Texte intégral
La réforme des modes de scrutin des élections européennes et régionales décidée par Chirac sur les instances de Juppé et de Gaudin, et présentée par Jean-Pierre Raffarin est à la fois :
1- inopportune dans son calendrier ;
2- moralement inadmissible ;
3- politiquement criminelle ;
4- pratiquement stupide.
Elle peut et doit échouer, provoquant la déconfiture de ceux qui jouent avec la démocratie comme les tricheurs jouent au bonneteau.
1. La réforme est inopportune
Il est littéralement ahurissant,
a) que la France soit le seul pays au monde dont les modes de scrutins changent au gré de majorités de circonstance, et aujourd'hui à une vitesse telle que des réformes soient abrogées avant même d'avoir servi une seule fois, ce qui est ici le cas pour les élections régionales !
b) que Chirac et le gouvernement, dans l'océan de problèmes graves auxquels se trouve confronté notre pays : guerre imminente au Moyen-orient, délocalisations, chômage, faillite du système des retraites, insécurité, immigration qui n'a jamais diminué, etc., n'aient rien de plus pressé que de changer les règles du jeu électoral. Il refait le coup de 1986, quand, devenu Premier Ministre après une retentissante défaite de la gauche, il n'avait tenu aucune de ses promesses... mais s'était empressé de réformer le mode de scrutin pour faire disparaître le FN de l'Assemblée Nationale.
2. Cette réforme est moralement scandaleuse
... puisqu'elle vise artificiellement à priver de toute représentation, avant tout dans les régions, les Français qui ne sont ni chiraquiens ni socialistes et spécialement ceux du Front National, dont le président, Jean-Marie Le Pen, est arrivé en deuxième position au deuxième tour de l'élection présidentielle.
Le Front National est évidemment visé au premier chef par ce texte : en fixant la barre à 5 % des exprimés pour pouvoir fusionner au deuxième tour, mais à pratiquement quatre fois ce chiffre (10% des inscrits) pour se maintenir sans fusion, on vise à éliminer la seule formation indépendante et adversaire des partis du système. Les autres, les " satellites ", pourront toujours être admis aux miettes du festin s'ils sont bien sages : on les prendra sur le dos, au plus tard après le premier tour. Tel sera le cas pour les communistes et écologistes sur les listes PS, et pour l'UDF, qui rejoindra toute honte bue villiéristes pasquaïens sur les listes UMP. A sa façon pateline, M. Jacques Barrot l'a bien dit : " l'UDF n'a rien à craindre tant qu'elle est dans une stratégie de coopération avec l'UMP. "
Cet apartheid d'un nouveau genre suffirait à qualifier n'importe quel autre pays de république bananière.
Il est tout de même paradoxal qu'à l'heure où le gouvernement français, sous les auspices de M. de Villepin, notre très remuant ministre des Affaires Etrangères, s'efforce de faire en sorte que toutes les forces politiques de Côte-d'Ivoire soient représentées, non seulement au Parlement, mais aussi au gouvernement de ce pays, y compris celles qui sont entrées en insurrection contre le pouvoir légal, ce même gouvernement français consacre tous ses efforts à essayer de faire disparaître des assemblées locales une force d'opposition qui incarne pacifiquement les souffrances et l'espérance de millions de Français, et qui ne dispose pas d'un seul député dans ce que l'on ose encore appeler la représentation nationale !
3. La réforme est aussi politiquement criminelle
... car sa seule cohérence consiste à préparer l'éclatement de la France en "Euro-Régions". Sur le plan européen, il s'agit de faire du député, non plus un élu national, mais l'élu d'une " grande région ", sans aucune identité, sans âme, mais qui convient parfaitement aux cadres d 'action de l'Eurocratie. Dans le même temps, on prévoit par ailleurs dans un avenir proche :
- a) de donner aux régions un statut constitutionnel, alors que dans le même temps on limite à la caricature sa représentation ;
- b) de leur permettre de s'affranchir de la loi nationale, sous prétexte d'expérimentation. Autrement dit, Chirac et le gouvernement Raffarin prévoient de donner à l'ensemble des régions de France ce que le gouvernement Jospin, sous la pression du terrorisme, s'était laissé arracher pour la seule Corse ! Selon l'expression très juste de Jean-Claude Martinez, c'est une " machine à détricoter la France " qui se met en place.
4. Accessoirement, la réforme est stupide sur le plan pratique
... en l'occurrence sur le plan de la technique électorale. Les anciens systèmes étaient clairs : proportionnelle intégrale à un seul tour, avec barre de 5 % des exprimés, dans le cadre d'une liste nationale pour l'Europe, de listes départementales pour les régions. On y substitue de véritables " usines à gaz ", totalement incompréhensibles pour l'électeur moyen, et par conséquent génératrices d'abstention.
Dans le hold-up électoral que tente de réaliser le gouvernement, il avance pour se justifier deux arguments marqués au sceau de la plus insigne mauvaise foi, malheureusement fréquemment repris sans examen critique par certains commentateurs :
- "rapprocher l'élu de l'électeur", c'est le contraire qui se produira, puisque les élus régionaux ne seront plus désignés dans le cadre départemental. Quant aux élus européens, cet argument relève de la bouffonnerie, puisque leur élection se déroulera dans des circonscriptions dont l'une va de Roubaix au Mont-Saint-Michel, l'autre du Beaujolais jusqu'à Bonifacio, une troisième de Dreux au Puy-en-Velay, etc.
- "constituer des majorités stables dans les régions", mais il n'existe aucune instabilité dans les régions françaises ! Des exécutifs minoritaires continuant de les gérer sans difficulté, protégés contre des coalitions de circonstance par l'obligation légale dans laquelle se trouve l'opposition, pour les renverser, de s'entendre sur un contre-projet de budget, et sur le nom d'un autre président pour faire obstacle au projet de budget de l'exécutif, si celui-ci n'a pas été adopté par l'assemblée (art 4311.1-1 du Code général des collectivités territoriales, improprement appelé " 49.3 régional "). Au demeurant, s'il existe aujourd'hui dans plusieurs régions françaises des exécutifs minoritaires, c'est à la seule action personnelle de Chirac qu'on le doit, puisque c'est lui et lui seul, qui, en 1998, dans une intervention inouïe de la part d'un chef de l'Etat, est intervenu dans le fonctionnement régulier des assemblées récemment élues pour ordonner à ses amis politiques de se priver de l'appui des voix du Front National, et de remettre en conséquence les clefs des régions à des exécutifs de gauche presque partout minoritaires ! Cet argument touchant à la nécessité de majorité stable est d'autant plus fallacieux que la prime majoritaire de 25% des sièges à la liste arrivée la première, même d'une courte tête, permet à celle-ci d'obtenir une majorité claire au sein des conseils régionaux.
En conclusion, l'opération gouvernementale doit apparaître clairement pour ce qu'elle est : une manuvre cynique et brutale destinée à découper la France en euro-régions, à empêcher l'émergence de nouvelles forces politiques, et surtout à réduire l'influence croissante de la seule véritable opposition au système : le Front national.
La manoeuvre peut et doit échouer.
Les manipulations du mode électoral se retournent généralement contre leurs auteurs ; c'est ce que l'Histoire nous enseigne. Le dernier exemple en date est la Turquie : afin d'éviter l'émergence d'un parti kurde et d'un parti musulman, les partis du système en place avaient inventé de fixer une barre de 10 % aux élections législatives : en dessous de ce seuil à obtenir sur le plan national, aucun parti ne pouvait avoir de députés, et ceci quel que soit le score obtenu localement par ses candidats. Cette " kolossale finesse " a eu, lors des dernières élections, un résultat inattendu : les partis du système, dont plusieurs ont frôlé la barre des 10 %, ont complètement disparu de la scène parlementaire...et le parti musulman dont les prédécesseurs avaient même été dissous s'est ainsi assuré, avec un tiers des voix, d'une majorité des sièges !
En 1998, le Front National avait dépassé la barre des 10% des inscrits dans 5 régions ; il l'a frôlée dans beaucoup d'autres. Si un sursaut de l'électorat se produit en 2004, contre les voleurs et les tricheurs, et si l'UDF présente des listes concurrentes de celles d'une UMP en voie de discrédit, on pourrait très bien au plan local avoir des surprises comparables à celles du premier tour de l'élection présidentielle. Mais avec cette fois-ci la droite courbe dans le rôle du dindon de la farce, cuit dès le premier tour... et ce ne serait que justice.
Des duels gauche-FN ne manqueraient pas d'intérêt, à tous égards.
Le Front National va s'y préparer, dès à présent.
(source http://www.frontnational.com, le 24 février 2003)
1- inopportune dans son calendrier ;
2- moralement inadmissible ;
3- politiquement criminelle ;
4- pratiquement stupide.
Elle peut et doit échouer, provoquant la déconfiture de ceux qui jouent avec la démocratie comme les tricheurs jouent au bonneteau.
1. La réforme est inopportune
Il est littéralement ahurissant,
a) que la France soit le seul pays au monde dont les modes de scrutins changent au gré de majorités de circonstance, et aujourd'hui à une vitesse telle que des réformes soient abrogées avant même d'avoir servi une seule fois, ce qui est ici le cas pour les élections régionales !
b) que Chirac et le gouvernement, dans l'océan de problèmes graves auxquels se trouve confronté notre pays : guerre imminente au Moyen-orient, délocalisations, chômage, faillite du système des retraites, insécurité, immigration qui n'a jamais diminué, etc., n'aient rien de plus pressé que de changer les règles du jeu électoral. Il refait le coup de 1986, quand, devenu Premier Ministre après une retentissante défaite de la gauche, il n'avait tenu aucune de ses promesses... mais s'était empressé de réformer le mode de scrutin pour faire disparaître le FN de l'Assemblée Nationale.
2. Cette réforme est moralement scandaleuse
... puisqu'elle vise artificiellement à priver de toute représentation, avant tout dans les régions, les Français qui ne sont ni chiraquiens ni socialistes et spécialement ceux du Front National, dont le président, Jean-Marie Le Pen, est arrivé en deuxième position au deuxième tour de l'élection présidentielle.
Le Front National est évidemment visé au premier chef par ce texte : en fixant la barre à 5 % des exprimés pour pouvoir fusionner au deuxième tour, mais à pratiquement quatre fois ce chiffre (10% des inscrits) pour se maintenir sans fusion, on vise à éliminer la seule formation indépendante et adversaire des partis du système. Les autres, les " satellites ", pourront toujours être admis aux miettes du festin s'ils sont bien sages : on les prendra sur le dos, au plus tard après le premier tour. Tel sera le cas pour les communistes et écologistes sur les listes PS, et pour l'UDF, qui rejoindra toute honte bue villiéristes pasquaïens sur les listes UMP. A sa façon pateline, M. Jacques Barrot l'a bien dit : " l'UDF n'a rien à craindre tant qu'elle est dans une stratégie de coopération avec l'UMP. "
Cet apartheid d'un nouveau genre suffirait à qualifier n'importe quel autre pays de république bananière.
Il est tout de même paradoxal qu'à l'heure où le gouvernement français, sous les auspices de M. de Villepin, notre très remuant ministre des Affaires Etrangères, s'efforce de faire en sorte que toutes les forces politiques de Côte-d'Ivoire soient représentées, non seulement au Parlement, mais aussi au gouvernement de ce pays, y compris celles qui sont entrées en insurrection contre le pouvoir légal, ce même gouvernement français consacre tous ses efforts à essayer de faire disparaître des assemblées locales une force d'opposition qui incarne pacifiquement les souffrances et l'espérance de millions de Français, et qui ne dispose pas d'un seul député dans ce que l'on ose encore appeler la représentation nationale !
3. La réforme est aussi politiquement criminelle
... car sa seule cohérence consiste à préparer l'éclatement de la France en "Euro-Régions". Sur le plan européen, il s'agit de faire du député, non plus un élu national, mais l'élu d'une " grande région ", sans aucune identité, sans âme, mais qui convient parfaitement aux cadres d 'action de l'Eurocratie. Dans le même temps, on prévoit par ailleurs dans un avenir proche :
- a) de donner aux régions un statut constitutionnel, alors que dans le même temps on limite à la caricature sa représentation ;
- b) de leur permettre de s'affranchir de la loi nationale, sous prétexte d'expérimentation. Autrement dit, Chirac et le gouvernement Raffarin prévoient de donner à l'ensemble des régions de France ce que le gouvernement Jospin, sous la pression du terrorisme, s'était laissé arracher pour la seule Corse ! Selon l'expression très juste de Jean-Claude Martinez, c'est une " machine à détricoter la France " qui se met en place.
4. Accessoirement, la réforme est stupide sur le plan pratique
... en l'occurrence sur le plan de la technique électorale. Les anciens systèmes étaient clairs : proportionnelle intégrale à un seul tour, avec barre de 5 % des exprimés, dans le cadre d'une liste nationale pour l'Europe, de listes départementales pour les régions. On y substitue de véritables " usines à gaz ", totalement incompréhensibles pour l'électeur moyen, et par conséquent génératrices d'abstention.
Dans le hold-up électoral que tente de réaliser le gouvernement, il avance pour se justifier deux arguments marqués au sceau de la plus insigne mauvaise foi, malheureusement fréquemment repris sans examen critique par certains commentateurs :
- "rapprocher l'élu de l'électeur", c'est le contraire qui se produira, puisque les élus régionaux ne seront plus désignés dans le cadre départemental. Quant aux élus européens, cet argument relève de la bouffonnerie, puisque leur élection se déroulera dans des circonscriptions dont l'une va de Roubaix au Mont-Saint-Michel, l'autre du Beaujolais jusqu'à Bonifacio, une troisième de Dreux au Puy-en-Velay, etc.
- "constituer des majorités stables dans les régions", mais il n'existe aucune instabilité dans les régions françaises ! Des exécutifs minoritaires continuant de les gérer sans difficulté, protégés contre des coalitions de circonstance par l'obligation légale dans laquelle se trouve l'opposition, pour les renverser, de s'entendre sur un contre-projet de budget, et sur le nom d'un autre président pour faire obstacle au projet de budget de l'exécutif, si celui-ci n'a pas été adopté par l'assemblée (art 4311.1-1 du Code général des collectivités territoriales, improprement appelé " 49.3 régional "). Au demeurant, s'il existe aujourd'hui dans plusieurs régions françaises des exécutifs minoritaires, c'est à la seule action personnelle de Chirac qu'on le doit, puisque c'est lui et lui seul, qui, en 1998, dans une intervention inouïe de la part d'un chef de l'Etat, est intervenu dans le fonctionnement régulier des assemblées récemment élues pour ordonner à ses amis politiques de se priver de l'appui des voix du Front National, et de remettre en conséquence les clefs des régions à des exécutifs de gauche presque partout minoritaires ! Cet argument touchant à la nécessité de majorité stable est d'autant plus fallacieux que la prime majoritaire de 25% des sièges à la liste arrivée la première, même d'une courte tête, permet à celle-ci d'obtenir une majorité claire au sein des conseils régionaux.
En conclusion, l'opération gouvernementale doit apparaître clairement pour ce qu'elle est : une manuvre cynique et brutale destinée à découper la France en euro-régions, à empêcher l'émergence de nouvelles forces politiques, et surtout à réduire l'influence croissante de la seule véritable opposition au système : le Front national.
La manoeuvre peut et doit échouer.
Les manipulations du mode électoral se retournent généralement contre leurs auteurs ; c'est ce que l'Histoire nous enseigne. Le dernier exemple en date est la Turquie : afin d'éviter l'émergence d'un parti kurde et d'un parti musulman, les partis du système en place avaient inventé de fixer une barre de 10 % aux élections législatives : en dessous de ce seuil à obtenir sur le plan national, aucun parti ne pouvait avoir de députés, et ceci quel que soit le score obtenu localement par ses candidats. Cette " kolossale finesse " a eu, lors des dernières élections, un résultat inattendu : les partis du système, dont plusieurs ont frôlé la barre des 10 %, ont complètement disparu de la scène parlementaire...et le parti musulman dont les prédécesseurs avaient même été dissous s'est ainsi assuré, avec un tiers des voix, d'une majorité des sièges !
En 1998, le Front National avait dépassé la barre des 10% des inscrits dans 5 régions ; il l'a frôlée dans beaucoup d'autres. Si un sursaut de l'électorat se produit en 2004, contre les voleurs et les tricheurs, et si l'UDF présente des listes concurrentes de celles d'une UMP en voie de discrédit, on pourrait très bien au plan local avoir des surprises comparables à celles du premier tour de l'élection présidentielle. Mais avec cette fois-ci la droite courbe dans le rôle du dindon de la farce, cuit dès le premier tour... et ce ne serait que justice.
Des duels gauche-FN ne manqueraient pas d'intérêt, à tous égards.
Le Front National va s'y préparer, dès à présent.
(source http://www.frontnational.com, le 24 février 2003)