Texte intégral
A. Hausser-. Les inspecteurs de l'ONU ont obtenu un délai. Est-ce que vous pensez que la guerre peut être évitée ?
- "Bien sûr qu'on pense toujours que la guerre doit être évitée, peut être évitée. Arrivera-t-on à l'éviter ? Je ne sais pas. En tout cas, la position du président de la République est claire : tous les contrôles, les inspections doivent aller jusqu'au bout et si on peut trouver une issue politique, tout vaut mieux évidemment que la guerre. Et je rappelle que la France a un rôle immense et a déjà fait évoluer le dossier et même peut-être jusque dans l'esprit de certains Américains, qui, actuellement, sont eux aussi farouchement favorables à la guerre."
Il y a unanimité sur ce point au Gouvernement ?
- "L'unanimité est complète."
On va passer à votre domaine. Il y a eu un accident de train hier, et on a découvert qu'il existait encore des voies uniques et des tunnels à voie unique, ce que les gens ne savent pas quand ils ne voyagent pas en montagne. Vous avez ordonné une enquête administrative sur cet accident. C'est tout ce qu'on peut faire ?
- "Evidemment, il faut en tirer les conséquences, il faut savoir comment cela s'est passé. On joue complètement la transparence puisque vous avez vu, après ce qui est arrivé par exemple sur l'autoroute A10 au début du mois de janvier, que j'ai fait faire une enquête, et très rapidement, on a pu la rendre publique, donc tout est transparent. On la rendra transparente aussi, cette enquête : les résultats de l'enquête seront évidemment publiés et derrière, il y aura forcément des mesures qui seront prises. Je ne veux pas parler d'avance de sanctions sans connaître les résultats, mais naturellement il y a quelque chose..."
...Vous avez une idée ? Il y a une erreur humaine ?
- "Il semble qu'il y ait une erreur humaine. Mais ne faisons pas les conclusions avant d'avoir le rapport."
Vous avez fixé un délai pour cette enquête ?
- "Cette enquête va prendre certainement une quinzaine de jours, au moins pour avoir les premiers résultats. Ensuite, s'il faut approfondir, on prendra le temps qu'il faut. L'essentiel, c'est d'avoir la vérité pour en tenir compte et éviter que cela se retrouve."
Air Lib, c'est le dossier sur lequel on vous attend beaucoup ce matin. Les discussions continuent ? Elles achoppent sur quoi ?
- "Si vous permettez, arrêtons de dire "c'est ce matin qu'on doit...", "c'est demain" ou "c'est ce soir"."
Il y a le problème de la licence d'exploitation qui prend fin à la fin de la semaine !
- "Je suis d'accord, mais il y a aussi 3 000 salariés qui ont l'impression d'être un petit peu ballottés, parce qu'on leur donne toujours des échéances et des ultimatums. Simplement, aujourd'hui, il y a une discussion extrêmement importante qui est dirigée par un conciliateur, nommé par un tribunal de commerce et qui doit, entre l'Etat, le repreneur éventuel et l'entreprise, essayer de faire un bon protocole pour voir si cette entreprise peut continuer. Donc, ils sont en cours de travail. Si le travail continue, c'est toujours plutôt bon signe plutôt qu'une rupture. Laissons les travailler dans le calme, et en même temps n'inquiétons pas outre mesure les salariés, même si la situation fut et est encore dramatique. On va voir si la conciliation peut se faire aujourd'hui, et si elle peut se faire, cela veut dire que le repreneur a fait des efforts considérables, que l'Etat aussi a fait dans le passé des efforts considérables mais qu'il est hors de question d'augmenter la créance de l'Etat aujourd'hui. Et donc, je souhaite de tout coeur, pour les salariés et pour l'entreprise, qu'il y ait un accord, si possible aujourd'hui. Mais si possible aussi, ne dramatisons pas les échéances ou la date des échéances."
Est-ce que c'est la question économique qui prime aujourd'hui ou est-ce que c'est l'action sociale, les 3 000 salariés ?
- "Quand nous traitons - je dis "nous" parce que cela dépend du ministère des Finances, de Matignon, du ministère des Transports, de moi-même et de D. Bussereau -, quand nous pensons à ce problème-là, nous pensons avant tout aux 3 000 personnes, plus les emplois induits par une grande entreprise qui fut une grande entreprise et qui pourrait le redevenir. On pense d'abord aux personnes et puis on pense à l'aspect économique : est-il bon ou pas qu'il y ait une autre entreprise de transports à côté d'Air France ? Et c'est important dans le ciel aérien français."
Et que répondez-vous ?
- "Oui, c'est important d'avoir une deuxième entreprise portant les couleurs de la France, bien françaises, qui dans le ciel aérien, fasse d'une certaine façon un peu concurrence au grand frère."
Est-ce que le repreneur a la surface financière nécessaire ou est-ce qu'il discute sur des modalités pour essayer de faire la meilleure affaire possible ?
- "Je veux bien qu'on rentre dans le dossier mais il y en a pour des heures, puisque les spécialistes sont rentrés dans le dossier et cela fait des jours qu'ils discutent. Simplement, on a un repreneur de qualité. Va-t-il oser ou pas oser amener suffisamment d'argent et nous apporter des garanties ?"
Oser ou pouvoir ?
- "Oser. Il peut, il a une belle surface financière personnelle ; c'est un homme qui a très bien réussi, il est dans l'immobilier et dans le transport aérien aux Pays-Bas. Il amène de l'argent, mais combien ? Il faut vraiment que ce soit acté quelque part. Quelles garanties bien précises pour le gouvernement français pour ne pas s'engager sur quelque chose qui serait précaire ? Donc, naturellement, on demande que les choses soient sérieusement faites, parce que tout cela est extrêmement complexe et il faut que ce soit acté et garanti."
Est-ce qu'aujourd'hui, Air Lib est un peu le miroir face aux problèmes sociaux et aux nombreuses fermetures d'entreprises ?
- "D'une certaine façon, c'est peut-être aussi le miroir de l'action du Gouvernement, qui s'accroche quand une entreprise est fragilisée ou même en perte de vitesse, voire menacée. Le Gouvernement s'accroche et veut sauver l'entreprise parce qu'il y a des emplois derrière, il y a des hommes et des femmes qui croient à leur métier, qui aiment leur métier et qui ne veulent pas se retrouver au chômage. J'ai vu cela même dans des dossiers locaux. On s'est accrochés à Amiens, où on a failli avoir 350 licenciements sur une entreprise, Whirlpool. L'Etat, F. Fillon, les a reçus au ministère, on a tous fait en sorte qu'il n'y ait pas de licenciements - il y a des temps partiels annualisés, un peu de départs en préretraite - et on a réussi là ! Donc, sur tous les dossiers, le Gouvernement s'accroche pour éviter les plans de licenciement dans une conjoncture épouvantable internationale et européenne."
Mais il y a des dossiers comme Metaleurop et Daewoo.
- "Metaleurop, c'est une autre nature de dossier. C'est vraiment quelque chose qu'on ne peut pas voir venir, et d'un seul coup, une annonce qui apparaît comme tout à fait contraire au droit commercial, et même peut-être au droit pénal. Et vous avez vu comment le garde des Sceaux, D. Perben, réagit. C'est-à-dire qu'il convoque les procureurs aujourd'hui pour leur demander d'être très vigilants contre les rapaces.."
Ils existent depuis longtemps.
- "Ils existent. Faut-il encore les détecter, les déceler et éviter qu'ils fassent des coups comme Metaleurop."
Parfois, on les encourage...
- "En tout cas, pas l'Etat français, pas le Gouvernement d'aujourd'hui."
Demain, en Conseil des ministres, va être étudiée la réforme des modes de scrutin. C'est une réforme qui fait bondir le président de l'UDF, F. Bayrou, UDF dont vous êtes membre également. Est-ce que ce projet est vraiment inacceptable ? Il concerne les européennes et les régionales.
- "Le problème n'est pas de faire bondir ou de ne pas faire bondir. F. Bayrou a attiré l'attention sur la nécessité pour un mode de scrutin d'être clair, lisible, compréhensible par l'électeur. Parce qu'on s'est aperçus que l'appel des électeurs du 21 avril, c'est de dire : la politique, on ne comprend plus ; les gens sont éloignés de nous ; qu'est-ce qu'ils font ? Qui fait quoi ? et quand on vote, cela sert à quoi ? Donc, on souhaite un mode de scrutin qui soit lisible pour que les gens, lorsqu'ils se déplacent - et vous voyez qu'il y en a de moins en moins -, comprennent, lorsqu'ils mettent un bulletin, l'effet que peut avoir ce bulletin, sur non seulement les gens qui vont être élus le cas échéant, et la politique qui va s'en suivre. Sur le mode de scrutin aux régionales, je crois que cela va vraiment dans le bons sens, il s'apparente au scrutin municipal, qui a été initié en 1981 ou 1982. Et donc cela va donner une majorité, c'est clair. Et puis deuxièmement, il y a un seuil à 10 % des votants qui est compatible avec le pluralisme français. Evidemment, si ce seuil dépassait 10 % des votants, mais comme on a entendu dire que cela pourrait passer à 10 % des inscrits, ce serait inadmissible. Cela voudrait dire que le paysage français, pratiquement, verrait disparaître le pluralisme. Ce serait contraire, d'ailleurs, aux déclarations du président de la République de dimanche dernier, quand il a dit à propos des Africains, que ce sont les partis politiques font la démocratie. Et je crois qu'on n'en est pas là. Heureusement, c'est sur 10 % des votants."
Et pour les grandes circonscriptions européennes ?
- "C'est plus difficile, parce que avoir un ou deux députés pour quatre régions, est-ce vraiment de la proximité ?"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 janvier 2003)