Déclaration de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, sur la spécificité de l'agriculture dans le cadre des négociations de l'OMC, la préférence communautaire, l'exportation de la production agricole et la sécurité alimentaire, Paris le 25 novembre 1999.

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Circonstance : Manifestation de la FNSEA à Paris le 25 novembre 1999

Texte intégral

Nous sommes rassemblés ici, agriculteurs de toutes les régions, de toutes les productions,
A la rencontre des consommateurs, des citoyens, de l'opinion,
Avec aussi tous ceux qui veulent se joindre à notre combat, les OPA, mais aussi les salariés, les entrepreneurs, les associations de consommateurs, les acteurs du monde rural, les hôteliers restaurateurs, etc..
Tous unis autour d'un même message,
Pour notre agriculture,
pour notre bonne alimentation,
pour nos produits, pour nos terroirs, avec la qualité, la sécurité alimentaire, la diversité
pour nos territoires, accueillants, valorisés, animés
Tout cela grâce au travail des femmes et des hommes qui font l'agriculture d'aujourd'hui. Qui veulent vivre de leur métier ! Qui veulent aussi être mieux reconnus dans leur dignité, dans leur métier, avec une certaine considération car c'est important aussi !
Dégager des perspectives économiques pour nos exploitations, assurer leur pérennité. Avec la volonté sans faille d'installer des jeunes, avec des agriculteurs nombreux présents sur tout le territoire. Nourrir les hommes tout en assurant nos autres missions pour la société. Etre présents sur l'exportation comme sur le marché intérieur. Etre acteur du monde rural et du dynamisme des campagnes.
C'est tout cela le modèle agricole européen, qui reflète nos traditions, nos racines, notre identité. C'est tout cela aujourd'hui qu'il nous faut défendre à l'OMC. Ce combat qui est notre combat de toujours passe maintenant par l'OMC.
Et c'est depuis longtemps que nous préparons le rendez-vous ! Nous ne sommes pas des coucous qui se réveillent juste avant Seattle, surgis de nulle part !
C'est pourquoi ici, puis à Seattle, et tout au long des négociations,
Nous irons refuser une mondialisation-banalisation des produits, des cultures, des agricultures, des goûts.
Nous irons affirmer notre modèle agricole, nos spécificités, notre identité.
Nous irons refuser ceux qui veulent assimiler l'agriculture à l'électronique avec une libéralisation sans foi ni loi des marchés
Nous irons affirmer au contraire la spécificité de l'agriculture. Donc la nécessité de politiques de prix et de soutiens, bref d'une politique agricole et de la régulation des marchés.
Nous irons affirmer notre vocation exportatrice, notre volonté de participer à l'équilibre alimentaire mondial. Que nous pouvons être des gagnants de l'ouverture des marchés, mais qu'elle doit être progressive, encadrée car une libéralisation incontrôlée risquerait de déstabiliser notre marché intérieur et notre agriculture.
C'est pour cela que pour la FNSEA il n'est pas question de remettre en cause la PAC à l'OMC.
L'Agenda 2000 doit être un point limite à ne pas dépasser. Les sacrifices ont déjà été assez lourds ! Alors n'en rajoutons pas : les agriculteurs ne veulent pas payer deux fois.
Donc préserver la PAC :
- maintenir la préférence communautaire :
- avec une protection tarifaire pour garantir le niveau des prix européens
- avec la clause de sauvegarde spéciale
- avec la non augmentation des contingents d'importation
- ensuite sécuriser les aides directes de l'Agenda 2000 à l'OMC, avec le maintien de la boîte bleue :les sacrifices faits doivent être reconnus !
- faire reconnaître la spécificité de l'agriculture et protéger les aides des attaques , avec la clause de paix reconduite jusqu'à la fin des négociations
- encourager nos exportations avec nos restitutions
Et ceux qui disent non aux exportations travaillent contre leur camp, non aux agents double au service des USA ! quand l'exportation c'est le quart des exploitations et des emplois, pas question de baisser la garde ! Pas question de faire la part belle aux Américains !
Et ça suffit aussi de jeter la suspicion sur notre alimentation ! Pour que les concurrents trop contents de l'aubaine, ferment aussitôt les marchés ! Les contrôles en France sont parmi les plus performants. Nous avons développé la traçabilité, l'étiquetage et nous sommes là-dessus les premiers de la classe. Que l'arbre ne cache pas la forêt et s'il y a des fraudes qu'elles soient punies !
Mais ceux, ici où là, qui attaquent la qualité et la sécurité de notre alimentation, tirent contre leur camp, ce n'est pas tolérable !
Et pas question de discuter des restitutions européennes sans mettre sur la table les crédits à l'exportation, les aides fiscales américaines, l'usage détourné de l'aide alimentaire
Surtout que les Américains pratiquent le double langage
- des aides supplémentaires (8,7 milliards de $)
- un agriculteur US est deux fois plus aidé qu'un agriculteur européen
- ils sont loin d'être exemplaires sur l'environnement, sur le social
cf le dossier banane
- à nous d'affirmer que nous ne voulons pas consommer comme les Américains
cf les hormones
cf les OGM
Ca suffit avec cette volonté des Américains d'être les chefs d'orchestre de la mondialisation ! Les Européens doivent faire entendre leur musique.
Et ne pas céder aux USA et aux pays du groupe de Cairns qui veulent restreindre les négociations à l'agriculture et aux services.
C'est une véritable déclaration de guerre contre l'agriculture européenne. Ce serait placer l'agriculture dans l'il du cyclone. Nous ne l'accepterons pas, pas plus qu'une démarche qui isolerait l'agriculture du reste des négociations, avec la conclusion d'accords précoces sur les autres sujets.
Et nous demandons un bilan de l'accord précédent de 1994. on pourrait avoir des surprises dans l'application par certains de leurs engagements !
Alors pas de négociation tronquée, bien au contraire, la négociation doit être globale, multisectorielle, équilibrée. On ouvre pas un nouveau cycle avec juste l'agriculture et les services.
Le but doit être de mieux encadrer les échanges et définir les règles. Donc, pour une approche globale. Et qui tient mieux compte aussi des aspirations croissantes de la population : sécurité alimentaire, social, environnement : on ne peut imaginer que ces sujets ne soient pas abordés.
Et de nombreux sujets en dehors du volet agricole touchent les agriculteurs :
- la propriété intellectuelle
pour la défense des AOC, IGP, labels..
sur les OGM non à l'appropriation du vivant par les firmes
Les agriculteurs doivent pouvoir resemer leur récolte : c'est notre métier, au cur même du vivant !
- sur l'investissement le droit de la concurrence
Pour exister face aux grands trusts !
- sur l'information du consommateur, le sanitaire
pour l'étiquetage, la traçabilité, la liberté de choix du consommateur !
Et ne nous y trompons pas : le poids de l'opinion publique et de la société sera plus important que lors des dernières négociations. Il faut en tenir compte.
C'est ce qui a inspiré la démarche de la FNSEA :
- les rencontres, en France, en Europe, à l'international
- les OPA
- les syndicats de salariés, consommateurs, entrepreneurs, monde rural
Notre démarche est une démarche d'ouverture et de dialogue. Mais aussi d'unité dans nos messages et nos actions pour être écoutés, compris et soutenus par l'opinion, et appuyés par les négociateurs.
A nos négociateurs nous demandons la fermeté au début mais aussi tout au long des négociations. Car c'est sur plusieurs années que se dérouleront les négociations. Il ne s'agit pas de hausser le menton maintenant pour baisser la tête demain !
La FNSEA avec toutes ses AS, avec le CNJA et les OPA, resteront vigilants pour que nos négociateurs ne baissent pas la garde.
Ils pourront sûrement s'appuyer sur des pays qui comme nous veulent faire reconnaître leur modèle agricole, et qui refusent la banalisation : certains PVD. D'autres pays en Europe et dans le monde, comme le Japon.
Et bâtir un partenariat avec les PECO qui feront avec nous l'Europe de demain. Il faut que l'OMC reconnaisse l'effort financier de l'Europe sur l'élargissement et que les PECO et l'Union Européenne fassent un front uni dans les négociations.
Alors il ne faut pas s'y tromper ces négociations sont vitales pour notre agriculture. C'est l'avenir de notre agriculture sur les marchés, donc la pérennité de nos exploitations qui est en jeu et le devenir des agriculteurs.
A Seattle à Bruxelles à Paris et dans toute la France, notre combat est le même. Et c'est dans l'unité et dans la solidarité que nous le gagnerons. Tous unis pour gagner, à Seattle, à Bruxelles, à Paris, dans nos départements, dans nos régions, dans nos filières !
Pour les prix et la valeur ajoutée, sur les marchés,
Pour notre métier de chefs d'exploitation, indépendants, nos exploitations à responsabilité personnelle. face à l'aval et à la grande distribution, avec des prix pour vivre de notre métier !
Pour la compétitivité de nos exploitations :
Moins de charges, fiscales, sociales, financières,
Assez avec la suradministration, le retard des aides, la bureaucratie !
Les agriculteurs ont besoin à la fois de réponses concrètes sur le terrain et de plus de visibilité sur leur avenir.
A nous tous de pousser ensemble dans le même sens, dans l'unité syndicale et avec notre diverssité, car notre diversité, c'est notre force et nous le démontrons encore aujourd'hui ! A nous de nous rassembler pour construire l'avenir !
Aux décideurs nous demandons d'entendre cet appel des agriculteurs s'ils veulent qu'on pousse tous ensemble dans le pack pour faire gagner nos couleurs dans les négociations.
A l'opinion, aux consommateurs, nous disons que l'avenir de l'agriculture, c'est l'avenir de votre alimentation, de vos paysages, de vos territoires et des produits que vous aimez, alors rejoignez-nous dans ce combat, qui est aussi votre combat !
Tous unis pour gagner !
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)