Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur l'organisation à l'échelle internationale de la lutte contre le terrorisme, à New York le 20 janvier 2003.

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Circonstance : Réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies au niveau ministériel sur la lutte contre le terrorisme, à New York le 20 janvier 2003

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire général,
Madame et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
1 - Le monde est aujourd'hui à un tournant. Les crises ont une dimension globale. Dans ce contexte, le Conseil de sécurité, instance suprême de la volonté de la communauté internationale, a une responsabilité particulière. C'est pourquoi la France a pris l'initiative de cette réunion. Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire général, chers collègues, d'avoir répondu aussi nombreux à mon invitation.
Je ne voudrais pas prendre la parole sur le sujet du terrorisme a New York, sans évoquer avec émotion les victimes des attentats du 11 septembre. Leur souvenir doit nous inspirer la plus grande détermination dans la lutte contre le terrorisme.
De nouvelles attaques, à Karachi, à Bali ou à Mombasa, nous ont confirmé que les terroristes étaient plus que jamais résolus à briser des vies et à semer la destruction. Elles nous ont aussi confirmé que le terrorisme menaçait tous les pays, tous les peuples. Il ne peut donc être combattu de manière isolée. Face au terrorisme, nous avons un devoir : la mobilisation collective. Nous avons aussi une exigence : le résultat.
2 - Beaucoup a été fait :
- Je pense aux Nations unies, avec le rôle essentiel du Conseil de sécurité, l'adoption de la résolution 1373, les sanctions imposées contre Al Qaïda ou le Comité du contre-terrorisme, dont je souhaiterais saluer l'activité.
- Je pense également au G8, à ses travaux sur la non-prolifération ou sur la lutte contre le financement du terrorisme.
- Mais beaucoup reste à faire : le terrorisme est en mutation constante. Il sait adapter ses méthodes et ses réseaux, il affirme son caractère global. Il est impératif de faire mieux et plus.
3 - Comment ?
- D'abord en renforçant la mobilisation de la communauté internationale dans son ensemble.
Les Nations unies peuvent et doivent jouer un rôle majeur dans cette nouvelle impulsion. Parce qu'elles ont vocation universelle, elles doivent être au centre de nos efforts, en nous concentrant, de manière pragmatique, sur les domaines dans lesquels les Nations unies peuvent mieux que d'autres apporter leur contribution.
Elles ont ainsi déjà un rôle décisif dans l'élaboration d'instruments juridiques internationaux contre le terrorisme. Mais nous devons encore avancer dans ce domaine, tant pour conclure la négociation de textes essentiels, comme la Convention générale contre le terrorisme ou la Convention contre le terrorisme nucléaire, que pour permettre l'application des textes déjà signés. Donnons une impulsion nouvelle aux institutions des Nations unies chargées de cette tâche.
Les Nations unies, parce qu'elles ont une vocation universelle, peuvent également faire davantage pour aider les pays, notamment les pays du Sud, à renforcer leurs dispositifs nationaux de lutte contre le terrorisme. Je propose, dans cette perspective, que nous réfléchissions à la mise en place d'un fonds de coopération et d'assistance au sein des Nations unies, qui devrait être doté de ressources propres et étroitement articulé avec les Institutions financières internationales.
4 - Mais nous devons aussi poursuivre les efforts engagés dans d'autres enceintes.
Nous ne serons efficaces contre le financement du terrorisme que si nous mobilisons tous les instruments à notre disposition, au G8, au GAFI et dans d'autres enceintes, et si nous impliquons pleinement le F.M.I. et la Banque mondiale.
Au titre de sa présidence du G8, la France entend donner un élan décisif au Partenariat global contre la prolifération des armes de destruction massive adopté au Sommet de Kananaskis.
5 - Il est temps en effet de lutter contre le rapprochement du terrorisme international et des autres menaces : prolifération des armes de destruction massive, trafic d'armes, financement illégal.
La France entend empêcher que des groupes terroristes utilisent les sources radioactives disséminées dans le monde pour réaliser des "bombes sales". Elle fera des propositions concrètes, notamment en vue de l'élaboration d'une Convention internationale renforçant le contrôle de l'utilisation et du transfert de ces sources radioactives.
6 - Voyons les choses avec lucidité : le terrorisme se nourrit de l'injustice. Un modèle de développement équitable est donc nécessaire pour éradiquer définitivement le terrorisme.
C'est pourquoi nous devons travailler sans relâche au règlement des crises, en Iraq, en Corée, et tout particulièrement au Proche-Orient, noyau des crises dans la région et dans le monde.
C'est pourquoi il est impératif de replacer le développement au cur de nos préoccupations, en mobilisant davantage de moyens et d'imagination.
C'est pourquoi, enfin, nous devons favoriser, au-delà des différences, le dialogue des cultures. Les Nations unies ont, dans ce domaine, un rôle irremplaçable.
7 - Nous le voyons bien : il y a urgence. Sur chacun de ces points il faut agir. Notre sort est entre nos mains. Engageons ce processus sans attendre et fixons-nous des échéances pour aboutir. Je suggère que nous nous donnions rendez-vous à l'occasion de la prochaine session de l'Assemblée générale, voire dans le cadre d'une session spéciale de celle-ci, pour adopter de nouvelles mesures afin de traduire dans les faits le nouvel élan que nous voulons donner à notre mobilisation.
8 - La lutte contre le terrorisme est une cause universelle parce que le terrorisme est un mal universel. La seule voie pour vaincre le terrorisme est celle de l'unité, celle de l'imagination, celle de l'action
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 janvier 2003)