Conférence de presse et déclaration devant la communauté française de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur le soutien de la France aux autorités légitimes de Côte d'Ivoire et à la recherche d'une solution pacifique à la crise ivoirienne, la solidarité de la France avec la communauté française présente dans le pays.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Tournée en Afrique de M. de Villepin, du 25 au 28 novembre 2002, dans le cadre de la recherche d'une solution à la crise ivoirienne-voyage en Côte d'Ivoire le 27 : rencontre avec le Président M. Gbagbo, le RDR et la communauté française

Texte intégral

(Conférence de presse à Abidjan, le 27 novembre 2002) :
Permettez-moi tout d'abord de m'excuser auprès de vous pour ce retard dû à un agenda très chargé d'une journée, je crois importante, pour la Côte d'Ivoire, pour les relations entre la France et la Côte d'Ivoire et qui marque véritablement la volonté commune d'avancer dans la voie de la paix et de la réconciliation. J'étais ce matin à Lomé, avec le président Eyadéma. J'ai rencontré les deux délégations qui travaillent actuellement à Lomé et qui sont parvenues, il y a quelques instants, à signer une déclaration commune, une déclaration marquant clairement la conscience que chacune des parties a de l'urgence. Soucieuses que ces deux parties sont de mettre sur la table aujourd'hui les questions politiques, qui sont des questions essentielles restant à résoudre, dans la voie de la réconciliation, il était important que cette prise de conscience s'opère et que désormais, dans l'urgence, chacun soit amené à faire sa part du chemin.
Après cette étape aujourd'hui à Abidjan, je continuerai à travailler pour la Côte d'Ivoire : ce soir, en rencontrant le président Compaoré, demain au Mali avec le président Amadou Tomani Touré, je poursuivrai avec le président Wade à Dakar et le président Bongo au Gabon.
Il y a donc véritablement le souci de mobiliser toutes les énergies - et la Côte d'Ivoire a besoin de mobiliser toutes ses énergies - et je suis sûr qu'aujourd'hui chacun voit bien qu'il ne faut pas céder à la facilité, aux tentations, ni de la force ni de l'intolérance mais bien plutôt unir nos forces. Le président Gbagbo l'a dit avec beaucoup de force et de conviction et vous savez que la France appuie les efforts des autorités légitimement élues de la Côte d'Ivoire. Nous appuyons les efforts du président Gbagbo dans cette voie car nous pensons qu'il ne peut pas y avoir d'issue à la situation actuelle de la Côte d'Ivoire par la guerre, par la violence, mais par le dialogue. Et je suis heureux car je l'ai constaté tout à l'heure, en rencontrant le président Konan Bédié, en rencontrant le président Gbagbo, en parlant avec un certain nombre de représentants du Rassemblement des Républicains (RDR). Il y a une volonté commune de travailler ensemble, de se réconcilier et c'est sur cette volonté qu'on peut fonder aujourd'hui notre optimisme pour la Côte d'Ivoire. En résumé, la France est aux côtés de la Côte d'Ivoire, mobilisée avec tous les amis de la région, l'ensemble des pays d'Afrique qui veulent véritablement sortir de cette crise.

Q - Monsieur le Ministre, vous insistez sur la volonté commune exprimée ici à Abidjan de travailler ensemble, notamment avec le président, avec le président Bédié, avec certains représentants du RDR. Or, justement, le RDR vient de sortir du gouvernement, M. Alassane Ouattara a annoncé hier la sortie de ses ministres du gouvernement, et beaucoup d'Ivoiriens pensent que le RDR est derrière l'attaque que vit la Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre. Alors, comment est-ce que, au moment où M. Ouattara sort ses ministres du gouvernement, il peut exprimer la volonté de travailler avec les autres... ? Deuxièmement, vous dites que pour vous il n'y a pas d'issue militaire en Côte d'Ivoire : les Ivoiriens ne pensent pas comme vous. Alors, pourquoi, depuis un mois que les gens sont à Lomé, la négociation n'avance-t-elle pas. Quelle est donc votre position pour régler ce problème ?
R - Vous savez, dans toute crise internationale, dans toute crise d'une manière générale, il y a un moment qui constitue un rendez-vous important. Eh bien ce moment c'est aujourd'hui. Après plusieurs semaines de négociations à Lomé, où des progrès ont été faits, il faut regarder les choses en face. Des progrès ont été faits sur le plan militaire. Il nous reste certes à franchir une étape sur le plan politique. Aujourd'hui, les deux parties ont signé une déclaration commune, marquant leur volonté d'avancer à grands pas et je leur ai dit - et je le redis aujourd'hui devant vous -, nous devons avoir en tête et à coeur en permanence le peuple de Côte d'Ivoire, car ce peuple souffre depuis maintenant de nombreuses semaines et pour lui, pour ce que la Côte d'Ivoire représente dans l'ensemble de la région et sur le continent africain, nous avons un devoir. Ce devoir, c'est de travailler dans l'unité, et c'est le message que j'adresse à l'ensemble des responsables ivoiriens. C'est le message qui est au coeur de l'entretien que j'ai eu avec le président Gbagbo et je sais que c'est dans ce sens qu'il veut travailler. Et ce message je l'ai adressé et il a été entendu par le président Konan Bédié. Je l'ai adressé à des représentants du RDR de la même façon. Il y a un moment où il faut franchir une étape et s'engager délibérément, avec conviction, dans la voie de la réconciliation. Ce moment est venu pour la Côte d'Ivoire car l'on voit bien que l'autre issue, l'autre enjeu, c'est la spirale de la violence, c'est la spirale de la crise, et c'est celle du malheur pour l'ensemble des Ivoiriens. Cela, nous le refusons et c'est pour cela que je suis ici, pour témoigner, pour mobiliser et pour agir avec l'ensemble de nos amis ivoiriens, pour soutenir l'action du président Gbagbo, pour soutenir l'action de tous les Etats voisins qui veulent aujourd'hui agir ensemble pour faciliter la médiation africaine. Médiation du président Eyadéma, médiations de tous ceux qui sont désireux, dans le cadre de la CEDEAO - et je pense au président de la CEDEAO, le président Wade -, qui sont désireux d'unir leurs efforts pour justement permettre aujourd'hui un règlement. Aujourd'hui, les conditions d'un règlement existent et c'est dans ce sens qu'il faut travailler. Il n'y a, je le répète, pas d'autre issue.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez rencontré d'abord le président Gbagbo ici mais aussi le président Bédié... Pourquoi n'avez-vous pas rencontré Alassane Dramane Ouattara ?
R - Vous savez qu'Alassane Ouattara, à la demande du président Gbagbo, et en accord avec le président Gbagbo, a été accueilli au plus dur de la crise à la Résidence de France. Nous l'avons fait en parfait accord avec le président Gbagbo et les autorités ivoiriennes. Aujourd'hui, à cette heure, Alassane Ouattara n'est pas, n'est plus à la Résidence de France.

Q - Il est où ? Peut-on savoir ?
R - Alassane Ouattara n'est pas, n'est plus à la Résidence de France et tout ceci a été fait en accord, en liaison, avec l'appui du président Gbagbo. Je n'ai rien à dire d'autre sur ce sujet.
Q - Monsieur le Ministre, la France est liée contractuellement à la Côte d'Ivoire par un accord de défense. Comment avez-vous apprécié le fait que vous demandiez au chef d'Etat ivoirien, de signer, de discuter avec des rebelles alors qu'un accord de défense vous lie à la Côte d'Ivoire ?
R - Vous savez, la France est respectueuse - et elle l'a toujours dit -, respectueuse de l'unité, de l'intégrité et de la souveraineté de la Côte d'Ivoire. Nous l'avons dit et je le redis aujourd'hui. Nous reconnaissons et nous travaillons avec les autorités légitimes démocratiquement élues de la Côte d'Ivoire. Ce dialogue s'est poursuivi dans la fidélité et dans l'amitié, depuis le premier jour et nous continuons aujourd'hui à vouloir défendre cette unité, cette intégrité. De ce point de vue, il n'y a jamais eu de changement de la position française.
Q - Monsieur le Ministre, nous le savons, la France est un grand pays de démocratie. Est-ce que, avec vous, on peut franchir le pas vers un Etat de droit qui prend en compte le respect des institutions et l'intégrité nationale ? C'est ma première préoccupation. Ma deuxième préoccupation : quel commentaire faites-vous par rapport aux comptes-rendus des médias français qui, au cours de cette crise, fustigent, il faut le dire, le pouvoir en place, diabolisent, je dirais, le pouvoir en place alors que les médias français cajolent les rebelles, les prennent pour des saints. Quel commentaire ?
R - La position de la France, je le redis, nous l'avons exprimée depuis le premier jour : soutien aux autorités élues de Côte d'Ivoire, défense de l'unité, de l'intégrité, de la souveraineté de la Côte d'Ivoire, mobilisation et efforts pour oeuvrer dans le sens de tout ce qui peut permettre le retour et la défense de cette unité et c'est dans ce sens que nous nous mobilisons pour travailler à la réconciliation de la Côte d'Ivoire, si importante bien sûr pour la Côte d'Ivoire mais aussi pour l'ensemble de la région. Ce sont les seules préoccupations de la France. Le président Gbagbo l'a dit avec force au déjeuner. C'est bien la façon que nous avons de regarder ensemble l'avenir, c'est bien la conviction que nous partageons d'une fidélité, d'une amitié et notre souci c'est d'agir ensemble, de faire en sorte que, dans le respect des valeurs que nous partageons, respect de l'autre, respect de la dignité, tolérance, nous acceptions ensemble de faire le chemin qui peut nous permettre de retrouver l'unité et la souveraineté de la Côte d'Ivoire.
Q - (Au sujet des propos qui auraient été tenus par l'ambassadeur de France en Côte d'Ivoire)
R - Vous savez, dans l'histoire de deux pays, comme la France et la Côte d'Ivoire, il faut savoir au-delà des circonstances, au-delà des passions, regarder le chemin qui est celui de la fidélité, qui est celui de l'amitié. Quel pays est aux côtés aujourd'hui de la Côte d'Ivoire ? Quel pays a répondu présent à toutes les étapes dans l'épreuve que connaît la Côte d'Ivoire ? La France non seulement tient sa parole mais la France donne des preuves de l'engagement qui est le sien aux côtés de la Côte d'Ivoire et ce, depuis de nombreuses décennies. La France est engagée et je le répète, par fidélité, par amitié, par conviction parce qu'elle aime la Côte d'Ivoire comme elle aime l'ensemble du continent africain, parce qu'elle veut que la Côte d'Ivoire retrouve toute sa place, parce qu'elle croit en la capacité de réconciliation de l'ensemble des Ivoiriens. Alors, vous me posez la question. La France parle d'une seule voix, son ambassadeur, son ministre, le président de la République Jacques Chirac. Nous voulons, et je le dis parce que c'est la voix de la France, la réconciliation ivoirienne, nous voulons une Côte d'Ivoire capable de retrouver sa place dans la communauté africaine. C'est ça la conviction française et croyez-vous que je serais aujourd'hui à Abidjan si telle n'était pas l'intention de la France ? La France ne se contente pas de paroles. Nous avons maintenu nos écoles ouvertes, nous avons maintenu notre coopération, nous avons maintenu, voire doublé notre présence militaire pour assurer la sécurité de l'ensemble des ressortissants étrangers et français dans ce pays. Parce que notre présence est aujourd'hui aux côtés de la Côte d'Ivoire, la Côte d'Ivoire dans l'épreuve. Vous pouvez me citer beaucoup de pays qui ont cette constance, qui ont cet engagement, qui ont cette affection pour les Ivoiriens et pour la Côte d'Ivoire ? Alors je continuerai comme je l'ai fait, ce matin à Lomé, mon périple dans l'ensemble de la région et à la fin de ce périple, j'ai souhaité, j'ai demandé à l'ambassadeur de me rejoindre à Paris pour faire un point, pour des consultations, de façon à ce que nous franchissions justement l'étape indispensable à laquelle nous aspirons, parce que nous attachons une importance considérable à ces relations avec la Côte d'Ivoire et que de nouveau, je le redis, la France parle d'une seule voix. La France est une, une dans son affection, une dans son attachement, une dans sa fidélité à la Côte d'Ivoire.
Q - (A propos du voyage du ministre)
R - La réponse est simple, je suis là. Et je pense que personne n'a jamais douté que, quand les choses étaient difficiles, la France est là. La France est là parce qu'elle croit en la Côte d'Ivoire, parce que ses relations avec la Côte d'Ivoire sont des relations anciennes et profondes et parce qu'il était nécessaire d'être là aujourd'hui, parce que nous voulons aider la Côte d'Ivoire. On me parlait d'optimisme tout à l'heure, oui, nous sommes optimistes. Nous sommes optimistes parce que nous sommes volontaires. Nous sommes volontaires parce que nous travaillons. Nous sommes volontaires parce que nous travaillons et parce que nous pensons que tous unis avec les Etats voisins, avec l'ensemble des partis ivoiriens, l'ensemble des Ivoiriens, nous trouverons la solution. Et c'est ce message d'espoir, ce message de confiance, ce message de volonté que je veux transmettre aujourd'hui à votre pays.
Q - Selon certains Ivoiriens, M. Ouattara serait à la base de la crise que vit la Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, vous dites que M. Ouattara n'est plus à l'ambassade de France. Nous vous demandons, nous avons posé la question de savoir où il se trouvait. Vous n'avez pas voulu nous dire plus. A supposer un seul instant que les causes, des preuves contre M. Ouattara soient établies, est-ce que la France serait prête à mettre M. Ouattara à la disposition des autorités ivoiriennes ?
R - Il n'appartient pas à la France de s'ériger en juge. Je vous l'ai dit, M. Ouattara n'est pas, n'est plus à la Résidence de France à Abidjan et je vous ai dit quelle était l'ambition de la France, le désir de la France, d'appuyer tous les efforts. Vous avez évoqué les gestes qu'entendait faire le président Gbagbo. Nous appuyons tous les efforts en vue de la réconciliation. Et c'est bien ce que j'ai dit ce matin aux deux délégations. Il y a dans l'histoire d'un pays des moments heureux et des moments douloureux. La Côte d'Ivoire aujourd'hui connaît l'épreuve. Dans l'épreuve, il faut savoir discerner les rendez-vous, il faut savoir tendre la main et c'est bien cela aujourd'hui qui importe aux Ivoiriens. Le peuple ivoirien du nord ou du sud, quelle qu'en soit l'ethnie, quelle qu'en soit la confession, attend des réponses et dans l'entretien que j'ai eu avec le président Gbagbo, je sais qu'aujourd'hui ces réponses vont être apportées. Dans les entretiens que j'ai eus ce matin à Lomé, je sais que des réponses vont être apportées et c'est cela que nous voulons encourager. Il n'est pas question pour nous de nous ingérer dans les affaires ivoiriennes. Il est question pour nous, en liaison avec l'ensemble de nos amis africains, d'apporter notre contribution, d'apporter notre soutien et je me félicite de voir les progrès des médiations africaines. Nous le voyons dans la crise ivoirienne, nous le voyons dans d'autres crises africaines. Il y a aujourd'hui une disponibilité. Je salue les efforts du président Eyadéma, je salue les efforts du président Wade. Il y a aujourd'hui une disponibilité, il y a une volonté véritablement de franchir et de résoudre les crises. Je veux m'en féliciter parce que je sais qu'il y a là les bases de ce qui peut constituer le sursaut indispensable au règlement de la crise.
Q - Monsieur le Ministre, le 19 septembre 2002, voici des assaillants, des rebelles qui attaquent le gouvernement légitime et légal du président Gbagbo en Côte d'Ivoire et ces rebelles aujourd'hui posent des problèmes d'ordre politique. Est-ce que vous trouvez cela normal ? J'allais vous demander, est-ce qu'en Europe on peut assister à ce genre de choses ?
R - Je l'ai dit au président Gbagbo, et vous n'ignorez pas que j'ai été en contact avec lui tout au long de la crise, nous condamnons de la façon la plus ferme ces initiatives de déstabilisation. Nous voulons travailler à la réconciliation de la Côte d'Ivoire. Notre seul souci c'est d'apporter aujourd'hui une solution à la crise et c'est pour cela que nous sommes mobilisés. Les actes du gouvernement français parlent pour lui mieux que tous les discours. Et je sais - le président Gbagbo l'a dit - que parfois dans la passion, dans une relation d'amitié, il y a bien évidemment l'attente et l'exigence, il peut aussi y avoir des doutes. Regardez l'attitude de la France depuis le début. Il n'y a aucun doute quant à l'ambition, quant à la volonté et quant à la solidarité et la fidélité du gouvernement français.
Q - Monsieur le Ministre, heureusement que tout à l'heure vous avez dit que la France s'était totalement engagée aux côtés de la Côte d'Ivoire...
R - Le président Gbagbo l'a dit mieux que moi.
Q - (A propos de la position de la France)
R - Je vous dis ce que je sais. M. Ouattara n'est pas à la Résidence de France. Je vous dis ce que je sais, je ne dis pas le reste. En ce qui concerne la question que vous posez, ne cédez pas à la rumeur. Dans toute situation de crise, la tentation c'est de colporter des bruits. Je me fie aux faits et dans les faits, y compris dans les dépêches qui sont tombées ce matin, faites la part des choses. Les choses sont claires, nous l'avons dit depuis le début. Le soutien de la France aux autorités élues, nous l'avons dit depuis le début, nous l'avons dit solennellement et je le répète ici. Il n'y a aucune ambiguïté sur la position de la France. Le président Gbagbo l'a dit lui-même, il peut le dire mieux que moi, les choses sont parfaitement claires.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2002)
(Allocution devant la communauté française à Abidjan, le 27 novembre 2002) :
Chers Amis,
Permettez-moi tout d'abord de m'excuser pour mon retard. Je sais les contraintes de la vie quotidienne aujourd'hui à Abidjan les contraintes du couvre-feu, je vous demande donc de m'excuser pour cela. Ce retard est, comme vous l'imaginez, dû à une journée bien remplie, puisque j'étais à Lomé pour rencontrer les deux délégations qui continuent de travailler là-bas et qui viennent de signer conjointement une déclaration marquant leur volonté d'avancer sur le chemin d'une réconciliation politique.
Je me suis longuement entretenu avec le président Gbagbo qui a tenu à marquer solennellement et publiquement l'amitié de la Côte d'Ivoire et de la France à un moment, vous le avez mieux que quiconque, où la Côte d'Ivoire traverse des heures difficiles. Je sais quelles ont été les difficultés, les épreuves des dernières semaines. Nous les avons suivies pas à pas, et il n'y a pas eu de jour où nous n'ayons été en contact avec nos représentants ici, les représentants ivoiriens, l'ensemble des responsables de la région qui travaillent et qui oeuvrent pour essayer de trouver une solution. Je l'ai dit au président Gbagbo, je l'ai dit ce matin à Lomé, je le redirai ce soir au Burkina Faso, au Mali, au Sénégal, puis au Gabon.
Dans l'histoire des peuples, il y a des moments, des rendez-vous où tout à coup l'urgence, plus que jamais, se fait sentir et devient évidence, devient un devoir pour chacun. Je vous le redis, nous avons aujourd'hui, vis-à-vis de la Côte d'Ivoire, vis-à-vis de chacun d'entre vous, qui vivez en Côte d'Ivoire, pour beaucoup depuis longtemps, qui y avez fait votre vie, nous avons un devoir. Ce devoir, c'est celui non pas de compter les semaines, non pas de compter les jours, mais bien de compter les heures qui doivent conduire à tourner la page de ces heures douloureuses. C'est pour cela que nous sommes mobilisés. C'est pour cela que mon voyage me conduit dans tant de pays en si peu de temps et c'est pour cela qu'inlassablement, la France prendra sa canne et son chapeau pour travailler, pour oeuvrer en faveur de l'unité, de la réconciliation et de la paix dans ce pays.
Ce pays, vous le savez, est dans l'épreuve. Et parfois dans le regard des uns et des autres, vous avez pu lire, l'incompréhension, le doute. Dans les épreuves, il arrive que certaines amitiés deviennent tout à coup des interrogations et j'ai été heureux d'écouter le président Gbagbo dire, parce que cela venait du fond du coeur, parce qu'il le sait et parce que nous avons vécu ensemble toutes ces semaines et tous ces jours, quels étaient dans son esprit le rôle et la mission de la France, quelle était l'inlassable volonté de la France de travailler à la situation nouvelle de la Côte d'Ivoire.
Je suis né comme beaucoup d'entre vous en terre africaine et vous savez l'affection qui me lie à ce continent. Dans ce continent, la Côte d'Ivoire a toujours fait office de référence : le "mirage ivoirien", "l'exemple ivoirien". Je me rappelle les nombreux entretiens que j'ai eus la chance d'avoir avec "le Vieux", le président Houphouët Boigny. Je me rappelle avec émotion il y a quelques mois ma visite souvenir à Yamoussoukro, nous étions, il y a quelques instants pour le déjeuner ou le banquet offert par le président Gbagbo tout près de l'arbre à palabres du président Houphouët Boigny. Il y a là des signes, des signes que quelque chose bouge, dans le bon sens, des signes que partout - les entretiens que j'ai pu avoir avec le président Bédié, avec des représentants du Rassemblement des Républicains (RDR), montrent qu'il y a une volonté commune et partagée de faire en sorte que cette nouvelle étape de l'histoire de ce pays s'écrive ensemble.
Alors, je sais quelle a été et quelle est encore aujourd'hui votre attitude. Je sais le courage qui a été et qui est le vôtre. Je sais la solidarité dont vous avez témoigné les uns envers les autres, ceux de Korhogo, ceux de Bouaké, l'accueil à Yamoussoukro, à Abidjan, la capacité, la volonté de maintenir les écoles ouvertes, de répondre aux besoins de chacun ; je veux saluer cet exemple que vous avez donné, que vous continuez à donner. Je veux vous dire de la part du président de la République, de la part du Premier ministre, de tout le gouvernement, la reconnaissance de la France, la pensée de la France, l'action de la France.
Nous sommes à vos côtés et vous oeuvrez pour qu'une nouvelle étape s'ouvre. Vous savez que l'ensemble de nos responsables français en Côte d'Ivoire, qu'il s'agisse de nos représentants de l'ambassade, du consulat, l'ensemble des militaires qui travaillent en Côte d'Ivoire, vous savez le dévouement qui est le leur. Vous savez de quelle façon ils veulent appuyer la recherche d'une solution, je voulais vous dire personnellement la mobilisation qui est la nôtre, qui est celle de tous ceux qui veulent servir pour la France, qui que vous soyez, fonctionnaires, industriels, chercheurs, représentants de l'univers culturel, des missions, des associations, nous sommes avec vous et vous pouvez compter sur nous, et je vous adresse une nouvelle fois tous mes remerciements.
Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2002)