Déclaration de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur l'architecture, notamment l'enseignement et le fonctionnement des écoles d'architecture, la nomination d'un délégué à l'architecture et la campagne en faveur de la qualité architecturale, Paris le 27 novembre 2002.

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Circonstance : Rendez-vous de l'architecture au CNIT La Défense le 27 novembre 2002

Texte intégral

Messieurs les Présidents
Mesdames, Messieurs,
Voici la troisième édition des Rendez-vous de l'architecture. C'est d'abord l'occasion pour moi de vous retrouver ici, professionnels, journalistes, étudiants, amateurs d'architecture, et de vous dire à tous le plaisir que j'en éprouve.
Peut-être le savez vous : l'architecture tient une place forte dans mon histoire professionnelle, du CEMA, au centre Georges Pompidou en passant par l'ENSBA, institutions où, toujours il me tient à cur de promouvoir la culture de l'architecture et, surtout, le désir de l'architecture.
Le désir de l'architecture et celui de la qualité architecturale sont inséparables. Depuis 30 ans et plus peut être ils cheminent ensemble. La récente réalisation de la Médiathèque de Troyes conçue par Pierre du BESSET et Dominique LION en témoigne.
C'est à eux que je remettrai, en janvier, l'équerre d'argent qui couronne un remarquable travail. Ce désir de la qualité qui m'a conduit à vouloir que cette troisième édition des rendez-vous de l'architecture soit consacrée à la qualité architecturale en France et en Europe. Je remercie Jean-Paul Viguier et Jean-Marie Bockel d'avoir accepté la présidence de ces travaux.
La tâche paraît plus rude encore si l'on considère un certain éloignement de nos concitoyens. Même si la connaissance de l'architecture par les Français s'améliore, comme le révèle le sondage que vient de réaliser le Ministère avec le Groupe Moniteur, 60 % des personnes interrogées sont incapables de citer un seul architecte célèbre. Au demeurant, une majorité s'imagine que les architectes construisent essentiellement des bâtiments publics.
Ce désir, cette ambition doivent être ceux des maîtres d'ouvrage institutionnels, l'Etat, les Collectivités locales, les organismes qui construisent pour leur compte mais aussi, j'insiste sur ce point, les particuliers, nos concitoyens qui trop souvent pensent que l'architecture est pour les bâtiments publics, cultivent, définit des préventions diverses à l'égard de l'architecture et des architectes, architectes qu'ils connaissent mal ou pas du tout. Le sondage réalisé par mon Ministère avec le Groupe Le Moniteur ne révèle-t-il pas que 60 % des personnes interrogés sont incapables de citer un seul architecte.
Force est de constater qu'il y a aujourd'hui pour notre Ministère et sans doute pour d'autre, je pense notamment au Ministère de l'Education Nationale, une véritable nécessité à mieux réfléchir encore à l'acculturation de nos concitoyens à l'égard de l'architecture. Je pense également qu'il y a lieu aujourd'hui dans notre Ministère à mieux marquer une volonté politique dans la mise en uvre de la politique de l'Etat en matière d'architecture.
Et là aussi je tiens à vous rassurer je ne tiens pas à vous faire croire que tout naîtrait avec moi, je sais le travail qui a été accompli dans ce Ministère par mes prédécesseurs, les services, la DAPA, je sais leurs compétences mais je pense que nous pouvons et que nous devons aller plus loin encore.
Cet engagement accentué de l'Etat devra se marquer dans le domaine de l'enseignement et j'ai commencé dès le budget 2003 à marquer le soin tout particulier que j'attacherai au développement, à l'amélioration de l'enseignement de l'architecture dans notre pays et également aux conditions matérielles dans lesquelles cet enseignement se développera.
Pour 2003, j'ai obtenu une augmentation de 10% des crédits de fonctionnement des écoles d'architecture, qui accueillent plus de 17 000 étudiants, et une hausse de 60 % des moyens d'investissement pour les grosses réparations et les constructions neuves. C'est à ce titre notamment que nous avons pu mettre définitivement en route la réalisation de deux nouveaux sites pour des écoles d'architecture à Paris sur le site de Diderot et sur le site de la SUDAC. C'est un effort important dont je souhaite qu'il soit poursuivi au cours des prochaines années.
J'ai également voulu que la France se donne l'instrument d'une promotion forte de l'architecture. La capacité de l'IFA ayant atteint son terme dans ce domaine, j'ai décidé de donner corps au projet de Cité de l'Architecture et du Patrimoine.
J'ai enfin largement consulté les architectes et les professionnels de la construction. Ils m'ont fait part de leurs attentes et parfois de leurs impatiences, notamment à propos de la réforme de la loi de 1977 sur l'architecture. Je les ai entendus.
Si, par ailleurs, la qualité architecturale, comme composante essentielle du développement durable, s'impose à tous comme un enjeu de société de grande ampleur, j'observe que de l'habitat individuel au logement social en passant par les entrées de ville, les centres commerciaux, les constructions agricoles jusqu'aux infrastructures les plus importantes, ouvrages d'art, réseaux d'autoroutes, espaces publics aménagés, l'uniformisation trop importante de nos paysages témoigne malheureusement d'une autre réalité.
La commande publique, a pu certes donner à l'architecture contemporaine les moyens de construire de grands équipements. Mais la fonction de l'architecte ne se limite plus à l'acte de construire. Elle doit désormais investir tous les terrains où la qualité de la vie s'épanouit ou s'étiole : la ville, l'urbanisme, le paysage. Devant ces évolutions nécessaires, je souhaite infléchir profondément l'action de mon ministère.
En effet, dans le courant de 2003, je nommerai un Délégué à l'architecture auprès de la Direction de l'architecture et du patrimoine. Il sera l'interlocuteur privilégié des architectes et des professionnels de la construction. Il lui faudra notamment contribuer à la préparation de la réforme de la loi de 1977 sur l'architecture.
J'entends donner ainsi à notre société un cadre d'action modernisé où trouveront place les dimensions économiques, sociales et culturelles de l'architecture. La réforme qui aura pour objectif de multiplier les recours à la compétence des architectes, devra consacrer l'importance de l'acte architectural dans la réhabilitation du bâti, l'élaboration du projet urbain, la mise en valeur du paysage.
Les difficultés ne manquent pas. Le précédent projet de réforme a été, je le reconnais volontiers, le fruit d'un long travail. Il n'avait, nous le savons tous, que peu de chances d'aboutir devant le Parlement. Je souhaite donc qu'un nouveau débat s'appuie sur quelques grands principes et d'abord celui de la recherche de l'intérêt commun par le dialogue.
Dès à présent, afin de favoriser la prise de conscience de nos concitoyens, et de préparer en quelque sorte l'élaboration de cette réforme, j'ai souhaité lancer une grande campagne en faveur de la qualité architecturale. Articulée autour du slogan "Avec l'architecture donnons, ensemble, de la qualité à la vie" (projection derrière vous) elle développera cinq grands thèmes : la maison individuelle, l'immeuble, l'espace urbain, l'équipement public, l'espace commercial. Cette campagne s'adresse délibérément à un exclu du début, le grand public, ce grand public qui, en majorité, selon le sondage que j'ai mentionné, améliore sa vision des architectes, mais n'a que rarement eu recours à eux.
Ouvrir les esprits, éveiller l'intérêt, tel est l'objectif premier de notre campagne. Il nous faut entraîner nos concitoyens d'un a priori sceptique à une vision positive de la création et de l'innovation.
Cette campagne n'aurait pu être réalisée sans l'appui de partenaires publics ou privés, en particulier d'entreprises intéressées à l'environnement urbain ou maîtrisant une forte capacité d'information et de diffusion. Je veux citer : Carrefour, JC Decaux, la Fondation Electricité de France, Lafarge, Monoprix, Le Moniteur, France Télévisions, Radio France et la Délégation Interministérielle à la Ville. Je tiens à les remercier tout particulièrement pour cet engagement à nos côtés.
Pendant sept mois, des événements destinés au grand public viendront scander cette campagne partout en France. Je suis heureux de vous présenter en avant-première les affiches qui figureront dans cette vaste opération. (projection derrière vous)
Nous nous adresserons aux Français par une grande diversité de moyens. Pour la première fois en France un prix grand public de l'Architecture, fonctionnant sur le modèle du Livre Inter, organisé en partenariat avec Radio France, permettra aux usagers de couronner les réalisations architecturales contemporaines qu'ils préfèrent, en partenariat avec Radio-France.
Dans l'esprit qu'anime les Nouveaux Albums des Jeunes Architectes, une exposition consacrée à la jeune architecture a été conçue et réalisée par l'IFA. Elle est présentée ici même à l'occasion des Rendez-vous de l'Architecture. Elle se déplacera ensuite en France et en Europe, avec le concours de l'AFAA. A chaque étape, des rencontres professionnelles et des débats sur la jeune architecture prolongeront les échanges de ces deux journées avec une arrière-pensée qui m'est chère : permettre aux jeunes architectes un meilleur accès à la commande. C'est à cet effet que j'installerai le 10 décembre prochain, avec Michel Delebarre, maire de Dunkerque, président de l'Union sociale des HLM, un cercle de parrainage, regroupant des élus des collectivités et des grands maîtres d'ouvrage.
J'évoquerai enfin le rôle important que joue auprès de moi, la Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques dont nous célébrons aujourd'hui le 25ème anniversaire. Je souhaite m'appuyer plus encore sur cet organisme et renforcer son rôle en particulier dans le dialogue avec les autres administrations publiques. C'est ce que permettra la prochaine nomination d'un nouveau président à la mission.
Dans ce vaste panorama, j'entends faire naître une action cohérente et ambitieuse. En osmose avec la société française et les professionnels. Je souhaite donner à nos concitoyens, aux élus, aux décideurs un véritable désir d'architecture. De là dépend l'avenir de notre cadre de vie individuel et collectif.
Puisque ces Rendez-vous sont un fait européen, c'est sur ce plan que je voudrais conclure. Je m'engagerai pour que les pays partenaires de la France au sein de l'Union considèrent enfin tous, l'architecture comme un élément fondamental de l'exception culturelle et non comme un banal service marchand. Elle a une dimension économique, les architectes la revendiquent, mais elle ne peut s'y réduire.
Je suis certain que ces Rendez-vous renforceront cette démarche et cette conviction. Je vous remercie.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 29 novembre 2002)