Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur la rénovation et l'élargissement de l'Alliance atlantique, le développement de l'identité européenne et l'équilibre entre alliés européens et nord-américains, Paris le 19 novembre 1996.

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Circonstance : Réunion des parlementaires de l'Assemblée de l'Atlantique nord, Paris le 19 novembre 1996

Texte intégral

Je suis très heureux de vous rencontrer ce soir à l'Hôtel Matignon, à l'occasion de votre réunion annuelle. Je le fais aussi au nom du président de la République, actuellement au Japon, et qui regrette de ne pouvoir vous recevoir.

L'Alliance atlantique est aujourd'hui parvenue à un tournant de son histoire, et les choix que nous ferons engageront l'avenir de la sécurité européenne pour de longues années.

Dans ce domaine, vous le savez, les mois qui viennent seront riches en occasions de progresser.

Nous devons à la fois réussir la rénovation de l'Alliance, faire en sorte que l'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN renforce la sécurité de tous les pays d'Europe, obtenir des avancées concrètes dans le cadre de la Conférence intergouvernementale sur la voie d'une véritable politique de défense commune.

Je souhaiterais insister devant vous sur trois points auxquels j'attache depuis longtemps une grande importance :

1) La rénovation de l'Alliance.
Comme vous le savez, la décision de principe de réformer l'Alliance pour l'adapter aux exigences de la nouvelle donne stratégique à été prise lors du sommet de 1994.

Par ses initiatives et ses propositions, le président de la République a voulu que la France apporte une contribution importante à cette réforme. Les orientations données à Berlin au mois de juin devraient nous permettre d'atteindre trois objectifs : adapter l'OTAN, développer en son sein l'identité européenne, définir un nouvel équilibre entre alliés européens et nord-américains et en fin de compte renforcer le partenariat transatlantique.

Comme vous le savez, le développement de l'identité européenne au sein de l'Alliance est pour la France la condition de sa participation pleine et entière aux structures rénovées.

C'est l'intérêt de tous les alliés de réussir cette entreprise. Mais il n'y aura de succès que si la réforme va jusqu'au bout et que les problèmes posés sont traités au fond. Des progrès très importants ont été accomplis en un an ; il subsiste aujourd'hui, vous le savez, le problème de l'européanisation des commandements régionaux. Nous devons le résoudre ensemble. Je suis convaincu que cela est possible.

2) L'élargissement de l'Alliance.
Il est normal que nous répondions aux attentes de peuples trop longtemps séparés de nous contre leur gré. Qu'ils souhaitent entrer dans l'Alliance ou dans l'Union européenne, il s'agit toujours de reconstituer la famille des Etats européens.

Il va sans dire que l'élargissement de l'Alliance et l'extension à de nouveaux bénéficiaires de la garantie de l'article 5 du Traité de Washington ne constituent pas un engagement que nous pouvons prendre à la légère.

Certains pays se sont préparés plus vite à entrer dans l'OTAN ; c'est un fait, mais les pays qui ne réunissent pas les conditions d'une adhésion immédiate doivent conserver la possibilité de les suivre et s'y préparer. Il convient d'aménager pour ces derniers un partenariat renforcé qui leur donnerait en quelque sorte un statut d'associé.

Enfin, il est clair que la Russie devra jouer un rôle éminent dans la nouvelle architecture européenne de sécurité. Pour éviter toute nouvelle ligne de fracture, un partenariat stable devrait donc être scellé entre la Russie et l'Alliance par un acte solennel. J'avais proposé moi-même dès janvier 1993 que l'on signe une charte entre l'OTAN et la Russie, comme d'ailleurs avec l'Ukraine. Cette idée reste plus que jamais actuelle.

L'OTAN sera bien entendu un élément essentiel de cette architecture mais nous avons besoin de l'insérer dans une approche plus large.

Le prochain sommet de l'OSCE constituera une étape importante sur cette voie.
Le président de la République a proposé en outre que le Sommet de l'Alliance de 1997 puisse s'élargir à tous les Etats européens, quel que soit le type de leurs rapports avec l'OTAN - y compris, bien entendu, à la Russie. C'est ainsi que la sécurité de chaque pays européen - et donc celle de notre continent tout entier - serait garantie.

3) La Bosnie
Cette année a vu le succès d'une opération militaire conduite par l'Alliance qui a permis de mettre fin à un conflit cruel. Nul ne s'en est réjoui plus que moi, après tant d'efforts déployés pendant les trois années précédentes pour amener les Européens, les Américains et les Russes à travailler ensemble. Nos pays ont fait leur devoir, et ont su associer à leur action des nations
extérieures à l'Alliance.

Aujourd'hui, la situation en Bosnie se normalise et les nouvelles institutions commencent à fonctionner. La situation reste cependant fragile, nous en sommes tous conscients. De nombreuses incertitudes demeurent et les plaies de la guerre seront longues à se refermer.

Comme nous venons de le décider à Paris la semaine dernière, nous allons donc continuer à aider la Bosnie pour y consolider la paix et c'est dans ce but que nous acceptons d'y maintenir tous ensemble nos soldats en 1997.

Il reste que la réconciliation ne se décrète pas. C'est aux communautés bosniaques elles-mêmes de choisir un avenir de paix et, avec notre aide, de reconstruire leur pays.

Mesdames et Messieurs les Parlementaires, je n'ai abordé là que quelques uns des thèmes qui constitueront l'objet de vos débats. Mais je voulais saisir l'occasion de votre réunion à Paris pour vous faire part de ces quelques réflexions qui me tiennent à coeur. Permettez-moi de vous souhaiter un plein succès pour vos travaux.

(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 13 novembre 2002)