Texte intégral
Journaliste : Bonjour, Jean-François Lamour, alors, il paraît, selon l'Equipe et ce que j'ai entendu ce matin à la radio, que l'on est nul, parce que ce soir la Coupe d'Europe commence et il n'y a qu'un seul club français, celui d'Auxerre qui participe
Jean-François Lamour : On peut effectivement regretter que les clubs français ne soient pas à ce niveau de la Ligue des champions et malheureusement cela fait plusieurs années que les clubs ratent la marche. Alors, on avance un certain nombre de raisons à cela, des raisons économiques, sportives également. On a pourtant des groupes dans les clubs pros qui sont de bons groupes mais peut-être faut-il aider un peu mieux les clubs à se structurer et à trouver les moyens de recruter des joueurs de qualité
Journaliste : On va en parler justement, on n'était pas présents à la Coupe du Monde mais c'est un autre sujet. Il y a ce problème des clubs de foot français, on sait que vous vous y intéressez beaucoup. On est une radio économique, on va donc commencer par cela. On dit toujours que les clubs français ne sont pas suffisamment riches et qu'ils ne peuvent pas gérer, en fait.
JFL : Il y a avant tout un marché du football français qui n'est pas au niveau de celui des Italiens, des Espagnols et des Anglais. Ceci étant, je crois qu'il faut effectivement donner la possibilité aux clubs français d'avoir les moyens de recruter des joueurs pros, d'aller chercher les investisseurs là où ils sont et de donner à ces investisseurs une visibilité importante en matière économique tout en respectant une règle qui est ma ligne de conduite. Depuis que je suis arrivé au ministère c'est la possibilité de garder une unité du football français entre monde amateur et monde professionnel. Donner tout autant au monde professionnel les moyens de se doter d'une équipe forte mais également au monde amateur de bénéficier des retours de tout ce flux financier généré par le football professionnel
Journaliste : Il existe un certain nombre de problèmes dans le foot professionnel. Ils disent qu'ils paient trop de charges sociales, beaucoup plus que les Espagnols, les Italiens ou les Anglais et que cela les handicape considérablement dans leur gestion, y aurait-il moyen de faire autrement ?
JFL : On a également évoqué un statut fiscal spécifique pour les joueurs qui est un peu différent. Concernant les charges sociales, il existait une proposition qui avait été faite du temps de Guy Drut qui a été ministre des sports de 1995 à 1997 qui était celle du droit à l'image, c'est-à-dire permettre aux clubs de payer les joueurs une partie salaire, une partie droit à l'image. je ne suis pas opposé finalement à ce que il y ait des négociations dans ce domaine. Encore une fois, faut-il que les joueurs pros et les clubs se mettent d'accord sur un pourcentage à la fois de salaire et de ces honoraires qui seraient versés comme droit à l'image.
Journaliste : Vous seriez d'accord pour aller dans ce sens là ?
JFL : Je serais d'accord pour qu'il y ait discussion. Moi, je n'avance que parce que monde amateur et monde pro avancent ensemble et que clubs pros et joueurs professionnels avancent également dans le même sens. Je n'y suis pas opposé, on verra ensuite bien évidemment que tout cela se fasse dans la plus grande transparence et qu'il n'y ait pas une gestion de ce droit à l'image qui soit faite dans des paradis fiscaux. Là aussi, je crois qu'il est important de valider cette transparence du foot professionnel.
Journaliste : Deuxième sujet, la fiscalité des joueurs eux-mêmes, on sait bien que les joueurs quittent la France et qu'ils vont dans des pays où ils paient moins d'impôts, il y a eu le débat à l'Assemblée nationale sur l'ISF. Pour les joueurs professionnels, va-t-on trouver un jour un statut qui leur permet de rester dans le pays ?
JFL : Je vous rappelle que cela intéresse les joueurs de foot mais également les joueurs de rugby, certains joueurs de tennis. Il n'est pas question d'avoir un statut spécifique pour les sportifs professionnels. Vous avez entendu l'annonce de Jean-Pierre Raffarin et du Président de la République sur la baisse de la fiscalité, les joueurs bénéficieront de cette baisse comme les autres et pas plus.
Journaliste : Cela veut dire que l'on va continuer à perdre les meilleurs joueurs français
JFL : Jusqu'au moment où notre pression fiscale sera équivalente à celles de nos homologues européens
Journaliste : Mais c'est quasiment impossible étant donné d'où on vient, non ?
JFL : Un premier geste a été fait, cette baisse de 5 %, on peut penser qu'elle se poursuivra si la situation économique nous est favorable
Journaliste : L'autre sujet au coeur de l'actualité, ce sont ces fameux droits télévisés qui font l'objet d'âpres discussions entre Canal Plus et TF1. On dit que des médiateurs vont être nommés pour essayer de trouver une solution. Ces médiateurs, n'est-ce pas une forme de désaveu pour le Président de la ligue de football, Frédéric Thiriez ?
JFL : Non, je crois que c'est plutôt pour lui un soutien, pour remettre les diffuseurs TPS et Canal autour de la table et trouver une solution qui convient aux uns et autres. La ligue a une stratégie, après on peut toujours critiquer celle-ci, qui est de donner l'exclusivité avec un appel d'offres et, le Conseil de la Concurrence l'a rappelé, qui n'était peut-être pas exactement adaptée à la situation. Ma priorité dans ce domaine c'est que le protocole financier qui lie la Ligue Professionnelle à la fédération, donc au monde amateur soit respecté et que donc une partie de ces droits soit reversée au monde amateur, c'est ce qui a été fait. Je vous rappelle que quand je suis arrivé en mai dernier, la situation était totalement bloquée, on avait opposé le monde pro au monde amateur. On avait réussi grâce à Frédéric Thiriez à remettre du liant entre les deux. C'est vrai que les droits télé sont un élément important pour la vie des clubs mais également pour faire fonctionner le réseau des clubs amateurs de la fédération qui permet de générer des joueurs professionnels qui viennent alimenter la ligue 1 et la ligue 2. Je suis sur cet axe là, si il y a un accord tel que s'est en train de se dessiner avec un médiateur, je ne peux y voir que de bonnes choses
Journaliste : Un ou deux médiateurs ?
JFL : Un ou deux, je ne sais pas où on en était...
Journaliste : Parce qu'apparemment j'avais entendu dire que Michel Pébereau pourrait travailler d'un côté pour TPS et Claude Bébéar de l'autre pour Canal Sat
JFL : Il y a un certain nombre de noms qui ont été avancés de la part des deux diffuseurs mais il y en d'autres, je crois que Jean-Michel Hubert avait été cité, le Président de l'ART. Je crois qu'il faut maintenant attendre la décision du tribunal et voir rapidement la médiation se mettre en place
Journaliste : Je récapitule, Michel Pébereau, Claude Bébéar, Jean-Michel Hubert sont de très grosses pointures pour un sujet important ?
JFL : Un sujet important, oui. Encore une fois, 480 millions d'euros, on peut toujours estimer que cela est très lourd et très cher. Je rappelle une chose, c'est certainement très cher pour du football, on en convient, mais cela permet d'alimenter les clubs pros mais également de bénéficier à la fois au foot amateur mais aussi à l'ensemble du sport amateur puisqu'une partie de ces droits télé (5 %) est reversée au FNDS qui bénéficie à tous les sports
Journaliste : N'avez-vous pas l'impression en faisant intervenir de telles pointures dans ce dossier qu'on est en train de régler, d'organiser l'économie du foot et des droits télé d'une manière plus générale, on sait que vous avez préconisé que les droits télé soient inscrits dans le bilan des clubs
JFL : Là, on est dans une autre logique qui permet aux clubs d'aller chercher les investisseurs là où ils sont, c'est-à-dire d'avoir en haut de bilan la possibilité d'inscrire cet actif
Journaliste : Mais ce n'est qu'une écriture comptable parce qu'eux réclament la propriété
JFL : Ils réclament la propriété mais il faut que l'on se mette tous bien d'accord, propriété, oui mais à condition que la gestion soit mutualisée au sein de la ligue professionnelle, qu'on évite ce qui s'est passé en Italie il y a quelques mois : un blocage complet du championnats parce que les petits clubs en bas de classement ne voyaient plus l'argent arriver, l'argent étant concentré sur les principaux clubs de haut de tableau
Journaliste : Est-ce que justement en France pour privilégier les petits clubs, on est pas en train d'empêcher les gros de gagner ?
Pause
Journaliste : Vous nous dites que vous êtes extrêmement attaché au principe de mutualisation des droits TV contrairement à certains présidents de clubs qui réclament la pleine propriété. Jean-François Lamour, pouvez-nous défendre votre point de vue davantage ?
JFL : C'est le principe d'un type d'organisation qui est celui du sport français, d'ailleurs d'autres organisations européennes reprennent ce principe. A partir du moment où vous avez un championnat qui est organisé, qui n'est pas une ligue fermée mais ouverte avec des clubs qui montent d'une division, qui peuvent redescendre, il est important de mutualiser ces droits, de faire en sorte que la manne générée par la négociation des droits télé soit redistribuée. Alors après, les clés de répartition regardent les différents actionnaires et administrateurs de la ligue professionnelle mais je crois que ce principe qui est le même pour tous les sports en France doit être respecté au niveau du foot. Le fait de donner la pleine propriété des droits aux clubs c'est s'engager dans une voie de la gestion individuelle de ces droits et ce principe de redistribution serait battu en brèche. Je crois absolument qu'il est nécessaire certes de trouver le moyen d'inscrire au bilan les droits mais de maintenir cette mutualisation alors qu'un certain nombre de présidents de clubs tentent d'obtenir la pleine propriété de ces droits
Journaliste : Bien sûr, on sait que ce sont les présidents de l'OM , Christophe Bouchet, que l'on a eu récemment, celui du PSG, celui de l'OL. Ce sont les trois clubs que l'on cite pour participer à une ligue européenne privée de football, est ce que vous croyez à ce projet ou est ce que ce serait une erreur ?
JFL : C'est effectivement une position, vous savez il y a déjà eu un projet comme celui-ci de médiapartners il y a quelques années. Projet qui n'avait pas abouti puisque l'UEFA avait trouvé la parade. Le principe de ligue fermée qui est celui qui régit le sport professionnel aux Etats-Unis n'est pas du tout en adéquation avec notre mode d'organisation. Ce serait vraiment un changement, une révolution culturelle très importante qui remettrait en cause l'ensemble de l'organisation du sport dans notre pays.
Journaliste : N'est ce pas ce que cherchent ces présidents de clubs, de gros clubs qui se disent pour caricaturer, que l'on fait un nivellement par le bas en France ?
JFL : Je dirais simplement que l'on accepte ce principe de solidarité, qu'une partie de ces droits soit reversée avec des clés de répartition de façon égale à l'ensemble des clubs. Je crois que c'est une bonne formule qui correspond bien à notre mode d'organisation au niveau français mais également au niveau européen
Journaliste : Mais qui nous empêche d'être au niveau des meilleurs...
JFL : Attendez, l'Europe, c'est quoi ? C'est l'ensemble des pays. Qu'il y ait un certain nombre de clubs qui veulent travailler dans ce sens là, pourquoi pas mais je crois qu'il faut respecter encore une fois notre mode d'organisation
Journaliste : Ce qui va dans votre sens, c'est que les clubs français qui ne sont pas présents ce soir ont été battus par plus pauvres qu'eux...
JFL : C'est le sport heureusement, c'est un peu cette logique de monter et descendre, ce n'est pas obligatoirement ceux qui ont le plus gros budget qui peuvent gagner mais c'est enfoncer des portes ouvertes que de dire cela. Il faut respecter ce principe de résultats sportifs avant de parler de résultats économiques mais encore une fois je suis très attentif à donner la possibilité aux clubs pros de trouver des investisseurs et de leur donner de la visibilité, c'est d'ailleurs exactement cette démarche qu'est en train d'entreprendre Frédéric Thiriez accompagné de Gervais Martel, le président des clubs pros français. Et je crois, pour les avoir écoutés, que tous vont dans le même sens à part peut-être certains qui aimeraient aller vers beaucoup plus de libéralisme, en tout cas ce n'est pas ma façon de voir les choses
Journaliste : Et la bourse non plus ce n'est pas votre façon de voir les choses ?
JFL : On le voit également sur les résultats en dehors de Manchester, qui ne sont pas fameux. La Lazio est terriblement endettée, il faut beaucoup plus de transparence dans la gestion des clubs. Nous avons une DNCG que les clubs européens n'ont pas. Il faut le meilleur moyen pour donner aux clubs cette bouffée d'oxygène nécessaire, l'entrée en bourse n'a pas l'air d'être sollicitée par de très nombreux clubs aujourd'hui
Journaliste : Le moyen pour vous, c'est quoi ?
JFL : C'est encore une fois permettre l'inscription au bilan, peut-être un système de copropriété des droits, trouvons une solution. C'est aussi leur permettre d'être propriétaires de leurs marques, ce qui n'est pas le cas. Vous savez que la loi Buffet interdisait aux clubs d'être propriétaires de leurs marques, ce qui est un peu absurde, il faut rentrer dans le droit commun. Par contre, les clubs pros n'auront pas leur numéro d'affiliation, c'est toujours la fédération qui sera détentrice de celui-ci qui leur permet d'évoluer dans un championnat national. Et je crois que la fédération doit garder la capacité de donner ce numéro. Avec cela, nous aurons fait un pas, je crois qu'il sera bon ensuite au bout de deux ou trois ans d'évaluer cette avancée, de faire un point et de voir ensuite quelles sont les autres évolutions comme pour le droit à l'image
Journaliste : Une autre solution aussi Pour vous, on reste dans le sport et on ne va pas dans le spectacle
JFL : Non, je ne fais pas de distinguo entre le sport pro extrêmement professionnel avec de grands moyens et le sport amateur. Il faut avancer de manière coordonnée avec toujours en tête ce principe d'unité entre monde pro et amateur. Demandez donc à Christophe Bouchet comment il fait pour recruter ses futurs espoirs et ses grands joueurs de l'OM, il va bien les chercher dans des clubs qu'il a " sous contrat " ou sous licence autour de Marseille ou dans Marseille même. Je crois que c'est ce principe qu'il faut préserver et il faut le faire partout en France et pas simplement là où il y a des grands clubs, de façon homogène sur l'ensemble du territoire et le principe de solidarité s'inscrit dans cette démarche
Journaliste : Sur les droits télévisés puisque c'est l'actualité, on parle d'une éventuelle fusion Canal Sat et TPS, jusqu'à présent on n'a pas trouvé de solutions mais apparemment et Claude Bébéar et Michel Pébereau et Jean-Michel Hubert éventuellement seraient peut-être chargés de discuter aussi, si ce sont bien eux les médiateurs, de cela car on va rentrer dans une négociation globale. Est ce que pour le sport cela vous poserait un problème qu'il n'y ait plus cette concurrence ?
JFL : Je ne me prononcerai pas sur un choix qui est purement stratégique. La chose qui m'intéresse est de préserver ceux qui portent le maillot national et faire en sorte qu'ils passent le plus souvent possible sur des chaînes hertziennes sans péage, c'est la priorité. On a des difficultés à passer les grandes équipes de France sur le non-crypté, il faut maintenir cette pression, faire en sorte qu'ils puissent passer. Pour le reste, cela s'inscrit dans une recherche de financement, cette capacité qu'ont les chaînes câblées à se développer. Je ne rentrerai pas dans ce débat.
Journaliste : Christophe Bouchet a dit que Frédéric Thiriez s'était précipité en octroyant tous les droits à Canalsat pour 480 millions d'euros,...
JFL : Christophe Bouchet, qui je crois ne fait pas partie du Conseil d'administration, n'a peut-être pas eu voix au chapitre mais je rappelle que c'est une décision du Conseil d'administration donc c'est à lui que Christophe Bouchet doit faire ses griefs
Journaliste : Vous avez l'impression qu'il aimerait en faire partie ?
JFL : Peut-être, je ne sais pas, à lui de voir
Journaliste : Comment trouvez-vous que Frédéric Thiriez s'en sort ?
JFL : Après des périodes assez troubles et assez complexes à la ligue, il a tracé plusieurs axes de développement surtout permis d'éviter le clash entre la fédération et le monde professionnel. Je lui en suis gré, car ce n'était pas facile, il a maintenant un deuxième chantier avec les droits, il en aura un autre avec celui qui est de donner les moyens aux clubs pros de se développer donc il a beaucoup de travail à effectuer, pour quelqu'un qui, je le rappelle, est bénévole.
Journaliste : On va reparler de Claude Bébéar puisque Paris devrait être candidate aux JO 2012 mais il n'a pas l'air d'avoir très envie d'y retourner après l'échec de 2008, c'est un handicap ?
JFL : Je ne me permets pas de parler en son nom mais si j'ai bien compris il est tout à fait disposé à accompagner cette candidature, il a maintenant beaucoup de compétences, il a l'expérience du monde olympique. Ce qu'il ne souhaite pas, c'est être le meneur, le porte-drapeau. Ce dont nous avons besoin pour ce grand défi c'est de l'ensemble des compétences et des bonnes volontés pour porter ce dossier au niveau de la ville, de l'Etat, du Ministère des sports mais aussi de l'ensemble du gouvernement, le chef de l'Etat lui-même qui y est favorable et qui accompagnerait en cas de candidature le futur défi. Nous avons besoin d'une opération commando pour aller chercher les voix là où elles sont, parmi les membres du CIO. On verra la décision qui sera prise dans les mois qui viennent par le maire de Paris
Journaliste : Espérons que si nous sommes candidats, Paris sera retenu
JFL : C'est pour gagner, exactement.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 21 février 2003)
Jean-François Lamour : On peut effectivement regretter que les clubs français ne soient pas à ce niveau de la Ligue des champions et malheureusement cela fait plusieurs années que les clubs ratent la marche. Alors, on avance un certain nombre de raisons à cela, des raisons économiques, sportives également. On a pourtant des groupes dans les clubs pros qui sont de bons groupes mais peut-être faut-il aider un peu mieux les clubs à se structurer et à trouver les moyens de recruter des joueurs de qualité
Journaliste : On va en parler justement, on n'était pas présents à la Coupe du Monde mais c'est un autre sujet. Il y a ce problème des clubs de foot français, on sait que vous vous y intéressez beaucoup. On est une radio économique, on va donc commencer par cela. On dit toujours que les clubs français ne sont pas suffisamment riches et qu'ils ne peuvent pas gérer, en fait.
JFL : Il y a avant tout un marché du football français qui n'est pas au niveau de celui des Italiens, des Espagnols et des Anglais. Ceci étant, je crois qu'il faut effectivement donner la possibilité aux clubs français d'avoir les moyens de recruter des joueurs pros, d'aller chercher les investisseurs là où ils sont et de donner à ces investisseurs une visibilité importante en matière économique tout en respectant une règle qui est ma ligne de conduite. Depuis que je suis arrivé au ministère c'est la possibilité de garder une unité du football français entre monde amateur et monde professionnel. Donner tout autant au monde professionnel les moyens de se doter d'une équipe forte mais également au monde amateur de bénéficier des retours de tout ce flux financier généré par le football professionnel
Journaliste : Il existe un certain nombre de problèmes dans le foot professionnel. Ils disent qu'ils paient trop de charges sociales, beaucoup plus que les Espagnols, les Italiens ou les Anglais et que cela les handicape considérablement dans leur gestion, y aurait-il moyen de faire autrement ?
JFL : On a également évoqué un statut fiscal spécifique pour les joueurs qui est un peu différent. Concernant les charges sociales, il existait une proposition qui avait été faite du temps de Guy Drut qui a été ministre des sports de 1995 à 1997 qui était celle du droit à l'image, c'est-à-dire permettre aux clubs de payer les joueurs une partie salaire, une partie droit à l'image. je ne suis pas opposé finalement à ce que il y ait des négociations dans ce domaine. Encore une fois, faut-il que les joueurs pros et les clubs se mettent d'accord sur un pourcentage à la fois de salaire et de ces honoraires qui seraient versés comme droit à l'image.
Journaliste : Vous seriez d'accord pour aller dans ce sens là ?
JFL : Je serais d'accord pour qu'il y ait discussion. Moi, je n'avance que parce que monde amateur et monde pro avancent ensemble et que clubs pros et joueurs professionnels avancent également dans le même sens. Je n'y suis pas opposé, on verra ensuite bien évidemment que tout cela se fasse dans la plus grande transparence et qu'il n'y ait pas une gestion de ce droit à l'image qui soit faite dans des paradis fiscaux. Là aussi, je crois qu'il est important de valider cette transparence du foot professionnel.
Journaliste : Deuxième sujet, la fiscalité des joueurs eux-mêmes, on sait bien que les joueurs quittent la France et qu'ils vont dans des pays où ils paient moins d'impôts, il y a eu le débat à l'Assemblée nationale sur l'ISF. Pour les joueurs professionnels, va-t-on trouver un jour un statut qui leur permet de rester dans le pays ?
JFL : Je vous rappelle que cela intéresse les joueurs de foot mais également les joueurs de rugby, certains joueurs de tennis. Il n'est pas question d'avoir un statut spécifique pour les sportifs professionnels. Vous avez entendu l'annonce de Jean-Pierre Raffarin et du Président de la République sur la baisse de la fiscalité, les joueurs bénéficieront de cette baisse comme les autres et pas plus.
Journaliste : Cela veut dire que l'on va continuer à perdre les meilleurs joueurs français
JFL : Jusqu'au moment où notre pression fiscale sera équivalente à celles de nos homologues européens
Journaliste : Mais c'est quasiment impossible étant donné d'où on vient, non ?
JFL : Un premier geste a été fait, cette baisse de 5 %, on peut penser qu'elle se poursuivra si la situation économique nous est favorable
Journaliste : L'autre sujet au coeur de l'actualité, ce sont ces fameux droits télévisés qui font l'objet d'âpres discussions entre Canal Plus et TF1. On dit que des médiateurs vont être nommés pour essayer de trouver une solution. Ces médiateurs, n'est-ce pas une forme de désaveu pour le Président de la ligue de football, Frédéric Thiriez ?
JFL : Non, je crois que c'est plutôt pour lui un soutien, pour remettre les diffuseurs TPS et Canal autour de la table et trouver une solution qui convient aux uns et autres. La ligue a une stratégie, après on peut toujours critiquer celle-ci, qui est de donner l'exclusivité avec un appel d'offres et, le Conseil de la Concurrence l'a rappelé, qui n'était peut-être pas exactement adaptée à la situation. Ma priorité dans ce domaine c'est que le protocole financier qui lie la Ligue Professionnelle à la fédération, donc au monde amateur soit respecté et que donc une partie de ces droits soit reversée au monde amateur, c'est ce qui a été fait. Je vous rappelle que quand je suis arrivé en mai dernier, la situation était totalement bloquée, on avait opposé le monde pro au monde amateur. On avait réussi grâce à Frédéric Thiriez à remettre du liant entre les deux. C'est vrai que les droits télé sont un élément important pour la vie des clubs mais également pour faire fonctionner le réseau des clubs amateurs de la fédération qui permet de générer des joueurs professionnels qui viennent alimenter la ligue 1 et la ligue 2. Je suis sur cet axe là, si il y a un accord tel que s'est en train de se dessiner avec un médiateur, je ne peux y voir que de bonnes choses
Journaliste : Un ou deux médiateurs ?
JFL : Un ou deux, je ne sais pas où on en était...
Journaliste : Parce qu'apparemment j'avais entendu dire que Michel Pébereau pourrait travailler d'un côté pour TPS et Claude Bébéar de l'autre pour Canal Sat
JFL : Il y a un certain nombre de noms qui ont été avancés de la part des deux diffuseurs mais il y en d'autres, je crois que Jean-Michel Hubert avait été cité, le Président de l'ART. Je crois qu'il faut maintenant attendre la décision du tribunal et voir rapidement la médiation se mettre en place
Journaliste : Je récapitule, Michel Pébereau, Claude Bébéar, Jean-Michel Hubert sont de très grosses pointures pour un sujet important ?
JFL : Un sujet important, oui. Encore une fois, 480 millions d'euros, on peut toujours estimer que cela est très lourd et très cher. Je rappelle une chose, c'est certainement très cher pour du football, on en convient, mais cela permet d'alimenter les clubs pros mais également de bénéficier à la fois au foot amateur mais aussi à l'ensemble du sport amateur puisqu'une partie de ces droits télé (5 %) est reversée au FNDS qui bénéficie à tous les sports
Journaliste : N'avez-vous pas l'impression en faisant intervenir de telles pointures dans ce dossier qu'on est en train de régler, d'organiser l'économie du foot et des droits télé d'une manière plus générale, on sait que vous avez préconisé que les droits télé soient inscrits dans le bilan des clubs
JFL : Là, on est dans une autre logique qui permet aux clubs d'aller chercher les investisseurs là où ils sont, c'est-à-dire d'avoir en haut de bilan la possibilité d'inscrire cet actif
Journaliste : Mais ce n'est qu'une écriture comptable parce qu'eux réclament la propriété
JFL : Ils réclament la propriété mais il faut que l'on se mette tous bien d'accord, propriété, oui mais à condition que la gestion soit mutualisée au sein de la ligue professionnelle, qu'on évite ce qui s'est passé en Italie il y a quelques mois : un blocage complet du championnats parce que les petits clubs en bas de classement ne voyaient plus l'argent arriver, l'argent étant concentré sur les principaux clubs de haut de tableau
Journaliste : Est-ce que justement en France pour privilégier les petits clubs, on est pas en train d'empêcher les gros de gagner ?
Pause
Journaliste : Vous nous dites que vous êtes extrêmement attaché au principe de mutualisation des droits TV contrairement à certains présidents de clubs qui réclament la pleine propriété. Jean-François Lamour, pouvez-nous défendre votre point de vue davantage ?
JFL : C'est le principe d'un type d'organisation qui est celui du sport français, d'ailleurs d'autres organisations européennes reprennent ce principe. A partir du moment où vous avez un championnat qui est organisé, qui n'est pas une ligue fermée mais ouverte avec des clubs qui montent d'une division, qui peuvent redescendre, il est important de mutualiser ces droits, de faire en sorte que la manne générée par la négociation des droits télé soit redistribuée. Alors après, les clés de répartition regardent les différents actionnaires et administrateurs de la ligue professionnelle mais je crois que ce principe qui est le même pour tous les sports en France doit être respecté au niveau du foot. Le fait de donner la pleine propriété des droits aux clubs c'est s'engager dans une voie de la gestion individuelle de ces droits et ce principe de redistribution serait battu en brèche. Je crois absolument qu'il est nécessaire certes de trouver le moyen d'inscrire au bilan les droits mais de maintenir cette mutualisation alors qu'un certain nombre de présidents de clubs tentent d'obtenir la pleine propriété de ces droits
Journaliste : Bien sûr, on sait que ce sont les présidents de l'OM , Christophe Bouchet, que l'on a eu récemment, celui du PSG, celui de l'OL. Ce sont les trois clubs que l'on cite pour participer à une ligue européenne privée de football, est ce que vous croyez à ce projet ou est ce que ce serait une erreur ?
JFL : C'est effectivement une position, vous savez il y a déjà eu un projet comme celui-ci de médiapartners il y a quelques années. Projet qui n'avait pas abouti puisque l'UEFA avait trouvé la parade. Le principe de ligue fermée qui est celui qui régit le sport professionnel aux Etats-Unis n'est pas du tout en adéquation avec notre mode d'organisation. Ce serait vraiment un changement, une révolution culturelle très importante qui remettrait en cause l'ensemble de l'organisation du sport dans notre pays.
Journaliste : N'est ce pas ce que cherchent ces présidents de clubs, de gros clubs qui se disent pour caricaturer, que l'on fait un nivellement par le bas en France ?
JFL : Je dirais simplement que l'on accepte ce principe de solidarité, qu'une partie de ces droits soit reversée avec des clés de répartition de façon égale à l'ensemble des clubs. Je crois que c'est une bonne formule qui correspond bien à notre mode d'organisation au niveau français mais également au niveau européen
Journaliste : Mais qui nous empêche d'être au niveau des meilleurs...
JFL : Attendez, l'Europe, c'est quoi ? C'est l'ensemble des pays. Qu'il y ait un certain nombre de clubs qui veulent travailler dans ce sens là, pourquoi pas mais je crois qu'il faut respecter encore une fois notre mode d'organisation
Journaliste : Ce qui va dans votre sens, c'est que les clubs français qui ne sont pas présents ce soir ont été battus par plus pauvres qu'eux...
JFL : C'est le sport heureusement, c'est un peu cette logique de monter et descendre, ce n'est pas obligatoirement ceux qui ont le plus gros budget qui peuvent gagner mais c'est enfoncer des portes ouvertes que de dire cela. Il faut respecter ce principe de résultats sportifs avant de parler de résultats économiques mais encore une fois je suis très attentif à donner la possibilité aux clubs pros de trouver des investisseurs et de leur donner de la visibilité, c'est d'ailleurs exactement cette démarche qu'est en train d'entreprendre Frédéric Thiriez accompagné de Gervais Martel, le président des clubs pros français. Et je crois, pour les avoir écoutés, que tous vont dans le même sens à part peut-être certains qui aimeraient aller vers beaucoup plus de libéralisme, en tout cas ce n'est pas ma façon de voir les choses
Journaliste : Et la bourse non plus ce n'est pas votre façon de voir les choses ?
JFL : On le voit également sur les résultats en dehors de Manchester, qui ne sont pas fameux. La Lazio est terriblement endettée, il faut beaucoup plus de transparence dans la gestion des clubs. Nous avons une DNCG que les clubs européens n'ont pas. Il faut le meilleur moyen pour donner aux clubs cette bouffée d'oxygène nécessaire, l'entrée en bourse n'a pas l'air d'être sollicitée par de très nombreux clubs aujourd'hui
Journaliste : Le moyen pour vous, c'est quoi ?
JFL : C'est encore une fois permettre l'inscription au bilan, peut-être un système de copropriété des droits, trouvons une solution. C'est aussi leur permettre d'être propriétaires de leurs marques, ce qui n'est pas le cas. Vous savez que la loi Buffet interdisait aux clubs d'être propriétaires de leurs marques, ce qui est un peu absurde, il faut rentrer dans le droit commun. Par contre, les clubs pros n'auront pas leur numéro d'affiliation, c'est toujours la fédération qui sera détentrice de celui-ci qui leur permet d'évoluer dans un championnat national. Et je crois que la fédération doit garder la capacité de donner ce numéro. Avec cela, nous aurons fait un pas, je crois qu'il sera bon ensuite au bout de deux ou trois ans d'évaluer cette avancée, de faire un point et de voir ensuite quelles sont les autres évolutions comme pour le droit à l'image
Journaliste : Une autre solution aussi Pour vous, on reste dans le sport et on ne va pas dans le spectacle
JFL : Non, je ne fais pas de distinguo entre le sport pro extrêmement professionnel avec de grands moyens et le sport amateur. Il faut avancer de manière coordonnée avec toujours en tête ce principe d'unité entre monde pro et amateur. Demandez donc à Christophe Bouchet comment il fait pour recruter ses futurs espoirs et ses grands joueurs de l'OM, il va bien les chercher dans des clubs qu'il a " sous contrat " ou sous licence autour de Marseille ou dans Marseille même. Je crois que c'est ce principe qu'il faut préserver et il faut le faire partout en France et pas simplement là où il y a des grands clubs, de façon homogène sur l'ensemble du territoire et le principe de solidarité s'inscrit dans cette démarche
Journaliste : Sur les droits télévisés puisque c'est l'actualité, on parle d'une éventuelle fusion Canal Sat et TPS, jusqu'à présent on n'a pas trouvé de solutions mais apparemment et Claude Bébéar et Michel Pébereau et Jean-Michel Hubert éventuellement seraient peut-être chargés de discuter aussi, si ce sont bien eux les médiateurs, de cela car on va rentrer dans une négociation globale. Est ce que pour le sport cela vous poserait un problème qu'il n'y ait plus cette concurrence ?
JFL : Je ne me prononcerai pas sur un choix qui est purement stratégique. La chose qui m'intéresse est de préserver ceux qui portent le maillot national et faire en sorte qu'ils passent le plus souvent possible sur des chaînes hertziennes sans péage, c'est la priorité. On a des difficultés à passer les grandes équipes de France sur le non-crypté, il faut maintenir cette pression, faire en sorte qu'ils puissent passer. Pour le reste, cela s'inscrit dans une recherche de financement, cette capacité qu'ont les chaînes câblées à se développer. Je ne rentrerai pas dans ce débat.
Journaliste : Christophe Bouchet a dit que Frédéric Thiriez s'était précipité en octroyant tous les droits à Canalsat pour 480 millions d'euros,...
JFL : Christophe Bouchet, qui je crois ne fait pas partie du Conseil d'administration, n'a peut-être pas eu voix au chapitre mais je rappelle que c'est une décision du Conseil d'administration donc c'est à lui que Christophe Bouchet doit faire ses griefs
Journaliste : Vous avez l'impression qu'il aimerait en faire partie ?
JFL : Peut-être, je ne sais pas, à lui de voir
Journaliste : Comment trouvez-vous que Frédéric Thiriez s'en sort ?
JFL : Après des périodes assez troubles et assez complexes à la ligue, il a tracé plusieurs axes de développement surtout permis d'éviter le clash entre la fédération et le monde professionnel. Je lui en suis gré, car ce n'était pas facile, il a maintenant un deuxième chantier avec les droits, il en aura un autre avec celui qui est de donner les moyens aux clubs pros de se développer donc il a beaucoup de travail à effectuer, pour quelqu'un qui, je le rappelle, est bénévole.
Journaliste : On va reparler de Claude Bébéar puisque Paris devrait être candidate aux JO 2012 mais il n'a pas l'air d'avoir très envie d'y retourner après l'échec de 2008, c'est un handicap ?
JFL : Je ne me permets pas de parler en son nom mais si j'ai bien compris il est tout à fait disposé à accompagner cette candidature, il a maintenant beaucoup de compétences, il a l'expérience du monde olympique. Ce qu'il ne souhaite pas, c'est être le meneur, le porte-drapeau. Ce dont nous avons besoin pour ce grand défi c'est de l'ensemble des compétences et des bonnes volontés pour porter ce dossier au niveau de la ville, de l'Etat, du Ministère des sports mais aussi de l'ensemble du gouvernement, le chef de l'Etat lui-même qui y est favorable et qui accompagnerait en cas de candidature le futur défi. Nous avons besoin d'une opération commando pour aller chercher les voix là où elles sont, parmi les membres du CIO. On verra la décision qui sera prise dans les mois qui viennent par le maire de Paris
Journaliste : Espérons que si nous sommes candidats, Paris sera retenu
JFL : C'est pour gagner, exactement.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 21 février 2003)