Déclaration de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et les incidences de son coût sur les finances locales, Paris le 20 novembre 2002.

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Circonstance : Réunion du groupe de travail sur l'allocation personnalisée d'autonomie à Paris le 20 novembre 2002

Texte intégral

Messieurs les Ministres et chers collègues,
Messieurs les Présidents,
De nombreux présidents de conseils généraux se sont adressés au Gouvernement pour attirer son attention sur les difficultés de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Leurs préoccupations rejoignent celles dont vous m'aviez fait part lors de notre rencontre du 2 juillet dernier. Elles ont été tout particulièrement renouvelées et soulignées hier au Sénat.
La montée en puissance plus rapide que prévue du nombre de bénéficiaires de l'APA révèle que si rien n'est entrepris, nombre de départements ne pourront élaborer leur budget primitif 2003 qu'au prix d'une augmentation significative de la fiscalité locale.
Lors des 4èmes Assises des conseillers généraux de Strasbourg, le Premier ministre a montré toute l'attention qu'il portait à ce sujet très sensible et a exprimé sa volonté de dégager les solutions permettant de franchir le cap de l'année 2003 et de garantir la pérennité de cette allocation.
Sur la base des données recueillies et des études menées depuis l'été, les éléments de synthèse suivants peuvent être présentés.
Les prévisions initiales étaient d'environ de 500 000 bénéficiaires en 2002-2003 et de 800 000 en vitesse de croisière en 2004-2005. Le plan de financement prévisionnel était établi sur la base d'un coût annuel de 2,5 milliards d'euros tant en 2002 qu'en 2003.
Les projections prévoient :
- environ 600 000 bénéficiaires en fin 2002 et plus de 800 000 bénéficiaires en fin 2003 ;
- un coût d'environ 3,7 milliards d'euros en 2003, c'est-à-dire supérieur à la prévision de 1,2 milliards d'euros.
Le financement de l'Etat par le biais du fonds de financement de l'APA s'élèvera à 803 millions d'euros en 2002 et 982 millions d'euros en 2003.
C'est pourquoi le Premier ministre m'a demandé ainsi qu'à M. Hubert FALCO de mettre en place un groupe de travail associant le Gouvernement et votre association représentative des départements.
Son but est de proposer, très rapidement, des mesures opérationnelles susceptibles de répondre aux enjeux posés par l'APA.
1 - Notre mission est triple :
Nous devons, tout d'abord, procéder à un diagnostic ou à une expertise précise de l'impact de l'APA dans les départements, afin d'apprécier les coûts réels engendrés par cette prestation et son incidence sur la fiscalité locale. Il y aura lieu, à cet effet, d'examiner les mesures transitoires de nature à faciliter le financement de l'APA en 2003.
Notre groupe de travail doit également examiner les modalités d'intervention du fonds de financement de l'APA et prévoir d'éventuelles adaptations au début 2003.
Enfin il nous revient de proposer les mesures jugées les plus pertinentes pour faire évoluer le dispositif au-delà de 2003 et assurer sa pérennité.
Les bases de notre réflexion sont ainsi posées. Compte tenu des travaux d'expertise qui restent à mener et surtout des échanges à organiser sur les mesures à adopter, nous avons conscience que nous ne conclurons pas dès aujourd'hui sur l'ensemble des questions posées. C'est pourquoi je vous propose au cours de cette réunion de fixer des axes de travail et un calendrier.
2 - Les axes de travail sont déterminés par le succès rapide de l'APA et la dérive financière qui en résulte :
Le succès de l'APA est lié à son architecture. C'est un droit universel : toutes les personnes ayant perdu leur autonomie bénéficient de la prestation. C'est aussi un droit qui se veut égal, car le montant de la prestation est le même sur tout le territoire, à revenu et à perte d'autonomie identique. M. FALCO nous dira dans un instant l'analyse qu'il fait de cette égalité. C'est enfin un droit personnalisé, car l'allocation est modulée en fonction du niveau de perte d'autonomie, des ressources, et des modalités de prise en charge de la personne âgée dépendante selon qu'elle vit à domicile ou qu'elle est hébergée en établissement.
C'est pourquoi les mesures que nous serons amenés à proposer doivent, à mon sens, fixer un niveau de prestation qui corresponde à un vrai besoin.
Parallèlement nous devons nous prémunir contre les risques de dérive financière. Celle-ci n'est pas liée seulement au constat que le dispositif monte en puissance plus rapidement que prévu. Cette dérive tient surtout à l'évolution démographique de notre pays.
Dans ce contexte nous ne devons négliger aucune piste de maîtrise du dispositif.
Plusieurs mesures d'économie ont déjà été proposées par les uns ou repoussées par les autres. J'en cite quelques unes à titre d'illustration : elles concernent la modification du plafond de ressources, l'élargissement de la base ressources, le barème de participation, voire le recours sur succession. Leurs avantages et leurs inconvénients devront être soigneusement mesurés au regard du double objectif, que je viens d'énoncer, de réponse au vrai besoin et de maîtrise financière.
Toutefois s'agissant du barème de participation de l'APA à domicile le Gouvernement a souhaité, dès à présent, à l'occasion de cette réunion, formuler une proposition, qui pourrait se traduire avant la fin de l'année par un décret. Cette proposition repose sur les deux principes suivants :
- il y a une différence injustifiée entre les taux de participation requis du bénéficiaire selon qu'il est en établissement ou à domicile ;
- il faut tenir compte davantage de la capacité contributive des bénéficiaires.
De même, nous devrons analyser avec précision les hypothèses de modification des règles de répartition du fonds de financement de l'APA ainsi que les mesures transitoires pour 2003, notamment des mesures de financement-relais concernant les départements les plus en difficulté.
Dans tous les cas la constitution d'un échantillon représentatif de la diversité des situations départementales, comme le demande le Premier ministre, est un enjeu important de notre méthodologie. Il permettra à la fois d'objectiver nos échanges et de tester nos hypothèses.
3 - Je souhaite également vous proposer un calendrier.
La première échéance est celle de l'adoption par les conseils généraux de leur budget prévisionnel 2003. Il convient en conséquence d'aller vite. Je vous propose à ce titre que nos propositions puissent être transmises au Premier ministre d'ici le 15 décembre prochain, après quelques réunions de notre groupe de travail. Un rythme rapproché de rencontres entre nos représentants doit donc être prévu d'ici cette date : cet objectif ne me paraît pas hors de portée : nous disposons maintenant les uns et les autres, pour échafauder des propositions en commun, d'un nombre suffisant d'éléments de diagnostic : notre groupe de travail pourra avancer en se référant aux études et analyses réalisées depuis cet été par les services du ministère.
La deuxième échéance est celle qui est prévue par la loi elle-même. Il s'agit du travail d'expertise sur les outils d'évaluation de la dépendance, confié à un comité scientifique qui doit présenter au Parlement ces conclusions avant le 31 janvier 2003.
La troisième échéance est prévue, également par la loi, à l'horizon de juin 2003 : une évaluation sera réalisée conjointement par l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration et par l'inspection générale des affaires sociales. Le dépôt du rapport sera demandé pour la fin du premier trimestre 2003. Nous en tirerons ensemble, le cas échéant, des conclusions complémentaires.
Mais tout de suite nous devons répondre à l'interrogation des personnes âgées elles-mêmes et de leurs familles. L'APA a fait couler beaucoup d'encre, suscité beaucoup de commentaires, favorisé déjà des polémiques. Tout cela a créé une réelle incertitude et une forte attente de réponses.
Il nous appartient de montrer que nous avons su adapter un dispositif mal engagé et mal financé aux besoins des bénéficiaires et aux possibilités des gestionnaires. Nous devons faire preuve ici, plus que jamais, de pragmatisme.
Je vous remercie par avance pour votre forte implication sur ce sujet difficile et sensible.
Je passe la parole à M. FALCO, qui va nous présenter quelques données complémentaires du dossier, tel que nous l'appréhendons aujourd'hui.



(source http://www.social.gouv.fr, le 25 novembre 2002)