Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale, dans "La Nouvelle République" le 25 mai 2000, sur la réforme de la durée du mandat présidentiel ("oui, mais" au quinquennat).

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Média : La Nouvelle République du Centre Ouest

Texte intégral

Faut-il se contenter de dépoussiérer la Constitution en instaurant le quinquennat ou faut-il aller plus loin : un régime présidentiel avec un contre-pouvoir parlementaire fort ?
Je suis favorable au quinquennat - qui correspond mieux au rythme des démocraties modernes- mais il faut faire attention au risque de dérive monarchique que pourrait entraîner la confusion des élections législatives et des élections présidentielles. Nous avons déjà un pouvoir présidentiel plus fort que dans les autres pays qui nous entourent. Renforcer encore ce pouvoir présidentiel par une confusion entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle entraînerait une concentration de pouvoir unique au monde. Pour les libéraux il faut redistribuer les pouvoirs, c'est-à-dire inscrire dans les faits et dans le droit le principe de subsidiarité, instaurer une vraie autonomie des collectivités locales, un vrai pouvoir régional et engager une vraie réforme de l'Etat. C'est aussi instituer des contrepouvoirs avec un vrai pouvoir judiciaire indépendant et un vrai pouvoir législatif doté de moyens de contrôle.
La décentralisation est-elle la seule réponse à la crise de l'Etat, critiqué lorsqu'il en fait trop, et en même temps sans cesse sollicité ?
La centralisation française c'est la congestion au centre et la paralysie aux extrémités. A vouloir trop faire l'Etat n'exerce plus ses vraies missions. Les pays fédéraux ou décentralisés ont aujourd'hui un avantage comparatif. La décentralisation est source d'innovation elle permet une gestion de proximité, plus attentive, plus efficace et moins coûteuse. La réponse à la crise de l'Etat passe par la redistribution des pouvoirs -selon la formule d'Abraham Lincoln " le pouvoir ne doit pas faire ce dont les citoyens sont capables "- et par un Etat recentré qui aurait les moyens d'exercer ses vraies missions, comme la Justice et la sécurité.
L'Europe à plusieurs vitesses est-elle la seule solution réaliste dans la perspective de l'adhésion de nouveaux membres ?Comment éviter la paralysie du système ?
Si la grande Europe exige une démarche moins intégrationniste, plus respectueuse de la diversité des nations qui la composent, l'élargissement des frontières de l'Europe doit aller de pair avec l'élargissement des possibilités de coopération renforcées dans des domaines déterminés entre les pays qui le souhaitent. Faut-il pour autant institutionnaliser au moyen d'un traité dans le traité une sorte de " noyau dur " ou de " noyau stable " composé d'un petit nombre de nations souhaitant davantage d'intégration ? Je ne le pense pas. Je ne crois pas opportun de diviser ainsi l'Europe en deux. Au surplus ces coopérations renforcées peuvent être à géométrie variable, comme l'expérience nous l'a montré avec l'Euro, la défense européenne ou Schengen, même si un petit nombre de nations, dont la France, a vocation à se retrouver à l'intersection de ces cercles de coopération.
(source http://www.demlib.com, le 29 mai 2000)