Lettre de M. Ernest-Antoine Seillère, président du MEDEF, envoyée à plusieurs organisations syndicales, sur le projet de constituer une nouvelle "constitution sociale" dans les domaines du travail et de la protection sociale et les rapports avec les pouvoirs publics, Paris le 15 novembre 1999.

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Texte intégral

Le 2 novembre dernier, j'ai réuni un Conseil Exécutif exceptionnel du MEDEF pour examiner la situation actuelle créée par les décisions du Gouvernement d'une part de refuser de prendre en compte les résultats des négociations de branche dans l'élaboration de la seconde loi des 35 heures et, d'autre part, de faire financer les aides à la réduction du temps de travail par les organismes sociaux que nous gérons ensemble.
Sur le premier point, le Conseil Exécutif demande à l'unanimité qu'une disposition législative soit introduite dans la seconde loi sur la réduction du temps de travail permettant à chaque entreprise, pendant une période de 5 ans, d'opter soit pour l'application des dispositions prévues par l'accord de branche qui la couvre, soit pour l'application des dispositions de la loi. A défaut d'une telle disposition, la politique contractuelle, qu'elle s'établisse au niveau des branches ou au niveau intreprofessionnel, serait gravement compromise dans notre pays. Si les accords de branche ne sont pas reconnus dans leur lettre et dans leur esprit, la seconde loi apparaîtra inapplicable et la politique de réduction du temps de travail créera des difficultés insurmontables pour la très grande majorité des entreprises.
Sur le second point, nous avons pris acte du fait que l'opposition résolue de l'ensemble des partenaires sociaux avait conduit le gouvernement à modifier sa position sur l'UNEDIC et les régimes ARRCO et AGIRC pour l'année 2000. Cette évolution pourrait nous permettre de négocier une nouvelle convention UNEDIC au cours du premier trimestre 2000, dès lors que nous aurions l'assurance que la signature des partenaires sociaux est pleinement respectée par les Pouvoirs publics dans tous leurs domaines de responsabilité, et que ces derniers s'engageraient irrévocablement à ne procéder à aucun prélèvement ultérieur sur le régime d'assurance-chômage. Dans cette attente, nous pourrions convenir de proroger l'actuelle convention UNEDIC pour une durée de 3 mois. Quant à la clause de rendez vous prévue par le dernier accord AGIRC-ARRCO, nous pourrions également examiner la situation et les perspectives de ces régimes, ainsi que les éventuelles décisions à mettre en uvre au cours du premier trimestre de l'an 2000.
En revanche, s'agissant de la sécurité sociale, le gouvernement ne paraît pas avoir renoncé à opérer un prélèvement, indirect, pour financer la réduction du temps de travail. En effet, il ressort clairement des comptes prévisionnels du régime général de la sécurité sociale que le solde comptable positif demeure inchangé, ce qui démontre à l'évidence que seuls les circuits financiers ont été modifiés pour maintenir de façon indirecte une contribution de 5,6 milliards de francs au financement des 35 heures. Cette analyse est d'ailleurs confirmée par le rapporteur de la loi de financement de la Sécurité sociale.
Si ce prélèvement était confirmé - alors même que les conseils d'administration des caisses du régime général se sont opposés à tout allégement de charges sociales non compensé Franc pour Franc par le budget de l'Etat - le MEDEF cesserait immédiatement de participer à la gestion de la Sécurité Sociale. Le MEDEF refuse de co-gérer un système dans lequel les Pouvoirs publics se permettent de puiser à leur guise.
Force est de constater aujourd'hui que l'immixtion généralisée et répétée de la puissance publique dans les relations entre employeurs et salariés vide de son contenu la politique contractuelle et remet en cause la gestion paritaire. Ceci conduit à une situation dangereuse qui ne peut perdurer sans dommages pour les entreprises, leurs salariés et l'ensemble de l'économie française.
C'est la raison pour laquelle le MEDEF - profondément attaché au dialogue social et convaincu qu'il appartient aux partenaires sociaux de réfléchir ensemble aux voies et moyens du développement économique et du progrès social - propose aux cinq Organisations syndicales de salariés qui sont ses interlocuteurs naturels d'entamer une réflexion de fond et d'ouvrir un chantier ambitieux. La CGPME nous a d'ores et déjà fait savoir qu'elle s'associerait pleinement à cette réflexion.
L'objectif est de bâtir une nouvelle constitution sociale redéfinissant en commun nos champs de responsabilités dans les domaines des relations du travail et de la protection sociale ainsi que les rapports nouveaux susceptibles d'être noués avec les Pouvoirs publics.
Après 55 ans d'existence, le temps semble venu de clarifier les responsabilités, de définir les rôles respectifs des acteurs que sont les employeurs, les syndicats et les Pouvoirs publics, de préciser les niveaux où le dialogue social est le plus fécond et le plus efficace, de déterminer les financements qui assurent l'alimentation des systèmes de protection sociale sans nuire à la compétitivité des entreprises, de décider ensemble les champs où notre présence commune s'impose, de réfléchir à l'évolution des organisations chargées de la mise en uvre des politiques sociales, de voir ensemble comment protéger les salariés des nouveaux risques qu'ils seront appelés à affronter.
Cette réflexion doit tenir compte, selon nous, de l'évolution de la technologie, du vieillissement de la population, notamment de la population active, des perspectives qu'offrent l'approfondissement de l'Europe et la mondialisation des économies, des nouvelles attentes et aspirations des ménages. Le moment de la refondation est venu, car pour le MEDEF, la voie de l'étatisation est sans issue.
Afin que nous soyons opérationnels dans les meilleurs délais, je suggère que nous procédions à une première série de rencontres bilatérales permettant à chacun de livrer ses analyses, d'identifier les thèmes à traiter et de proposer les méthodes de travail les plus appropriées. A la lumière de ces rencontres bilatérales, une réunion plénière pourrait être décidée qui arrêterait le programme, la méthode de travail, le calendrier et un ordre de priorité des dossiers à traiter.
En cette période cruciale où il nous appartient de faire un choix entre l'étatisation et la refondation de rapports sociaux adaptés au XXIème siècle, le MEDEF espère que nous construirons ensemble le dialogue social et la protection individuelle et collective de demain.
Je vous prie de croire à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
(Source http://www.medef.fr, le 14 janvier 2003)