Déclaration de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, sur le budget du commerce extérieur français pour 2003, Assemblée nationale, le 19 novembre 2002.

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Circonstance : Présentation des crédits du commerce extérieur à l'Assemblée nationale le 19 novembre 2002

Texte intégral

I.- Depuis vingt ans la production mondiale a été multipliée par 10. Les échanges commerciaux ont été multipliés par 20 et les flux d'investissements étrangers par 90. Nous vivons à l'heure de la mondialisation. Le commerce mondial a donc progressé de manière spectaculaire: 5,8 % par an, alors que la croissance française augmentait sur la même période de 2,3 % par an. Une bonne insertion de nos entreprises dans les pays et les secteurs à l'origine de ces flux internationaux à forte croissance, est la garantie d'une France compétitive et créatrice d'emplois. Quelques chiffres encore: 28 % de notre richesse annuelle provient de l'exportation, et un Français sur cinq travaille pour alimenter les marchés étrangers.
L'univers de nos entreprises et des citoyens s'est élargi. Aujourd'hui le marché unique compte 375 millions de consommateurs et en comptera 450 millions en 2004. Alors que nos grands groupes se sont internationalisés pendant les années 1990, nos PME prospectent encore insuffisamment l'étranger. Grâce à leur spécialisation et leur excellence, elles peuvent être à l'origine de gains de parts de marché et de création d'emplois.
1.1. Plus que des subventions, elles réclament un cadre de travail adapté - le gouvernement s'y emploie en allégeant les charges et en simplifiant la réglementation - et une information pertinente. Ce sont les entreprises qui exportent. L'Etat, les régions, les organismes consulaires, les fédérations professionnelles facilitent leurs tâches en les alertant et les incitant à aller sur les marchés et les secteurs en croissance.
1.2. L'Etat a également pour mission de veiller à ce que les règles du jeu soient équitables, favorisent le développement durable et le commerce avec les pays en développement. C'est l'enjeu des négociations commerciales multilatérales lancées à Doha qui doit nous permettre de garantir un meilleur accès aux marchés étrangers pour nos entreprises et de miser sur une mondialisation maîtrisée.
II- Sous l'autorité du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les priorités de mon ministère sont donc claires, elles s'organisent autour de cinq axes:
2.1. Faire de la France une force de propositions dans la négociation du cycle de Doha et dans la perspective de la conférence ministérielle de Cancún de l'Organisation mondiale du commerce (septembre 2003).
Ce nouveau cycle a la particularité pour la première fois de lier commerce et développement afin de voir comment les pays qui sont restés à l'écart du développement peuvent être mieux associés à la croissance mondiale qui doit aussi tenir compte des questions environnementales. Il est ambitieux compte tenu du champ des sujets couverts: développement durable, investissements et concurrence.
Nous devons travailler étroitement avec la Commission et nos partenaires européens, et tout particulièrement avec nos amis allemands, pour proposer, dans le domaine industriel, agricole et des services, des objectifs de négociations réalistes protégeant le caractère multifonctionnel de notre agriculture mais l'ouvrant d'avantage aux produits des pays en développement, préservant notre diversité culturelle mais obtenant un meilleur accès aux marchés étrangers. Nous avons beaucoup à gagner du cycle de Doha en matière d'ouverture des marchés étrangers pour nos entreprises: nouveaux services, abaissement des barrières douanières, des pics tarifaires industriels notamment, mais aussi une plus grande transparence et un accès véritable aux marchés publics. Ces sujets seront à l'ordre du jour. Il faudra un paquet global et équilibré qui tienne compte de l'intérêt de nos entreprises, de nos agriculteurs et de nos consommateurs, comme de nos responsabilités mondiales en matière de gouvernance, d'environnement, de normes sociales et de développement.
Permettez-moi de rappeler quelques échéances:
- en décembre, négociations sur l'accès aux médicaments et le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement.
- fin mars, nous devons nous mettre d'accord sur les objectifs de la négociation agricole. Faute d'un accord sur l'agriculture, nos subventions agricoles pourraient être attaquées à compter de 2005 devant l'OMC. A la même date, l'Union européenne devra également remettre son offre en matière de services.
- fin mai, les négociations porteront sur l'accès au marché des produits industriels et l'amélioration du traitement des contentieux à l'OMC.
- puis en septembre, la réunion des ministres de Cancún devrait permettre d'aboutir sur les thèmes que je viens de mentionner et de lancer les nouveaux sujets qui intéressent nos entreprises (transparence des marchés publics, investissements, concurrence, propriété intellectuelle, etc.) et qui devraient être conclus d'ici la fin 2004, date prévue pour la fin du cycle.
Comme vous le voyez, les séquences des négociations sont étalées dans le temps, mais les engagements pris au fur et à mesure de la négociation par les uns et les autres, ne seront définitifs qu'au regard du paquet global à la fin du cycle.
Permettez-moi d'insister sur le premier sujet dont nous avons à traiter dans ce cadre multilatéral et qui revêt un caractère d'urgence pour le président de la République et le gouvernement. Il s'agit de l'accès rapide et contrôlé aux médicaments des pays en développement, victimes de pandémies et qui ne possèdent pas d'industrie pharmaceutique. Nous recherchons pour décembre un accord sur le cadre juridique qui permettra de fabriquer et de mettre à disposition ces médicaments. Nous le faisons dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, mais également par un travail avec les industries pharmaceutiques, les organisations non gouvernementales et la Commission européenne pour proposer des mesures concrètes et réalistes.
Ces négociations multilatérales doivent être menées en associant la société civile. Un travail pédagogique, d'explication, de persuasion est indispensable pour parvenir à une prise de conscience des enjeux et des cartes que les Français doivent jouer. C'est une action que je mènerai avec vous, Mesdames et Messieurs les parlementaires, pendant ces négociations du cycle de Doha.
2.2. L'élargissement de l'Union européenne est une deuxième priorité. Il s'agit de faire du marché unique élargi le marché domestique de nos PME. C'est un enjeu de taille car, dans moins de deux ans, dix pays auront rejoint l'Union. L'expérience de l'élargissement à l'Espagne et au Portugal montre que l'enrichissement de ces nouveaux pays membres s'est révélé une source de croissance pour nos entreprises. L'Espagne est ainsi devenu le premier excédent commercial de la France. Je vais mobiliser nos entreprises sur ces pays et veiller à ce que les nouveaux membres respectent les engagements d'ouverture de leurs marchés.
2.3. Les PME doivent être au coeur de notre dispositif public. Elles réalisent un quart de nos exportations. J'estime qu'il y a vivier d'environ 50 000 entreprises qui pourraient, si elles sont informées et encouragées, devenir exportatrices, notamment sur les marchés de proximité européens.
Nous y parviendrons en relançant le volontariat à l'international, particulièrement bien adapté aux PME, en réformant le Centre français du commerce extérieur et UBIFRANCE, en favorisant la participation des entreprises aux salons à l'étranger et en nous rapprochant des PME grâce à la décentralisation. J'aurai l'occasion d'y revenir.
2.4. La décentralisation est une priorité du gouvernement. Elle va permettre de rapprocher le dispositif public des PME. Ce projet sera mené à bien dès 2003 par les transferts de compétence nécessaires en faveur des régions.
2.5. L'attractivité du site France est une composante déterminante de la compétitivité de notre économie et de son insertion dans les échanges mondiaux. Le marché européen étant maintenant unique, les barrières douanières s'abaissant, le contrôle des flux de marchandises et de services n'est plus à l'ordre du jour pour les entreprises et les consommateurs. Encore faut-il garder en France les outils de production et de recherche et les emplois. Le gouvernement est déterminé à alléger les charges et à simplifier notre réglementation pour rendre le site France plus attractif aux investisseurs étrangers.
III.- Le budget que j'ai l'honneur de vous présenter prévoit des moyens identiques à ceux de 2002. Il dégage néanmoins des marges de manoeuvre en raison des gains de productivité que mes services sont en train de réaliser.
3.1. Le budget de fonctionnement de 168 M soutient une direction centrale, la direction des relations économiques extérieures (290 personnes), des directions régionales du commerce extérieur avec 156 agents et un réseau de 154 missions économiques qui compte 1 923 spécialistes du commerce extérieur.
La force de ce réseau à l'étranger, qui est commun à l'ensemble du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie depuis cette année, repose sur la diversité de recrutement (ingénieurs, commerciaux, juristes, etc.) et d'origine puisqu'il s'appuie sur un recrutement local important.
Mon objectif est d'accroître la mobilité en redéployant les moyens vers les zones prioritaires dont j'ai parlé, et en affectant le plus grand nombre d'agents aux prestations aux entreprises. Cela est possible par les gains de productivité obtenus grâce à la certification ISO 9001 et à la fusion des différents services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à l'étranger, qui crée des synergies et des économies et permet d'affecter plus de monde aux services des PME.
3.2. Le deuxième grand poste de ce budget correspond aux subventions de l'Etat aux organismes de soutien du commerce, le Centre français du commerce extérieur et UBIFRANCE et à l'Agence française pour les investissements internationaux.
La dotation 2003 est identique à celle de 2002, près de 45 M au total.
Dans ce domaine, les ambitions du gouvernement sont à la hauteur de l'enjeu: faire des PME la cible première de ce dispositif. Dès mon arrivée, plutôt que reprendre les projets inachevés de mes prédécesseurs, j'ai demandé un audit des principaux produits réalisés par ces organismes. Les rapports m'ont été remis en octobre. Je les étudie actuellement et poursuis mes consultations avec les fédérations professionnelles et les entreprises et engagerai les concertations nécessaires avec les personnels. Mon objectif est clair. Il s'agit de recentrer le CFCE et UbiFrance sur leurs 3 missions principales:
- Mieux diffuser auprès des PME l'information et les prestations produites par nos 154 missions économiques à l'étranger. Une véritable organisation commerciale est à mettre en place. Il convient de remettre le client, c'est-à-dire l'entreprise, au coeur du dispositif.
- Faire des volontaires à l'international en entreprises une priorité nationale. Il n'y a aujourd'hui que 1 500 volontaires à l'international en entreprises alors que 34 000 jeunes sont candidats. Ce dispositif, ignoré des entreprises, constitue le moyen le plus sûr de favoriser à long terme la projection internationale des intérêts économiques de la France. Outre les mesures pour renforcer la communication, je propose d'assouplir le dispositif existant pour que les PME l'utilisent plus. C'est un investissement précieux dans l'avenir et la formation de notre jeunesse. Près de 70 % des anciens VIE sont ensuite recrutés par les entreprises pour leurs services export et poursuivent des carrières internationales.
- Favoriser la participation des entreprises françaises aux salons à l'étranger. Cet objectif passe par une nouvelle organisation du dispositif public et privé qui sera réalisé par la réforme d'UbiFrance. Elle passe aussi par un renforcement des moyens publics de soutien aux salons car l'effort français dans ce secteur est comparativement insuffisant. Je souhaite donc redéployer des moyens existants pour renforcer les soutiens publics en faveur des salons qui sont particulièrement adaptés aux attentes des PME. Mon objectif est de parvenir à une présence commerciale française sur les salons comparable à celle des Allemands ou des Italiens.
Ici encore, la méthode consistera à dégager des gains de productivité, à renforcer la dimension commerciale et à travailler avec les fédérations professionnelles, les régions et les chambres de commerce. A cet effet, j'ai pris la décision de fusionner le Centre français du commerce extérieur et UbiFrance et annoncerai dans les prochaines semaines la nomination d'une nouvelle équipe de direction qui sera commune et qui aura pour charge d'engager cette réforme sur la base des trois objectifs que je leur ai fixé. Bien entendu, une concertation étroite avec les personnels sera parallèlement engagée.
L'agence française pour les investissements internationaux bénéficie aussi d'une subvention: à l'heure de la mondialisation et au moment où les investissements internationaux jouent un rôle croissant dans la réussite économique des pays, sa mission est indispensable quand on observe le recul de la France dans les principaux classements internationaux privés en terme d'attractivité et, surtout, le problème d'image dont nous souffrons. Plutôt que de créer un réseau coûteux et distinct, l'agence française pour les investissements internationaux s'appuie sur le réseau à l'étranger des missions économiques pour prospecter de nouveaux investisseurs qui participent à la modernisation de notre outil de production, à une concurrence saine et à la création d'emplois sur le territoire national. L'agence française pour les investissements internationaux travaille en étroite coopération avec les régions. Les entreprises étrangères en France et leurs filiales sont à l'origine du tiers des exportations françaises. Le gouvernement est décidé à inverser la tendance en matière de fiscalité et de charges sociales. Il souhaite simplifier les procédures administratives. Nous le ferons dans la durée et sans précipitation. Il faudra le faire savoir sur les grandes places financières internationales. Ce sera une de mes principales missions l'année prochaine.
3.3. Le troisième grand poste du budget du commerce extérieur concerne les procédure financières de soutien aux entreprises (241 M). L'objectif est de mieux servir les PME.
Tout d'abord je souhaite rappeler que la Coface, groupe privé, gère un compte pour l'Etat d'assurance-crédit qui dégage régulièrement un excédent depuis plusieurs années. Aujourd'hui, l'encours porté par l'Etat est de 70 milliards d'euros et 6,5 milliards de nouveaux engagements ont été pris en 2002. Des engagements significatifs ont été pris cette année pour aider les secteurs du transport aérien et du tourisme qui ont été particulièrement frappés par la conjoncture internationale après le tragique attentat du 11 septembre 2001.
Les autres procédures, notamment l'assurance prospection, tournée vers les PME, ont été assouplies. Quant au Fasep-étude qui permet d'aider les entreprises qui souhaitent remettre des offres financées par les organisations internationales, sa dotation est identique à celle de l'année dernière.
Je souhaite, comme je vous l'ai déjà indiqué, orienter nos procédures vers les PME qui ne bénéficient pas assez du dispositif. Je vais donc augmenter notre effort sur les salons à l'étranger en utilisant une partie d'un fonds de garantie en faveur de l'investissement à l'étranger (le FASEP-garantie) qui n'a traité que 44 dossiers depuis sa création, pour le redéployer vers des crédits de soutien aux PME désireuses de participer aux salons à l'étranger. Cet effort sera mené pendant trois ans: 7 M chaque année.
Ce troisième poste du budget comprend aussi la participation de l'Etat aux contrats de plan Etat-Régions dans le domaine du commerce extérieur (5,6 M en crédits paiement). Ces plans ont permis, en liaison étroite avec les régions, de développer des politiques sectorielles adaptées à chaque région et ciblées sur certains pays. Vous savez les ambitions du gouvernement en matière de décentralisation. Nous souhaitons donner de véritables compétences aux régions en matière de commerce extérieur. Leur proximité du terrain, leur connaissance du tissu économique local font des collectivités régionales un interlocuteur naturel des entreprises désireuses de s'internationaliser. Cette décentralisation sera menée à bien en 2003 dans la concertation avec les élus et les fonctionnaires concernés.
Une mondialisation maîtrisée ouvrant de nouveaux marchés à nos entreprises et assumant nos responsabilités à l'égard des pays du sud, une priorité pour nos jeunes et nos PME, véritable vivier d'exportations nouvelles, une mobilisation sur les marchés de proximité et en forte croissance, une organisation décentralisée plus proche du terrain. Tous ces axes contribueront à donner confiance aux Français, qui sauront, j'en suis sûr, tirer le meilleur parti de cette ouverture sur le monde.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 20 novembre 2002)