Interview dans "Nepszabadsag" et Conférence de presse conjointe avec M. Laszlo Kovacs, ministre des affaires étrangères hongrois, de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les relations culturelles franco-hongroises et la prochaine adhésion à l'Union européenne de la Hongrie, Budapest le 30 janvier 2003.

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Circonstance : Voyage de Mme Noëlle Lenoir en Hongrie le 30 janvier 2003

Média : Népszabadsag - Presse étrangère

Texte intégral

Q - Quelle est l'importance politico-culturelle de FranciArt en Hongrie, dans un pays qui sera membre de l'Union européenne en mai 2004 ?
R - Je tiens tout d'abord à vous dire combien je suis heureuse de me rendre à Budapest pour le lancement de "FranciArt". C'est ma seconde visite dans votre pays depuis ma nomination au gouvernement. C'est d'ailleurs à Budapest que j'ai effectué au mois de juillet dernier mon premier déplacement dans un pays candidat.
Après le succès de Copenhague, la Hongrie s'apprête à rentrer en Europe par la grande porte. Les négociations d'adhésion ont été parfois très techniques. On y a beaucoup parlé d'aides directes agricoles ou de règles sanitaires. Mais l'essentiel est ailleurs. La Hongrie ne rejoint pas une simple communauté économique. Le sens du projet européen va bien au-delà : nous construisons une communauté de valeurs, une union d'Etats mais aussi de peuples et de citoyens.
Dans ce grand projet, la diversité des cultures de l'Europe est une richesse et un ciment. Nos citoyens, et d'abord les jeunes avec leur volonté de dialogue et de partage, doivent apprendre à mieux se connaître. C'est pourquoi la France a souhaité que la culture française soit en 2003, avec FranciArt, au rendez-vous de la nouvelle Europe en Hongrie.
Q - Pourquoi avez-vous choisi la Hongrie pour une telle manifestation ? Quel est le message symbolique de ce choix ?
R - La saison culturelle hongroise en France en 2001, Magy'Art, a été un extraordinaire succès populaire. Les Français ont redécouvert à cette occasion l'apport majeur de la culture hongroise à la civilisation européenne et la richesse de la création contemporaine dans votre pays. Des liens se sont noués, des amitiés se sont créées à l'occasion de cette saison hongroise en France. C'est pourquoi nous avons décidé de prolonger cet événement par une saison culturelle française en Hongrie.
Cette saison sera scandée par une série de temps forts, comme la tournée du ballet de l'Opéra de Paris en mars ou l'exposition autour de Claude Monnet en septembre. Et, je suis moi-même accompagnée, pour le lancement de FranciArt, par une délégation de personnalités éminentes du monde culturel et artistique français.
Q - La Hongrie va organiser en mai 2003 un référendum sur son adhésion à l'Union européenne. Selon les sondages récents, le pourcentage des "oui" en faveur de l'adhésion est en baisse. Quel est le message de la France, quels sont vos arguments en faveur de l'élargissement ?
R - Le message de la France est un message de confiance et d'espoir.
Cette réunification de l'Europe c'est d'abord, l'accomplissement du projet européen, du rêve des pères fondateurs depuis les années 1950. Mais c'est aussi l'acte de naissance d'une nouvelle Europe, plus forte et plus solidaire, pourvue d'une véritable constitution. Cette nouvelle Europe, nous la construirons ensemble, Français et Hongrois, avec nos partenaires européens.
La conclusion des négociations d'adhésion, en décembre à Copenhague, constitue un immense succès pour la Hongrie. Elle marque le retour, par la grande porte, de la Hongrie dans la famille européenne. Elle constitue également une reconnaissance des efforts impressionnants accomplis par la Hongrie depuis 1989 pour construire une démocratie exemplaire et une économie de marché compétitive de niveau européen.
Je sais les efforts considérables, et parfois les sacrifices, consentis par le peuple hongrois pour atteindre ces objectifs. Ces efforts vont maintenant, avec l'adhésion, être récompensés. Car l'adhésion, cela signifie plus de croissance dans toute l'Europe, en Hongrie comme en France, et donc plus d'emplois. Cela signifie aussi plus de sécurité pour nos citoyens, grâce notamment à la coopération de nos polices et de nos justices contre les filières du terrorisme et du crime organisé. Mais l'adhésion c'est aussi une Hongrie plus forte, dont la voix sera écoutée et respectée en Europe.
Q - Selon les sondages, beaucoup de Hongrois craignent que l'adhésion du pays à l'Union européenne ait des conséquences négatives sur l'identité nationale, la langue et la culture hongroises ? Comment peut-on sauvegarder l'identité, la langue, la culture nationale et la diversité culturelle dans une union à 25 membres. Est-ce que les échanges culturels renforcés pourraient contribuer à un rapprochement des peuples et des cultures ?
R - Je ne crois pas, pour ma part, que l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne aura des conséquences négatives pour votre culture et votre langue. Au contraire, l'Europe est un nouvel horizon pour le développement et la diffusion de la culture hongroise, dans toutes ses formes d'expression : littérature, cinéma, peinture, musique, etc.
Vous connaissez le combat de la France pour la diversité culturelle. Ce combat, nous ne le menons pas seulement pour défendre la langue et la culture françaises, mais aussi pour défendre la diversité des langues et des cultures, qui constitue une des grandes richesses de l'Europe. Nous avons obtenu des résultats très importants dans ces domaines, grâce notamment aux programmes nationaux et européens de soutien pour le cinéma. Ces résultats, nous sommes déterminés à les défendre, notamment dans le cadre des négociations commerciales à l'OMC. Je suis heureuse de constater que cette préoccupation est partagée en Hongrie.
Il faut être bien conscient que ce n'est pas l'Europe, mais la mondialisation, qui comporte aujourd'hui un risque d'uniformisation culturelle et linguistique. Face à ce risque, la réponse ne peut être qu'européenne. La réunification de l'Europe peut ainsi, si nous le voulons, marquer l'avènement d'un nouvel humanisme européen.
Q - Comment la langue hongroise, la culture hongroise pourraient-elles profiter de l'adhésion du pays à l'Union européenne ? Est-ce que les cinéastes, les créateurs dans les différents domaines de l'art contemporain auront un meilleur accès aux fonds européens ?
R - Oui, absolument. La Hongrie participera pleinement dès son adhésion à l'ensemble des dispositifs européens de soutien à la création culturelle et audiovisuelle, tel le programme MEDIA. Le cinéma hongrois gagnera, à travers les quotas de diffusion d'uvres européennes à la télévision, un plus large accès au public européen. Les coproductions vont se développer, à l'exemple du téléfilm "Napoléon", qui fournit le thème de la soirée de lancement de FranciArt à l'Institut culturel français de Budapest, et dont les scènes de bataille ont été tournées en Hongrie.
Nous devrons également travailler ensemble afin de promouvoir la diversité linguistique dans la nouvelle Europe. Il faut que davantage de jeunes Français apprennent le hongrois, que davantage de jeunes Hongrois apprennent le français. A ce titre, je me réjouis que la Hongrie ait demandé le statut d'observateur à l'Organisation internationale de la Francophonie
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 février 2003)
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Je voudrais remercier le ministre des Affaires étrangères de m'avoir accueillie à l'occasion d'un événement franco-hongrois, la saison artistique française, ici, à Budapest.
Je suis porteuse d'une lettre que j'ai remise à M. Kovacs du président de la République, M. Chirac, qui salue cette saison. Cette lettre est adressée au président de la République hongroise.
Car pour nous, Français, au même titre que pour nos amis hongrois, l'Europe veut se construire avec les citoyens, c'est à dire à travers les cultures, et une culture qui est la base de notre continent européen, une culture nationale d'abord. Je rappelle que lorsque Napoléon, qui est à l'honneur aujourd'hui, est venu au début du 19ème siècle, il a exhorté les Hongrois à manifester la force de leur identité nationale.
Il y a aussi la culture européenne, et la composition de la délégation qui m'accompagne est à l'image de cette culture européenne.
Je suis venue avec deux jeunes écrivains : l'un franco-hongrois, M. Assayas, est le frère d'un jeune cinéaste fort connu en France et M. Karoly, d'origine hongroise, dont le frère, hongrois, est à la tête d'un centre culturel important, abrité dans un très beau château de ce pays.
Ma délégation compte aussi deux éditeurs : l'un hongrois, édite des livres hongrois en français, et l'autre, Nyssen Actes Sud, a publié le dernier prix Nobel de littérature, l'auteur hongrois Imre Kertesz. Il y a aussi une jeune actrice, ainsi que le prince Charles Napoléon, et la présidente de l'Association "Le Pont Neuf", qui joue un rôle pionnier dans le développement des échanges avec les pays candidats et aujourd'hui presque adhérents.
Pour nous, la culture européenne a une valeur universelle, celle des Droits de l'Homme, de l'humanisme et je crois que le projet européen est très largement porteur de ce message.
Nous avons bien entendu parlé d'élargissement et, comme l'a indiqué M. Kovacs, de l'adhésion des peuples à ce projet presque réalisé de l'élargissement. Je vais suivre très attentivement la façon dont vous parlez à vos citoyens de ce projet, de sa réalisation future, puisque vous demandez à votre peuple des efforts considérables pour rejoindre l'Union européenne. Il faut aussi que les Français, dans le même sens, aient une grande ouverture d'esprit. La solidarité est la clé de la construction européenne. J'ai remarqué que votre Premier ministre est non seulement francophile mais aussi francophone, et qu'il accepte de venir nous épauler dans cette campagne en France en faveur de l'élargissement.
Nous avons parlé de la Convention sur l'avenir de l'Europe et j'ai indiqué au ministre le souhait de la France de voir se développer, non seulement une réflexion, mais aussi un travail en commun entre nos deux gouvernements sur ce thème. J'ai également rencontré votre représentant à la Convention, M. Balasz. Il y a encore beaucoup de travail à faire d'ici la finalisation des travaux de la Convention en juin prochain, sur toutes sortes de sujets, qu'il s'agisse des institutions, de la santé, de la lutte contre la criminalité ou du dialogue social au niveau européen.
Q - Est-ce que la question de l'Iraq a été évoquée ?
R - Nous avons bien entendu évoqué la déclaration du Conseil Affaires générales c'est-à-dire des Etats membres de l'Union, lundi dernier, et qui est aussi basée sur la résolution 1441 du Conseil de sécurité. Premier impératif de sécurité dans l'ensemble du monde : le désarmement de l'Iraq ; deuxième impératif : rôle de la communauté internationale et donc, des Nations unies, et confiance dans la mission d'inspection et, ce qui est sous-jacent, dans ces positions de lundi dernier, maintien d'un front uni de la communauté internationale.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 février 2003)