Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur la lutte contre le tabagisme notamment en direction des jeunes et le plan de lutte contre le cancer au Sénat le 11 février 2003.

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Circonstance : Examen de la proposition de loi de Bernard Joly visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes au Sénat le 11 février 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je ne peux que saluer l'initiative de M. Bernard JOLY qui vise à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, et je lui apporte un soutien sans équivoque.
Je souhaite également remercier M. le rapporteur, Dominique LARIFLA, et les membres de la commission des affaires sociales de la rapidité et de la qualité de leurs travaux.
Cette proposition vient en effet juste au moment où le Gouvernement s'apprête à déclarer la guerre au tabac. La Haute Assemblée ouvre le feu. Nous déclencherons l'offensive générale.
I - Alors pourquoi une guerre ?
Parce que nous avons affaire, et de loin, au plus grand tueur qui existe. Celui qui coûte le plus cher à la société, non seulement en vies humaines, en souffrances mais aussi en dépense de santé.
Bernard JOLY l'a rappelé, première cause de mortalité évitable en France le tabac tue chaque année dans notre pays 60.000 personnes, huit fois plus que la violence routière. Il nous coûte aussi 15 milliards d'euros par an soit 1,1 % du PIB.
Enfin, si ces arguments n'étaient pas suffisants on pourrait ajouter que l'efficacité des programmes anti-tabac n'est plus à démontrer.
En arrivant au Gouvernement je me suis engagé à faire de la prévention un axe fort de la politique de santé en France. La prévention a été et demeure une des faiblesses du système sanitaire français. Pratiquement pas enseignée dans nos facultés médicales, peu valorisée dans sa pratique, souvent très dissociée du système de soins dans sa structuration, elle est le parent pauvre de la santé. Nous en payons aujourd'hui le prix.
Je suis convaincu que la prévention est un élément clef pour améliorer la santé des français, pour les faire vivre mieux et plus longtemps.
Le cancer en est l'exemple le plus frappant. Un quart des décès par cancer soit plus de 30.000 par an est attribué au tabac. Quand la prévention du tabac est efficace, les décès par cancer du poumon chutent.
Sous l'impulsion du Président de la République, nous avons aujourd'hui l'opportunité de franchir un pas important dans la lutte contre le tabac. Je ne la manquerai pas !
II - Certes nous ne partons pas de rien.
Je veux rendre hommage au caractère extrêmement novateur de la loi 9 juillet 1976, proposée sous l'impulsion du Pr Maurice Tubiana, à l'époque président de la commission Cancer réunie par Simone Veil. Cette loi a permis une première prise de conscience et a freiner la progression du tabagisme chez les hommes.
La loi Evin du 10 janvier 1991 a représenté une étape historique dans la lutte contre le tabagisme dans notre pays et elle a été suivie par une diminution de 14,5 % des ventes de cigarettes entre 1992 et 1997.
Malheureusement, il existe des signes montrant que la lutte anti-tabac perd en vigueur et en efficacité.
La proportion des femmes fumeuses augmente. Le tabac a donné un coup d'arrêt à la progression de l'espérance de vie chez les femmes.
La consommation de tabac chez les jeunes reste à un niveau très élevé, un des plus élevé d'Europe. La moitié des jeunes fument. La dépendance au tabac étant forte, la plupart d'entre eux continueront à fumer régulièrement.
La nocivité du tabac est surtout liée à la durée d'exposition. Ce qui veut dire que parmi les jeunes ayant commencé à fumer à l'adolescence, la moitié décédera du tabac et parmi eux un quart décédera avant 65 ans soit une vie raccourcie de 20 ans !
III - Il est donc de notre responsabilité de relancer la lutte contre le tabac, d'en faire une cible prioritaire pour les années qui viennent et notamment chez les jeunes.
Nous avons déjà commencé et les dispositions de la proposition de loi sont autant
de mesures qui vont dans le bon sens !
Interdiction de vente aux moins de 16 ans, sanction des débitants de tabac, éducation à la santé : nous sommes favorables à de telles dispositions.
Avec la loi de FSS, nous venons d'augmenter de façon importante le prix du tabac. Il s'agit d'une mesure efficace sur la baisse de la consommation. Pour la première fois depuis 4 ans, les ventes de tabac ont diminué. Mais il faut veiller à ce que les fabricants de tabac ne puissent contrarier l'augmentation du prix en proposant aux jeunes des paquets de 10 à 15 cigarettes moins chers et donc plus attractifs. Il faut veiller à ce que cette augmentation se répercute à tous les produits du tabac y compris les moins chers.
Je viens de signer l'arrêt obligeant les fabricants à inscrire sur les paquets des cigarettes un message clair et sans ambiguïté " fumer tue ".
L'interdiction de la vente aux mineurs de moins de 16 ans est une mesure cohérente avec l'interdiction de vente d'alcool à ces mêmes mineurs dans les débits de boisson ; avec notre désir de protéger la jeunesse d'une drogue mortelle.
Cohérente et hautement symbolique. J'y suis personnellement très favorable.
Je sais cependant, d'après les expériences d'autres pays, qu'il ne s'agit pas d'une mesure miracle, qu'elle doit trouver son sens au sein d'un programme large, axé sur la population générale et non les mineurs uniquement, comprenant des actions d'information mais aussi de réglementation et d'aide à l'arrêt du tabac. L'industrie du tabac, qui la propose toujours isolément ne s'y trompe pas !
L'objectif de notre programme est double : prévenir la consommation de tabac chez les non fumeur et mais aussi aider les fumeurs à s'arrêter, sans pour autant minimiser la difficulté du sevrage. Le tabac est une drogue. Cette assimilation à une drogue a participé à la prise de conscience des dangers du tabac. Mais s'arrêter de fumer c'est possible et ce n'est jamais trop tard !
IV - Sans révéler la teneur du plan cancer, je souhaite vous en communiquer déjà les grandes orientations relatives au tabac.
1 - Vis à vis des jeunes, différentes interventions en milieu scolaire seront mises en place dans le cadre d'un programme "Ecole sans tabac" élaboré conjointement par les Ministères de l'Education Nationale et de la Santé.
Ce programme comprendra des actions d'information sur les méfaits du tabac, information que vous proposez, Monsieur le rapporteur, et elles seront accompagnées de mesures indispensables d'interdiction, d'accompagnement et de prise en charge.
2 - Encore une fois une prévention qui se limite aux jeunes n'est pas efficace. Il faut agir sur l'ensemble de la population. Le tabagisme des adolescent est significativement associé à celui de ses parents, à celui de son environnement social proche
Je compte privilégier 4 axes :
1 - Rendre de plus en plus difficile l'accès au tabac par une politique permanente d'augmentation des taxes.
2 - Renforcer la législation de la lutte contre le tabac et se doter des moyens permettant d'obtenir l'application effective de l'interdiction de fumer dans les lieux collectifs et la sanction des contrevenants.
Près de des français se déclarent d'ailleurs favorable à un renforcement de la réglementation relative à la protection des non-fumeurs.
3 - Mieux informer sur les risques du tabagisme actif et passif en augmentant les campagnes d'information. Contrairement à ce que l'on pense les risques liés au tabac sont encore sous évalué. En particulier la moitié des personnes pense encore qu'il existe un seuil (évalué à environ 9 cigarette par jour) au dessous duquel on ne risque rien. La mise en évidence des danger du tabagisme passif est entrain de modifier cette perception.
4 - Enfin, aider les fumeurs à s'arrêter de fumer par tous les moyens possibles !
En améliorant la ligne téléphonique d'écoute (Tabac Info services) dont le numéro sera présent sur tous les paquets de cigarettes, par des documents d'information, par la formation et l'implication des professionnels de santé : médecins et infirmières ainsi que des responsables de collectivités.
L'implication des médecins généralistes est essentielle. Une étude a montrer que le simple fait que le médecin demande à son patient : " est-ce que vous fumez " puis " voulez vous arrêtez de fumez " et qu'il donne une brochure de conseil pour le sevrage, permettait de doubler les chances de l'arrêt à long terme. En France cela se traduirait par 200 000 fumeurs en moins chaque année.
Enfin, j'améliorerai l'accès au substitut nicotiniques (qui multiplie par 1,5 à 2 les chances du sevrage) et j'augmenterai le nombre de consultations anti-tabac pour que celles-ci soit accessible dans chaque département.
Ces différentes actions permettront de modifier l'image sociale du tabac encore trop banalisée en France.
Au nom du Gouvernement, je remercie de nouveau la Haute Assemblée de contribuer ainsi à lutter contre le tabagisme. C'est un combat dans lequel je m'engage personnellement en étant sur de pouvoir ainsi améliorer durablement la santé des français.




(source http://www.sante.gouv.fr, le 13 février 2003)