Texte intégral
(Point de presse à Elseneur, le 31 août 2002) :
Permettez-moi tout d'abord de me réjouir de la tenue de ce Gymnich. L'esprit de cette réunion a été respecté, c'est-à-dire que nous avons pu, au cours de discussions informelles, avoir des échanges très positifs et constructifs sur de nombreux points, en premier lieu l'élargissement, bien sûr, c'était la grosse partie du menu d'hier. Ce matin, le conflit du Proche-Orient, la situation en Iraq, la Cour pénale internationale et la création d'un Fonds inondation pour l'essentiel. Permettez-moi très brièvement de donner les principaux éléments qui ont fait l'objet de nos discussions.
Tout d'abord l'élargissement. Nous avons réaffirmé la dimension politique centrale de ce processus. A quatre mois de la conclusion des négociations, il était important que les débats techniques n'occultent pas la dimension historique du processus. Cela a été soulevé par l'ensemble des délégations et j'ai fait valoir pour ma part les principaux éléments suivants : tout d'abord, l'élargissement est une mesure nécessaire à la consolidation de la paix et de la démocratie sur le continent. Ce sera un bénéfice pour tous en termes de sécurité, de mouvements de population, de développement économique, d'échanges culturels. On chiffre le coût de l'élargissement. Il est important aussi qu'on puisse chiffrer le coût d'un non-élargissement et c'est ce que fera la Commission. C'est un élément important qu'il faut avoir en tête quand on apprécie ce processus si important qui a été lancé. Deuxièmement, nous avons confirmé le calendrier, la feuille de route prévue pour la conclusion des négociations. Le 16 octobre, la Commission transmettra ses rapports de progrès qui procéderont à une analyse de la situation dans chacun des treize pays candidats au regard des critères de Copenhague. Au Conseil européen de Bruxelles, l'Union fixera la liste des pays candidats susceptibles de conclure en décembre, soit une dizaine, et elle adoptera les positions communes de l'Union sur les sujets budgétaires et institutionnels de la négociation, y inclus les aides directes agricoles. Je relève d'ailleurs, pour m'en réjouir, que la Commission présentera sur ce sujet des propositions conformes à celles du printemps dernier. Nous aurons alors cinq semaines avant le Conseil européen de Copenhague, qui commencera le 12 décembre, pour conclure les négociations avec les pays candidats. La signature des traités au printemps 2003 sera suivie par leur ratification dans chacun des Etats membres et des pays adhérents. L'adhésion, proprement dite, interviendra dès que possible en 2004, afin que chacun des pays candidats puisse participer en tant que membre aux élections du Parlement européen, conformément aux engagements qui ont été pris.
Il s'agit, vous le voyez, d'un calendrier qui est serré, mais tenable, réaliste. Encore faut-il bien sûr rappeler que chaque candidature doit faire l'objet d'un examen très sérieux et très précis, indépendamment du calendrier, et sur la base des mérites propres et des efforts faits par chacun des Etats candidats. Nous devons donc maintenir la pression, refuser tout lien entre les négociations d'adhésion et d'autres problèmes qui seront traités, en leur temps, avec les nouveaux membres, comme par exemple la réforme de la PAC. Face aux défis auxquels l'Union est confrontée dans les prochaines années - élargissement, réforme des institutions, définition du nouveau cadrage financier après 2007 et adaptation des politiques à l'élargissement - nous devons adopter une démarche ordonnée, dossier par dossier, conformément au calendrier qui a été décidé à Berlin. En ce qui concerne certains cas individuels, nous avons réfléchi très librement aux moyens de régler les problèmes qui demeurent pendants. Si la Bulgarie et la Roumanie ne font pas partie de la première vague d'adhésion décidée à Copenhague, nous sommes convenus que ces deux pays devront recevoir de l'Union un message clair de soutien afin de maintenir la dynamique de la négociation et confirmer les efforts engagés par eux.
S'agissant de Chypre, nous avons espéré que la dynamique en cours portera ses fruits et renouvelé notre soutien aux efforts du Secrétaire général des Nations unies. Vous savez que l'Union a confirmé à Séville, sa volonté et sa préférence pour l'adhésion d'une île réunifiée. En ce qui concerne la Turquie, nous nous sommes réjoui de l'adoption par le parlement turc du troisième paquet de mesures, le 3 août dernier. En ce qui concerne l'abolition de la peine de mort, l'apprentissage et la diffusion de la langue kurde, nous souhaitons naturellement, dans la perspective des élections prochaines du 3 novembre, conforter les forces démocratiques et pro-européennes dans ce pays. Le rapport de progrès que la Commission doit rendre à la mi-octobre sera évidemment très important pour permettre au Conseil de disposer de tous les éléments pertinents pour mesurer la progression de la Turquie vers le respect des critères de Copenhague, qui constitue un préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion. Nous avons évoqué également, en dernier lieu, la situation politique en Slovaquie dans la perspective des élections des 20 et 21 septembre pour souhaiter que celles-ci confirment le choix démocratique et l'Etat de droit.
Deuxième grand sujet, le Proche-Orient. La Présidence danoise a présenté sa feuille de route qui a reçu un accueil très positif. Vous savez que dans un premier temps, cette feuille de route met l'accent sur le progrès des négociations dans les domaines des réformes, dans le domaine de la sécurité. Elle s'inscrit dans la préparation des élections de 2003, propose la création d'un Etat palestinien provisoire fin 2003 et un statut définitif entre 2003 et 2005, donc à échéance 2005. Un certain nombre de suggestions ont été faites par les uns et par les autres. La Présidence va tenir compte de ces suggestions pour préparer un document révisé qui servira de base aux discussions et positions de l'Union européenne dans le cadre du quartet, ainsi qu'à la mission que la Présidence va effectuer la semaine prochaine dans la région. En ce qui me concerne, j'ai souligné l'urgence d'une mobilisation plus grande de la communauté internationale sur cette question, l'attachement qui est le nôtre aux grands principes et aux objectifs des efforts engagés, en particulier ne pas perdre de vue que l'objectif est la création d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967. Nous insistons sur l'importance d'une perspective politique. Bien sûr, des mesures de sécurité, des mesures techniques doivent être prises, mais il est essentiel que la perspective politique soit ouverte sans quoi la sécurité seule ne permettra pas de revenir à la stabilité dans cette région. Nous avons insisté sur notre attachement à la conférence internationale. On peut débattre de la question de savoir si cette conférence pourrait avoir lieu avant ou après les élections. Nous estimons qu'elle doit être bien préparée, mais avoir lieu le plus vite possible, de façon à créer le momentum indispensable pour véritablement entrer dans une nouvelle phase de la négociation. Nous avons insisté aussi sur la situation humanitaire dramatique que connaissent actuellement les territoires : l'hémorragie de la part de la communauté palestinienne, qui quitte, pour une part, ces territoires, les problèmes de santé, les nombreux problèmes d'éducation qui se posent et qui créent une situation très douloureuse et insupportable dans ces territoires.
Troisième grande question, l'Iraq. Un échange de vues très libre et très approfondi a pu avoir lieu. Une large communauté de vue s'est dégagée sur ces questions pour souligner la nécessité d'un retour des inspecteurs et du respect de la norme internationale, et mettre en avant le rôle et la responsabilité du Conseil de sécurité des Nations unies. Vous connaissez la position française. Je la rappelle brièvement. D'abord, notre détermination à lutter contre le terrorisme et à faire face au risque de prolifération d'armes de destruction massive. Dans ce contexte, nous insistons pour un retour rapide et sans condition des inspecteurs et soulignons aussi qu'il appartient au Conseil de sécurité d'examiner toutes les options, y compris militaires, qui pourraient être envisagées.
Sur la Cour pénale internationale, nous avons évidemment discuté la demande américaine de conclure des accords d'exemption. Je me félicite de la qualité de l'échange qui a pu avoir lieu. C'est une bonne chose que nous puissions discuter de façon approfondie de ces questions à Quinze. Nous avons convenu de travailler à la définition d'une position commune de l'Union européenne. Nous sommes tous attachés aux principes qui fondent la CPI. Vous savez que l'Union européenne est à la base de cette initiative et nous sommes par conséquent très attachés à ne rien faire qui puisse limiter ou rogner les ailes de la Cour. Dans les prochains jours, un examen juridique approfondi des demandes américaines sera fait dans le cadre du comité juridique et du comité politique et de sécurité. Nous comprenons le souci américain et c'est dans un esprit constructif que nous voulons rechercher des solutions pragmatiques, sachant que, évidemment, ceci intéresse aussi de très près les pays candidats qui sont en étroit contact avec nous sur ces questions. Je réitère donc notre préoccupation commune : ne rien faire qui porte atteinte à nos engagements et à l'intégrité du statut de la CPI, mais faire en sorte que, dans le cadre du dialogue que nous voulons maintenir avec les Etats-Unis, on puisse trouver les bases d'un accord.
En ce qui concerne les inondations, dernier point sur lequel j'interviendrai rapidement, nous avons renouvelé notre solidarité aux pays d'Europe centrale, frappés ces dernières semaines par des inondations catastrophiques. Vous savez que la France a apporté son aide à l'Allemagne et à la République tchèque en fournissant des équipes et du matériel de secours. Nous avons décidé, comme le propose la Commission, de créer un fonds spécifique pérenne pour faire face aux conséquences d'un tel événement. Un fonds qui devra s'inscrire dans le cadre des perspectives financières et qui sera consacré exclusivement aux catastrophes naturelles. Après une expertise approfondie de cette proposition, nous prendrons une décision définitive fin septembre, après examen de nos collègues des finances. J'ai fait valoir que la solution retenue au terme de cet examen doit permettre d'assurer une expression efficace de la solidarité européenne en cohérence avec les systèmes d'indemnisation qui existent déjà dans les Etats membres, comme c'est le cas en France, et, naturellement, sans affecter l'indispensable effort de prévention des risques naturels. Voilà pour l'essentiel.
Q - S'agissant de l'Iraq, au moins deux de vos homologues ont évoqué la question de l'ultimatum. Quelle est la position de la France ?
R - On peut, à partir de la position de principe et des questions de principe que nous avons évoquées ce matin, rentrer à l'infini dans les détails et faire de la politique-fiction. Ce n'est certainement pas mon souhait aujourd'hui. Notre position est très ferme et très claire : détermination à faire face au risque de prolifération, souci de faire en sorte que les inspecteurs puissent revenir sans conditions, et, par ailleurs, conviction que c'est dans le cadre du Conseil de sécurité que l'ensemble des options doivent être examinées. Le rapide tour de table qui a été fait, a montré que l'idée d'un ultimatum n'était pas, à ce stade, dans la réflexion des Etats à qui on le prêtait, mais que cela avait été dit en réponse à des questions de presse. Donc, aujourd'hui, on en reste à ce cadre précis de principes.
Q - Quelle est votre appréciation sur le plan danois pour le Proche-Orient et les amendements envisagés ?
R - Les points soulevés par les uns et par les autres visent à améliorer et à perfectionner le plan pour mieux prendre en compte un certain nombre de soucis particuliers, notamment, je l'ai mentionné, un objectif politique très clair. Nous souhaitons que toute sa place soit faite à la conférence internationale. J'ai rappelé brièvement à quel point il paraissait important, s'inscrivant dans une perspective politique et au-delà des propositions qui sont faites sur le plan institutionnel et sur le plan des réformes, de continuer à travailler, en gardant à l'esprit cette perspective politique. Je crois que c'est l'essentiel. Et puis il y a toute une série de propositions qui interviennent de la part d'autres délégations sur certains points particuliers de la feuille de route, qui n'en modifient pas profondément l'équation centrale.
Q - La France a une dérogation de sept ans. Une demande similaire des Etats-Unis minerait-elle le statut ? On a l'impression d'une impuissance européenne à freiner l'unilatéralisme américain.
R - Sur le premier point, je sais qu'il y a eu un petit malentendu de presse sur cette question. Il est bien évident que la France est signataire et a ratifié le traité instituant la Cour pénale internationale, et que dans ce contexte, elle bénéficie effectivement, aux termes de l'article 124, d'un délai pour adapter sa situation et se mettre en pleine conformité avec les exigences de la Cour pénale. Mais nous le faisons de l'intérieur. Bien évidemment, cette possibilité est ouverte à tous les Etats membres et à tous les Etats qui souhaiteraient signer ce traité, et par conséquent aux Américains.
Les débats que nous avons eus portent sur des questions extrêmement complexes et il est très important qu'on ait l'occasion, à l'échelle européenne, d'en discuter. Il s'agit de débats essentiels concernant les grands enjeux de la vie internationale. On le voit sur des dossiers comme le Proche-Orient et comme l'Iraq. Les échanges de vues approfondis contribuent à faire évoluer les points de vue, à prendre en compte les positions des uns et des autres. Un indispensable travail de pédagogie permet précisément d'aboutir à des positions communes. Je peux confirmer que sur l'ensemble des sujets que nous avons abordés, le souhait est bien d'arriver à des positions communes ou, en tout cas, à des approches communes de façon à clairement marquer l'idée que nous nous faisons de l'ordre international. Je pense que de ce point de vue, il existe bien un attachement commun des pays européens à cet ordre international. Je vous l'ai dit en ce qui concerne l'Iraq s'agissant du rôle du Conseil de sécurité. C'est également vrai pour la Cour pénale internationale, tous les participants sont intervenus pour défendre l'idée d'une approche commune. Ce n'est donc pas du tout la marque de pays qui hésiteraient ou qui flotteraient, mais bien au contraire le souci commun d'avancer dans le même sens.
Q - Les Allemands et les Néerlandais voudraient un engagement sur le financement après 2007. Peut-on éviter un débat avant le Sommet européen de Copenhague ? Par ailleurs, concernant la Turquie, peut-on éviter d'évoquer des dates à Copenhague ?
R - Je crois qu'il était très clair de l'ensemble des débats de ce Gymnich, que la priorité et la conscience de chacun, aujourd'hui, c'est l'importance de ce choix politique que représente l'élargissement, ce qui n'entame en rien la nécessité de conduire avec beaucoup de sérieux la négociation avec chacun des pays candidats et de respecter le calendrier. Mais il est clair que sur la nécessité de ne pas faire interférer d'autres négociations, comme celle de la Politique agricole commune, je crois qu'il y a une communauté de vues. Alors qu'il y ait, ici où là, une indispensable pédagogie, la prise en compte de sensibilités particulières, c'est une chose, mais je crois vraiment qu'aujourd'hui, tout le monde est conscient que l'important est de s'en tenir à ce qui est la priorité, c'est-à-dire l'élargissement, et de ne pas mêler d'autres négociations qui, en leur temps, naturellement, devront faire l'objet de discussions très sérieuses.
En ce qui concerne la Turquie, le point fort c'est évidemment l'expression commune d'un salut à l'endroit des efforts faits par la Turquie. Il convient que la Turquie confirme et conforte ce processus, et nous aurons l'occasion d'examiner au cours des prochains mois l'évolution de la situation dans ce pays.
Q - Faut-il une autre résolution du Conseil de sécurité des Nations unies au sujet de l'Iraq ? Concernant la demande iraquienne d'un plan de sortie de l'embargo, quelle est votre position ?
R - Quand, les uns et les autres, nous insistons sur l'importance du rôle du Conseil de sécurité, c'est bien parce que toute action sur la scène internationale doit avoir une base de légitimité incontestable. Dans ce processus, je ne veux pas faire de la politique-fiction. Il est évident que, quand je dis que le Conseil de sécurité doit examiner toutes les options, il s'agit bien d'examiner et non pas de se contenter d'une simple discussion. Il faut véritablement que les responsabilités qui doivent être prises à ce niveau le soient.
La position française, je l'ai dit, c'est le retour des inspecteurs sans condition. Je crois que dans ce domaine les choses sont claires. L'Iraq doit se conformer aux exigences internationales et aux résolutions du Conseil de sécurité. Le retour des inspecteurs constitue pour nous la clé essentielle du dossier.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 septembre 2002)
(Interview à France inter à Elseneur, le 31 août 2002) :
Q - A l'issue de cette réunion, quel est le message que les Quinze envoient aux Américains et aux autorités iraquiennes ?
R - Vous savez, d'abord il s'agit d'une rencontre du Gymnich, une rencontre informelle. Il n'y a donc pas de relevé des décisions des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. Mais c'est bien évidemment la détermination de voir l'Iraq respecter ses obligations internationales, donc de bien marquer l'exigence d'un retour des inspecteurs. Un retour sans condition en Iraq de façon à pouvoir vérifier qu'il n'y a pas d'armes de destruction massive dans ce pays. Le deuxième point, c'est de considérer, et c'est important au point de vue de la légitimité internationale, qu'il appartient au Conseil de sécurité, évidemment, de discuter, de débattre des différentes possibilités qui existent face à cette situation iraquienne.
Q - Combien de temps est-ce qu'on peut raisonnablement se donner pour que l'on constate que l'Iraq s'est conformé ou non aux exigences internationales ?
R - Nous ne sommes pas encore aujourd'hui dans le cadre d'un calendrier qui est fixé. Nous en sommes à définir des principes, qui sont très importants pour l'ordre international et pour la communauté internationale. Ces principes doivent évidemment être compris par tous. Il faut que nous nous entendions sur cette exigence. D'un côté, retour des inspecteurs, de l'autre, Conseil de sécurité qui est la véritable instance légitime qui peut véritablement se saisir et proposer un certain nombre d'actions qui sont susceptibles de régler et d'avancer dans la voie d'une solution.
Q - Y compris le recours à la force ?
R - C'est évidemment la position française. Nous n'excluons aucune option. Mais il est important que ce soit le Conseil de sécurité et non pas une puissance qui puisse agir dans un cadre unilatéral et de façon préventive.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 septembre 2002)
Permettez-moi tout d'abord de me réjouir de la tenue de ce Gymnich. L'esprit de cette réunion a été respecté, c'est-à-dire que nous avons pu, au cours de discussions informelles, avoir des échanges très positifs et constructifs sur de nombreux points, en premier lieu l'élargissement, bien sûr, c'était la grosse partie du menu d'hier. Ce matin, le conflit du Proche-Orient, la situation en Iraq, la Cour pénale internationale et la création d'un Fonds inondation pour l'essentiel. Permettez-moi très brièvement de donner les principaux éléments qui ont fait l'objet de nos discussions.
Tout d'abord l'élargissement. Nous avons réaffirmé la dimension politique centrale de ce processus. A quatre mois de la conclusion des négociations, il était important que les débats techniques n'occultent pas la dimension historique du processus. Cela a été soulevé par l'ensemble des délégations et j'ai fait valoir pour ma part les principaux éléments suivants : tout d'abord, l'élargissement est une mesure nécessaire à la consolidation de la paix et de la démocratie sur le continent. Ce sera un bénéfice pour tous en termes de sécurité, de mouvements de population, de développement économique, d'échanges culturels. On chiffre le coût de l'élargissement. Il est important aussi qu'on puisse chiffrer le coût d'un non-élargissement et c'est ce que fera la Commission. C'est un élément important qu'il faut avoir en tête quand on apprécie ce processus si important qui a été lancé. Deuxièmement, nous avons confirmé le calendrier, la feuille de route prévue pour la conclusion des négociations. Le 16 octobre, la Commission transmettra ses rapports de progrès qui procéderont à une analyse de la situation dans chacun des treize pays candidats au regard des critères de Copenhague. Au Conseil européen de Bruxelles, l'Union fixera la liste des pays candidats susceptibles de conclure en décembre, soit une dizaine, et elle adoptera les positions communes de l'Union sur les sujets budgétaires et institutionnels de la négociation, y inclus les aides directes agricoles. Je relève d'ailleurs, pour m'en réjouir, que la Commission présentera sur ce sujet des propositions conformes à celles du printemps dernier. Nous aurons alors cinq semaines avant le Conseil européen de Copenhague, qui commencera le 12 décembre, pour conclure les négociations avec les pays candidats. La signature des traités au printemps 2003 sera suivie par leur ratification dans chacun des Etats membres et des pays adhérents. L'adhésion, proprement dite, interviendra dès que possible en 2004, afin que chacun des pays candidats puisse participer en tant que membre aux élections du Parlement européen, conformément aux engagements qui ont été pris.
Il s'agit, vous le voyez, d'un calendrier qui est serré, mais tenable, réaliste. Encore faut-il bien sûr rappeler que chaque candidature doit faire l'objet d'un examen très sérieux et très précis, indépendamment du calendrier, et sur la base des mérites propres et des efforts faits par chacun des Etats candidats. Nous devons donc maintenir la pression, refuser tout lien entre les négociations d'adhésion et d'autres problèmes qui seront traités, en leur temps, avec les nouveaux membres, comme par exemple la réforme de la PAC. Face aux défis auxquels l'Union est confrontée dans les prochaines années - élargissement, réforme des institutions, définition du nouveau cadrage financier après 2007 et adaptation des politiques à l'élargissement - nous devons adopter une démarche ordonnée, dossier par dossier, conformément au calendrier qui a été décidé à Berlin. En ce qui concerne certains cas individuels, nous avons réfléchi très librement aux moyens de régler les problèmes qui demeurent pendants. Si la Bulgarie et la Roumanie ne font pas partie de la première vague d'adhésion décidée à Copenhague, nous sommes convenus que ces deux pays devront recevoir de l'Union un message clair de soutien afin de maintenir la dynamique de la négociation et confirmer les efforts engagés par eux.
S'agissant de Chypre, nous avons espéré que la dynamique en cours portera ses fruits et renouvelé notre soutien aux efforts du Secrétaire général des Nations unies. Vous savez que l'Union a confirmé à Séville, sa volonté et sa préférence pour l'adhésion d'une île réunifiée. En ce qui concerne la Turquie, nous nous sommes réjoui de l'adoption par le parlement turc du troisième paquet de mesures, le 3 août dernier. En ce qui concerne l'abolition de la peine de mort, l'apprentissage et la diffusion de la langue kurde, nous souhaitons naturellement, dans la perspective des élections prochaines du 3 novembre, conforter les forces démocratiques et pro-européennes dans ce pays. Le rapport de progrès que la Commission doit rendre à la mi-octobre sera évidemment très important pour permettre au Conseil de disposer de tous les éléments pertinents pour mesurer la progression de la Turquie vers le respect des critères de Copenhague, qui constitue un préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion. Nous avons évoqué également, en dernier lieu, la situation politique en Slovaquie dans la perspective des élections des 20 et 21 septembre pour souhaiter que celles-ci confirment le choix démocratique et l'Etat de droit.
Deuxième grand sujet, le Proche-Orient. La Présidence danoise a présenté sa feuille de route qui a reçu un accueil très positif. Vous savez que dans un premier temps, cette feuille de route met l'accent sur le progrès des négociations dans les domaines des réformes, dans le domaine de la sécurité. Elle s'inscrit dans la préparation des élections de 2003, propose la création d'un Etat palestinien provisoire fin 2003 et un statut définitif entre 2003 et 2005, donc à échéance 2005. Un certain nombre de suggestions ont été faites par les uns et par les autres. La Présidence va tenir compte de ces suggestions pour préparer un document révisé qui servira de base aux discussions et positions de l'Union européenne dans le cadre du quartet, ainsi qu'à la mission que la Présidence va effectuer la semaine prochaine dans la région. En ce qui me concerne, j'ai souligné l'urgence d'une mobilisation plus grande de la communauté internationale sur cette question, l'attachement qui est le nôtre aux grands principes et aux objectifs des efforts engagés, en particulier ne pas perdre de vue que l'objectif est la création d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967. Nous insistons sur l'importance d'une perspective politique. Bien sûr, des mesures de sécurité, des mesures techniques doivent être prises, mais il est essentiel que la perspective politique soit ouverte sans quoi la sécurité seule ne permettra pas de revenir à la stabilité dans cette région. Nous avons insisté sur notre attachement à la conférence internationale. On peut débattre de la question de savoir si cette conférence pourrait avoir lieu avant ou après les élections. Nous estimons qu'elle doit être bien préparée, mais avoir lieu le plus vite possible, de façon à créer le momentum indispensable pour véritablement entrer dans une nouvelle phase de la négociation. Nous avons insisté aussi sur la situation humanitaire dramatique que connaissent actuellement les territoires : l'hémorragie de la part de la communauté palestinienne, qui quitte, pour une part, ces territoires, les problèmes de santé, les nombreux problèmes d'éducation qui se posent et qui créent une situation très douloureuse et insupportable dans ces territoires.
Troisième grande question, l'Iraq. Un échange de vues très libre et très approfondi a pu avoir lieu. Une large communauté de vue s'est dégagée sur ces questions pour souligner la nécessité d'un retour des inspecteurs et du respect de la norme internationale, et mettre en avant le rôle et la responsabilité du Conseil de sécurité des Nations unies. Vous connaissez la position française. Je la rappelle brièvement. D'abord, notre détermination à lutter contre le terrorisme et à faire face au risque de prolifération d'armes de destruction massive. Dans ce contexte, nous insistons pour un retour rapide et sans condition des inspecteurs et soulignons aussi qu'il appartient au Conseil de sécurité d'examiner toutes les options, y compris militaires, qui pourraient être envisagées.
Sur la Cour pénale internationale, nous avons évidemment discuté la demande américaine de conclure des accords d'exemption. Je me félicite de la qualité de l'échange qui a pu avoir lieu. C'est une bonne chose que nous puissions discuter de façon approfondie de ces questions à Quinze. Nous avons convenu de travailler à la définition d'une position commune de l'Union européenne. Nous sommes tous attachés aux principes qui fondent la CPI. Vous savez que l'Union européenne est à la base de cette initiative et nous sommes par conséquent très attachés à ne rien faire qui puisse limiter ou rogner les ailes de la Cour. Dans les prochains jours, un examen juridique approfondi des demandes américaines sera fait dans le cadre du comité juridique et du comité politique et de sécurité. Nous comprenons le souci américain et c'est dans un esprit constructif que nous voulons rechercher des solutions pragmatiques, sachant que, évidemment, ceci intéresse aussi de très près les pays candidats qui sont en étroit contact avec nous sur ces questions. Je réitère donc notre préoccupation commune : ne rien faire qui porte atteinte à nos engagements et à l'intégrité du statut de la CPI, mais faire en sorte que, dans le cadre du dialogue que nous voulons maintenir avec les Etats-Unis, on puisse trouver les bases d'un accord.
En ce qui concerne les inondations, dernier point sur lequel j'interviendrai rapidement, nous avons renouvelé notre solidarité aux pays d'Europe centrale, frappés ces dernières semaines par des inondations catastrophiques. Vous savez que la France a apporté son aide à l'Allemagne et à la République tchèque en fournissant des équipes et du matériel de secours. Nous avons décidé, comme le propose la Commission, de créer un fonds spécifique pérenne pour faire face aux conséquences d'un tel événement. Un fonds qui devra s'inscrire dans le cadre des perspectives financières et qui sera consacré exclusivement aux catastrophes naturelles. Après une expertise approfondie de cette proposition, nous prendrons une décision définitive fin septembre, après examen de nos collègues des finances. J'ai fait valoir que la solution retenue au terme de cet examen doit permettre d'assurer une expression efficace de la solidarité européenne en cohérence avec les systèmes d'indemnisation qui existent déjà dans les Etats membres, comme c'est le cas en France, et, naturellement, sans affecter l'indispensable effort de prévention des risques naturels. Voilà pour l'essentiel.
Q - S'agissant de l'Iraq, au moins deux de vos homologues ont évoqué la question de l'ultimatum. Quelle est la position de la France ?
R - On peut, à partir de la position de principe et des questions de principe que nous avons évoquées ce matin, rentrer à l'infini dans les détails et faire de la politique-fiction. Ce n'est certainement pas mon souhait aujourd'hui. Notre position est très ferme et très claire : détermination à faire face au risque de prolifération, souci de faire en sorte que les inspecteurs puissent revenir sans conditions, et, par ailleurs, conviction que c'est dans le cadre du Conseil de sécurité que l'ensemble des options doivent être examinées. Le rapide tour de table qui a été fait, a montré que l'idée d'un ultimatum n'était pas, à ce stade, dans la réflexion des Etats à qui on le prêtait, mais que cela avait été dit en réponse à des questions de presse. Donc, aujourd'hui, on en reste à ce cadre précis de principes.
Q - Quelle est votre appréciation sur le plan danois pour le Proche-Orient et les amendements envisagés ?
R - Les points soulevés par les uns et par les autres visent à améliorer et à perfectionner le plan pour mieux prendre en compte un certain nombre de soucis particuliers, notamment, je l'ai mentionné, un objectif politique très clair. Nous souhaitons que toute sa place soit faite à la conférence internationale. J'ai rappelé brièvement à quel point il paraissait important, s'inscrivant dans une perspective politique et au-delà des propositions qui sont faites sur le plan institutionnel et sur le plan des réformes, de continuer à travailler, en gardant à l'esprit cette perspective politique. Je crois que c'est l'essentiel. Et puis il y a toute une série de propositions qui interviennent de la part d'autres délégations sur certains points particuliers de la feuille de route, qui n'en modifient pas profondément l'équation centrale.
Q - La France a une dérogation de sept ans. Une demande similaire des Etats-Unis minerait-elle le statut ? On a l'impression d'une impuissance européenne à freiner l'unilatéralisme américain.
R - Sur le premier point, je sais qu'il y a eu un petit malentendu de presse sur cette question. Il est bien évident que la France est signataire et a ratifié le traité instituant la Cour pénale internationale, et que dans ce contexte, elle bénéficie effectivement, aux termes de l'article 124, d'un délai pour adapter sa situation et se mettre en pleine conformité avec les exigences de la Cour pénale. Mais nous le faisons de l'intérieur. Bien évidemment, cette possibilité est ouverte à tous les Etats membres et à tous les Etats qui souhaiteraient signer ce traité, et par conséquent aux Américains.
Les débats que nous avons eus portent sur des questions extrêmement complexes et il est très important qu'on ait l'occasion, à l'échelle européenne, d'en discuter. Il s'agit de débats essentiels concernant les grands enjeux de la vie internationale. On le voit sur des dossiers comme le Proche-Orient et comme l'Iraq. Les échanges de vues approfondis contribuent à faire évoluer les points de vue, à prendre en compte les positions des uns et des autres. Un indispensable travail de pédagogie permet précisément d'aboutir à des positions communes. Je peux confirmer que sur l'ensemble des sujets que nous avons abordés, le souhait est bien d'arriver à des positions communes ou, en tout cas, à des approches communes de façon à clairement marquer l'idée que nous nous faisons de l'ordre international. Je pense que de ce point de vue, il existe bien un attachement commun des pays européens à cet ordre international. Je vous l'ai dit en ce qui concerne l'Iraq s'agissant du rôle du Conseil de sécurité. C'est également vrai pour la Cour pénale internationale, tous les participants sont intervenus pour défendre l'idée d'une approche commune. Ce n'est donc pas du tout la marque de pays qui hésiteraient ou qui flotteraient, mais bien au contraire le souci commun d'avancer dans le même sens.
Q - Les Allemands et les Néerlandais voudraient un engagement sur le financement après 2007. Peut-on éviter un débat avant le Sommet européen de Copenhague ? Par ailleurs, concernant la Turquie, peut-on éviter d'évoquer des dates à Copenhague ?
R - Je crois qu'il était très clair de l'ensemble des débats de ce Gymnich, que la priorité et la conscience de chacun, aujourd'hui, c'est l'importance de ce choix politique que représente l'élargissement, ce qui n'entame en rien la nécessité de conduire avec beaucoup de sérieux la négociation avec chacun des pays candidats et de respecter le calendrier. Mais il est clair que sur la nécessité de ne pas faire interférer d'autres négociations, comme celle de la Politique agricole commune, je crois qu'il y a une communauté de vues. Alors qu'il y ait, ici où là, une indispensable pédagogie, la prise en compte de sensibilités particulières, c'est une chose, mais je crois vraiment qu'aujourd'hui, tout le monde est conscient que l'important est de s'en tenir à ce qui est la priorité, c'est-à-dire l'élargissement, et de ne pas mêler d'autres négociations qui, en leur temps, naturellement, devront faire l'objet de discussions très sérieuses.
En ce qui concerne la Turquie, le point fort c'est évidemment l'expression commune d'un salut à l'endroit des efforts faits par la Turquie. Il convient que la Turquie confirme et conforte ce processus, et nous aurons l'occasion d'examiner au cours des prochains mois l'évolution de la situation dans ce pays.
Q - Faut-il une autre résolution du Conseil de sécurité des Nations unies au sujet de l'Iraq ? Concernant la demande iraquienne d'un plan de sortie de l'embargo, quelle est votre position ?
R - Quand, les uns et les autres, nous insistons sur l'importance du rôle du Conseil de sécurité, c'est bien parce que toute action sur la scène internationale doit avoir une base de légitimité incontestable. Dans ce processus, je ne veux pas faire de la politique-fiction. Il est évident que, quand je dis que le Conseil de sécurité doit examiner toutes les options, il s'agit bien d'examiner et non pas de se contenter d'une simple discussion. Il faut véritablement que les responsabilités qui doivent être prises à ce niveau le soient.
La position française, je l'ai dit, c'est le retour des inspecteurs sans condition. Je crois que dans ce domaine les choses sont claires. L'Iraq doit se conformer aux exigences internationales et aux résolutions du Conseil de sécurité. Le retour des inspecteurs constitue pour nous la clé essentielle du dossier.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 septembre 2002)
(Interview à France inter à Elseneur, le 31 août 2002) :
Q - A l'issue de cette réunion, quel est le message que les Quinze envoient aux Américains et aux autorités iraquiennes ?
R - Vous savez, d'abord il s'agit d'une rencontre du Gymnich, une rencontre informelle. Il n'y a donc pas de relevé des décisions des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. Mais c'est bien évidemment la détermination de voir l'Iraq respecter ses obligations internationales, donc de bien marquer l'exigence d'un retour des inspecteurs. Un retour sans condition en Iraq de façon à pouvoir vérifier qu'il n'y a pas d'armes de destruction massive dans ce pays. Le deuxième point, c'est de considérer, et c'est important au point de vue de la légitimité internationale, qu'il appartient au Conseil de sécurité, évidemment, de discuter, de débattre des différentes possibilités qui existent face à cette situation iraquienne.
Q - Combien de temps est-ce qu'on peut raisonnablement se donner pour que l'on constate que l'Iraq s'est conformé ou non aux exigences internationales ?
R - Nous ne sommes pas encore aujourd'hui dans le cadre d'un calendrier qui est fixé. Nous en sommes à définir des principes, qui sont très importants pour l'ordre international et pour la communauté internationale. Ces principes doivent évidemment être compris par tous. Il faut que nous nous entendions sur cette exigence. D'un côté, retour des inspecteurs, de l'autre, Conseil de sécurité qui est la véritable instance légitime qui peut véritablement se saisir et proposer un certain nombre d'actions qui sont susceptibles de régler et d'avancer dans la voie d'une solution.
Q - Y compris le recours à la force ?
R - C'est évidemment la position française. Nous n'excluons aucune option. Mais il est important que ce soit le Conseil de sécurité et non pas une puissance qui puisse agir dans un cadre unilatéral et de façon préventive.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 septembre 2002)