on croit que les partenaires sociaux qui signent un grand accord social peuvent se mettre justement dans cette psychologie de dire : on va demander à n'importe qui de faire n'importe quoi, je m'excuse, c'est un mauvais procès d'intention, offensant pour ceux qui ont signé cet accord !
STEPHANE PAOLI : Une dernière chose, monsieur Seillière. Certains, là aussi, même si la question est politique, elle s'est posée, donc allons au bout de toutes les questions, consistait à dire : est-ce qu'au fond, on va rendre, dans la façon de percevoir l'enjeu, les chômeurs responsables de leur situation ou est-ce qu'il s'agit maintenant véritablement de les aider à retrouver un emploi ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Tout le système est fait, bien entendu, pour mettre à la disposition des demandeurs d'emploi un emploi au plus vite. C'est d'ailleurs l'aspiration générale des demandeurs d'emploi. Personne n'est responsable d'être demandeur d'emploi, mais nous sommes responsables, nous les partenaires sociaux, de mettre en place un dispositif qui leur permette de retrouver rapidement un emploi. C'est l'objectif et nous sommes heureux de signer un accord. Et nous pensons qu'il sera agréé parce qu'il serait impensable, encore une fois, qu'on ne dise pas que ce bon accord puisse s'appliquer en France.
STEPHANE PAOLI : Merci Ernest-Antoine Seillière.
(source http://www.medef.fr, le 22 juin 2000)
STEPHANE PAOLI : L'Etat donnera-t-il son agrément à la nouvelle convention de l'Unedic dont le protocole d'accord a été approuvé par le MEDEF, la CFDT et la CFTC. La semaine prochaine, la commission paritaire nationale, qui regroupe les partenaires sociaux, doit se réunir pour rédiger le texte juridique sur lequel se prononcera la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry. Tout est-t-il désormais figé ou existe-t-il encore un espace de renégociation comme le demandent les syndicats non-signataires et aussi les associations de chômeurs ? Ou au moins une marge de manuvre ? Invité de " Questions directes ", Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF. Bonjour.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Bonjour.
STEPHANE PAOLI : Comment interprétez-vous les déclarations hier après-midi à l'Assemblée de madame Aubry ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oh, écoutez, moi, ce n'est pas mon rôle d'interpréter les déclarations des ministres. On a conclu un accord qui pour nous est valide - je crois qu'il l'est pour tout le monde -, qui est novateur - je crois que tout le monde le reconnaît - et qui est responsable, c'est-à-dire que les partenaires sociaux sont dans leur rôle et prennent leurs responsabilités. Il y a un agrément qui est prévu. Cet agrément sera-t-il donné ou pas, c'est une question. Je vous rappelle simplement que c'est normal, quand on a fait un accord, qu'on a longuement négocié et que l'on est parvenu à un équilibre, de dire : bon, eh bien écoutez, cet accord, il est ce qu'il est, vous l'agréez ou vous ne l'agréez pas, mais on ne va pas commence, je dirais, à le trafiquer, à le tripoter. Ca, c'est clair.
STEPHANE PAOLI : Mais au moins, tout de même, il y a un signal que Madame Aubry, quand vous l'entendez dire : je ne méconnais pas la nécessité par exemple, c'était au sein de l'Assemblée, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité dit : moi, je ne méconnais pas la nécessité de sanctionner ceux qui ne veulent pas accepter un travail, mais, dit-elle, l'Etat doit conserver un rôle d'arbitre un peu des rapports sociaux. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Moi je réponds qu'ils ont tout-à-fait raison. Et d'ailleurs, dans le code du Travail qui a été en son temps rédigé par madame Aubry, il existe toute une gamme de sanctions beaucoup plus sévères, beaucoup plus fortes que celles qui sont envisagées comme des incitations à reprendre vite un emploi, ce qui est tout de même bien l'objectif de cet accord, dont nous disons qu'il est bon pour les demandeurs d'emploi parce qu'il diminue ce que l'on appelle la dégressivité, c'est-à-dire que le fait qu'on diminue l'indemnité du chômeur au fur et à mesure que celui-ci se trouve dans le chômage. C'est un système qui existe actuellement, il est assez injuste : ceux qui ne peuvent pas facilement retrouver du travail voient baisser leur indemnisation. Nous disons : ce n'est pas normal, alors maintenant, on ne touchera plus à l'indemnisation, elle restera ce qu'elle est. Mais on va bien entendu faire tout ce que l'on peut, par des services personnalisés, pour remettre au travail ceux qui en cherchent. Tout ceci nous paraît, comment dirais-je, de bon progrès social.
STEPHANE PAOLI : Est-ce que vous acceptez l'idée que l'Etat reste le garant de l'égalité de traitement des chômeurs par l'Anpe ? Parce que c'est ça que dit aussi Martine Aubry.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, alors, écoutez, ce sont des mots parce que là, quand le politique se saisit des choses, il politise. Nous, nous sommes dans notre métier d'organisateur des relations sociales afin de mettre en place des système efficaces. Il peut y avoir actuellement des ambiguïtés sur le rôle des uns et des autres, il y a des organisations, elles sont nombreuses, elles sont assez complexes, elles sont compliquées dans leur fonctionnement. Je crois que ce sera l'occasion, en effet, pour appliquer la nouvelle convention, de regarder avec plus de précision le rôle de l'Anpe et le rôle de l'Unedic. Et il y aura des conversations techniques à ce sujet entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, la CFDT, la CFTC, qui ont signé l'accord avec nous et qui connaissent tout ça par cur et qui, avec nous, vont bien entendu régler les choses qui doivent l'être sur le plan technique. Ca va de soi.
STEPHANE PAOLI : Il y a un enjeu très important monsieur Seillière, vous le savez mieux que quiconque, c'est la refondation sociale. Est-ce que ça veut dire que dans les jours qui viennent, là, entre le moment où vous allez vous réunir pour rédiger le texte juridique, il existe, et je reprends la formule de madame Notat, non pas une renégociation mais des marges de manuvre possibles.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, écoutez, on n'est pas dans la manuvre ! Ca, c'est encore une fois la vision des politiques. Nous, nous avons
STEPHANE PAOLI : Là c'est madame Notat qui parle en l'occurrence
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, mais pas du tout Je vais dire simplement qu'il n'y a pas de manuvre ou de marge de manuvre. Il y a à appliquer un système. Un système nouveau, encore une fois bon pour les demandeurs d'emploi, bon pour les entreprises, n'oubliez pas qu'on baisse fortement la cotisation des salariés, bon pour notre pays parce que, finalement, on vise à aller vers le plein emploi, c'est-à-dire en fait à aller vers 4 % de chômage dans notre pays et non pas aux alentours de 10 %. Nous visons, bien entendu, à nous mettre dans le même système que celui qui est en place de plus en plus en Europe, qui incite au retour à l'emploi par des bilans de compétences. Bon, tout ceci, ce n'est pas de la manuvre, tout ceci, c'est un système nouveau qui doit permettre le retour à l'emploi. On l'appliquera bien entendu. Techniquement, il peut y avoir des difficultés, mais nous ne sommes pas du tout du sentiment, si vous voulez, qu'il y a dans tout ceci une affaire politique. Il y a à améliorer le système de retour à l'emploi dans notre pays. Et c'est dans cet esprit que les partenaires sociaux ont conclu une convention et que nous allons demander bien entendu à l'Etat de l'agréer. La tradition républicaine fait, vous le savez, qu'on n'a jamais en fait refusé d'agréer un grand accord social dans notre pays. Il n'y a strictement aucune raison de ne pas le faire aujourd'hui.
STEPHANE PAOLI : Mais alors, justement, et pardon d'insister monsieur Seillière, mais l'enjeu est très important, est-ce que vous dites ce matin sur l'antenne d'INTER que, voilà, on a signé, on s'est mis d'accord, c'est à prendre ou à laisser ? Ou dites-vous : non, il y a encore des choses dont on peut effectivement régler un tout petit peu les détails.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, par définition, la mise en uvre d'un accord sur le plan technique implique, vous l'avez dit, des conversations techniques, des conversations juridiques de façon à ce que tout ceci se mette en place. Comme c'est nouveau, il va quand même bien falloir l'organiser. Et bien entendu, nous sommes tout prêts, et c'est tout-à-fait normal, les partenaires sociaux qui ont signé cet accord sont tout prêts à le mettre en uvre dans des conversations avec les pouvoirs publics sur ceci ou sur cela. Mais cela n'empêche pas, si vous voulez, que ce qui a été convenu, c'est-à-dire en fait, eh bien c'est un accord et celui-ci, il doit être agréé.
STEPHANE PAOLI : Est-ce que, par exemple, quand vous entendez Force ouvrière ou la CGC dire : il faudrait qu'on reprenne un petit peu tout ce qui est relatif aux définir les conditions d'indemnisation, peut-être réfléchir à un dispositif qui serait basé sur le volontariat. Est-ce que ça, ça va trop loin à vos yeux ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah, bien, écoutez, la négociation est terminée, l'accord est signé, il y a des organisations syndicales qui ont considéré que ce n'était pas pour elles un bon accord, elles n'ont pas voulu le faire, c'est fini. Ca, ça va de soi. Lors de la mise en uvre de cet accord, et bien entendu jusqu'au 30 juin, si ces syndicats veulent signer parce qu'ils auront réfléchi - vous savez, il y a eu des volte-face dans tout ça, pour des raisons diverses et variées -, nous sommes bien entendu tout-à-fait demandeurs de ce que les syndicats qui ont cru, pour des raisons qui me paraissent assez éloignées du sujet lui-même, ne pas signer, viennent le signer et que nous soyons en effet plus nombreux. Mais cela dit, notre accord est valide et je vous rappelle que madame Notat et la CFDT et la CFTC, dans le monde des entreprises privées, ce n'est pas rien ! Ce sont de grands syndicats du monde des entreprises privées et vous le savez, que, par exemple, la CGT et Fo sont très fortes dans le service public. Mais nous sommes avec des syndicats qui sont tout-à-fait efficaces dans le domaine de la représentation des salariés dans notre domaine.
STEPHANE PAOLI : Mais alors, justement, tenez, représentation, la CGT dit : bon, là encore, l'enjeu est important, deux syndicats simplement signant, ce n'est pas suffisamment représentatif vu les enjeux, encore une fois de ces réformes.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ce sont des jugements tout-à-fait subjectifs, de nature d'ailleurs je dirais politique. Il y a une règle du jeu, elle est tout-à-fait claire, elle est tout-à-fait connue, la plupart des accords sont signés par un, deux, trois, quatre, cinq syndicats, ils sont toujours valables dans ce genre de cas et bien entendu, on peut discuter à l'infini de savoir si de rajouter trois lettres au bas d'un accord le rend ou non politiquement valable. Mais enfin, encore une fois, ce n'est pas le sujet. Nous sommes tout-à-fait sortis du politique, nous sommes dans le concret
STEPHANE PAOLI : Tout le monde veut vous y faire rentrer. Vous avez entendu y compris ce qu'on disait dans le journal de 8 heures tout-à-l'heure : vous affirmez ne pas faire de politique, et pourtant, vous occupez l'espace dont certains considèrent beaucoup qu'il a été un peu abandonné par la droite.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, n'inversons pas les rôles. Un gouvernement fait de la politique, il s'oppose quelquefois au MEDEF, c'est sa responsabilité. Le MEDEF ne s'oppose à personne. Il est dans son métier de représentation des entrepreneurs pour discuter avec les salariés, pour faire des accords. C'est ce que nous faisons. Un bon accord, encore une fois j'y reviens parce qu'il est bon pour les demandeurs d'emploi, c'est fondamental si vous voulez, n'oublions pas cela, nous améliorons considérablement la situation des demandeurs d'emploi et leur capacité de revenir à l'emploi. Le système actuel, il y a 800 000 personnes dont on demande qu'elles viennent travailler et 1,7 million de personnes inscrites au chômage et on n'arrive pas à les faire se rencontrer. C'est uns système dont nous disons : il n'est pas bon. Donc, on va l'améliorer pour que chacun, avec un service personnalisé, chaque chômeur, pas le chômage
STEPHANE PAOLI : Mais vraiment, monsieur Seillière, vraiment au profit du chômeur ? Là, on touche maintenant à des questions qui sont quasi-philosophiques et éthiques. Quand madame Aubry vous dit : bon, il n'est pas question de contraindre les chômeurs à accepter n'importe quel emploi, et certains d'ailleurs ont posé aussi la question, et faut-il qu'il l'accepte n'importe où sont emploi, ça nous conduit où ça ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Attendez Ca nous conduit Simplement, vous posez la question. Madame Notat a signé cet accord. Alors, vous croyez que madame Notat signe un accord dans lequel on va demander à n'importe quel chômeur de faire n'importe quoi, aller n'importe où ? C'est un procès d'intention, de nature politique, qui n'a pas de sens ! Bien entendu, nous sommes, nous, les entrepreneurs et les syndicats signataires, responsables devant chaque demandeur d'emploi de lui produire un emploi qui est de sa profession, de son niveau de rémunération, qui est abordable facilement pour lui sur le plan pratique. Si d'ailleurs il doit y avoir un déplacement, nous sommes, et nous l'avons mis dans l'accord, tout prêts à organiser et à financer le déplacement, le déménagement. C'est un accord donc, attention, c'est un accord qui est signé par madame Notat, ne l'oubliez pas avant d'en faire le procès en termes offensants.
STEPHANE PAOLI : Oui, mais ça, c'est des questions qui sont légitimes quand même, c'est normal que
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, elles ne sont pas légitimes, elles ne sont pas légitimes, elles sont politiques ! Je m'excuse de le dire, mais quand on croit que les partenaires sociaux qui signent un grand accord social peuvent se mettre justement dans cette psychologie de dire : on va demander à n'importe qui de faire n'importe quoi, je m'excuse, c'est un mauvais procès d'intention, offensant pour ceux qui ont signé cet accord !
STEPHANE PAOLI : Une dernière chose, monsieur Seillière. Certains, là aussi, même si la question est politique, elle s'est posée, donc allons au bout de toutes les questions, consistait à dire : est-ce qu'au fond, on va rendre, dans la façon de percevoir l'enjeu, les chômeurs responsables de leur situation ou est-ce qu'il s'agit maintenant véritablement de les aider à retrouver un emploi ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Tout le système est fait, bien entendu, pour mettre à la disposition des demandeurs d'emploi un emploi au plus vite. C'est d'ailleurs l'aspiration générale des demandeurs d'emploi. Personne n'est responsable d'être demandeur d'emploi, mais nous sommes responsables, nous les partenaires sociaux, de mettre en place un dispositif qui leur permette de retrouver rapidement un emploi. C'est l'objectif et nous sommes heureux de signer un accord. Et nous pensons qu'il sera agréé parce qu'il serait impensable, encore une fois, qu'on ne dise pas que ce bon accord puisse s'appliquer en France.
STEPHANE PAOLI : Merci Ernest-Antoine Seillière.
(source http://www.medef.fr, le 22 juin 2000)