Déclaration de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur l'intégration sociale et scolaire des handicapés, le maintien à domicile des personnes handicapées et les grandes lignes du projet gouvernemental sur le handicap qui sera présenté au printemps 2003, Angers le 5 octobre 2002.

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Circonstance : Congrès national de l'Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés (UNAPEI) à Angers le 5 octobre 2002

Texte intégral

Monsieur le Maire
Monsieur le Président,
(Madame la ministre, chère collègue,)
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le président (de la commission des affaires sociales du Sénat)
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi de débuter ce propos en vous disant tout simplement ma satisfaction et ma joie d'être parmi vous ce matin, dans cette bonne ville d'Angers, celle de Roselyne Bachelot. Je tenais beaucoup à ce rendez-vous et suis très heureuse de pouvoir l'honorer en tant que secrétaire d'Etat aux personnes handicapées..
Ce Secrétariat d'Etat, qui n'existait plus depuis 11 ans, forme avec le ministère délégué à la famille sous l'autorité de Jean-françois Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, un ensemble cohérent pour donner toute son efficacité à la politique de promotion et de protection sociale des personnes handicapées.
Sa création, voulue par le Président de la République et le Premier Ministre est en soi un signe politique fort.
Avant de poursuivre plus avant, permettez-moi de vous saluer très chaleureusement et de vous redire combien sont grandes l'estime et la reconnaissance que le Président de la République et le Gouvernement tout entier vous portent.
Je salue votre engagement de parents et votre persévérance de militants, sans lesquels la considération que notre société réserve aux personnes handicapées ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui, même si, j'en conviens avec vous, elle est encore insuffisante.
Pour ma part, je n'aurai de cesse de donner toute leur place aux personnes handicapées.
Je m'y engage avec conviction et avec ambition.
Ma conviction se nourrit de votre témoignage : les enfants et les adultes handicapés font partie intégrante de notre société dont ils sont une richesse.. Chacune de vos familles, chacun d'entre eux, doit pouvoir apprécier concrètement le lien qui l'unit à la société, lien qui demande à être sans cesse maintenu mais aussi renouvelé et renforcé.
Mon ambition doit beaucoup à la vôtre. Vous l'avez encore rappelé tout-à-l'heure, Monsieur le Président, et à juste titre, vous demandez que les personnes handicapées soient véritablement intégrées dans notre société.
Le " baromètre d'opinion " publié cette semaine dans " le Pèlerin " et " Déclic " confirme, s'il en était besoin, que cette attente est partagée par toutes les familles, au-delà de votre fédération. Mais ce baromètre relève aussi que ces mêmes parents y croient de moins en moins puisqu'ils sont 86% aujourd'hui contre 66% il y a 5 ans à penser que l'intégration se fait mal. Il est grand temps de renverser la vapeur.
Ecouter
Avant de lancer les premières actions, il m'a paru important de beaucoup écouter, regarder, observer échanger. C'est ce que j'ai fait en rencontrant de très nombreux partenaires ( des personnes handicapées, les adhérents et responsables de leurs associations et les élus nationaux et locaux) et en me déplaçant très souvent sur le terrain.
Une dizaine de vos associations départementales ont été reçues à mon cabinet et je mesure la vitalité de vos équipes, sans cesse à l'oeuvre pour imaginer de nouvelles réalisations.
Agir
Nous sommes maintenant au mois d'octobre, le parlement vient de faire sa rentrée et les projets de loi de finances pour 2003, qu'il s'agisse de celui de l'Etat ou de le Sécurité sociale, vont être l'occasion de poser les premières pierres de ce chantier voulu par le Président de la République.
En ce qui concerne le budget de l'état, nos efforts sont d'abord fixé sur l'intégration scolaire qui est loin d'être idéale. J'ai obtenu le renouvellement des auxiliaires de vie scolaire, crées à la rentrée scolaire 2001 et je viens de procéder à la répartition de moyens supplémentaires, pour l'année qui commence, moyens qui ne couvriront pas, j'en ai conscience, tous les besoins.
J'entends conforter cette fonction d'auxiliaire de vie scolaire qui apporte aux familles un réel soutien. Le 17 octobre sera installé un groupe de travail interministériel en ce sens avec le ministère de la jeunesse de l'Education Nationale et de la Recherche qui aura pour objectif de tracer les perspectives de pérennisation de ce service et de valorisation de ce métier.
Parallèlement, 700 places de SESSAD et de CAMSP ont été crées en 2002 au titre de la programmation pluri-annuelle et j'ai accru d'une cinquantaine de places l'effort initialement prévu.
Je suis particulièrement attentive à l'information des familles et veillerai à ce que les dispositions de la circulaire d'avril 2002 dans ce domaine entrent bien dans les faits.
Le budget de 2003 met aussi l'accent sur la sortie des IME et l'intégration professionnelle en doublant le nombre de créations de places de CAT en 2003. Ces dernières passeront de 1 500 à 3 000 et l'on fait espérer si cet effort est maintenu résorber les listes d'attente à l'entrée de CAT dans 5 ans. Dans le contexte budgétaire actuel, cet effort voulu par le 1er Ministre est particulièrement significatif.
Enfin ce budget 2003 a voulu commencer à répondre aux besoins des personnes lourdement handicapées qui souhaitent vivre chez elles. Ce souhait est respectable dès lors que la sécurité de prise en charge est assurée. D'ores et déjà, j'ai donné des instructions pour répondre aux situations les plus aigües et la directrice générale de l'action sociale adressera dès la semaine prochaine aux préfets une circulaire précisant les modalités d'utilisation des moyens spécifiques destinés à ces personnes lourdement handicapées.
En 2003, 500 forfaits supplémentaires d'auxiliaires de vie et 200 places nouvelles dans le service de soins infirmiers à domicile permettront de créer des passerelles entre les établissements et le domicile. Je souhaite encourager les expérimentations menées dans ce domaine à partir de maisons d'accueil spécialisés ou de foyers d'accueil médicalisés.
Cet effort est rendu possible par l'augmentation de 30% obtenue pour les crédits de soutien aux actions déconcentrées qui permettront en 2003, non seulement de renforcer les auxiliaires de vie comme je viens de l'indiquer, mais aussi de poursuivre le déploiement des sites pour la vie autonome, en s'efforçant d'étendre leurs missions, ne serait-ce qu'à titre expérimental, aux aides humaines.
Il est trop tôt pour parler des établissements médico-sociaux financés par les crédits de l'assurance-maladie puisque le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne sera présenté au Conseil des ministres que mercredi prochain, mais j'ai tout lieu de penser que l'effort sera poursuivi dans ce domaine.
Au delà des lois de finances, d'autres actions concrètes ont été lancées.
Il s'agit d'abord d'une mission sur l'accessibilité dans les transports que j'ai confié à Madame Levy, Député du Var, conjointement avec Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports. Ses propositions devront nous être rendues pour février 2003. Je sais que vous êtes particulièrement attaché à ce que les besoins spécifiques des personnes handicapés mentales soient bien prises en considération.
Par ailleurs, comme le 1er Ministre y a invité tous les membre du gouvernement, je me suis engagée dans une recherche de simplifications des démarches relatives à la reconnaissance du handicap ou à l'obtention de diverses allocations.
De ce point de vue, je ne peux qu'encourager cet effort de rapprochement des sections de COTOREP et souhaiter que les conditions de leur fusion soient réunies le plus tôt possible, afin de l'entériner par décret. Dans cette logique je compte conforter la mission COTOREP en accord avec François Fillon, ministre du travail, des affaires sociales et de la solidarité.
Enfin, mon secrétariat d'Etat est associé à la préparation de la réforme du régime de protection des majeurs protégés engagée par le Garde des Sceaux et le Ministre délégué à la famille en lien avec le mouvement familial. Je sais que vous y êtes très attaché et j'y accorde moi-même une grande importance.
Je n'ai abordé que les sujets où une action a été engagée. J'ai conscience que la liste n'est pas exhaustive et que notamment en matière d'allocation d'éducation spéciale, des ajustements son nécessaires. Je vous donne rendez-vous à la fin de l'année pour que nous examinions ensemble les résultats de l'évaluation demandée par la direction générale de l'action sociale car il nous faut un minimum de recul pour apprécier l'impact de la réforme, qui, dans l'immédiat, repose sur les CDES.
Orienter
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs, au delà de ces avancées non négligeables, mais ponctuelles, le grand chantier de 2003 sera, vous le savez, la réforme de la loi d'orientation de 1975.
Pour l'instant je rassemble les contribution au premier rang desquelles je voudrais mettre le rapport de la commission des Affaires Sociales du Sénat qui dresse un état des lieux très précis des forces et faiblesses des politiques publiques actuellement mises en oeuvre, et une liste fort diversifiée de propositions. Je m'en suis longuement entretenu avec le président de la commission des affaires sociales, le sénateur Nicolas About, ainsi qu 'avec le rapporteur, le sénateur Paul Blanc dont la collaboration est très précieuse.
J'envisage de solliciter le Conseil économique et social pour un avis particulier sur l'insertion professionnelle.
J'ai pris connaissance des propositions du secteur associatif et en particulier de celles du Comité d'entente dont l'UNAPEI est un membre actif et je tiendrai compte précieusement des diverses contributions recueillies à la suite de mes déplacements sur le terrain.
Car on ne fait pas une loi tout seul et on ne la fait pas en un jour surtout si, comme je le souhaite, je crois pouvoir dire comme nous le souhaitons tous, la nouvelle loi doit être forte, claire et lisible.
J'envisage de déposer ce projet de loi courant 2003, de façon à associer à son élaboration le nouveau Conseil national consultatif des personnes handicapées (dont Roselyne Bachelot fut une présidente active et convaincue).
Il est trop tôt pour énumérer tous les domaines que devra aborder la loi mais il n'est pas trop tôt pour dire que dans la droite ligne de la loi du 4 mars 2002, elle devra confirmer et organiser le devoir de solidarité de la nation qui devra s'exprimer d'avantage tant pour la compensation du handicap que pour l'insertion sociale et professionnelle.
Nous voulons réformer la loi de 1975 pour prendre en compte les nouveaux défis qui se présentent aux personnes handicapées. J'en citerai trois .
Le premier, c'est l'aspiration plus forte des personnes handicapées à vivre comme tout le monde, ou tout au moins avec tout le monde. Créer les conditions du libre choix entre l'institution et la vie chez soi, ce n'est pas renoncer à l'une pour privilégier l'autre. C'est réorganiser les formes prises par la solidarité pour rendre possible l'un et l'autre, et favoriser les passerelles entre elles. C'est aussi faciliter l'accès au travail qui contribue tant au lien social.
Le deuxième défi, c'est celui de la qualité de l'accueil dans les établissements. Permettez-moi, Monsieur le Président, de m'arrêter quelques instants sur ce thème. Oui, la qualité, c'est d'abord, être en mesure d'offrir à chaque famille une réponse et disposer d'assez de places en établissements, pour les enfants et pour les adultes.. Je me bats dans ce sens comme Ministre.
Mais dans le même temps, et vous le savez mieux que moi, nous devons en permanence garantir aux personnes accueillies et à leurs proches, la qualité de la prise en charge éducative et médico-sociale dans les établissements et services spécialisés ainsi que la continuité de l'accompagnement. La loi du 2 janvier 2002 renforce cette dimension et les prochains décrets d'application offriront un cadre qui responsabilisera encore les professionnels et les gestionnaires.
Je sais que vous partagez ce souci et que vous conviendrez de la nécessaire vigilance à avoir pour faire de tous les établissements et services des lieux où il fait bon vivre. La présentation de votre charte éthique au cours de ce congrès le manifeste clairement et je vous félicite pour cette démarche.
Le troisième défi, c'est celui du vieillissement.
Comment faire aujourd'hui pour adapter les établissements et l'accompagnement des personnes handicapées mentales en particulier celles dont l'espérance de vie s'accroît. Depuis 1975, grâce aux progrès de la médecine, grâce à la qualité de la prise en charge, les enfants handicapés vivent plus longtemps que leurs parents. Tant mieux ! C'est dans l'ordre naturel des choses, mais c'est aussi source d'angoisse : " que va-t-il devenir après nous ? ". la fratrie ne peut pas assurer seule. C'est à la solidarité nationale de répondre, en adaptant les modalités d'accueil et en aidant les proches.
Une loi pour relever de nouveaux défis mais aussi une loi pour tous les âges de la vie.
Reconnaître la dignité de toute personne handicapée, c'est s'attacher à son accueil dès la naissance, voire avant. C'est même, bien entendu, intégrer la prévention et le dépistage, du handicap dans les programmes de santé publique, ce que le ministre de la santé entend faire dans le projet de loi quinquennale de santé publique.
L'accueil et l'intégration de l'enfant handicapé supposent l'engagement des élus ainsi que celui des professionnels des crèches et des écoles aux côtés des parents. J'ai vu des expériences concluantes. Il nous faut aller plus loin.
Il nous faut dessiner un nouvel équilibre pour la scolarisation des enfants handicapés. Je partage avec vous le souci d'impliquer d'avantage l'Éducation Nationale pour " donner toute leur place " aux enfants qui peuvent bénéficier d'une intégration individuelle ou collective. Les DDASS et les Inspections Académiques travaillent de plus en plus ensemble, et c'est bien.
Faire une loi pour tous les âges de la vie, c'est aussi renouveler l'approche sur la formation professionnelle et adapter le travail protégé au contexte économique et social. J'ai dit tout à l'heure l'importance que j'attache aux CAT mais aussi aux ateliers protégés. Je connais d'ailleurs les projets de modernisation de ce secteur et, notamment, la transformation attendue en " entreprises de travail adapté ". Je serai très attentive aux moyens permettant de favoriser le passage de l'un à l'autre ainsi qu'à l'accès au milieu ordinaire car je veux raisonner le plus possible du point de vue du travailleur handicapé. Je compte sur l'UNAPEI pour me proposer des pistes de réflexion dans ce domaine.
Voici esquissées quelques pistes pour la future loi d'orientation dont vous avez compris que le fil directeur sera de consolider et d'étendre les dispositifs de compensation du handicap.
Appliquer
Dès à présent, j'estime indispensable de créer les conditions du suivi, c'est-à-dire de l'application de la loi. Cela supposera de poursuivre les efforts d'ores et déjà entrepris cette année et que j'ai rappelés tout à l'heure à travers des programmes largement déconcentrés. Le CNCPH sera associé et régulièrement tenu informé, puisque ses nouvelles missions lui confèrent un rôle renforcé d'observation .
Vous ne serez pas surpris, Monsieur le Président, que j'évoque l'importance des " territoires ". La solidarité nationale c'est celle de la nation tout entière, de l'Etat, de la sécurité sociale et aussi des collectivités locales.
Vous connaissez nombre de communes et d'intercommunalités, de départements et de régions qui agissent au quotidien pour l'amélioration de la vie des personnes handicapées et de leurs familles à travers leurs compétences décentralisées. Vous ne manquez pas de solliciter vos élus, et vous avez raison, pour améliorer par exemple, les transports scolaires, l'accessibilité ou encore accélérer la création de foyers d'hébergement.
Je proposerai au Premier Ministre de créer les conditions d'une intervention mieux coordonnée des pouvoirs publics et d'une participation accrue des personnes handicapées aux décisions à la faveur des projets de décentralisation et de simplification à l'ordre du jour.
En effet, le Gouvernement propose de clarifier les compétences entre l'Etat et les collectivités locale, et souhaite encourager l'expérimentation chaque fois que celle-ci permet d'ouvrir une voie. Vous connaissez de nombreux exemples de services innovants, imaginés par des parents ou des associations, qui voient d'abord le jour dans un quartier ou un canton avec comme premier soutien celui d'une ville ou d'un Conseil Général. Ensemble, nous devons construire la République des proximités et des solidarités avec les personnes handicapées.
Mesdames et messieurs, le chemin à parcourir est encore long. Mais il est balisé et j'espère vous avoir convaincus que le Gouvernement est à vos côtés. Il mettra tout son poids dans la balance. Je me réjouis à cet égard de la nomination en Conseil des ministres le 28 septembre dernier de Patrick Gohet comme délégué interministériel aux personnes handicapées. Je le salue à nouveau aujourd'hui. Il saura, j'en suis sûre, apporter toute son expérience au service de cette nouvelle mission de service public.
Je terminerai en élargissant notre horizon à l'Europe. Vous le savez, 2003 a été déclarée " année des personnes handicapées " par l'Union européenne . C'est une occasion formidable de faire partager à nos concitoyens cet objectif d'intégration par lequel j'ai commencé. C'est un appel à valoriser toutes les initiatives de vos associations au service des familles et des personnes handicapées. C'est enfin une exigence nouvelle que se donne l'Europe pour fonder les relations entre les peuples sur " la participation et l'accompagnement " des personnes handicapées qui figure au coeur de votre charte.
Je vous remercie.

( Source http://www.sante.gouv.fr, le 9 octobre 2002)