Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à "France 2", le 21 janvier 2003, sur la nécessité pour Air Lib de reprendre ses paiements courants, sur la privatisation d'Air France, sur la situation de la SNCF, et sur le projet de réforme de la loi Besson concernant les logements à louer.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral


F. Laborde-. Ma première question concerne évidemment le dossier Air Lib, la compagnie aérienne, dont le sort est encore incertain. Un conciliateur a été nommé ; on en est où aujourd'hui ?
- "Aujourd'hui, un conciliateur a été nommé par le tribunal de Créteil, il doit rendre dans les tous prochains jours un projet de conciliation au tribunal. Donc, nous attendons avec impatience ce projet de conciliation."
Vous aviez posé comme conditions, entre autres, que Air Lib reprenne au moins ses paiements courants, ses taxes d'aéroport, un peu le service minimum, quoi ?
- "Si le conciliateur met dans son projet de conciliation qu'Air Lib reprend maintenant ses charges URSSAF, ses charges fiscales, enfin bref que l'Etat ne dépasse pas l'encours très important qui est celui d'aujourd'hui, à ce moment-là, je pense que l'affaire est vivable et nous, nous sommes satisfaits. Si par contre, il y a un creusement du déficit vis à vis de l'Etat, ou une augmentation de la créance de l'Etat, à ce moment-là, effectivement, le budget de l'Etat ne peut pas supporter cela, n'a pas le droit de le faire pour une entreprise privée et on serait "retoqué", comme on dit, par Bruxelles. Donc, il faut vraiment qu'Air Lib reprenne ses paiements dans le contrat que va proposer le conciliateur au tribunal."
C'est-à-dire, qu'aujourd'hui, pour dire les choses un peu familièrement, l'Etat français ne donnera pas un sou de plus ?
- "l'Etat français a donné beaucoup, beaucoup d'argent ! Aujourd'hui, on est à 120 millions d'euros, ce qui est énorme, c'est-à-dire 700 millions de franc ; on ne peut pas aller au-delà. De toute façon, du fait qu'il y a une distorsion de concurrence avec d'autres compagnies, le cas échéant, on ne peut pas augmenter les encours de l'Etat, ce n'est pas possible.
Jean-Charles Corbet, le patron d'Air Lib, a dit qu'il partirait en tout état de cause à la fin de l'année.
- "Oui, c'est son droit. Il a dit qu'il avait prévu ce départ à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. J'ai noté ça dans la presse également et c'est une donnée du problème."
Mais cela vous semble être une condition pour qu'il y ait un repreneur ?
- "Je n'ai pas à m'immiscer dans la marche d'une entreprise privée, surtout quand elle est en cours de reprise éventuelle, par un repreneur extérieur. Mais j'imagine qu'un repreneur extérieur, qui prend la majorité dans une entreprise, a aussi le souci de diriger cette entreprise directement ou indirectement, c'est à lui de faire le choix."
Autre compagnie aérienne, Air France : la privatisation d'Air France avance ; il y aura bientôt un projet ?
- "Le projet de loi est prévu devant l'Assemblée nationale ; je le défendrai, je crois, mercredi 12 février. Quand ce projet de loi sera finalisé et promulgué dans le Journal Officiel, après son passage au Sénat, nous aurons toute latitude pour lancer cette privatisation lorsque les marchés, bien sûr, seront porteurs."
D'ores et déjà, vous avez un pourcentage du capital ?
- "Aujourd'hui, la France a 52 ou 53%, la France probablement cédera environ 30 ou 35% du capital, de façon à permettre à Air France, d'imaginer des tas d'accords et des tas de nouveaux réseaux. Vous savez qu'aujourd'hui Air France appartient à SkyTeam..."
Elle est membre de SkyTeam qui regroupe plusieurs compagnies européennes ou américaines...
- "Voilà. Pour que de nouvelles compagnies puissent adhérer à cet accord et qu'Air France puisse aussi avoir un réseau encore plus grand, faut-il qu'Air France ne fasse pas peur à d'autres entreprises qui sont, elles, entièrement privées. Or une compagnie comme Air France, dont le capital est majoritairement national, nationalisé par conséquent, cela fait souvent peur à des compagnies pour établir des réseaux avec elle. Donc, en ouvrant le capital, on assure le développement d'Air France, on lui assure des capitaux nouveaux pour pouvoir investir - investir dans des avions, investir dans de nouvelles lignes, dans de nouvelles directions. C'est donc le développement d'Air France qui en est conditionné ; cette privatisation est le gage du succès - déjà, d'ailleurs, très important - d'Air France et de sa poursuite."
Mais est ce que cela veut dire qu'il y aura privatisation et augmentation du capital ?
- "Non, il y aura privatisation et, en même temps, d'une part la France gardera un capital, un pourcentage de capital non négligeable autour de 20% et les salariés auront aussi une part très importante du capital, entre 10 et 20%, à négocier. En même temps, on a deux ans pour garantir et négocier un bon statut pour les salariés qui n'ont rien à craindre, sauf d'avoir au contraire un bon développement de leur entreprise, ce qui est un gage de succès pour leur emploi."
En tout état de cause, il faut attendre que les marchés boursiers se...
- "...Se redressent. Il est important que les marchés boursiers se redressent parce que mettre sur le marché, dans l'état actuel un peu déprimé de la Bourse et très déprimé de la Bourse, le capital d'Air France, ce serait peut-être, le cas échéant, une perte de plus value pour l'Etat français."
Puisque l'on parle de transports, où en est-on sur la réflexion en ce qui concerne le service minimum dans le transport aérien, mais je pense aussi, évidemment, au transport ferroviaire, est-ce qu'il y a des projets qui vont dans le sens ? On avait parlé beaucoup à un moment donné d'un service minimum à l'italienne, c'est-à-dire qu'on assure un service complet à certaines heures de pointe, pour ne pas trop pénaliser les usagers.
- "Moi, je vous propose de ne jamais parler de service minimum parce que ce sont deux mots qui fâchent les salariés. Le service minimum, c'est rejeter. Par contre, des négociations à l'intérieur d'une entreprise, on se met autour de la table et on se pose la question de savoir comment est-ce qu'on peut réduire la conflictualité, de façon contractuelle, c'est-à-dire comme on peut faire, par exemple, un préavis peut-être plus long, mieux anticipé pour que, dans le courant de ce préavis, on puisse mieux négocier, ici les conditions de travail, là le niveau des salaires, ailleurs peut-être le temps de travail... La négociation, lorsqu'elle est déjà engagée réduit la conflictualité. Donc, si on réduit la conflictualité, on s'engage par ces procédures à ne pas se mettre en grève au moins pendant la durée de la négociation. Ensuite, quand les négociations ont abouties à un bon contrat, on s'engage à ne pas faire grève pendant six mois, un an, deux ans, trois ans... Cela existe dans des entreprises publiques, il n'y a pas de raison que la SNCF n'aboutisse pas, en tout cas c'est la volonté de son président."
Et L. Gallois doit annoncer le 29, des résultats de l'entreprise avec, peut-être, des réductions d'effectifs, rapportées peut-être à l'ensemble des effectifs de la SNCF.
- "Si vous me permettez, ce ne sont pas des réductions d'effectifs avec des licenciements, ce sont simplement, peut-être, des réductions de postes. Il est certain, là encore, que le marché est moins porteur, que le fret a perdu des parts de marché, et qu'il nous faut faire des investissements au niveau du matériel, au niveau des voies et des destinations pour relancer par exemple, le fret ferroviaire. Cela n'a pas été fait pendant des années, on peut dire des décennies, maintenant il faut vraiment trouver de l'argent pour relancer des investissements. "
Mais alors ces suppressions de poste, ce sera quoi, des départs en retraite ?
- "C'est tout simplement des départs naturels. C'est au président Gallois à voir là où l'on a besoin de postes pourvus et là où on n'a pas besoin de postes pourvus. Dans ce cas là, quand les postes ne sont pas pourvus et que manifestement, il n'y a pas besoin de personne pour pourvoir ces postes, eh bien on ferme tout simplement ces postes là."
Une question sur le logement, puisque c'est aussi dans votre portefeuille : on a beaucoup parlé de la réforme de la loi Besson, qui était un système qui permettait d'avoir un allégement fiscal contre des investissements dans de l'immobilier neuf, simplement le Besson était, semble-t-il, moins avantageux que le Périssol - c'est un terme un peu technique -, mais en gros il y avait des loyers plafonnés, notamment pour ceux qui achetaient du neuf pour le louer. Est-ce qu'il y aura une réforme de la loi Besson ?
- "Aujourd'hui, il y a un manque cruel de logements en France et, parmi ces logements qui manquent, il y a des logements à louer. Pour qu'il y ait des logements à louer, il faut qu'il y ait des propriétaires ou des gens qui aient envie d'investir dans l'immobilier pour louer. Aujourd'hui, c'est vrai que le Besson a montré ses limites, cela veut dire que le système d'amortissement du Besson ne marche pas, parce que les loyers sont plafonnés, les gens qui ont le droit de rentrer dans ces immeubles ne doivent pas avoir plus de tant de revenus, etc. Finalement, dans les grandes agglomérations, où les revenus sont plutôt élevés et où les loyers sont plus élevés que les plafonds du Besson, cela ne marche pas. Donc, nous travaillons actuellement avec le ministère des Finances pour proposer, en cours de l'année 2003, un nouveau dispositif qui relancerait le locatif de façon à permettre de mettre sur le marché, davantage de logements. On en a besoin !"
Un tout dernier mot sur la relation UDF-UMP : ça va mieux ? Vous avez dit, au congrès, que vous n'aviez pas vocation à être esclave, ce qui n'était pas forcément gracieux, à l'égard d'A . Juppé.
- "Nous sommes peut-être la minorité de la majorité et la minorité de la majorité doit s'assumer pleinement. Cela veut dire qu'elle doit être une force de proposition, qu'on ne doit pas être des frondeurs systématiques, bien au contraire : on fait partie de la majorité, on est actionnaires du succès, parce que si on n'est pas actionnaires du succès, on peut aussi être comptables de l'échec. Cela veut dire ni frondeurs ni flatteurs excessifs. On doit tenir un juste équilibre, en tout cas dans la forme et dans le fond."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 janvier 2003)