Texte intégral
Q - La France préside depuis le 1er juillet l'Union européenne jusqu'à la fin de l'année et en Europe, ces derniers jours, le référendum est un thème à la mode. Tony Blair a même annoncé hier soir que s'il gagnait à nouveau les élections en 2002, il essaierait de faire ratifier par les Anglais l'adhésion à l'euro. C'est une bonne nouvelle, pour vous ?
R - Oui, nous ne doutons pas de la conviction européenne de Tony Blair et son gouvernement et notamment de mon homologue Robin Cook et du ministre des Finances. C'est là où ils veulent aller, ils pensent que c'est bon pour la Grande-Bretagne, et nous pensons, nous, que c'est bon pour l'Europe, et ce serait bon pour l'euro et donc nous souhaitons qu'il y arrive.
Q - Un référendum qui vous pose sûrement plus de questions, celui que veulent organiser les responsables autrichiens fin octobre, ou fin novembre sur les sanctions bilatérales imposées par l'Union, alors que Jörg Haider réaffirmait lundi que la réalisation zéro de la présidence française n'était pas exclue !
R - Ca, ça relève de la politique intérieure autrichienne. En ce qui concerne l'Autriche, je pense que nous avions réagi comme nous le devions. Dès l'origine, les 14 pays s'étaient d'ailleurs très facilement mis d'accord entre eux, ce qui montre que c'était une condition partagée et pas uniquement par la France ou la Belgique, comme on l'avait dit. Les Portugais ont géré cette situation avec beaucoup de subtilité, et d'intelligence politique et M. Guterres avant de quitter la présidence semestrielle a mis au point un dispositif qui convient aux Quatorze qui est un dispositif d'examens par trois experts juridiques, trois sages de très haut niveau, de deux sujets importants : est-ce que le gouvernement a enfreint, sur un point ou sur un autre, les règles ou les valeurs juridiques de l'Union européenne et d'autres part, est-ce que le parti de Haider a évolué dans sa nature ? Pour nous, maintenant, il s'agit d'attendre les conclusions de ce rapport.
Q - Le président Chirac a annoncé hier soir un référendum sur le quinquennat en France pour le 24 septembre. Est-ce que cette campagne, même si elle est courte, ne va pas mettre entre parenthèses la présidence française pendant un mois ?
R - Certainement pas, je ne pense pas qu'il y ait d'interférences. Le programme de la présidence française est fixé, cela ne change rien au Conseil Affaires générales. Ce sont les réunions des ministres des Affaires étrangères qui coordonnent l'ensemble des travaux. Il y a les réunions spécialisées de tous les ministres, sujet par sujet ; le programme est fixé, chaque ministre va s'y préparer, il n'y a aucune raison qu'il y ait interférence. De toute façon, dans l'Union européenne, aujourd'hui, il y a toujours une élection en cours quelque part ou une consultation. Cela n'empêche absolument pas de faire face à nos obligations, de mener les négociations dans la Conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions, de nous occuper de l'agenda social, ou d'environnement, de l'Europe des citoyens, il n'y a pas d'interférences !
Q - Si je vous dis : les premiers jours de la présidence française ont été marqués par des tiraillements dans la cohabitation, vous dites que c'est vrai ou ce sont des fantasmes de journalistes ?
R - Je dis : vous confondez deux choses ! Ce qui relève de la présidence européenne et à cet égard, toutes les positions françaises ont été élaborées en commun - président, gouvernement - et seront défendues en commun, y compris ce que nous allons négocier dans la conférence sur la réforme des institutions. Vous confondez cela avec les réflexions sur l'avenir. La cohabitation n'a jamais empêché ni le président de la République ni le gouvernement d'avoir des libres réflexions sur l'avenir, y compris sur l'avenir de l'Europe. Donc là, ce sont deux choses différentes.
Q - On a l'impression que ces réflexions sur l'avenir de l'Europe viennent soit de l'étranger avec Joschka Fischer - dans son papier il y a quelques semaines et puis encore hier à Strasbourg - soit du président de la République au Bundestag !
R - C'est également inexact ! Je peux vous dire que tous ceux qui en Europe s'expriment sur ce débat à long terme attendent de nous une chose, en priorité, y compris Joschka Fischer et tous ceux qui sont intervenus sur le fédéralisme ou pas, noyau dur ou pas : c'est que nous réussissions cette CIG. La conférence sur les institutions. Donc nous ne devons pas pour le plaisir existant du débat à long terme nous défausser de notre responsabilité immédiate et là, nous serions gravement fautifs.
Q - Dans votre livre publié il y a quelques jours chez Fayard " Les cartes de la France ", vous écrivez : " les chances réelles de parvenir à un accord existent si chacun y met du sien ", pour cette Conférence intergouvernementale. Alors, où en est-on ? Quel est des nombreux points à régler, le nombre de commissaires, le vote à la majorité et la pondération, celui qui vous semble le plus difficile ?
R - Pour parler franchement, cela s'annonce très difficile. Nous voulons un élargissement de la majorité qualifiée, presque tout le monde le souhaite mais pas sur les mêmes sujets, il n'y a pas d'accord. Nous voulons une repondération substantielle des voix pour les grands pays qui ne sont pas du tout représentés en proportion ; naturellement, les pays petits et moyens renâclent ! Nous voulons une commission qui soit plafonnée, en tout cas bien hiérarchisée et puis chacun veut son commissaire. Si on a un jour une commission avec trente, on voit bien qu'elle ne pourra plus être l'organe collégial dont on a besoin et nous voulons assouplir ce qu'on appelle les coopérations renforcées : c'est un mécanisme qui permet à un groupe de pays de faire plus ou d'avoir une autre action entre eux, et un certain nombre de pays sont réticents, précisément parce qu'ils craignent que ce soit le début de l'engrenage du plan à la Fischer, pour résumer, une sorte d'engrenage fédéraliste dont beaucoup de pays, une majorité ne veut pas. Là, il y a une interférence réelle mais pas positive, sur ce point précis entre le débat à long terme, et la négociation immédiate. C'est vous dire que nous avons une responsabilité très lourde, très lourde, mais il se trouve que cela vient maintenant à notre tour, et nous allons tout faire, tout ce qui dépend de nous, pour réussir. Il y a une chose qui va quand même nous aider, c'est qu'aucun pays d'Europe, je crois ne voudra prendre la responsabilité d'un deuxième échec comme cela avait été le cas en 96, 97, cela pèserait trop lourd, cela serait trop grave pour l'avenir de l'Union. Mais la solution, on ne l'a pas encore. Nous avons des semaines de négociations acharnées devant nous.
Q - Est-ce que la vie quotidienne, Hubert Védrine, a changé depuis lundi dernier ?
R - Oui, l'emploi du temps est encore un peu plus lourd, si cela est possible !
Q - Alors une autre question sur un autre sujet : les otages français à Jolo. Le président Chirac a dit, vous assistiez d'ailleurs à l'entretien à Strasbourg, au père de Sonia Wendling qu'il ferait tout pour obtenir sa libération et qu'il considérait Sonia Wendling un peu comme
R - C'est le père qui lui a demandé : il a dit " je vous demande de faire comme si c'était votre fille ". Il a dit oui - c'était très digne, très émouvant - et nous essayons d'aider, nous sommes en contact avec eux très régulièrement mais la vérité oblige à dire qu'il n'y a pas de moyen miraculeux de les sortir comme cela ! Alors notre priorité absolue, c'est qu'ils sortent sains et saufs et notre réaction au début de cette affaire a été de nous mettre d'accord avec les Allemands et les Finlandais pour dire aux Philippins : surtout pas d'assaut militaire, ce qui était une tentation, il faut le reconnaître. On a au moins empêché cela. Maintenant, nous sommes dans une phase difficile, parce que les Philippins n'arrivent pas à nouer une négociation qui puisse aboutir et en plus, ce sont des groupes tout à fait divisés entre eux. Certains font cela pour des revendications d'indépendance, politiques ou financières, de banditisme simple, et c'est très compliqué de s'y retrouver, mais nous sommes en contact avec les Philippins tous les jours.
Q - Et on pourrait envisager le versement d'une rançon ou bien c'est tout à fait exclu ?
R - Nous n'avons jamais versé de rançon pour aucun otage et comprenez- bien, je le dis avec gravité, cela peut étonner, mais verser des rançons, c'est mettre en danger tous les Français qui circulent dans le monde, dans des zones troublées. Malheureusement, il y en a beaucoup, il y en aura encore d'autres. Qu'ils soient journalistes ou tout simplement touristes, on ne peut pas mettre le doigt dans cet engrenage et dans l'affaire de la libération de Brice Fleutiaux, il n'y a pas eu de rançon./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juillet 2000)
R - Oui, nous ne doutons pas de la conviction européenne de Tony Blair et son gouvernement et notamment de mon homologue Robin Cook et du ministre des Finances. C'est là où ils veulent aller, ils pensent que c'est bon pour la Grande-Bretagne, et nous pensons, nous, que c'est bon pour l'Europe, et ce serait bon pour l'euro et donc nous souhaitons qu'il y arrive.
Q - Un référendum qui vous pose sûrement plus de questions, celui que veulent organiser les responsables autrichiens fin octobre, ou fin novembre sur les sanctions bilatérales imposées par l'Union, alors que Jörg Haider réaffirmait lundi que la réalisation zéro de la présidence française n'était pas exclue !
R - Ca, ça relève de la politique intérieure autrichienne. En ce qui concerne l'Autriche, je pense que nous avions réagi comme nous le devions. Dès l'origine, les 14 pays s'étaient d'ailleurs très facilement mis d'accord entre eux, ce qui montre que c'était une condition partagée et pas uniquement par la France ou la Belgique, comme on l'avait dit. Les Portugais ont géré cette situation avec beaucoup de subtilité, et d'intelligence politique et M. Guterres avant de quitter la présidence semestrielle a mis au point un dispositif qui convient aux Quatorze qui est un dispositif d'examens par trois experts juridiques, trois sages de très haut niveau, de deux sujets importants : est-ce que le gouvernement a enfreint, sur un point ou sur un autre, les règles ou les valeurs juridiques de l'Union européenne et d'autres part, est-ce que le parti de Haider a évolué dans sa nature ? Pour nous, maintenant, il s'agit d'attendre les conclusions de ce rapport.
Q - Le président Chirac a annoncé hier soir un référendum sur le quinquennat en France pour le 24 septembre. Est-ce que cette campagne, même si elle est courte, ne va pas mettre entre parenthèses la présidence française pendant un mois ?
R - Certainement pas, je ne pense pas qu'il y ait d'interférences. Le programme de la présidence française est fixé, cela ne change rien au Conseil Affaires générales. Ce sont les réunions des ministres des Affaires étrangères qui coordonnent l'ensemble des travaux. Il y a les réunions spécialisées de tous les ministres, sujet par sujet ; le programme est fixé, chaque ministre va s'y préparer, il n'y a aucune raison qu'il y ait interférence. De toute façon, dans l'Union européenne, aujourd'hui, il y a toujours une élection en cours quelque part ou une consultation. Cela n'empêche absolument pas de faire face à nos obligations, de mener les négociations dans la Conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions, de nous occuper de l'agenda social, ou d'environnement, de l'Europe des citoyens, il n'y a pas d'interférences !
Q - Si je vous dis : les premiers jours de la présidence française ont été marqués par des tiraillements dans la cohabitation, vous dites que c'est vrai ou ce sont des fantasmes de journalistes ?
R - Je dis : vous confondez deux choses ! Ce qui relève de la présidence européenne et à cet égard, toutes les positions françaises ont été élaborées en commun - président, gouvernement - et seront défendues en commun, y compris ce que nous allons négocier dans la conférence sur la réforme des institutions. Vous confondez cela avec les réflexions sur l'avenir. La cohabitation n'a jamais empêché ni le président de la République ni le gouvernement d'avoir des libres réflexions sur l'avenir, y compris sur l'avenir de l'Europe. Donc là, ce sont deux choses différentes.
Q - On a l'impression que ces réflexions sur l'avenir de l'Europe viennent soit de l'étranger avec Joschka Fischer - dans son papier il y a quelques semaines et puis encore hier à Strasbourg - soit du président de la République au Bundestag !
R - C'est également inexact ! Je peux vous dire que tous ceux qui en Europe s'expriment sur ce débat à long terme attendent de nous une chose, en priorité, y compris Joschka Fischer et tous ceux qui sont intervenus sur le fédéralisme ou pas, noyau dur ou pas : c'est que nous réussissions cette CIG. La conférence sur les institutions. Donc nous ne devons pas pour le plaisir existant du débat à long terme nous défausser de notre responsabilité immédiate et là, nous serions gravement fautifs.
Q - Dans votre livre publié il y a quelques jours chez Fayard " Les cartes de la France ", vous écrivez : " les chances réelles de parvenir à un accord existent si chacun y met du sien ", pour cette Conférence intergouvernementale. Alors, où en est-on ? Quel est des nombreux points à régler, le nombre de commissaires, le vote à la majorité et la pondération, celui qui vous semble le plus difficile ?
R - Pour parler franchement, cela s'annonce très difficile. Nous voulons un élargissement de la majorité qualifiée, presque tout le monde le souhaite mais pas sur les mêmes sujets, il n'y a pas d'accord. Nous voulons une repondération substantielle des voix pour les grands pays qui ne sont pas du tout représentés en proportion ; naturellement, les pays petits et moyens renâclent ! Nous voulons une commission qui soit plafonnée, en tout cas bien hiérarchisée et puis chacun veut son commissaire. Si on a un jour une commission avec trente, on voit bien qu'elle ne pourra plus être l'organe collégial dont on a besoin et nous voulons assouplir ce qu'on appelle les coopérations renforcées : c'est un mécanisme qui permet à un groupe de pays de faire plus ou d'avoir une autre action entre eux, et un certain nombre de pays sont réticents, précisément parce qu'ils craignent que ce soit le début de l'engrenage du plan à la Fischer, pour résumer, une sorte d'engrenage fédéraliste dont beaucoup de pays, une majorité ne veut pas. Là, il y a une interférence réelle mais pas positive, sur ce point précis entre le débat à long terme, et la négociation immédiate. C'est vous dire que nous avons une responsabilité très lourde, très lourde, mais il se trouve que cela vient maintenant à notre tour, et nous allons tout faire, tout ce qui dépend de nous, pour réussir. Il y a une chose qui va quand même nous aider, c'est qu'aucun pays d'Europe, je crois ne voudra prendre la responsabilité d'un deuxième échec comme cela avait été le cas en 96, 97, cela pèserait trop lourd, cela serait trop grave pour l'avenir de l'Union. Mais la solution, on ne l'a pas encore. Nous avons des semaines de négociations acharnées devant nous.
Q - Est-ce que la vie quotidienne, Hubert Védrine, a changé depuis lundi dernier ?
R - Oui, l'emploi du temps est encore un peu plus lourd, si cela est possible !
Q - Alors une autre question sur un autre sujet : les otages français à Jolo. Le président Chirac a dit, vous assistiez d'ailleurs à l'entretien à Strasbourg, au père de Sonia Wendling qu'il ferait tout pour obtenir sa libération et qu'il considérait Sonia Wendling un peu comme
R - C'est le père qui lui a demandé : il a dit " je vous demande de faire comme si c'était votre fille ". Il a dit oui - c'était très digne, très émouvant - et nous essayons d'aider, nous sommes en contact avec eux très régulièrement mais la vérité oblige à dire qu'il n'y a pas de moyen miraculeux de les sortir comme cela ! Alors notre priorité absolue, c'est qu'ils sortent sains et saufs et notre réaction au début de cette affaire a été de nous mettre d'accord avec les Allemands et les Finlandais pour dire aux Philippins : surtout pas d'assaut militaire, ce qui était une tentation, il faut le reconnaître. On a au moins empêché cela. Maintenant, nous sommes dans une phase difficile, parce que les Philippins n'arrivent pas à nouer une négociation qui puisse aboutir et en plus, ce sont des groupes tout à fait divisés entre eux. Certains font cela pour des revendications d'indépendance, politiques ou financières, de banditisme simple, et c'est très compliqué de s'y retrouver, mais nous sommes en contact avec les Philippins tous les jours.
Q - Et on pourrait envisager le versement d'une rançon ou bien c'est tout à fait exclu ?
R - Nous n'avons jamais versé de rançon pour aucun otage et comprenez- bien, je le dis avec gravité, cela peut étonner, mais verser des rançons, c'est mettre en danger tous les Français qui circulent dans le monde, dans des zones troublées. Malheureusement, il y en a beaucoup, il y en aura encore d'autres. Qu'ils soient journalistes ou tout simplement touristes, on ne peut pas mettre le doigt dans cet engrenage et dans l'affaire de la libération de Brice Fleutiaux, il n'y a pas eu de rançon./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juillet 2000)