Texte intégral
C'est avec un grand plaisir que je me trouve aujourd'hui parmi vous, à l'occasion de ce colloque sur la propriété industrielle et les entreprises.
En tant que ministre déléguée à l'industrie, je ne répéterai jamais assez l'importance de la propriété industrielle pour les entreprises, qu'elles soient grandes ou petites.
La propriété Industrielle, joue un rôle grandissant dans l'économie de nos sociétés fondée sur le savoir et le développement des échanges internationaux. Elle constitue aujourd'hui, c'est indéniable, l'outil indispensable pour les entreprises : c'est une des conditions de leur survie dans la compétition internationale de plus en plus forte que se livrent les entreprises dans le monde.
Le constat aujourd'hui en termes de diffusion de la propriété industrielle en France est mitigé. Parce que les brevets sont indispensables pour favoriser l'innovation, et parce que sans innovation, notre économie ne peut survivre, le gouvernement français est décidé à agir résolument en faveur d'une meilleure connaissance des atouts stratégiques que constitue la propriété industrielle.
Il s'agit pour notre pays de devenir dans ce domaine un pôle d'excellence au sein de l'Europe.
La France a été l'un des pays fondateurs des grands textes régissant la propriété intellectuelle dans le monde ; elle est membre de tous les organismes mondiaux consacrés à la propriété industrielle. La conception française est défendue par plusieurs de nos compatriotes, qui occupent aujourd'hui des postes éminents à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, à l'Office Européen des Brevets ou encore à l'Office de l'Harmonisation dans le Marché Intérieur. Notre dispositif législatif et réglementaire, en matière de lutte contre la contrefaçon ou en matière de délivrance de brevets, figure par ailleurs parmi les plus efficaces et les plus développés du monde.
Néanmoins, vous le savez, la France souffre de plusieurs handicaps. Le diagnostic est connu. Nous avons par rapport à nos principaux concurrents un retard important en matière de dépôts nationaux de brevets. Alors que la Grande-Bretagne ou l'Allemagne déposent respectivement 23 000 et 43000 brevets nationaux, la France n'affiche qu'un résultat modeste de 17 000 brevets nationaux déposés chaque année. C'est tout à fait insuffisant.
Plus grave encore : alors que le nombre de dépôts de brevets n'a guère augmenté depuis 10 ans en France, aux Etats-Unis il a doublé. Et même si la France reste le deuxième déposant européen, et le cinquième à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, ces comparaisons nous montrent l'étendue du chemin qu'il nous reste à parcourir.
Ces résultats mitigés et parfois contradictoires se retrouvent au niveau européen. L'Europe est le seul continent qui ait réussi une harmonisation régionale de ses systèmes de dépôts et de délivrance de titres. Ce système est performant. L'Europe des 15 se situe au même rang que les Etats-Unis en termes de dépôts de brevets internationaux. Mais, dans le même temps, le rythme de croissance des dépôts en Europe reste nettement en retrait par rapport à celui de ses principaux concurrents, Etats-Unis, Japon, mais aussi Chine, Corée du Sud ou Australie. Le système du brevet en Europe reste aujourd'hui trop cher et trop complexe : il souffre d'un manque grave de cohérence judiciaire.
La France et l'Europe peuvent mieux faire. En France, nous disposons du savoir-faire, des connaissances, des talents et des capacités intellectuelles pour améliorer ces résultats. Nous devons donc nous donner les moyens de relever le défi de la propriété industrielle.
En association étroite avec Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche, je travaille actuellement sur un plan en faveur de l'innovation. Innovation et propriété industrielle sont profondément imbriquées. Les dispositions que j'entends mettre en oeuvre en faveur de la propriété industrielle constituent un deuxième volet de la démarche du Gouvernement en faveur d'une compétitivité accrue de l'entreprise France.
Le constat, nous l'avons vu, est décevant. Il l'est tout autant en Europe.
En Europe, il faut avant tout réduire les coûts d'accès au brevet, unifier le système judiciaire et renforcer le rôle de l'Office Européen des Brevets.
Réduire le coût d'accès du brevet signifie d'abord réduire les taxes des offices : l'Institut National de la Propriété Industrielle l'a fait en 2000, et l'Office Européen des Brevets dès 1997. Il faut continuer. Je salue d'ailleurs, à cet égard, l'initiative de l'Institut National de la Propriété Industrielle qui proposera dès janvier prochain le dépôt électronique gratuit des brevets.
Plus particulièrement, il s'agit de réduire les coûts de traduction : ceux-ci constituent près de 40 % du coût d'accès au brevet européen. L'accord de Londres a pour principal mérite de réduire le coût du brevet européen en supprimant un certain nombre de traductions. Le Gouvernement étudie actuellement les mesures d'accompagnement qui permettraient d'engager la ratification de ce texte, dans un climat dépassionné, au cours du premier semestre 2003. Il faut en effet absolument éviter que le coût d'un brevet européen devienne prohibitif dans une Europe élargie.
La place du français est confortée dans l'accord de Londres, puisque celui-ci stipule que les "revendications", c'est-à-dire le coeur juridique du brevet, continueront à devoir être traduites dans les trois langues officielles : le français, l'anglais, l'allemand.
Ceci veut dire concrètement que tous les brevets déposés en français seront valables notamment chez nos deux principaux partenaires économiques (Allemagne et Grande-Bretagne) sans qu'il y ait besoin de les traduire. C'est un encouragement considérable pour nos entreprises, notamment les PME, à déposer plus de brevets au niveau européen.
Il est par ailleurs essentiel de maintenir et conforter les acquis réalisés ces trente dernières années par l'Office Européen des Brevets. La procédure unique de délivrance du brevet en Europe est une réussite essentielle de la construction européenne. Notre pays y est particulièrement attaché. C'est pourquoi, la France présente la candidature du Professeur Alain Pompidou - dont je salue la présence parmi nous aujourd'hui - à la présidence de l'Office Européen des Brevets. L'expérience scientifique, politique et internationale du Professeur Pompidou, notamment à mes côtés en tant que député européen, me paraît essentielle pour la direction d'une maison qui comptera prochainement 28 membres et qui reçoit près de 200 000 dépôts chaque année.
En présentant un candidat à ce poste qui n'a jamais été auparavant occupé par un Français, nous prouvons notre profond attachement à l'Office Européen des Brevets.
Pour oeuvrer de façon déterminante en faveur d'une Europe, pôle d'excellence en matière de propriété industrielle, encore faut-il que la France montre l'exemple, et que nos entreprises prennent pleinement conscience des enjeux de la propriété industrielle. Tel est l'objet du colloque d'aujourd'hui et je me félicite que vous ayez pu travailler sur ce thème ce matin.
C'est pourquoi j'ai choisi de présenter aujourd'hui, devant vous, les mesures du plan d'action en faveur de la propriété industrielle que j'ai initié.
Quelles sont les mesures concrètes de ce plan ?
Il s'agit avant tout de faciliter l'accès à la propriété industrielle, et notamment au brevet. Car à bien des égards, le système des brevets apparaît encore à nos PME et à certains centres de recherche comme opaque, complexe et peu adapté à leurs besoins.
Il nous faut rapidement changer cet état d'esprit car la protection est d'autant plus importante que les entreprises sont de taille modeste et qu'elles opèrent sur un marché innovant.
Très schématiquement, notre plan d'action se décline en trois volets principaux.
I- Actions en faveur de la formation
Le premier volet de notre plan a trait aux actions en faveur de la formation. La formation constitue un élément essentiel dans la promotion de la propriété industrielle. Et si le niveau de nos professionnels est tout à fait comparable à celui de nos homologues étrangers, la France souffre en revanche d'un véritable déficit de connaissance et de sensibilisation à ces sujets pendant la formation initiale.
Ce déficit, il nous faut le combler au plus vite. Nous voulons donc sensibiliser un public assez large, constitué de tous les futurs cadres de l'économie française, les élèves des écoles d'ingénieur, de commerce, de gestion, les étudiants des universités, à la nécessité de l'émergence d'une véritable culture de la propriété industrielle. Il est essentiel que chacun connaisse les principes de base de cet outil.
Notre objectif est que d'ici 2005, 50 % des étudiants des quelque 300 écoles d'ingénieurs et des 150 écoles de management que compte la France, soient sensibilisés. Cet objectif est ambitieux compte tenu des faibles taux actuels. Mais, il est tout à fait réalisable si tout le monde se mobilise.
Il faut également - et c'est le deuxième aspect - encourager la formation d'un plus grand nombre de spécialistes de la propriété industrielle, que ceux-ci travaillent au sein des entreprises ou à titre libéral.
La France dispose déjà d'un centre de formation de haut niveau à Strasbourg, le Centre d'Etude International de la Propriété Industrielle. J'ai lancé une étude de faisabilité sur l'opportunité et les conditions à réunir pour un deuxième centre qui serait également adossé à un établissement d'enseignement supérieur et qui permettrait de répondre aux besoins croissants en la matière. Comme toute structure de formation de haut niveau, ce futur centre devra être aussi un lieu de recherche et de débat, ouvert aux meilleurs spécialistes mondiaux et ayant pour vocation de traiter toutes les grandes questions de la propriété industrielle.
II- Actions de terrain
Le second volet de notre plan pour la propriété industrielle est constitué d'actions sur le terrain, que nous allons mener au plus près des acteurs concernés, c'est-à-dire les entreprises.
Cette démarche sera conduite dans les régions en association avec les collectivités territoriales et les divers réseaux existants. Elle s'adresse aux petites et moyennes entreprises.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit essentiellement de leur proposer une nouvelle prestation que nous avons baptisée "pré-diagnostic propriété industrielle".
Les entreprises pourront disposer, pendant un à deux jours d'un expert en propriété industrielle, et ce pour une somme modique, en partie financée par des fonds régionaux. Cet expert viendra sur place et aidera les chefs d'entreprises à dresser un état des savoir-faire, des procédés ou des techniques, susceptibles d'être brevetables. Le dirigeant d'entreprise restera alors libre d'y donner suite, en toute connaissance de cause.
III- Actions de communication
Le troisième volet de notre plan en faveur de la propriété industrielle correspond à un important effort de communication, en direction de tous les acteurs de la propriété industrielle.
L'Institut National de la Propriété Industrielle joue à cet égard un rôle majeur. Il réalise déjà un effort important de communication. Cet effort, nous devons le développer et communiquer selon deux axes prioritaires :
- Le premier axe est celui de la lutte contre la contrefaçon.
La contrefaçon est devenue un véritable cancer pour l'économie française. Non seulement, elle provoque la destruction d'environ 30 000 emplois en concurrençant de façon déloyale nos entreprises, mais elle engendre aussi un véritable problème de sécurité pour les consommateurs.
En effet, il est aujourd'hui facile de trouver sur le marché des copies de pièces détachées d'automobiles, de jouets, voire même de médicaments.
Face à cette évolution intolérable et dangereuse, j'ai souhaité relancer le Comité national anti-contrefaçon. Ce comité a pour principal avantage de réunir des représentants de l'ensemble des administrations concernées et des acteurs privés.
J'en ai confié la présidence à François d'Aubert, député de la Mayenne et ancien ministre, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, et notamment sur le problème du blanchiment de l'argent sale. Je l'ai chargé de me proposer, d'ici la fin de l'année, un état des lieux et un plan d'action pour 2003. Ce plan détaillera les actions en termes de formation, de sensibilisation et de coopération que nous devons mener avec l'Europe et les pays concernés par ce fléau.
- Le deuxième axe de communication concerne le rôle clef que jouent les professionnels de la propriété industrielle.
Nous devons faire un effort particulier dans ce domaine afin d'expliquer le rôle de ces acteurs fondamentaux de la propriété industrielle. Je pense qu'il faut notamment mettre l'accent sur le rôle joué par les conseils en propriété industrielle.
Nous organiserons donc deux campagnes majeures de communication dans ces domaines à partir de 2003.
Le chantier de la propriété industrielle est vaste et complexe. Il revêt de multiples facettes.
Je mentionnerai par exemple la nécessaire amélioration de l'efficacité de notre système juridictionnel en matière de propriété industrielle : les entreprises, et notamment les PME, considèrent que la protection judiciaire des droits de propriété industrielle, brevets et marques, est complexe et peu efficace. Ceci provient essentiellement de la durée des procédures, de l'incohérence de certains jugements et aussi de la faiblesse des sanctions infligées aux contrevenants. C'est un domaine dans lequel nous devons agir résolument. J'ai d'ailleurs saisi mon collègue, Garde des Sceaux, et nos deux ministères ont commencé leurs travaux. Il s'agit entre autres de spécialiser davantage les tribunaux en matière de propriété industrielle et de mieux former les magistrats à ces enjeux.
La modernisation indispensable de la profession de conseil en propriété industrielle est un autre aspect important sur lequel nous voulons agir. Il s'agit de faire en sorte que les professionnels français disposent des mêmes atouts que leurs concurrents étrangers en terme par exemple de règles déontologiques et en terme de capacité à répondre à l'ensemble des besoins des entreprises.
Il apparaît tout aussi essentiel de développer le rôle des instances de concertation. Je vais très prochainement transmettre au Conseil d'Etat un projet de décret qui modifie le rôle et la composition du conseil d'administration de l'Institut National de la Propriété Industrielle. Il est également prévu de rénover l'actuel Conseil Supérieur en Propriété Industrielle en le rendant plus représentatif des acteurs de la propriété industrielle, notamment les entreprises petites et moyennes, et en lui permettant de jouer pleinement son rôle d'instance de débats et de concertation sur tous les grands sujets de la propriété industrielle.
Voilà en quelques mots, l'essentiel des dispositions du plan d'action que j'entends mettre en oeuvre au service de la propriété industrielle en France. Vous avez à votre disposition un dossier plus complet, détaillant l'ensemble des mesures que nous prenons en faveur d'un meilleur accès des entreprises et des professionnels à la propriété industrielle.
Au risque de me répéter, je conclurai en vous disant que la propriété industrielle est fondamentalement au coeur des processus industriels. Sans brevet et sans protection des inventions, il n'y a pas d'innovation. Et sans innovation, il n'y a pas de croissance ni de développement. Je compte sur vous pour relayer ce message fort sur le terrain, au plus près des acteurs concernés.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 29 novembre 2002)
En tant que ministre déléguée à l'industrie, je ne répéterai jamais assez l'importance de la propriété industrielle pour les entreprises, qu'elles soient grandes ou petites.
La propriété Industrielle, joue un rôle grandissant dans l'économie de nos sociétés fondée sur le savoir et le développement des échanges internationaux. Elle constitue aujourd'hui, c'est indéniable, l'outil indispensable pour les entreprises : c'est une des conditions de leur survie dans la compétition internationale de plus en plus forte que se livrent les entreprises dans le monde.
Le constat aujourd'hui en termes de diffusion de la propriété industrielle en France est mitigé. Parce que les brevets sont indispensables pour favoriser l'innovation, et parce que sans innovation, notre économie ne peut survivre, le gouvernement français est décidé à agir résolument en faveur d'une meilleure connaissance des atouts stratégiques que constitue la propriété industrielle.
Il s'agit pour notre pays de devenir dans ce domaine un pôle d'excellence au sein de l'Europe.
La France a été l'un des pays fondateurs des grands textes régissant la propriété intellectuelle dans le monde ; elle est membre de tous les organismes mondiaux consacrés à la propriété industrielle. La conception française est défendue par plusieurs de nos compatriotes, qui occupent aujourd'hui des postes éminents à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, à l'Office Européen des Brevets ou encore à l'Office de l'Harmonisation dans le Marché Intérieur. Notre dispositif législatif et réglementaire, en matière de lutte contre la contrefaçon ou en matière de délivrance de brevets, figure par ailleurs parmi les plus efficaces et les plus développés du monde.
Néanmoins, vous le savez, la France souffre de plusieurs handicaps. Le diagnostic est connu. Nous avons par rapport à nos principaux concurrents un retard important en matière de dépôts nationaux de brevets. Alors que la Grande-Bretagne ou l'Allemagne déposent respectivement 23 000 et 43000 brevets nationaux, la France n'affiche qu'un résultat modeste de 17 000 brevets nationaux déposés chaque année. C'est tout à fait insuffisant.
Plus grave encore : alors que le nombre de dépôts de brevets n'a guère augmenté depuis 10 ans en France, aux Etats-Unis il a doublé. Et même si la France reste le deuxième déposant européen, et le cinquième à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, ces comparaisons nous montrent l'étendue du chemin qu'il nous reste à parcourir.
Ces résultats mitigés et parfois contradictoires se retrouvent au niveau européen. L'Europe est le seul continent qui ait réussi une harmonisation régionale de ses systèmes de dépôts et de délivrance de titres. Ce système est performant. L'Europe des 15 se situe au même rang que les Etats-Unis en termes de dépôts de brevets internationaux. Mais, dans le même temps, le rythme de croissance des dépôts en Europe reste nettement en retrait par rapport à celui de ses principaux concurrents, Etats-Unis, Japon, mais aussi Chine, Corée du Sud ou Australie. Le système du brevet en Europe reste aujourd'hui trop cher et trop complexe : il souffre d'un manque grave de cohérence judiciaire.
La France et l'Europe peuvent mieux faire. En France, nous disposons du savoir-faire, des connaissances, des talents et des capacités intellectuelles pour améliorer ces résultats. Nous devons donc nous donner les moyens de relever le défi de la propriété industrielle.
En association étroite avec Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche, je travaille actuellement sur un plan en faveur de l'innovation. Innovation et propriété industrielle sont profondément imbriquées. Les dispositions que j'entends mettre en oeuvre en faveur de la propriété industrielle constituent un deuxième volet de la démarche du Gouvernement en faveur d'une compétitivité accrue de l'entreprise France.
Le constat, nous l'avons vu, est décevant. Il l'est tout autant en Europe.
En Europe, il faut avant tout réduire les coûts d'accès au brevet, unifier le système judiciaire et renforcer le rôle de l'Office Européen des Brevets.
Réduire le coût d'accès du brevet signifie d'abord réduire les taxes des offices : l'Institut National de la Propriété Industrielle l'a fait en 2000, et l'Office Européen des Brevets dès 1997. Il faut continuer. Je salue d'ailleurs, à cet égard, l'initiative de l'Institut National de la Propriété Industrielle qui proposera dès janvier prochain le dépôt électronique gratuit des brevets.
Plus particulièrement, il s'agit de réduire les coûts de traduction : ceux-ci constituent près de 40 % du coût d'accès au brevet européen. L'accord de Londres a pour principal mérite de réduire le coût du brevet européen en supprimant un certain nombre de traductions. Le Gouvernement étudie actuellement les mesures d'accompagnement qui permettraient d'engager la ratification de ce texte, dans un climat dépassionné, au cours du premier semestre 2003. Il faut en effet absolument éviter que le coût d'un brevet européen devienne prohibitif dans une Europe élargie.
La place du français est confortée dans l'accord de Londres, puisque celui-ci stipule que les "revendications", c'est-à-dire le coeur juridique du brevet, continueront à devoir être traduites dans les trois langues officielles : le français, l'anglais, l'allemand.
Ceci veut dire concrètement que tous les brevets déposés en français seront valables notamment chez nos deux principaux partenaires économiques (Allemagne et Grande-Bretagne) sans qu'il y ait besoin de les traduire. C'est un encouragement considérable pour nos entreprises, notamment les PME, à déposer plus de brevets au niveau européen.
Il est par ailleurs essentiel de maintenir et conforter les acquis réalisés ces trente dernières années par l'Office Européen des Brevets. La procédure unique de délivrance du brevet en Europe est une réussite essentielle de la construction européenne. Notre pays y est particulièrement attaché. C'est pourquoi, la France présente la candidature du Professeur Alain Pompidou - dont je salue la présence parmi nous aujourd'hui - à la présidence de l'Office Européen des Brevets. L'expérience scientifique, politique et internationale du Professeur Pompidou, notamment à mes côtés en tant que député européen, me paraît essentielle pour la direction d'une maison qui comptera prochainement 28 membres et qui reçoit près de 200 000 dépôts chaque année.
En présentant un candidat à ce poste qui n'a jamais été auparavant occupé par un Français, nous prouvons notre profond attachement à l'Office Européen des Brevets.
Pour oeuvrer de façon déterminante en faveur d'une Europe, pôle d'excellence en matière de propriété industrielle, encore faut-il que la France montre l'exemple, et que nos entreprises prennent pleinement conscience des enjeux de la propriété industrielle. Tel est l'objet du colloque d'aujourd'hui et je me félicite que vous ayez pu travailler sur ce thème ce matin.
C'est pourquoi j'ai choisi de présenter aujourd'hui, devant vous, les mesures du plan d'action en faveur de la propriété industrielle que j'ai initié.
Quelles sont les mesures concrètes de ce plan ?
Il s'agit avant tout de faciliter l'accès à la propriété industrielle, et notamment au brevet. Car à bien des égards, le système des brevets apparaît encore à nos PME et à certains centres de recherche comme opaque, complexe et peu adapté à leurs besoins.
Il nous faut rapidement changer cet état d'esprit car la protection est d'autant plus importante que les entreprises sont de taille modeste et qu'elles opèrent sur un marché innovant.
Très schématiquement, notre plan d'action se décline en trois volets principaux.
I- Actions en faveur de la formation
Le premier volet de notre plan a trait aux actions en faveur de la formation. La formation constitue un élément essentiel dans la promotion de la propriété industrielle. Et si le niveau de nos professionnels est tout à fait comparable à celui de nos homologues étrangers, la France souffre en revanche d'un véritable déficit de connaissance et de sensibilisation à ces sujets pendant la formation initiale.
Ce déficit, il nous faut le combler au plus vite. Nous voulons donc sensibiliser un public assez large, constitué de tous les futurs cadres de l'économie française, les élèves des écoles d'ingénieur, de commerce, de gestion, les étudiants des universités, à la nécessité de l'émergence d'une véritable culture de la propriété industrielle. Il est essentiel que chacun connaisse les principes de base de cet outil.
Notre objectif est que d'ici 2005, 50 % des étudiants des quelque 300 écoles d'ingénieurs et des 150 écoles de management que compte la France, soient sensibilisés. Cet objectif est ambitieux compte tenu des faibles taux actuels. Mais, il est tout à fait réalisable si tout le monde se mobilise.
Il faut également - et c'est le deuxième aspect - encourager la formation d'un plus grand nombre de spécialistes de la propriété industrielle, que ceux-ci travaillent au sein des entreprises ou à titre libéral.
La France dispose déjà d'un centre de formation de haut niveau à Strasbourg, le Centre d'Etude International de la Propriété Industrielle. J'ai lancé une étude de faisabilité sur l'opportunité et les conditions à réunir pour un deuxième centre qui serait également adossé à un établissement d'enseignement supérieur et qui permettrait de répondre aux besoins croissants en la matière. Comme toute structure de formation de haut niveau, ce futur centre devra être aussi un lieu de recherche et de débat, ouvert aux meilleurs spécialistes mondiaux et ayant pour vocation de traiter toutes les grandes questions de la propriété industrielle.
II- Actions de terrain
Le second volet de notre plan pour la propriété industrielle est constitué d'actions sur le terrain, que nous allons mener au plus près des acteurs concernés, c'est-à-dire les entreprises.
Cette démarche sera conduite dans les régions en association avec les collectivités territoriales et les divers réseaux existants. Elle s'adresse aux petites et moyennes entreprises.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit essentiellement de leur proposer une nouvelle prestation que nous avons baptisée "pré-diagnostic propriété industrielle".
Les entreprises pourront disposer, pendant un à deux jours d'un expert en propriété industrielle, et ce pour une somme modique, en partie financée par des fonds régionaux. Cet expert viendra sur place et aidera les chefs d'entreprises à dresser un état des savoir-faire, des procédés ou des techniques, susceptibles d'être brevetables. Le dirigeant d'entreprise restera alors libre d'y donner suite, en toute connaissance de cause.
III- Actions de communication
Le troisième volet de notre plan en faveur de la propriété industrielle correspond à un important effort de communication, en direction de tous les acteurs de la propriété industrielle.
L'Institut National de la Propriété Industrielle joue à cet égard un rôle majeur. Il réalise déjà un effort important de communication. Cet effort, nous devons le développer et communiquer selon deux axes prioritaires :
- Le premier axe est celui de la lutte contre la contrefaçon.
La contrefaçon est devenue un véritable cancer pour l'économie française. Non seulement, elle provoque la destruction d'environ 30 000 emplois en concurrençant de façon déloyale nos entreprises, mais elle engendre aussi un véritable problème de sécurité pour les consommateurs.
En effet, il est aujourd'hui facile de trouver sur le marché des copies de pièces détachées d'automobiles, de jouets, voire même de médicaments.
Face à cette évolution intolérable et dangereuse, j'ai souhaité relancer le Comité national anti-contrefaçon. Ce comité a pour principal avantage de réunir des représentants de l'ensemble des administrations concernées et des acteurs privés.
J'en ai confié la présidence à François d'Aubert, député de la Mayenne et ancien ministre, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, et notamment sur le problème du blanchiment de l'argent sale. Je l'ai chargé de me proposer, d'ici la fin de l'année, un état des lieux et un plan d'action pour 2003. Ce plan détaillera les actions en termes de formation, de sensibilisation et de coopération que nous devons mener avec l'Europe et les pays concernés par ce fléau.
- Le deuxième axe de communication concerne le rôle clef que jouent les professionnels de la propriété industrielle.
Nous devons faire un effort particulier dans ce domaine afin d'expliquer le rôle de ces acteurs fondamentaux de la propriété industrielle. Je pense qu'il faut notamment mettre l'accent sur le rôle joué par les conseils en propriété industrielle.
Nous organiserons donc deux campagnes majeures de communication dans ces domaines à partir de 2003.
Le chantier de la propriété industrielle est vaste et complexe. Il revêt de multiples facettes.
Je mentionnerai par exemple la nécessaire amélioration de l'efficacité de notre système juridictionnel en matière de propriété industrielle : les entreprises, et notamment les PME, considèrent que la protection judiciaire des droits de propriété industrielle, brevets et marques, est complexe et peu efficace. Ceci provient essentiellement de la durée des procédures, de l'incohérence de certains jugements et aussi de la faiblesse des sanctions infligées aux contrevenants. C'est un domaine dans lequel nous devons agir résolument. J'ai d'ailleurs saisi mon collègue, Garde des Sceaux, et nos deux ministères ont commencé leurs travaux. Il s'agit entre autres de spécialiser davantage les tribunaux en matière de propriété industrielle et de mieux former les magistrats à ces enjeux.
La modernisation indispensable de la profession de conseil en propriété industrielle est un autre aspect important sur lequel nous voulons agir. Il s'agit de faire en sorte que les professionnels français disposent des mêmes atouts que leurs concurrents étrangers en terme par exemple de règles déontologiques et en terme de capacité à répondre à l'ensemble des besoins des entreprises.
Il apparaît tout aussi essentiel de développer le rôle des instances de concertation. Je vais très prochainement transmettre au Conseil d'Etat un projet de décret qui modifie le rôle et la composition du conseil d'administration de l'Institut National de la Propriété Industrielle. Il est également prévu de rénover l'actuel Conseil Supérieur en Propriété Industrielle en le rendant plus représentatif des acteurs de la propriété industrielle, notamment les entreprises petites et moyennes, et en lui permettant de jouer pleinement son rôle d'instance de débats et de concertation sur tous les grands sujets de la propriété industrielle.
Voilà en quelques mots, l'essentiel des dispositions du plan d'action que j'entends mettre en oeuvre au service de la propriété industrielle en France. Vous avez à votre disposition un dossier plus complet, détaillant l'ensemble des mesures que nous prenons en faveur d'un meilleur accès des entreprises et des professionnels à la propriété industrielle.
Au risque de me répéter, je conclurai en vous disant que la propriété industrielle est fondamentalement au coeur des processus industriels. Sans brevet et sans protection des inventions, il n'y a pas d'innovation. Et sans innovation, il n'y a pas de croissance ni de développement. Je compte sur vous pour relayer ce message fort sur le terrain, au plus près des acteurs concernés.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 29 novembre 2002)