Déclaration de M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur les résultats du commerce extérieur en 1997 et les perspectives pour 1998, Paris le 25 février 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation des résultats du commerce extérieur en 1997 et des perspectives pour 1998, à Paris le 25 février 1998

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Nous sommes réunis ici pour parler des résultats du commerce extérieur pour 1997. Les chiffres du mois de décembre étant disponibles depuis hier, nous savons maintenant quels sont les résultats de l'ensemble de l'année dernière.
Ce que j'ai à vous dire est simple, et tient en quelques idées, que j'ai exposées ce matin au conseil des ministres :
*1997 a été une excellente année pour notre commerce extérieur, à vrai dire la meilleure que nous ayons connue depuis de nombreuses années ;
*nos échanges sont durablement et structurellement excédentaires ; c'est une bonne chose pour notre économie, qui tire parti de la vigueur de notre commerce extérieur ;
*les perspectives pour 1998 sont favorables. La croissance économique se consolide en Europe, notre premier marché à l'exportation ; les conséquences de la crise asiatique seront limitées ; la demande intérieure (la consommation, l'investissement) a clairement redémarré ;
*enfin, il ne faut pas perdre de vue que 1998 sera l'année de la préparation à l'euro. La monnaie unique aura des effets positifs sur nos échanges extérieurs.
1997 a été une excellente année pour notre commerce extérieur.
Notre excédent commercial s'élève à 173,5 milliards de francs, soit environ 2 % du PIB. Il a doublé par rapport à 1996, et c'est le chiffre le plus élevé que l'on ait jamais enregistré dans notre pays (graphique 1 : 71-97). Si l'on ajoute les services, l'excédent courant pourrait s'établir à 220 Milliards de francs.
Nos exportations (graphique 2 : tendance exports/imports) ont été très dynamiques : elles ont augmenté de +14 %, c'est à dire trois fois mieux que l'année précédente, où elles n'avaient crû que de 4 %. C'est la meilleure performance depuis 10 ans.
Avec 8 % d'augmentation, nos importations ont aussi été très dynamiques. Là encore, le contraste est frappant avec l'année précédente puisque leur progression a été, comme celle des exportations, trois fois plus rapide qu'en 1996 (+ 2,6 %).
Cette reprise de nos achats à l'étranger a été particulièrement forte pour les biens d'équipements professionnels (+15 %). Cela montre que la demande intérieure repart, que l'investissement en France est vigoureux (comme le montre l'estimation de l'Insee publiée la semaine dernière : +10 % pour l'investissement industriel en 1998). Notre économie a bien redémarré.
Sur le plan géographique, la croissance de nos exportations a été tirée par la quasi-totalité des zones géographiques. Elle a été particulièrement remarquable en direction des États-Unis (+21 %), du Royaume-Uni (+21 %), de l'Espagne (14 %) et de l'Italie (13 %), mais aussi vers l'Asie émergente où nos exportations progressent de presque un tiers en dépit de la crise.
C'est vers les pays développés, qui sont nos principaux concurrents, que nous réalisons les gains les plus forts, ce qui est un motif de satisfaction. Notre excédent avec l'Union européenne a été multiplié par trois l'année dernière - il atteint près de 90 milliards de francs - si bien que, pour la première fois, nous dégageons un solde excédentaire avec l'OCDE.
Sur le plan sectoriel, les exportations de biens d'équipement professionnel (+17 %) expliquent plus d'un tiers de la croissance globale. Je relève notamment la très forte progression des ventes d'Airbus (+29 %), avec un niveau record de 107 avions livrés et celles de l'industrie électrique. Nos ventes d'automobiles ont été dopées (+23 %) par une demande dynamique en Europe et une bonne compétitivité de nos produits. D'autres secteurs enregistrent aussi de très bons résultats : pharmacie, textile, agro-alimentaire.
Je n'y insiste pas davantage : le dossier qui vous a été remis contient toutes les précisions voulues. Je voudrais plutôt essayer de tirer les leçons de ces évolutions et dresser des perspectives pour l'année en cours.
L'excédent de nos échanges, largement structurel, montre que notre économie tire parti du dynamisme de notre commerce extérieur
Nos échanges sont désormais durablement excédentaires. Cette situation est structurelle. On peut en effet estimer qu'un tiers seulement de cet excédent résulte de facteurs conjoncturels, à savoir une croissance qui était, jusqu'à présent, un peu moins rapide en France que dans les autres pays.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Lorsque la croissance redevient forte en France - c'est le cas aujourd'hui, nous sommes sur un rythme annuel de 3,5 % à la fin de 1997 - notre commerce extérieur dégage un solde excédentaire croissant.
Comment expliquer cette évolution ? Quels sont les facteurs à l'origine de l'excellente performance de nos exportations ?
*certains sont d'origine externe : le dynamisme de la demande qui nous était adressée, l'évolution du dollar, et d'autres évolutions spécifiques à tel ou tel secteur. Vous avez probablement noté, comme moi, la très forte croissance de nos exportations automobiles (+23 %), qui contribue d'ailleurs pour une part importante à la croissance de notre solde ;
*les autres facteurs sont liés à la très bonne compétitivité de nos entreprises, en matière de prix, de qualité, de positionnement de gamme, de capacité à réagir à la demande. C'est un bon signe pour nos entreprises, mais aussi plus largement pour notre économie, parce que la compétitivité d'une entreprise c'est la conjonction de beaucoup de facteurs : maîtrise des prix, mais aussi efforts de formation, d'imagination, d'adaptation des méthodes de prospection des marchés ;
*je crois aussi qu'il y a des facteurs psychologiques, qu'on ne peut pas quantifier, qu'on ne peut pas expliquer par des modèles. C'est le fait que la culture de l'international se répand en France, spécialement dans les petites et moyennes entreprises. Je prendrai un exemple, celui d'une P.M.E. de l'Ardèche, (nom), qui vend désormais des produits électroniques à Hong Kong. Il y a dix ans, elle n'aurait pas eu l'idée d'aller aussi loin pour trouver un client. Aujourd'hui, elle sait qu'elle n'a plus le choix : elle doit aller là où sont les clients.
On ne peut que se féliciter de ces évolutions. Elles sont la preuve que, contrairement à ce que l'on entend ici et là, nos entreprises, et particulièrement les P.M.E., sont dynamiques et n'hésitent pas à prendre des risques.
Je voudrais rappeler quelque chose qui est aussi parfois perdu de vue : notre commerce extérieur a un impact positif sur l'économie (graphique 3 : la contribution de l'extérieur à la croissance). Ce sont en grande partie nos exportations qui ont tiré la croissance en 1997 : la contribution du commerce extérieur à la croissance a été de 1,3 %, sur les 2,5 % de croissance du PIB, c'est à dire plus de la moitié.
Notre commerce extérieur a aussi un impact positif sur l'emploi. On peut estimer que, depuis 1990, le redressement de notre balance commerciale a contribué à créer en France 300 à 350000 emplois.
Je n'ai donc aucun doute sur ce point : notre économie, notre croissance, notre emploi tirent parti des échanges avec l'extérieur.
Les perspectives de notre commerce extérieur pour 1998 sont favorables
Quelles sont les raisons qui me poussent à cet optimisme raisonnable ?
a) La première tient au fait que la croissance en Europe devrait être, même en tenant compte de l'effet de la crise asiatique, légèrement plus soutenue en 1998 qu'en 1997. Or nous réalisons environ les deux tiers de nos échanges avec les pays européens (graphique 4 : répartition géographique de nos échanges). Par conséquent, nos exportations vont rester favorablement orientées cette année.
b) Cette analyse est confirmée par les différentes informations qui donnent des indications avancées sur l'évolution de nos ventes. Deux exemples :
*1997 a été une très bonne année pour la signature de grands contrats, (graphique 5 : grands contrats) qui sont un indicateur des exportations futures. 182 milliards de francs de grands contrats ont été signés l'année dernière, contre 145 Milliards de francs en 1996, soit 25 % de hausse. C'est un record historique. Cette progression résulte principalement des commandes enregistrées dans le domaine aéronautique (+50% d'un an sur l'autre), et dans le domaine militaire ; le nombre d'Airbus que nous livrerons cette année sera supérieur à celui de l'année dernière
*les dernières enquêtes de l'Insee (graphique 6 : enquête carnets de commande) vont aussi dans ce sens. Les carnets de commande étrangers dans l'industrie sont proches de leur maximum historique, et les commandes étrangères augmenteraient encore au premier semestre 1998, d'après les sondages faits auprès des chefs d'entreprise.
c) Troisièmement, je crois que l'impact de la crise asiatique ne doit pas être surestimé.
Cette zone connaît aujourd'hui des difficultés économiques et financières importantes, qui vont se traduire par un ralentissement sensible de leur croissance. Tous les pays ne sont pas touchés de la même manière. La Chine, qui est, je le rappelle, la principale économie de la zone, va connaître cette année une croissance de plus de 8 %.
Il est difficile d'apprécier de manière précise l'impact de cette crise sur nos exportations et nos importations, tant que la situation n'est pas stabilisée, mais l'on peut toute même faire des évaluations, que je vous livre avec les précautions d'usage habituelles :
*nos exportations vers l'Asie en développement vont ralentir, et sans doute diminuer un peu. Souvenez-vous qu'elles encore fortement augmenté en 1997 (+32 %), année exceptionnelle. Mais, vous le savez, la part de nos exportations destinée à l'Asie reste modérée : 7 % environ pour l'ensemble des pays émergents d'Asie, et seulement 3 % pour les 5 pays les plus directement touchés par la crise. Au total, nos ventes en Asie pourraient baisser cette année d'environ 10 milliards de francs, ce qui reste modéré ;
*si l'on tient compte aussi des effets indirects liés aux gains de compétitivité de nos concurrents asiatiques sur les marchés tiers et des effets sur la croissance de nos autres partenaires, l'impact négatif serait plus élevé, tout en restant raisonnable, avec un impact sur la croissance du PIB estimé à 0,5 point en 1998, comme l'a indiqué Dominique Strauss-Kahn ;
*il est vrai que certains secteurs particulièrement exposés à la concurrence ou à l'évolution des débouchés asiatique seront plus durement touchés que les autres. Je pense en particulier à l'industrie du luxe, à l'habillement, à l'horlogerie et à l'électronique grand public ;
*enfin, nos entreprises seront confrontées à un renforcement de la compétitivité des pays ayant subi une forte dévaluation de leur devise. Mais cette perte de compétitivité restera limitée. Parce que les dévaluations ont augmenté le coût des importations de ces pays, et parce que les entreprises asiatiques pourraient chercher à reconstituer leurs marges. L'effet sur nos importations serait donc pratiquement nul en valeur, avec un volume plus élevé d'importations mais des prix un peu plus bas.
Au total, la crise asiatique contribuerait donc à limiter notre excédent commercial, mais pour un montant limité.
N'oublions pas aussi que, pour les entreprises qui en ont les moyens, c'est à dire surtout les plus grosses, la forte dépréciation du prix des actifs industriels et financiers asiatiques offre des opportunités d'investissement qu'il faut probablement saisir dès cette année.
Peut-on faire un pronostic pour 1998 à partir de ces indications ?
Sans vouloir être présomptueux je dirais sur la base de ces analyses, que nous pouvons nous attendre à une croissance encore dynamique de nos exportations (8,5 à 9 % d'augmentation), et à un rythme d'augmentation sans doute proche pour nos importations. Notre excédent resterait par conséquent élevé, à un niveau au moins comparable à celui de 1997. Autrement dit, après 1997 qui a été un crû exceptionnel, 1998 sera encore de très bonne facture ...
Cela aura naturellement une conséquence sur l'origine de notre croissance. Celle-ci sera davantage tirée cette année par la demande interne - la consommation des ménages et l'investissement des entreprises - en 1998, comme c'est déjà le cas depuis quelques mois. Le " moteur " domestique vient renforcer le " moteur " externe de notre économie.
Je terminerai en soulignant qu'il ne faut pas perdre de vue que 1998 sera aussi l'année de la préparation à l'euro
La monnaie unique, nous le savons, aura un impact positif sur l'économie au travers par exemple de la baisse des taux d'intérêts réels.
Mais le passage à l'euro nous donne des raisons d'être durablement optimiste quant à l'évolution probable de nos échanges.
La mise en place de l'euro devrait en effet stimuler les échanges entre la France et les autres pays membres de l'Union économique et monétaire, en raison de la baisse des coûts de transaction liés aux conversions entre monnaies et à la disparition du risque de change.
Avec la monnaie unique en Europe, les conjonctures vont converger. L'évolution des échanges avec nos partenaires européens dépendra donc moins des écarts de conjoncture que de la compétitivité relative de nos entreprises, et de ce point de vue les indications que nous avons sur les évolutions récentes permettent de penser que nous ne serons pas en mauvaise position.
Au-delà, la vaste zone de stabilité monétaire qui se créera autour de l'Euro permettra de renforcer les échanges au sein de cette zone.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques observations que m'inspirent les résultats de notre commerce extérieur.
1997 a été une année exceptionnelle pour nos échanges. Nos entreprises se sont remarquablement comporté sur les marchés étrangers.
La culture de l'international est en train de se répandre dans notre pays, notamment chez les PME.
Tout ceci est favorable pour notre économie, pour notre croissance, pour l'emploi des Français.
1998 s'annonce plutôt bien. Malgré la crise asiatique, l'environnement international, sans être aussi brillant que l'année dernière, sera porteur pour nos entreprises.
Et nous allons décider cette année du passage à l'euro, dont nous avons toutes les raisons de penser qu'il aura un effet positif pour nos échanges extérieurs.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 août 2002)