Déclaration de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur la coopération franco-allemande pour la réforme des institutions européennes, la mise en place de l'Union monétaire et sur les relations entre l'OTAN et la Russie, Bonn le 3 mars 1997.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe de MM. de Charette et Kinkel à Bonn (Allemagne) le 3 mars 1997

Texte intégral

Juste quelques mots, Mesdames et Messieurs, pour confirmer ce que vient de dire Klaus Kinkel, ce qui me permettra d'être extrêmement bref. C'est vrai que cela me fait très plaisir d'être une nouvelle fois avec mon ami Klaus Kinkel à Bonn et devant vous, pour en rendre compte.

Nous travaillons, Français et Allemands, la main dans la main en cette année 1997 qui sera une année de grandes échéances européennes. Et donc, nous avons décidé de conduire ensemble notre action commune, non pas deux actions éparées, l'action du gouvernement allemand et l'action du gouvernement français, mais une seule et commune action franco-allemande dans le cadre de ces grandes échéances au coeur desquelles il y a, bien entendu, la Conférence intergouvernementale.

S'agissant de la Conférence intergouvernementale, comme vous avez pu le voir, ce qui nous parait être la question centrale, même si cela n'est pas la plus facile, même si elle provoque des hésitations et des interrogations chez certains de nos collègues, c'est la question de la réforme des institutions. Et notre objectif commun, c'est de faire en sorte que nous soyons prêts à Quinze pour que le Sommet d'Amsterdam soit un succès, c'est-à-dire que la Conférence intergouvernementale s'achève à Amsterdam dans les délais fixés au mois de juin, de sorte que l'élargissement qui est lié au respect de ce calendrier puisse lui-même s'organiser selon les étapes qui ont été prévues à la fin de l'année 97 et au début de l'année 98.

Je crois qu'aujourd'hui, avec Klaus Kinkel, nous avons marqué un réel de progrès sur un nombre important de questions européennes, qu'il s'agisse de la question de la majorité qualifiée au sein du Conseil dans le processus de décision - la question du processus de décision est essentielle dans l'Union, nous voyons bien, dès maintenant, les difficultés que nous avons et nous imaginons par conséquent celles que nous aurions si l'on procédait à l'élargissement sans avoir traité et résolu ces questions. De même, la repondération des voix fait partie du mécanisme de décision et en fait partie parce que Klaus Kinkel et moi sommes d'accord sur le fait qu'une décision ne peut pas être prise utilement si elle ne correspond pas véritablement à la réalité humaine en Europe, c'est à dire au poids des populations. Nous avons abondamment parlé de la Commission. Et je voudrais que ce soit bien clair dans votre esprit : pour nous, Français et Allemands, Allemands et Français, l'objectif, c'est de donner demain à la Commission la plénitude de la responsabilité qui est la sienne depuis l'origine.

Nous sommes des pays fondateurs, nous avons donc la mémoire, nous sommes avec d'autres les porteurs de cette mémoire européenne, et nous savons le rôle essentiel qu'a toujours joué la Commission. Si nous nous préoccupons de son nombre, il faut fixer la liste des portefeuilles, si nous nous préoccupons de l'autorité de son président, que nous voulons renforcer, si nous nous préoccupons de sa responsabilité, y compris devant le Conseil européen, c'est parce que nous voulons donner à la Commission la plénitude des responsabilités qui sont les siennes dans la dynamique de nos institutions.

Nous avons parlé abondamment des questions de politique européenne de sécurité et de la politique étrangère et ce qu'a dit Klaus Kinkel sur nos vues communes concernant les rapports entre l'Union européenne et l'UEO, sur nos propositions communes que nous présenterons à nos partenaires sous forme d'amendements concernant la politique étrangère, ce sont aussi des marques du travail franco-allemand et de la détermination de nos deux pays à aller de l'avant.

Voilà, je ne peux donc que confirmer combien je suis heureux d'avoir pu travailler aujourd'hui avec Klaus Kinkel et vous confirmer à vous, si vous avez le moindre doute, et je suis persuadé que vous n'en avez pas, que Français et Allemands, nos deux chefs d'Etats, nos deux administrations, nous-mêmes, Klaus et moi, nous sommes fermement décidés à faire de cette année 97 une année de travail très intense entre nos deux pays, parce que nous pensons aussi qu'il y va autant de l'intérêt général de l'Union européenne que de mettre d'accord nos deux pays sur les grands objectifs à atteindre. Merci.

Q - (Au sujet de l'euro)
R - Sur le front de l'euro, tout va bien. Je vois bien que plus les échéances approchent, plus l'intérêt des observateurs s'accroît, plus sans doute les discussions se font jour. Mais vous ne devez pas douter un seul instant de la détermination des gouvernements, et en particulier je crois du gouvernement allemand et du gouvernement français, d'appliquer ce que nous avons décidé, c'est-à-dire d'être prêts pour le 1er janvier 1998 afin de faire en sorte que la monnaie unique voit le jour à l'échéance prévue par le Traité et dans les conditions prévues par le Traité, le 1er janvier 1999. Je crois que beaucoup de pays européens font, dans cette perspective, des efforts remarquables.

Nous-mêmes, l'Allemagne et la France, nous en faisons il est vrai, l'Allemagne et la France. Mais c'est sur la base de la détermination affichée par les dirigeants allemands et par les dirigeants français que, me semble-t-il, un certain nombre de nos partenaires ont réalisé que cette échéance approchait. Je suis, je le répète, impressionné par la détermination, par l'énergie, par la volonté dont font preuve un certain nombre de pays européens, qui, comme nous, entendent être prêts le jour venu. Je sais qu'il y a des discussions en Allemagne. Mais c'est normal, il y a des discussions en France. Sur la volonté, vous ne devriez pas avoir de doute.

Q - (Au sujet des relations entre l'OTAN et la Russie)
R - Je voudrais ajouter un mot à ce que vient de dire Klaus Kinkel. Evidemment, nous ne pouvons pas vous donner, Monsieur, la réponse à la question sur ce que sera la fin de la négociation, puisque la négociation est en cours. Cette négociation est conduite sous la responsabilité de M. Solana qui a reçu mandat des seize membres de l'Alliance pour ce faire.
Naturellement, cela n'empêche pas les autres rencontres. Le Chancelier Kohl est allé à Moscou, le président Chirac également, le président Eltsine et le Président Clinton vont se retrouver à Helsinki etc. Mais, nous sommes en train de travailler. Or, nous travaillons sur plusieurs sujets, mais deux d'entre eux méritent, me semble-t-il, notre attention. La première question, c'est : quel est le contenu de l'accord ? Notre idée, c'est qu'il faut partager avec la Russie le maximum de questions possibles parce que, je ne le répéterai jamais assez, nous sommes passés d'une situation et d'une logique de confrontation Est-Ouest à une logique de coopération en matière de sécurité en Europe. Nous avons un regard différent, radicalement différent, sur la Russie d'aujourd'hui que celui que nous avions à l'égard de l'Union soviétique hier. Et donc, il faut élargir les espaces de coopération entre la Russie et l'Alliance. Alors, laissez aux négociateurs le soin d'avancer sur cette piste, mais il est essentiel d'aller le plus loin possible pour avoir le maximum de sujets d'intérêts communs dont nous pourrions parler ensemble ensuite, dont nous pourrions décider qu'ils contribuent à faire le sujet du dialogue permanent entre la Russie et l'alliance.

Ensuite, la deuxième question, est celle de la portée juridique des décisions que nous prenons. Nous avions proposé une charte, et c'est ce que vient de redire Klaus. En même temps, les Russes nous disent "oui, mais nous voudrions quelque chose qui nous engage, qui vous engage et qui nous engage davantage". Et bien, là encore, je crois que les choses ne sont pas noires ou blanches, c'est un peu plus compliqué que cela. Probablement nous trouverons une formule qui permette de répondre à ce légitime besoin, à cette légitime demande venant de la Russie, pour qu'il ne s'agisse pas, comme ils le disent parfois, de littérature diplomatique mais vraiment d'engagements ayant une réelle portée, sans qu'en même temps on s'engage dans des processus qui pourraient rendre très difficile la ratification de textes qui dans tel ou tel pays se heurteraient à des problèmes. Donc, nous cherchons, je dirais de bonne volonté et de bonne foi de part et d'autre, quelle est la voie, quel est le passage. Mais je suis persuadé qu'on va trouver. Je ne suis pas du tout pessimiste. Au contraire, je suis optimiste. Sur cette voie, je constate d'ailleurs que les déclarations des uns et des autres, y compris les signaux qui nous viennent de Russie, sans que la Russie ait changé de position, sont des signaux qui vont, me semble-t-il, dans la bonne direction. Et donc sur cette voie, les choses vont plutôt bien. Restent beaucoup d'autres questions pour assurer le succès de Madrid, beaucoup d'autres. En particulier, bien sûr, il y a la question de la rénovation de l'Alliance qui est une question très importante pour les Européens puisque il s'agit - et là on rejoint nos discussions sur la Conférence intergouvernementale - de faire en sorte que l'identité européenne en matière de défense et de sécurité s'exprime de façon plus forte demain qu'aujourd'hui. C'est cela la rénovation. C'est-à-dire un nouveau partage des responsabilités et des mécanismes techniques qui permettent de faire en sorte qu'il y ait la possibilité pour les Européens d'intervenir sur le plan militaire s'ils le souhaitaient en utilisant les moyens de l'Alliance. Sur le problème technique, je crois qu'on avance bien et qu'on a trouvé beaucoup de réponses. Mais la vraie question est celle du partage des responsabilités entre Européens et Américains. Je crois que, là aussi, aujourd'hui, Klaus et moi, nous avons marqué la forte identité de nos vues puisqu'il s'agit toujours de notre message européen commun.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2001)