Texte intégral
J.-P. Elkabbach - La Cour des comptes vient d'adresser à vous et au Parlement son rapport annuel sur la Sécurité sociale. Il est sévère sur les dépenses de santé, le désordre et la crise des hôpitaux publics qui continuent. D'abord, est-ce que la Sécurité sociale est en déficit cette fois ou en équilibre ?
- "Elle est en déficit. Elle a même un déficit qui est important mais qui, je crois, traduit deux choses. D'une part, une politique de l'emploi qui n'a pas donné, au cours de l'année, les résultats escomptés. La croissance n'est plus là, or les recettes de la Sécurité sociale dépendent beaucoup de l'emploi. Et puis, deuxièmement, il faut bien qu'on arrive au bout d'un système."
C'est-à-dire ?
- "Notre système de santé qui est bon quant à ses soins n'est plus bon dans son organisation et donc dans les sommes qui sont employées au regard des résultats obtenus."
Il faut donc de vraies réformes ?
- "A mon avis, il y a beaucoup de gains à faire sur le plan de la productivité en éliminant les gaspillages et en s'organisant mieux."
On va le voir en profondeur. La Cour des comptes dit que les engagements pluriannuels de dépenses autorisées par le Pacte de stabilité de l'Europe sont dépassés, que les dépenses galopent et qu'elles ont augmenté de combien cette année ? 7 ou 8 % ?
- "Non pas 8 % mais au tour de 7 %."
C'est acceptable ?
- "Ce n'est pas acceptable, puisque cela n'était pas prévu. Mais je dois reconnaître que la plupart de nos voisins européens sont dans la même situation. Il faut bien reconnaître aussi que nous sommes dans une période où les dépenses de santé vont croître de manière inéluctable."
Vous dites quelquefois que la santé coûte de plus en plus chère et que c'est normal - vous en acceptez le principe et vous n'êtes pas le seul. Mais qui doit payer et comment ?
- "Nous devons, au cours des prochains mois, prendre à témoin les différents partenaires et les engager. Nous avons besoin que chacun s'engage pour prendre sa responsabilité, que ce soit l'Etat bien entendu, que ce soient les gestionnaires d'hôpitaux, que ce soient les professionnels de santé mais aussi les citoyens."
On nous le dit depuis si longtemps !
- "Oui, on en parle beaucoup, c'est vrai. Mais il s'agit maintenant d'agir."
Si malgré la responsabilité partagée, le déficit continue en 2003. Que ferez-vous ?
- "Il faudra qu'on aille vers des réformes qui permettront de mieux préciser ce qui est du ressort de la solidarité nationale. Je trouve que l'on est dans un système qui est merveilleux : il n'y a personne en France qui puisse être malade et qui ne soit soigné. C'est très bien, mais on a vu des dérives, avec quelquefois des dépenses dont je m'interroge de savoir si cela relève vraiment de la solidarité nationale. Autrement dit, il faut que l'on aille vers une couverture maladie de base et une couverture complémentaire qui vienne en relais."
Parce que les assurances ne veulent pas toujours tout couvrir ?
- "Il faut aussi faire extrêmement attention en terme d'assurances. N'oublions pas que nous avons un système original et que je me suis engagé à le sauvegarder. Nous ne voulons ni de privatisation, ni d'étatisation."
On va recommencer avec les "ni-ni" ?
- "Non, au contraire, on va écarter ce qui ne nous convient pas et nous allons, avec les partenaires sociaux, avec les partenaires professionnels et avec les usagers, définir des règles communes."
La Cour des comptes répète, dans ce texte, ce que les Français savent : que les hôpitaux soignent mieux en France que chez les Anglais, par exemple, mais que leur gestion laisse à désirer. Elle est opaque, compliquée et gaspilleuse. Vous semblez souhaiter affecter les crédits à l'hôpital à partir de résultats. Qu'est-ce que cela veut dire ?
- "Ce que je voudrais que l'on change au niveau des hôpitaux d'abord c'est leur niveau d'organisation. Il faut aller vers la proximité, c'est-à-dire la régionalisation."
Est-ce que cela veut dire que les cotisations et les remboursements seraient différents selon les régions ?
- "Pas du tout. Je parle de l'organisation hospitalière exclusivement. Nous ne toucherons pas, naturellement, à la fonction publique hospitalière et à l'égalité des Français face à la maladie, bien sûr. En revanche, ce que je voudrais dire, c'est que les hôpitaux qui, aujourd'hui, sont payés sur une enveloppe globale devraient être payés à l'activité. Naturellement, cela nous permettrait de voir ceux qui ont une bonne activité, ceux qui sont efficaces, qui suivent les bonnes règles et qui ont de bons résultats par rapport à d'autres qui seraient moins bons et qu'il faudrait remettre dans le droit chemin."
Prolongeons : c'est-à-dire que vous encouragez l'initiative ? Par exemple, il y a celle des professeurs à Lariboisière qui gèrent par ordinateurs en réseau les dossiers des malades. Par exemple, est-ce que vous pourriez faire comme - si je peux me permettre de le dire - N. Sarkozy et recevoir ensemble les dirigeants des cinq hôpitaux les plus performants et les cinq hôpitaux les moins performants, si vous voulez des résultats ?
- "Naturellement, et je vais recevoir aussi, parce qu'il faut faire ainsi, le maire de la commune, le directeur de l'hôpital, le président de l'organisation des médecins à l'hôpital, pour tenter de se mettre d'accord sur des règles communes. Les conflits n'ont jamais rien fait avancer."
Cela veut dire que, là aussi, vous voudriez instiller la culture des résultats ?
- "Nous sommes responsables de l'argent public. Naturellement, oui, je veux des résultats et je veux que les gens se rendent compte de leur qualité et de la qualité de leurs actions."
La Cour des comptes dénonce sévèrement aussi la situation désastreuse - on le voit tous les jours à l'image et dans la réalité - des urgences médicales. Vous aussi vous le dites. Comment la corriger ?
- "Il y a plusieurs choses. D'abord, les urgences ont un vrai problème c'est qu'elles sont victimes de leur succès et de la confiance que les gens leur font. Donc, Les gens y vont volontiers dès qu'ils ont un problème. Deuxièmement, elles sont victimes d'une pénurie de personnel. Il n'y a plus assez d'urgentistes, d'anesthésistes-réanimateurs et d'infirmières. Et puis troisièmement, les médecins libéraux, les médecins de ville, ceux que l'on appelait avant quand il y avait un problème se sont désengagés, pour différentes raisons, et donc tout le monde vient aux urgences, y compris quand on n'a rien à y faire véritablement."
A propos de la croissance terrible des dépenses de médicaments à l'hôpital - au passage, les médicaments génériques marchent mieux -, vous dites qu'il y a des gaspillages. Comment réduit-on cette consommation de médicaments ?
- "Cela fait partie, probablement, d'une réforme qu'il faudra mettre sur pieds. C'est-à-dire des appels d'offre pour que les mêmes molécules, à efficacité identique, soient payées au moindre prix. Les hôpitaux doivent pouvoir se grouper. On doit changer la politique de ce point de vue-là."
Vous disiez qu'aujourd'hui il était difficile d'appliquer les 35 heures à l'hôpital. Le mot "moratoire", on lui donne un mauvais sort. Que fait-on sur les 35 heures à l'hôpital ?
- "Premièrement, on les applique, chaque fois que l'on peut les appliquer, c'est-à-dire quand on a le personnel médical et soignant pour le faire. C'est le but. Chaque fois qu'on n'a pas le personnel, on trouve des modalités transitoires permettant d'assurer la sécurité des patients. J'ai deux impératifs : respecter la loi et assurer la sécurité des gens. Je fais un coup de chapeau aux urgentistes et aux médecins qui, cet été, dans des conditions difficiles, ont fait que nos urgences ont quand même fonctionné. C'est dire la qualité des gens."
Vous promettez que l'été prochain ce sera mieux ?
- "Je ne promets pas pour l'été prochain, même si on essayera d'améliorer le système. Mais il faut dix ans pour former un anesthésiste-réanimateur ou un urgentiste. Il faut quatre ans pour former une infirmière. Je ne peux pas dire, comme malheureusement on l'avait laissé croire, qu'on allait recruter, tout de suite, le personnel formé dont on avait besoin."
Mais on recrutera les 40.000 ou les 45.000 infirmières prévues par E. Guigou et B. Kouchner ?
- "On recrutera les 45.000 postes de soignants et les 3.500 médecins naturellement car on en a besoin."
B. Kouchner déclare publiquement qu'il aimerait être nommé à la direction de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé. Est-ce que, ce matin, il a votre soutien ?
- "C'est un homme qui a beaucoup de qualités, qui connaît l'international, qui connaît l'humanitaire. Je pense qu'il a des qualités pour cela."
Vous le soutenez ?
- "Ce n'est pas une question pour J.-F. Mattei. C'est une question pour le Gouvernement."
Mais l'avis de J.-F. Mattei, ministre de la Santé ?
- "Je pense que B. Kouchner a des qualités."
Cela suffit pour qu'il soit nommé ?
- "Il y en a peut-être d'autres qui ont des qualités, mais je pense qu'il en a."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 septembre 2002)
- "Elle est en déficit. Elle a même un déficit qui est important mais qui, je crois, traduit deux choses. D'une part, une politique de l'emploi qui n'a pas donné, au cours de l'année, les résultats escomptés. La croissance n'est plus là, or les recettes de la Sécurité sociale dépendent beaucoup de l'emploi. Et puis, deuxièmement, il faut bien qu'on arrive au bout d'un système."
C'est-à-dire ?
- "Notre système de santé qui est bon quant à ses soins n'est plus bon dans son organisation et donc dans les sommes qui sont employées au regard des résultats obtenus."
Il faut donc de vraies réformes ?
- "A mon avis, il y a beaucoup de gains à faire sur le plan de la productivité en éliminant les gaspillages et en s'organisant mieux."
On va le voir en profondeur. La Cour des comptes dit que les engagements pluriannuels de dépenses autorisées par le Pacte de stabilité de l'Europe sont dépassés, que les dépenses galopent et qu'elles ont augmenté de combien cette année ? 7 ou 8 % ?
- "Non pas 8 % mais au tour de 7 %."
C'est acceptable ?
- "Ce n'est pas acceptable, puisque cela n'était pas prévu. Mais je dois reconnaître que la plupart de nos voisins européens sont dans la même situation. Il faut bien reconnaître aussi que nous sommes dans une période où les dépenses de santé vont croître de manière inéluctable."
Vous dites quelquefois que la santé coûte de plus en plus chère et que c'est normal - vous en acceptez le principe et vous n'êtes pas le seul. Mais qui doit payer et comment ?
- "Nous devons, au cours des prochains mois, prendre à témoin les différents partenaires et les engager. Nous avons besoin que chacun s'engage pour prendre sa responsabilité, que ce soit l'Etat bien entendu, que ce soient les gestionnaires d'hôpitaux, que ce soient les professionnels de santé mais aussi les citoyens."
On nous le dit depuis si longtemps !
- "Oui, on en parle beaucoup, c'est vrai. Mais il s'agit maintenant d'agir."
Si malgré la responsabilité partagée, le déficit continue en 2003. Que ferez-vous ?
- "Il faudra qu'on aille vers des réformes qui permettront de mieux préciser ce qui est du ressort de la solidarité nationale. Je trouve que l'on est dans un système qui est merveilleux : il n'y a personne en France qui puisse être malade et qui ne soit soigné. C'est très bien, mais on a vu des dérives, avec quelquefois des dépenses dont je m'interroge de savoir si cela relève vraiment de la solidarité nationale. Autrement dit, il faut que l'on aille vers une couverture maladie de base et une couverture complémentaire qui vienne en relais."
Parce que les assurances ne veulent pas toujours tout couvrir ?
- "Il faut aussi faire extrêmement attention en terme d'assurances. N'oublions pas que nous avons un système original et que je me suis engagé à le sauvegarder. Nous ne voulons ni de privatisation, ni d'étatisation."
On va recommencer avec les "ni-ni" ?
- "Non, au contraire, on va écarter ce qui ne nous convient pas et nous allons, avec les partenaires sociaux, avec les partenaires professionnels et avec les usagers, définir des règles communes."
La Cour des comptes répète, dans ce texte, ce que les Français savent : que les hôpitaux soignent mieux en France que chez les Anglais, par exemple, mais que leur gestion laisse à désirer. Elle est opaque, compliquée et gaspilleuse. Vous semblez souhaiter affecter les crédits à l'hôpital à partir de résultats. Qu'est-ce que cela veut dire ?
- "Ce que je voudrais que l'on change au niveau des hôpitaux d'abord c'est leur niveau d'organisation. Il faut aller vers la proximité, c'est-à-dire la régionalisation."
Est-ce que cela veut dire que les cotisations et les remboursements seraient différents selon les régions ?
- "Pas du tout. Je parle de l'organisation hospitalière exclusivement. Nous ne toucherons pas, naturellement, à la fonction publique hospitalière et à l'égalité des Français face à la maladie, bien sûr. En revanche, ce que je voudrais dire, c'est que les hôpitaux qui, aujourd'hui, sont payés sur une enveloppe globale devraient être payés à l'activité. Naturellement, cela nous permettrait de voir ceux qui ont une bonne activité, ceux qui sont efficaces, qui suivent les bonnes règles et qui ont de bons résultats par rapport à d'autres qui seraient moins bons et qu'il faudrait remettre dans le droit chemin."
Prolongeons : c'est-à-dire que vous encouragez l'initiative ? Par exemple, il y a celle des professeurs à Lariboisière qui gèrent par ordinateurs en réseau les dossiers des malades. Par exemple, est-ce que vous pourriez faire comme - si je peux me permettre de le dire - N. Sarkozy et recevoir ensemble les dirigeants des cinq hôpitaux les plus performants et les cinq hôpitaux les moins performants, si vous voulez des résultats ?
- "Naturellement, et je vais recevoir aussi, parce qu'il faut faire ainsi, le maire de la commune, le directeur de l'hôpital, le président de l'organisation des médecins à l'hôpital, pour tenter de se mettre d'accord sur des règles communes. Les conflits n'ont jamais rien fait avancer."
Cela veut dire que, là aussi, vous voudriez instiller la culture des résultats ?
- "Nous sommes responsables de l'argent public. Naturellement, oui, je veux des résultats et je veux que les gens se rendent compte de leur qualité et de la qualité de leurs actions."
La Cour des comptes dénonce sévèrement aussi la situation désastreuse - on le voit tous les jours à l'image et dans la réalité - des urgences médicales. Vous aussi vous le dites. Comment la corriger ?
- "Il y a plusieurs choses. D'abord, les urgences ont un vrai problème c'est qu'elles sont victimes de leur succès et de la confiance que les gens leur font. Donc, Les gens y vont volontiers dès qu'ils ont un problème. Deuxièmement, elles sont victimes d'une pénurie de personnel. Il n'y a plus assez d'urgentistes, d'anesthésistes-réanimateurs et d'infirmières. Et puis troisièmement, les médecins libéraux, les médecins de ville, ceux que l'on appelait avant quand il y avait un problème se sont désengagés, pour différentes raisons, et donc tout le monde vient aux urgences, y compris quand on n'a rien à y faire véritablement."
A propos de la croissance terrible des dépenses de médicaments à l'hôpital - au passage, les médicaments génériques marchent mieux -, vous dites qu'il y a des gaspillages. Comment réduit-on cette consommation de médicaments ?
- "Cela fait partie, probablement, d'une réforme qu'il faudra mettre sur pieds. C'est-à-dire des appels d'offre pour que les mêmes molécules, à efficacité identique, soient payées au moindre prix. Les hôpitaux doivent pouvoir se grouper. On doit changer la politique de ce point de vue-là."
Vous disiez qu'aujourd'hui il était difficile d'appliquer les 35 heures à l'hôpital. Le mot "moratoire", on lui donne un mauvais sort. Que fait-on sur les 35 heures à l'hôpital ?
- "Premièrement, on les applique, chaque fois que l'on peut les appliquer, c'est-à-dire quand on a le personnel médical et soignant pour le faire. C'est le but. Chaque fois qu'on n'a pas le personnel, on trouve des modalités transitoires permettant d'assurer la sécurité des patients. J'ai deux impératifs : respecter la loi et assurer la sécurité des gens. Je fais un coup de chapeau aux urgentistes et aux médecins qui, cet été, dans des conditions difficiles, ont fait que nos urgences ont quand même fonctionné. C'est dire la qualité des gens."
Vous promettez que l'été prochain ce sera mieux ?
- "Je ne promets pas pour l'été prochain, même si on essayera d'améliorer le système. Mais il faut dix ans pour former un anesthésiste-réanimateur ou un urgentiste. Il faut quatre ans pour former une infirmière. Je ne peux pas dire, comme malheureusement on l'avait laissé croire, qu'on allait recruter, tout de suite, le personnel formé dont on avait besoin."
Mais on recrutera les 40.000 ou les 45.000 infirmières prévues par E. Guigou et B. Kouchner ?
- "On recrutera les 45.000 postes de soignants et les 3.500 médecins naturellement car on en a besoin."
B. Kouchner déclare publiquement qu'il aimerait être nommé à la direction de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé. Est-ce que, ce matin, il a votre soutien ?
- "C'est un homme qui a beaucoup de qualités, qui connaît l'international, qui connaît l'humanitaire. Je pense qu'il a des qualités pour cela."
Vous le soutenez ?
- "Ce n'est pas une question pour J.-F. Mattei. C'est une question pour le Gouvernement."
Mais l'avis de J.-F. Mattei, ministre de la Santé ?
- "Je pense que B. Kouchner a des qualités."
Cela suffit pour qu'il soit nommé ?
- "Il y en a peut-être d'autres qui ont des qualités, mais je pense qu'il en a."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 septembre 2002)