Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la politique menée par le gouvernement pour développer les énergies renouvelables, Paris le 29 mai 2000.

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Circonstance : 2ème colloque du Syndicat des énergies renouvelables à Paris le 29 mai 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Ouvrir les travaux de votre colloque est pour moi l'occasion de faire avec vous le point de l'action du Gouvernement pour le développement des énergies renouvelables. Je dis bien développement. Car dès notre arrivée aux responsabilités, en même temps que nous confirmions notre attachement à l'énergie nucléaire, nous avons réorienté notre politique en faveur des énergies renouvelables.
Dans un souci d'efficacité économique, pour conforter notre indépendance énergétique, pour contribuer à la protection de l'environnement et à la lutte contre l'effet de serre, afin aussi de remplacer de l'énergie importée par des emplois locaux, le Gouvernement a voulu refaire de la politique d'utilisation rationnelle de l'énergie une priorité nationale. Nous avons alors doté l'ADEME d'un demi milliard de francs par an afin de lui permettre de traduire concrètement cette relance. Et les énergies renouvelables contribuent aujourd'hui à hauteur de 12% à la consommation d'énergie en France, essentiellement à partir de l'énergie hydraulique. Ce pourcentage est élevé en Europe. C'est donc à tort que nous sommes parfois jugés en retard.
Il est vrai en revanche que jusqu'en 1999 nous n'avons eu recours que de façon marginale aux énergies solaire et éolienne ou à la géothermie. C'est évidemment ces énergies qu'il nous faut aujourd'hui développer.
Pour y parvenir le Gouvernement s'est doté de nouveaux instruments.
Madame Dominique VOYNET et Monsieur Christian PIERRET, qui interviendront devant vous tout à l'heure, se sont attachés à les mettre en place.
Nous veillons au soutien économique des énergies renouvelables. Bien sûr, le cadre de la loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité est primordial. Nous avons voulu garantir les débouchés de l'électricité produite à partir de nouvelles énergies renouvelables. Ainsi sont prévus des appels d'offre dans le cadre pluriannuel des investissements énergétiques et une obligation d'achat en dessous de 12 mégawatts dont le tarif doit tenir compte des coûts évités. J'y reviendrai.
Sur le plan fiscal, la réduction à 5,5% du taux de TVA pour les installations faisant appel aux énergies renouvelables dans l'habitat de plus de deux ans est une première étape. Il faut aller plus loin en ce domaine.
Ces mesures s'inscrivent dans une politique globale conduite dans la durée.
Nous avons adopté en novembre dernier un programme national de lutte contre le changement climatique. Afin de respecter nos engagements internationaux, nous avons décidé d'un soutien accru à la production d'électricité éolienne. Ainsi à l'horizon 2010, nous nous sommes fixé un objectif de 3000 mégawatts, soit plus du double du chiffre initialement prévu. Cela représentera une économie de 400.000 tonnes équivalent carbone en 2010. Nous avons également incité EDF à la diffusion d'installations de combustion performante au bois et voulu préparer l'avenir en ce qui concerne la biomasse.
Les énergies renouvelables peuvent contribuer à l'aménagement du territoire.
Elles font pour la première fois l'objet d'un contrat de plan spécifique entre l'ADEME et les régions. Son volet financier est de l'ordre de 300 millions de francs par an. Notre objectif est d'améliorer la compétitivité des filières technologiques et d'accroître sur la période de 1 million et demi de tonnes équivalent pétrole la contribution des énergies renouvelables. Les régions ont répondu très positivement à cette offre de l'Etat. Elles mobiliseront chaque année plus de 120 millions de francs supplémentaires pour cette politique.
Le schéma des services collectifs de l'énergie permettra de donner une impulsion à long terme. Le CIADT que j'ai présidé la semaine dernière en a défini les grands axes. Ce schéma développera la dimension territoriale de la politique de l'énergie en veillant à sa compatibilité avec la stabilisation des émissions des gaz à effet de serre. Des bilans énergétiques locaux et interrégionaux permettront de choisir au mieux les implantations locales. Ce schéma sera, avec l'ensemble des schémas de services collectifs, soumis à la consultation des régions en septembre prochain et définitivement adopté par le Gouvernement au printemps 2001. Pour la première fois, la France disposera d'un instrument de planification territoriale sur l'énergie. Ce schéma fera, je n'en doute pas, une bien meilleure place aux énergies renouvelables car aujourd'hui élus et citoyens expriment une vraie demande à cet égard.
Nous travaillons à renforcer les instruments internationaux de notre action. Nous plaidons ainsi tant au sein du fonds de l'environnement mondial que dans un cadre bilatéral pour que des financements accrus soient accordés aux pays en voie de développement. Le marché du photovoltaïque est encore insuffisamment développé. Dans ces pays où l'effet de serre devient une préoccupation environnementale majeure, nous devons mettre en chantier des programmes exemplaires.
Nous avons ainsi commencé de mieux mettre en valeur l'important potentiel de la France.
D'abord dans les départements d'outre mer. C'est là que beaucoup d'entre vous ont commencé leurs activités industrielles. La Guadeloupe présente ainsi tout l'éventail des énergies renouvelables. Et la Réunion a développé de façon remarquable la production d'électricité à partir de la bagasse dans les deux centrales de Bois-Rouge et du Gol.
Mais l'ensemble de notre territoire offre des atouts considérables par son relief et son exposition.
C'est vrai de la production d'énergie éolienne. En trois ans, des programmes spécifiques ont permis de la relancer. EOLE 2005 est déjà bien avancé, puisque près de 60 projets ont été retenus pour une capacité de 400 mégawatts. La puissance éolienne totale installée d'ici la fin de cette année sera de 100 mégawatts.
C'est aussi vrai de la biomasse.
Notre forêt est la première d'Europe. C'est un gisement exceptionnel qu'il nous faut mieux exploiter. Nous produisons déjà près de 10 millions de tonnes équivalent de pétrole -TEP-, soit 5% de notre bilan énergétique, et une valeur de 10 milliards de francs. Les tempêtes du mois de janvier ont durement frappé ce patrimoine et nous ont conduits à renforcer les moyens consacrés par l'ADEME au développement de cette filière, notamment pour le chauffage collectif et individuel. L'objectif du Gouvernement est de parvenir d'ici 2006 à économiser ou substituer par le bois énergie 500000 TEP supplémentaires. Nous éviterons ainsi chaque année l'émission de 2 millions de tonnes de CO2, tout en créant 3000 emplois.
Le lancement du " programme pilote biocarburants " en 1992 était un pari. Il est tenu au-delà de nos espérances. En huit ans, le développement de ces filières s'est traduit par la création de cinq unités industrielles, la création de 4000 emplois, la substitution de près de 300 000 TEP par an et la mise en culture de 250 000 hectares de terres qui ont ainsi échappé à la jachère. C'est pourquoi, même si le cadre communautaire ne permet pas, à ce stade, de développer à grande échelle la filière des biocarburants, je souhaite poursuivre de façon raisonnée ce programme pilote. A ma demande, Christian PIERRET et Jean GLAVANY ont mis en place une mission d'étude pour évaluer, au vu des gains de productivité déjà réalisés, l'intérêt de nouvelles unités. Ses recommandations sont attendues avant la fin du mois de juin. D'autres énergies devront également être développées, comme le biogaz, qui permettra en même temps de diversifier les modes d'élimination des déchets.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, un certain nombre de souhaits pour l'avenir. Et je crois, comme vous, que nous pouvons faire mieux encore.
Pour donner une nouvelle impulsion, nous avons engagé une réflexion prospective.
C'est une véritable industrie des énergies renouvelables qu'il nous faut développer. Depuis trois ans, nous avons bâti de nouvelles bases législatives et réglementaires dans le domaine énergétique. Alors que le contexte économique s'est libéralisé, nous nous sommes fixé des objectifs de plus en plus exigeants en matière d'énergie propre. Il nous faut donc vous aider à devenir plus compétitifs. Il ne s'agit plus seulement de subventionner votre secteur, pour le maintenir dans une logique d'appoint mais de vous aider à conquérir des marchés dont l'importance a été trop longtemps sous estimée. Je veux rendre hommage aux pionniers qui sont dans cette salle. Votre activité industrielle a parfois été considérée comme essentiellement ludique, alors qu'elle foisonne d'innovations qui feront le monde de demain.
Sur ce sujet, Monsieur Yves COCHET a bien voulu poursuivre la mission qui avait été confiée par le Gouvernement à Monsieur Guy HASCOET. Il me remettra son rapport au mois de juillet. Je sais qu'il a enquêté chez nos voisins européens et que, comme vous, Monsieur le Président, il considère qu'un cadre législatif comparable à celui que vient d'arrêter le Gouvernement allemand serait le bienvenu en France. Nous en discuterons le jour venu sur la base de ce rapport.
Nous pouvons dès aujourd'hui explorer quelques pistes nouvelles.
Il nous faut réviser à la hausse nos objectifs. Le " plan soleil " de l'ADEME doit être dynamisé. La révision du programme national de lutte contre l'effet de serre peut être l'occasion de passer à la vitesse supérieure pour l'énergie éolienne. Dans ce domaine notre pays dispose des meilleures technologies et de sociétés compétitives, qui doivent être soutenues par d'autres producteurs d'énergie, comme par exemple FRAMATOME. Nous devons mieux exploiter ces atouts pour rester au niveau de nos partenaires européens.
Nous voulons exploiter pleinement le cadre législatif existant. Le Gouvernement veillera à ce que les dispositions de la loi du 10 février 2000, destinées à vous soutenir, n'entravent pas vos activités par une politique tarifaire contraignante. Cette loi pose déjà le principe d'achat par EDF de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables pour les installations d'une puissance allant jusqu'à 12 mégawatts. Je signerai avant l'été le décret précisant les énergies renouvelables qui bénéficient de cette obligation d'achat et celui qui concerne les tarifs applicables. Le seuil d'éligibilité sera le seuil maximum prévu par la loi. J'ai compris que votre inquiétude portait sur le niveau du tarif privilégié. Croyez que nous serons attentifs à ce qu'il vous offre les débouchés les plus larges possibles.
L'outre mer restera à l'avant garde de cette politique. La loi d'orientation qui est actuellement discutée renforcera les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale pour les entreprises produisant ou installant des matériels nécessaires à la production d'énergies renouvelables, et ce quel que soit le nombre de leurs salariés. Par ailleurs, des dispositions de soutien à l'investissement, aussi avantageuses que par le passé, sont en ce moment mises au point dans un groupe de travail. Notre objectif est de les rendre applicables dès 2001.
La Présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de nouvelles avancées. Après des consultations approfondies, la Commission présentera demain au Conseil de l'énergie un projet de directive portant sur la partie électrique du secteur énergétique. Cette directive est l'aboutissement du travail engagé avec un livre blanc qui, en 1998, avait fixé l'objectif de doubler d'ici 2010 la contribution des énergies renouvelables au bilan européen. Nous mettrons tout en oeuvre, sous notre prochaine Présidence, pour faire adopter ce texte. Nous avons travaillé à rapprocher les positions françaises avec celles de la Commission. Nous parviendrons sûrement à un accord sur des objectifs quantifiés, qui devront approcher 20% de la production en 2010. A cette date, des centrales éoliennes produisant un total de 1000 mégawatts par an pourraient ainsi être raccordées au réseau. Par ailleurs, je veillerai à ce que l'encadrement communautaire des aides d'Etat dans le domaine de l'environnement ne pénalise pas l'énergie bois, la géothermie et l'énergie solaire. Nous nous efforcerons enfin de surmonter, sous notre Présidence, le délicat problème du taux de la TVA pour la vente de chaleur produite à partir de ces énergies.
Mesdames, Messieurs,
Il est aujourd'hui impératif d'inscrire pleinement notre démarche dans celle d'un développement durable de notre pays. L'avenir de nos sociétés repose sur cet équilibre entre protection de l'environnement et production. Or les énergies renouvelables allient justement les plus hautes technologies avec les éléments naturels. Certes, elles peuvent poser de nouveaux problèmes d'environnement, en particulier lorsque, dans un souci excessif de la productivité, les installations éoliennes occupent des sites remarquables -en pleine montagne et sur le littoral- et protégés. Il nous faut donc concilier utilisation des énergies naturelles et protection des sites. Les fermes éoliennes peuvent modeler demain nos paysage sans les défigurer. C'est affaire de pédagogie et de démocratie : nous devrons ensemble convaincre. Vous êtes sur le terrain parmi les principaux acteurs de cette oeuvre collective. Le savoir-faire industriel et technologique que vous incarnez compte parmi les richesses de notre pays. Le Gouvernement sera à vos côtés pour franchir cette nouvelle étape du développement des énergies renouvelables.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 mai 2000)