Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à"RFI" le 17 janvier 2003, sur l'inauguration du tunnel du Somport, les perspectives d'Air Lib.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

P. Ganz-. Vous allez inaugurer cet après midi, avec votre collègue espagnol, un ouvrage d'art monumental entre la France et l'Espagne, le tunnel routier du Somport - 8,6 kilomètres sous les Pyrénées - qui relient le nord et le sud de l'Europe. C'est 225 millions d'euros investis depuis 1992. Voilà pour les chiffres. Quelle est l'utilité de ce tunnel ?
- "C'est même un peu plus que 225 millions d'euros ; ce sont 275 millions d'euros, dont 88 à la charge de la France, parce que les deux-tiers de ce tunnel sont en territoire espagnol. L'utilité de ce tunnel ? Les tunnels, c'est comme les ponts. J'ai eu la chance d'inaugurer le pont Pfimlin à Strasbourg qui réunit l'Allemagne et la France, la France et l'Allemagne. C'est un grand moment d'émotion. Un tunnel aussi, c'est un même moment d'émotion parce que cela réunit deux pays, deux pays très voisins, amis, et très européens tous les deux. Plus il y aura de jonctions, qui respectent bien sûr l'équilibre, l'écologie - parce que la partie nord française est un endroit très très sensible, il faut malgré tout aider les peuples à se rejoindre et les marchandises à s'échanger. C'est aussi comme cela que l'on construit l'Europe."
On ne va pas revenir sur toutes les polémiques qui ont eu lieu pendant ces dix ans de travaux autour de ce tunnel, mais simplement cette question sur l'accès côté français au tunnel. Certains élus locaux français ne seront peut-être pas là cet après-midi parce qu'ils trouvent qu'on a pas fait assez vite les travaux d'aménagement de la route. Est-ce qu'on va un petit peu accélérer ces travaux ?
- "Il ne s'agit pas de polémique, il s'agit de choses sérieuses. Et les élus de la vallée d'Aspe ont raison de regretter que les travaux routiers n'aient pas été faits avant et au moment de l'ouverture. Les Espagnols l'ont fait, mais il faut reconnaître - et non pas du tout pour diminuer leur mérite - que l'accès côté espagnol est beaucoup plus simple que la vallée d'Aspe qui est une vallée étroite, magnifique, très belle. Donc, les travaux sont beaucoup, beaucoup plus difficiles et beaucoup plus coûteux. Ceci étant dit, ce qui est dommage, c'est que les élus, à l'occasion de cette ouverture, auraient eu l'occasion de venir voir le nouveau ministre que je suis pour insister sur le fait qu'il faut faire ces travaux d'accès, de contournement de villages - il y en a une dizaine et simplement deux contournements ont été faits - le plus vite possible. C'était vraiment l'occasion d'engager un dialogue républicain et certains, individuellement, l'ont fait dans mon bureau. Pourquoi ne pas profiter de cette ouverture pour venir insister auprès du ministre en charge justement de l'Equipement, pour souligner la priorité de tel ou tel contournement par rapport à tel autre... Je crois que c'est toujours fructueux. Ceci étant, moi, je viens et j'annoncerai forcément des choses et ceux qui ne seront pas là, je le regrette pour eux, mais ils n'auront pas la priorité."
Vous dites "faire ces contournements le plus vite possible" : ce serait dans quel délai ?
- "C'est difficile de vous répondre, parce que la vallée d'Aspe, c'est une vallée très escarpée, très difficile. Et donc, certains travaux peuvent être commencés tout de suite et d'autres peuvent être étalés sur cinq, six, sept, huit ou dix ans. Je ne le sais pas. C'est une négociation. En tout cas, nous nous avons la volonté de le faire."
Vous êtes prêt à mettre de l'argent en plus là-dessus ?
- "Je répondrai tout à l'heure aux élus qui seront présents."
Vous ne dites pas non ?
- "Je répondrai tout à l'heure aux élus qui seront présents. Et puis, il faut avoir un bon dialogue aussi avec les deux collectivités importantes, c'est-à-dire le conseil régional et le conseil général, qui sont toujours des partenaires en matière d'équipements routiers."
Hier, le ministre de l'Economie F. Mer a annoncé, sur le budget 2003, le gel de 4 milliards d'euros de dépenses d'investissement notamment. Est-ce que des grands travaux que vous voulez faire comme ministre de l'Equipement sont compromis ?
- "C'est une mesure sage que de commencer par un gel, mais évidemment sans arrêter les chantiers. Ensuite, on regarde ce qui est prêt à démarrer ou les chantiers qui sont en cours et, évidemment, ceux-là ne font pas partie d'un gel. C'est en général comme cela que ça se passe. En tout cas, cela s'est passé comme ça avec F. Mer en 2002. Et ensuite, nous avons un rendez-vous très important pour les infrastructures : c'est le grand débat devant le Parlement au premier semestre de 2003 à la suite de l'audit que j'ai commandé au conseil général des Ponts qui, assorti d'un rapport de l'inspection générale des Finances, va nous donner la priorité des infrastructures à réaliser en France et surtout, va imaginer des pistes importantes, intéressantes et innovantes de financement des infrastructures dont la France a besoin - et j'attire votre attention là-dessus - et dont la France a encore plus besoin avec l'élargissement de l'Europe."
Des pistes de financement : on va créer un impôt nouveau ?
- "Non, ce n'est pas forcément un impôt nouveau. Cela peut être des redevances sur les transports actuels qui permettent bien sûr à celui qui reçoit la marchandise de payer une petite contribution parce qu'il doit contribuer aussi au transport et aux infrastructures de transport. "
Un mot sur le dossier de la compagnie aérienne Air Lib : vous avez, depuis mercredi, les propositions du conciliateur, notamment pour le paiement des dettes, des charges du fisc qui sont en retard de paiement. Est-ce qu'elles vous satisfont ?
- "Nous venons de recevoir les propositions. Nous sommes en train de les décrypter, de les analyser sous l'angle juridique, sous l'angle financier. Nous avons quelques jours pour cela. Je sais que le temps presse et le principal critère d'appréciation que nous aurons au moment de prendre la décision, bien sûr, de poursuivre, c'est : la compagnie, dans sa nouvelle configuration, avec éventuellement son éventuel nouveau partenaire, a-t-elle ou pas les moyens de continuer ou de reprendre le paiement des charges courantes. C'est le critère numéro un, parce qu'on a atteint le plafond des plafond des encours que l'Etat, sur de l'argent public - et d'ailleurs certains se posent la question de la régularité de ces facilités -, a atteint véritablement un summum. On est presque à 113 millions d'euros à peu près. Ce n'est pas possible de dépasser cette somme."
Si la compagnie a les moyens de faire face à ses échéances et à ses dettes, est-ce que vous êtes favorable à l'extension de son réseau vers l'Afrique ? Elle a déposé neuf demandes dans des capitales africaines.
- "Nous avons déjà répondu "oui", bien entendu. Si c'est une condition d'exploitation et de l'amélioration de son exploitation, la réponse est "oui" ; on peut autoriser et on autoriserait Air Lib à desservir l'Afrique."
Je n'oublie pas que le ministre de l'Equipement que vous êtes est un membre important de l'UDF qui tient son congrès ce week-end près de Paris. Certains parlent de congrès de refondation. Est-ce que, comme votre président F. Bayrou, vous voyez l'UDF comme une alternative au face-à-face gauche-droite ?
- "Je crois que c'est une alternative. En tout cas, dans un moment où la gauche est complètement désemparée - la gauche est désemparée parce que son passé marxiste, trotskiste, etc., l'a complètement marginalisée des grands courants politiques nationaux européens -, je crois qu'on a besoin d'un centre et d'un centre droit fort, susceptible d'apporter une vraie valeur ajoutée à la majorité d'aujourd'hui, mais susceptible aussi de recueillir aussi une adhésion de plus en plus importante de la part des Français, et, à terme, comme on l'a vu finalement en 1969, il peut y avoir, non pas une alternative ou une alternance brutale entre une droite et une gauche, mais comme en 1969 - pourquoi pas, un jour - une alternance entre un centre et un centre-droit, et une droite qui deviendrait le cas échéant, un peu trop droitière."
Vous n'excluez pas qu'un jour, comme en 1969, le centre s'était rallié à M. Pompidou, l'UDF puisse se rallier peut-être à la gauche, c'est cela ?
- "Non, je dis simplement qu'en 1969, nous avions un candidat centriste qui s'appelle monsieur Poher, qui a fait presque jeu égal avec un candidat de la droite traditionnelle, qui s'appelait monsieur Pompidou. Et donc, cette nouvelle configuration, qui a déjà existé en 1969, ce renouvellement de l'histoire peut très bien se produire avec une UDF de plus en plus fortifiée, qui, vous le voyez dans toutes les enquêtes, recueille en tout cas des avis de plus en plus favorables de la part des Français."
Est-ce que les propositions sur l'Europe qui ont été faites par G. Schröder et J. Chirac vous hérissent le poils comme à F. Bayrou ?
- "Elles ont un mérite : ce sont des propositions communes qu'on appelle des contributions, pour faire avancer le débat : comment mieux intégrer l'Europe et comment lui donner une tête, comment lui permettre d'être plus efficace sur la scène internationale ?"
Dans votre travail de ministre, il y a un certain nombre de professions dont le statut de retraité va être aussi évoqué dans les mois qui viennent. Est-ce que vous êtes favorable à un référendum sur les retraites en France ?
- "Je crois que le démarrage - on va le voir au cours du premier semestre - c'est vraiment déjà de solutionner le régime général et de voir quels sont les principes d'équité qu'on peut mettre en place, pour que les gens comprennent que le problème, ce n'est pas une agression vis-à-vis d'eux, mais c'est au contraire la pérennité d'une grande espérance."
C'est l'objectif mais le moyen, ce peut être un référendum ?
- "Les moyens, pour qu'il y ait référendum, il faut qu'il y ait une très très grande compréhension de la part de toutes les personnes concernées, sur les données, on va dire "les curseurs" à modifier, le cas échéant, pour pérenniser ces retraites. S'il y a vraiment cette compréhension, et c'est une question extrêmement complexe, à ce moment-là, on peut toujours imaginer d'interroger directement les Français. Mais nous n'en sommes pas là."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 janvier 2003)