Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le président, mesdames et messieurs,
Je remercie le Conseil des Architectes d'Europe et son président Hervé Nourrissat de m'avoir invitée à introduire ce colloque consacré au thème de " L'architecture, médiatrice des tensions urbaines ". Hervé Nourissat sait l'importance et l'attention que j'attache au déploiement d'une réflexion et d'une action qui prennent mieux en compte le rôle social et l'intérêt public de l'architecture.
Je conserve de mes anciennes responsabilités d'élue et de maire d'une grande agglomération la passion pour l'acte de bâtir et de ce que cet acte présuppose : connaissance de la ville elle-même, des aspirations des habitants en terme de qualité de vie et de partage, et pratique du débat entre les citoyens, leurs élus, les architectes et les urbanistes pour composer et recomposer des espaces de vie qui portent l'urbanité sans laquelle il nous serait impossible de construire la civilisation du troisième millénaire.
Ministre en charge de l'architecture, je me suis donc engagée aux côtés des architectes et des collectivités publiques pour que l'architecture garde la place qui lui revient dans la société. Pour ce qui relève directement de ma responsabilité ministérielle au sein du gouvernement, j'ai ouvert de nombreux chantiers. Avec la réforme des études de l'enseignement de l'architecture, l'élaboration d'un plan d'action et de développement pour les architectes et l'architecture, la création à Paris d'une Cité de l'architecture et du patrimoine ouverte sur tous les métiers de la maîtrise d'uvre, je n'ai de cesse de promouvoir dans ce domaine toute réflexion innovante pour que s'effacent les barrières entre une profession et ses publics naturels, entre une profession et les autres métiers de la ville, pour que l'information, le respect mutuel, le dialogue prennent le pas sur toute forme d'exclusion, de rejet ou de malentendu.
Parler, débattre, polémiquer sur l'architecture, n'a de sens que si l'enjeu majeur demeure attaché à l'exigence de construction d'une nouvelle civilité. L'architecture et par déclinaison celle des constructions publiques, nous conduisent sur de vrais débats de société : celui de la proximité et de la distance, de la différenciation et de l'intégration, de l'émergence nécessaire de nouvelles solidarités La culture et l'architecture s'offrent comme les moyens privilégiés de penser l'avenir et de se forger un destin. La cité est née à partir du moment où les hommes ont compris l'enjeu de leur rassemblement et du partage en bonne intelligence d'un même espace et des mêmes ressources. Il nous faut aujourd'hui retrouver ce lien invisible qui unit une organisation sociale à son environnement bâti, il nous faut privilégier les interventions adaptées à chaque espace, à chaque échelle, pour redonner à la ville contemporaine de sa capacité à fabriquer le lien social qui fait tant défaut.
La qualité architecturale ne saurait donc simplement exister en tant qu'exigence formelle. Penser la forme seule relève d'une esthétisation plus proche de la morbidité de ces cénotaphes et nécropoles urbains réalisés par les totalitarismes du XXème siècle que de ce qu'il nous est donné de vouloir bâtir avec humilité, patience et exigence. La qualité architecturale n'a de sens que si elle est rapportée à de véritables pratiques culturelles et sociales et se rapproche de cet art de vivre du citadin qui fonde nos espérances pour le XXIème siècle. Plus que la ville d'hier, la ville de demain doit être le produit de nos choix collectifs.
C'est à une nouvelle civilisation urbaine à laquelle il nous faut en effet aujourd'hui travailler. Avec les bouleversements en cours dans le domaine de l'information, avec la globalisation des marchés, et avec les évolutions des modes de vie et d'organisation du travail, le monde nouveau qui s'ouvre exige de notre part un effort sans précédent dans la recherche et l'expression de la qualité de vie. Et je demeure convaincue que la culture, au sens large du terme, doit détenir une place particulière dans notre réflexion. La culture unit, met en relation ce qui existe et ce qui pourrait être, affirme les identités mais permet aussi aux identités le dialogue des " hommes de bonne volonté ". Produire de la qualité dans tous les domaines du champ culturel permettra de réapprendre à se parler, à échanger, à écouter.
Au nom de cette recherche patiente de la qualité architecturale, il nous faut non seulement porter notre attention sur l'espace domestique de la famille, le logement et ses prolongements, mais aussi sur l'espace public. Il ne suffit pas de faire des voiries, il faut comme l'écrivait Louis Kahn à propos du plan d'urbanisme de Philadelphie, " faire de la rue, une architecture ". L'espace public ne peut être le résultat de la production d'édifices " célibataires " ou " aveugles " si beaux soient-ils. L'espace public doit être la résultante d'un dialogue que nouent dans les villes tous les bâtiments, anciens et modernes - des plus institutionnels et prestigieux aux plus modestes et quotidiens. Toute construction architecturale de l'espace public implique donc une réflexion sur l'accessibilité des espaces, les transports, la gradation des espaces, leur qualification selon des logiques complémentaires et articulées. Ainsi pourrons-nous à notre modeste échelle, compenser la perte de l'expérience humaine que comporte l'évolution du monde moderne comme le constatait Hanna Arendt à l'aube des années 60. Seule l'exigence de qualité nous permettra de répondre aux défis que pose la transformation rapide de nos civilisations contemporaines.
Penser l'espace public exige donc de notre part une attention accrue aux évolutions de notre société. Le sens que l'on doit conférer à l'espace public n'est pas modélisable. Il doit être à chaque fois inédit pour tenir compte des réalités sociales et des nouvelles demandes émergentes. Il doit procéder à la fois d'un diagnostic urbain en terme de besoins et de demandes mais aussi de l'écoute attentive de toutes les paroles habitantes dans leur richesse et leur diversité. L'approche qualitative de l'espace public repose dans la capacité de ses concepteurs à écouter et entendre les récits sur la ville, le quartier et la rue, ces récits du quotidien et qui proposent dans leur richesse et leur singularité propre, les éléments du projet architectural. Mais la parole habitante serait d'elle-même vouée à l'échec, s'il ne lui était donnée d'être confrontée et discutée plus largement dans un cadre qui associe l'ensemble des acteurs du débat économique et politique. Si cette exigence n'est pas menée à terme, le risque demeure grand de produire une forme physique et spatiale sans lien organique véritable avec une population résidente.
Cela implique la réalisation d'un lieu de démocratie ouvert à l'ensemble de ses habitants et de ses acteurs. Je suis convaincue que l'architecte est un acteur fondamental de ce débat. Par sa formation même, ses ouvertures en direction d'autres savoirs et cultures, sa capacité de dialogue avec des milieux professionnels de sensibilité différentes, il est l'intercesseur tout désigné pour conduire ce nouveau dialogue démocratique sans lequel il serait illusoire de parvenir à nos fins.
Je l'ai rappelé, le ministère de la Culture et de la Communication s'est fortement engagé pour que l'architecture trouve la place qui lui revient dans la société française. Mais j'ai également le souci d'encourager les professionnels français à élaborer des stratégies d'évolution qui leur permettent de mieux s'adapter aux nouveaux marchés et à la compétition mondiale, et à multiplier le travail et les échanges en réseau à l'échelle européenne.
En partenariat avec la Finlande, qui assurait la présidence de l'Union européenne, la France a organisé en septembre dernier à Paris des Rencontres européennes de l'Architecture : certains d'entre-vous y ont participé activement. Rassemblant à la fois des représentants des professionnels et des administrations issus des Quinze Etats-membres et de la Norvège, ces rencontres ont permis l'élaboration de propositions en direction des institutions européennes dont celle d'un " Forum des politiques architecturales européennes ", instance informelle qui se réunira dans la même formation l'année prochaine. Ces Rencontres ont permis d'aborder les questions concernant les droits des citoyens européens à un environnement de qualité, l'architecte et le marché à la lumière des négociations OMC, ou encore l'importance d'un réseau européen de diffusion et de promotion de la culture architecturale et urbaine.
Le 23 novembre dernier, lors du Conseil des ministres de la Culture et de l'audiovisuel à Bruxelles, Mme Suvi Linden et moi-même avons présenté quelques uns des points forts issus de ces Rencontres européennes. J'ai insisté sur la nécessité de poursuivre la dynamique créée à l'occasion de ces Rencontres, en accord avec les présidences successives, et de travailler à une meilleure prise en compte de ces domaines dans les politiques communautaires et mon homologue finlandaise a fait part de l'accueil favorable des professionnels de l'architecture sur les résultats obtenus lors de ces Rencontres. Car si l'Union s'est récemment dotée d'un " cadre d'action pour un développement urbain durable ", en prenant enfin en compte l'importance des villes et de la question urbaine, elle est encore fort timide sur l'architecture, trop absente des différents textes communautaires et des programmes.
Mon ministère rejoint ainsi les préoccupations de votre Conseil, qui rassemble les institutions ordinales et professionnelles d'un grand nombre de pays européens, et joue un rôle dans la diffusion et la défense d'une certaine idée des pratiques architecturales, en mettant l'accent sur l'indépendance de la création et l'intérêt général de l'acte architectural. Vous vous situez à l'intersection d'une pratique libérale de l'architecture à laquelle vous êtes attachés et du souci de la qualité du cadre de vie des citoyens européens, et vous représentez une plate-forme et une force de proposition importante auprès de diverses institutions européennes et internationales, telles que la Commission et le Parlement européens, l'UIA ou encore le Forum européen de la Construction.
La tenue de votre colloque coïncide avec l'ouverture des négociations sur l'OMC. Sans refuser l'accélération des échanges mondiaux, nous restons tous attachés à ce qui fait la richesse et la diversité de la culture européenne et à la prise en compte de la dimension publique de pratiques et d'actes, en apparence, purement privés. Et c'est à une proposition européenne forte en matière d'architecture que nous devons oeuvrer, dans le cadre de ces négociations commerciales mondiales, en mettant en perspective les démarches et les pratiques nationales afin de trouver des points de convergence forts.
Le colloque d'aujourd'hui sur " L'architecture, médiatrice des tensions urbaines " s'inscrit dans ce contexte. Vous allez y traiter d'un thème essentiel, celui des tensions diverses qui sont à la fois le ressort et l'accompagnement des processus de développement urbain, et qui pèsent très fortement sur l'évolution de la ville européenne demain. Votre attention s'est portée sur des cas concrets de reconquête de friches urbaines comme à Lisbonne où les habitants ont retrouvé l'accès aux rives du Tage, ou encore sur l'expérience d'Emscher Park où le développement culturel a été le levier de transformation de cette région au paysage industriel sinistré. Dans tous les exemples présentés, le cadre de vie des citoyens est remodelé en tenant mieux compte de leurs aspirations et de la dimension culturelle des projets, et il est le lieu où les tensions de tous ordres peuvent trouver un lieu privilégié d'expression et de résolution. Les architectes sont donc au cur des processus de requalification du cadre de vie des citoyens. Ils ne sont pas les seuls, souvent injustement décriés, car ils ne peuvent agir que dans une longue chaîne de décision, où le politique et la maîtrise d'ouvrage, le programme, les moyens financiers représentent de fortes contraintes.
Les Européens ont une vive conscience de la beauté et de la qualité de vie de leurs villes. C'est pourquoi leur évolution les préoccupe tant. Sachons, tous ensemble, entendre nos concitoyens et essayons de satisfaire leurs attentes grâce notamment à la mise en place de projets innovants, par la diffusion de la culture architecturale et urbaine auprès du public le plus large, par l'identification de bonnes pratiques en termes de qualité d'aménagement du cadre de vie, ou encore par le développement d'actions européennes dans ces domaines.
Nous vous y aiderons pour notre part, à travers les présidences successives, par une action volontariste et cohérente, par une coopération privilégiée entre ministres européens en charge de l'architecture, comme nous l'avons fait avec succès avec nos partenaires finlandais, dans le cadre de leur présidence actuelle de l'Union européenne.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 8 décembre 1999)
Je remercie le Conseil des Architectes d'Europe et son président Hervé Nourrissat de m'avoir invitée à introduire ce colloque consacré au thème de " L'architecture, médiatrice des tensions urbaines ". Hervé Nourissat sait l'importance et l'attention que j'attache au déploiement d'une réflexion et d'une action qui prennent mieux en compte le rôle social et l'intérêt public de l'architecture.
Je conserve de mes anciennes responsabilités d'élue et de maire d'une grande agglomération la passion pour l'acte de bâtir et de ce que cet acte présuppose : connaissance de la ville elle-même, des aspirations des habitants en terme de qualité de vie et de partage, et pratique du débat entre les citoyens, leurs élus, les architectes et les urbanistes pour composer et recomposer des espaces de vie qui portent l'urbanité sans laquelle il nous serait impossible de construire la civilisation du troisième millénaire.
Ministre en charge de l'architecture, je me suis donc engagée aux côtés des architectes et des collectivités publiques pour que l'architecture garde la place qui lui revient dans la société. Pour ce qui relève directement de ma responsabilité ministérielle au sein du gouvernement, j'ai ouvert de nombreux chantiers. Avec la réforme des études de l'enseignement de l'architecture, l'élaboration d'un plan d'action et de développement pour les architectes et l'architecture, la création à Paris d'une Cité de l'architecture et du patrimoine ouverte sur tous les métiers de la maîtrise d'uvre, je n'ai de cesse de promouvoir dans ce domaine toute réflexion innovante pour que s'effacent les barrières entre une profession et ses publics naturels, entre une profession et les autres métiers de la ville, pour que l'information, le respect mutuel, le dialogue prennent le pas sur toute forme d'exclusion, de rejet ou de malentendu.
Parler, débattre, polémiquer sur l'architecture, n'a de sens que si l'enjeu majeur demeure attaché à l'exigence de construction d'une nouvelle civilité. L'architecture et par déclinaison celle des constructions publiques, nous conduisent sur de vrais débats de société : celui de la proximité et de la distance, de la différenciation et de l'intégration, de l'émergence nécessaire de nouvelles solidarités La culture et l'architecture s'offrent comme les moyens privilégiés de penser l'avenir et de se forger un destin. La cité est née à partir du moment où les hommes ont compris l'enjeu de leur rassemblement et du partage en bonne intelligence d'un même espace et des mêmes ressources. Il nous faut aujourd'hui retrouver ce lien invisible qui unit une organisation sociale à son environnement bâti, il nous faut privilégier les interventions adaptées à chaque espace, à chaque échelle, pour redonner à la ville contemporaine de sa capacité à fabriquer le lien social qui fait tant défaut.
La qualité architecturale ne saurait donc simplement exister en tant qu'exigence formelle. Penser la forme seule relève d'une esthétisation plus proche de la morbidité de ces cénotaphes et nécropoles urbains réalisés par les totalitarismes du XXème siècle que de ce qu'il nous est donné de vouloir bâtir avec humilité, patience et exigence. La qualité architecturale n'a de sens que si elle est rapportée à de véritables pratiques culturelles et sociales et se rapproche de cet art de vivre du citadin qui fonde nos espérances pour le XXIème siècle. Plus que la ville d'hier, la ville de demain doit être le produit de nos choix collectifs.
C'est à une nouvelle civilisation urbaine à laquelle il nous faut en effet aujourd'hui travailler. Avec les bouleversements en cours dans le domaine de l'information, avec la globalisation des marchés, et avec les évolutions des modes de vie et d'organisation du travail, le monde nouveau qui s'ouvre exige de notre part un effort sans précédent dans la recherche et l'expression de la qualité de vie. Et je demeure convaincue que la culture, au sens large du terme, doit détenir une place particulière dans notre réflexion. La culture unit, met en relation ce qui existe et ce qui pourrait être, affirme les identités mais permet aussi aux identités le dialogue des " hommes de bonne volonté ". Produire de la qualité dans tous les domaines du champ culturel permettra de réapprendre à se parler, à échanger, à écouter.
Au nom de cette recherche patiente de la qualité architecturale, il nous faut non seulement porter notre attention sur l'espace domestique de la famille, le logement et ses prolongements, mais aussi sur l'espace public. Il ne suffit pas de faire des voiries, il faut comme l'écrivait Louis Kahn à propos du plan d'urbanisme de Philadelphie, " faire de la rue, une architecture ". L'espace public ne peut être le résultat de la production d'édifices " célibataires " ou " aveugles " si beaux soient-ils. L'espace public doit être la résultante d'un dialogue que nouent dans les villes tous les bâtiments, anciens et modernes - des plus institutionnels et prestigieux aux plus modestes et quotidiens. Toute construction architecturale de l'espace public implique donc une réflexion sur l'accessibilité des espaces, les transports, la gradation des espaces, leur qualification selon des logiques complémentaires et articulées. Ainsi pourrons-nous à notre modeste échelle, compenser la perte de l'expérience humaine que comporte l'évolution du monde moderne comme le constatait Hanna Arendt à l'aube des années 60. Seule l'exigence de qualité nous permettra de répondre aux défis que pose la transformation rapide de nos civilisations contemporaines.
Penser l'espace public exige donc de notre part une attention accrue aux évolutions de notre société. Le sens que l'on doit conférer à l'espace public n'est pas modélisable. Il doit être à chaque fois inédit pour tenir compte des réalités sociales et des nouvelles demandes émergentes. Il doit procéder à la fois d'un diagnostic urbain en terme de besoins et de demandes mais aussi de l'écoute attentive de toutes les paroles habitantes dans leur richesse et leur diversité. L'approche qualitative de l'espace public repose dans la capacité de ses concepteurs à écouter et entendre les récits sur la ville, le quartier et la rue, ces récits du quotidien et qui proposent dans leur richesse et leur singularité propre, les éléments du projet architectural. Mais la parole habitante serait d'elle-même vouée à l'échec, s'il ne lui était donnée d'être confrontée et discutée plus largement dans un cadre qui associe l'ensemble des acteurs du débat économique et politique. Si cette exigence n'est pas menée à terme, le risque demeure grand de produire une forme physique et spatiale sans lien organique véritable avec une population résidente.
Cela implique la réalisation d'un lieu de démocratie ouvert à l'ensemble de ses habitants et de ses acteurs. Je suis convaincue que l'architecte est un acteur fondamental de ce débat. Par sa formation même, ses ouvertures en direction d'autres savoirs et cultures, sa capacité de dialogue avec des milieux professionnels de sensibilité différentes, il est l'intercesseur tout désigné pour conduire ce nouveau dialogue démocratique sans lequel il serait illusoire de parvenir à nos fins.
Je l'ai rappelé, le ministère de la Culture et de la Communication s'est fortement engagé pour que l'architecture trouve la place qui lui revient dans la société française. Mais j'ai également le souci d'encourager les professionnels français à élaborer des stratégies d'évolution qui leur permettent de mieux s'adapter aux nouveaux marchés et à la compétition mondiale, et à multiplier le travail et les échanges en réseau à l'échelle européenne.
En partenariat avec la Finlande, qui assurait la présidence de l'Union européenne, la France a organisé en septembre dernier à Paris des Rencontres européennes de l'Architecture : certains d'entre-vous y ont participé activement. Rassemblant à la fois des représentants des professionnels et des administrations issus des Quinze Etats-membres et de la Norvège, ces rencontres ont permis l'élaboration de propositions en direction des institutions européennes dont celle d'un " Forum des politiques architecturales européennes ", instance informelle qui se réunira dans la même formation l'année prochaine. Ces Rencontres ont permis d'aborder les questions concernant les droits des citoyens européens à un environnement de qualité, l'architecte et le marché à la lumière des négociations OMC, ou encore l'importance d'un réseau européen de diffusion et de promotion de la culture architecturale et urbaine.
Le 23 novembre dernier, lors du Conseil des ministres de la Culture et de l'audiovisuel à Bruxelles, Mme Suvi Linden et moi-même avons présenté quelques uns des points forts issus de ces Rencontres européennes. J'ai insisté sur la nécessité de poursuivre la dynamique créée à l'occasion de ces Rencontres, en accord avec les présidences successives, et de travailler à une meilleure prise en compte de ces domaines dans les politiques communautaires et mon homologue finlandaise a fait part de l'accueil favorable des professionnels de l'architecture sur les résultats obtenus lors de ces Rencontres. Car si l'Union s'est récemment dotée d'un " cadre d'action pour un développement urbain durable ", en prenant enfin en compte l'importance des villes et de la question urbaine, elle est encore fort timide sur l'architecture, trop absente des différents textes communautaires et des programmes.
Mon ministère rejoint ainsi les préoccupations de votre Conseil, qui rassemble les institutions ordinales et professionnelles d'un grand nombre de pays européens, et joue un rôle dans la diffusion et la défense d'une certaine idée des pratiques architecturales, en mettant l'accent sur l'indépendance de la création et l'intérêt général de l'acte architectural. Vous vous situez à l'intersection d'une pratique libérale de l'architecture à laquelle vous êtes attachés et du souci de la qualité du cadre de vie des citoyens européens, et vous représentez une plate-forme et une force de proposition importante auprès de diverses institutions européennes et internationales, telles que la Commission et le Parlement européens, l'UIA ou encore le Forum européen de la Construction.
La tenue de votre colloque coïncide avec l'ouverture des négociations sur l'OMC. Sans refuser l'accélération des échanges mondiaux, nous restons tous attachés à ce qui fait la richesse et la diversité de la culture européenne et à la prise en compte de la dimension publique de pratiques et d'actes, en apparence, purement privés. Et c'est à une proposition européenne forte en matière d'architecture que nous devons oeuvrer, dans le cadre de ces négociations commerciales mondiales, en mettant en perspective les démarches et les pratiques nationales afin de trouver des points de convergence forts.
Le colloque d'aujourd'hui sur " L'architecture, médiatrice des tensions urbaines " s'inscrit dans ce contexte. Vous allez y traiter d'un thème essentiel, celui des tensions diverses qui sont à la fois le ressort et l'accompagnement des processus de développement urbain, et qui pèsent très fortement sur l'évolution de la ville européenne demain. Votre attention s'est portée sur des cas concrets de reconquête de friches urbaines comme à Lisbonne où les habitants ont retrouvé l'accès aux rives du Tage, ou encore sur l'expérience d'Emscher Park où le développement culturel a été le levier de transformation de cette région au paysage industriel sinistré. Dans tous les exemples présentés, le cadre de vie des citoyens est remodelé en tenant mieux compte de leurs aspirations et de la dimension culturelle des projets, et il est le lieu où les tensions de tous ordres peuvent trouver un lieu privilégié d'expression et de résolution. Les architectes sont donc au cur des processus de requalification du cadre de vie des citoyens. Ils ne sont pas les seuls, souvent injustement décriés, car ils ne peuvent agir que dans une longue chaîne de décision, où le politique et la maîtrise d'ouvrage, le programme, les moyens financiers représentent de fortes contraintes.
Les Européens ont une vive conscience de la beauté et de la qualité de vie de leurs villes. C'est pourquoi leur évolution les préoccupe tant. Sachons, tous ensemble, entendre nos concitoyens et essayons de satisfaire leurs attentes grâce notamment à la mise en place de projets innovants, par la diffusion de la culture architecturale et urbaine auprès du public le plus large, par l'identification de bonnes pratiques en termes de qualité d'aménagement du cadre de vie, ou encore par le développement d'actions européennes dans ces domaines.
Nous vous y aiderons pour notre part, à travers les présidences successives, par une action volontariste et cohérente, par une coopération privilégiée entre ministres européens en charge de l'architecture, comme nous l'avons fait avec succès avec nos partenaires finlandais, dans le cadre de leur présidence actuelle de l'Union européenne.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 8 décembre 1999)