Texte intégral
J.-P. Elkabbach -. Toute la presse souligne les déficits et s'inquiète des conséquences. La vérité apparaît peu à peu, sous la contrainte du réel. Pourquoi ne pas tout révéler d'un coup, jusqu'à quand cette tactique de l'artichaut ?
- "Nous disons ce que nous savons, au moment même où les informations nous parviennent. Donc, ce qui change peut-être par rapport aux pratiques antérieures, c'est que nous donnons les informations au moment même où elles nous parviennent."
Mais on ne prévoit pas ?
- "Les prévisions sont corrigées chaque année. Nous avons fait des prévisions à l'été pour bâtir le budget 2003. Comme chaque année, nous faisons des prévisions en mars, pour corriger celles de l'été précédent. Et nous donnons les informations dont nous disposons, au moment où elles nous parviennent. On ne peut pas faire mieux !"
Mais deux ans de suite, des déficits qui dépassent 3 %, est-ce que c'est de l'imprévoyance ou de la cachotterie ?
- "C'est tout simplement parce que l'économie se ralentit. Le Gouvernement précédent a engagé des dépenses nouvelles, pérennes, qui ont été financées par des recettes éphémères. Lorsque ces recettes éphémères disparaissent et que les dépenses demeurent, naturellement, le déficit bondit. Lorsque vous recrutez 45.000 fonctionnaires, vous les recruter pour 60 ans, pour 40 ans d'activité et pour 20 ans de retraite... Lorsque les recettes fiscales baissent, vous avez toujours la dépense de salaire et de retraite."
Est-ce qu'il n'y a pas une part de responsabilité de votre propre politique budgétaire depuis que vous êtes arrivés au pouvoir ?
- "Notre responsabilité, c'est d'avoir rétabli la vérité des comptes. Je suis un ministre du Budget qui a dû financer trois primes de Noël, parce que celle de l'année 2000 n'avait pas été financée, celle de l'année 2001 n'avait pas été financée. Je crois avoir fait le nécessaire pour que les Français y voir clair dans leurs comptes."
Votre majorité et vos cousins centristes pronostiquent pour 2003 un risque de déficit autour de 4 % ?
- "Nous sommes début mars et nous sommes dans l'impossibilité de prévoir quel sera le résultat de fin 2003. Nous sommes au début de l'année. Nous pensons, pour ce qui nous concerne, que le risque est de nous retrouver sur un déficit de l'ordre de 3,4. Voilà le chiffre sérieux qui me semble pouvoir être repris par l'ensemble des économistes et des experts."
C'est pourquoi, la nuit dernière, entre ministres européens, il y a eu une explication assez musclée, à Bruxelles. La cigale française contre quatorze fourmis, plus la Commission de Bruxelles ! Elle va sanctionner un déficit excessif. La France est menacée d'une forte amende. Qu'est-ce cela vous fait ?
- "Ce n'est pas une forte amende. La Commission européenne souhaite simplement que nous revenions à l'équilibre budgétaire le plus rapidement possible, ce qui est notre intention. Donc, nous faisons du mieux que nous pouvons pour revenir à l'équilibre budgétaire. Je voudrais simplement vous dire que revenir à l'équilibre budgétaire est une exigence, mais ne pas précipiter notre économie dans la récession est également une exigence. Et c'est notre préoccupation. Je crois d'ailleurs que nos partenaires européens n'ont pas intérêt à voir un pays comme la France, ou un pays comme l'Allemagne, entrer en récession économique, puisque nous avons des économies qui sont tout à fait interdépendantes. Donc, même un pays qui est aujourd'hui en bonne santé financière au sein de la zone euro, n'a absolument pas intérêt à ce que la France ou l'Allemagne entrent en récession."
Est-ce que l'on ne peut pas dire que l'Europe se montre hypersensible à l'aggravation des déficits et totalement insensible à l'aggravation du chômage ? Parce que, ce qu'elle demande, vous le laissez entendre, c'est la récession, c'est plus de chômage, plus d'effets sur la vie des gens.
- "Il faut en effet que les procédures de déficit public excessif n'arrivent pas à des procédures de déprime publique excessive. Ce que je crains, dans toutes les informations qui, ici ou là, sont diffusées, c'est que les Français perdent un peu confiance, qu'ils perdent espoir, alors que l'année 2003 est naturellement menacée d'incertitudes. Nous pensons tous à l'Irak, mais l'hypothèque irakienne levée, je suis convaincu que nous pouvons avoir une année 2003 tout à fait convenable, et en tout cas meilleure que 2002."
C'est-à-dire qu'on atteindra 1,5 % de croissance ou un peu moins encore ?
- "C'est la moyenne que nous pouvons espérer."
Est-ce que vous demandez, ici ce matin, un Pacte de stabilité plus souple et plus intelligent ?
- "Je ne suis pas pour changer les règles, je suis pour leur donner une application avec discernement, appropriée à l'environnement dans lequel nous sommes. Donc, je pense que ce que nous devons faire, c'est soutenir la croissance, parce que c'est soutenir l'emploi, pas seulement en France, mais sur la zone euro, puisque, encore une fois, nos économies sont interdépendantes. Donc, plutôt que d'avoir les yeux rivés sur de l'arithmétique, parce qu'au fond, la situation d'un pays, que le déficit soit de 2,9 ou de 3,1, c'est tout de même un peu la même chose. Par contre, ce qui compte, c'est de permettre qu'il y ait de l'activité économique et qu'il y ait des emplois. C'est ce que les Français et les Européens attendent."
Les impôts, dit-on à Bercy, n'augmenteront pas en 2003. Mais est-ce qu'ils vont baisser ? Ou est-ce qu'ils baisseront proportionnellement au niveau de la croissance, c'est-à-dire 1,2 ou 1,3 ?
- "Dans la loi de finances pour 2003, il a été prévu que les impôts sur le revenu baisseraient de 6 % - de 5 % qui ont été acquis en 2002, plus 1 % pour 2003, ce qui fait 6 %. Donc, ce que nous avons surtout voulu dire, c'est qu'on n'augmenterait pas les impôts en 2003, pour réduire davantage le déficit. Nous avons une ligne stratégique budgétaire qui est très claire : nous tiendrons la dépense, nous ne dépenserons pas un euro de plus que ce qui a été autorisé par le Parlement. Par contre, nous n'allons pas essayer de compenser les moins-values fiscales qui sont liées au ralentissement de l'économie, parce que les compenser par des impôts nouveaux, ce serait prendre le risque, encore une fois, de précipiter notre économie dans la récession."
Mais la vérité n'est-elle pas que bientôt, nous allons arriver au moment d'une pause fiscale ? Pour peut-être la reprendre en 2004 ou 2005 si cela va mieux, mais le moment de la pause fiscale n'arrive-t-il ?
- "La baisse de l'impôt alimente aussi la croissance car cela alimente le pouvoir d'achat des Français. Et on peut même penser que c'est la baisse des impôts qui a permis de maintenir un niveau de croissance tout à fait convenable et suffisant en 2002 et en début 2003. Car on a pu constater, en France, que le pouvoir d'achat des Français s'était accru de 3 %. Et entre nous, le vrai moteur, le seul moteur de la croissance en 2002, cela aura été la consommation. Donc, la consommation, il faut l'alimenter avec du pouvoir d'achat. Et la baisse d'impôt, c'est du pouvoir d'achat."
Vous êtes donc en train de nous dire, contrairement à ce que l'on entend ailleurs, comme un paradoxe de bon sens : que c'est plutôt quand la croissance revient que la rigueur doit s'appliquer, et pas maintenant ?
- "Mais quand la croissance revient, on peut prélever des impôts, en effet, aux agents économiques, puisque, par définition, ils ont plus de moyens pour assumer la charge fiscale à ce moment-là. Si nous les accablons d'impôts au moment où la récession, ou en tout cas le ralentissement est fort, nous ne faisons qu'aggraver ce ralentissement, puisqu'ils ont un pouvoir d'achat qui est moins fort que lorsque la croissance est au rendez-vous."
Le Gouvernement a décidé d'annuler 1,4 milliard d'euros de crédits, sur la réserve 2003 que vous annonciez ici de 3,8 milliards. Cela fait 2,4 milliards. Est-ce que vous libérez ou est-ce que vous gelez toujours cette somme ?
- "Naturellement, elle reste en réserve. Nous avons annulé une partie de la mise en réserve, parce que cela nous paraissait le signal que nous devions donner sur notre détermination pour tenir la dépense, mais cette mise en réserve est tout à fait nécessaire pour ne pas dépasser les dépenses qui ont été autorisées dans le budget. J'ai une responsabilité : c'est que l'on ne dépense pas un euro de plus que ce qui a été autorisé par le Parlement."
Vous promettez, à Bercy, de passer au-dessous des 3 % en 2004. J'ai envie de vous demander comment ? En ce moment, vous discutez avec chaque ministre, vous les recevez un à un dans votre bureau ; qui doit faire des économies ?
- "Tout le monde ! Et nous avons des marges de manoeuvre absolument extraordinaires..."
Donnez-nous des exemples.
- "D'abord, un chiffre : nous avons 8 % de PIB, ce qui est considérable, de dépenses en plus de la moyenne des pays de l'OCDE. Cela veut donc dire que nous avons des marges de manoeuvres considérables. Prenons un exemple, je sais qu'il ne fait pas plaisir à tout le monde, mais disons le franchement : nous allons connaître de nombreux départs à la retraite dans la fonction publique. Eh bien, ayons la loyauté de dire que nous pouvons très bien ne pas remplacer tous les départs à la retraite, au motif précisément que la plupart des métiers de l'administration sont des métiers qui se sont modernisés, informatisés, dans lesquels il y a des gains de productivité considérables à faire..."
Donc, jouer sur les effectifs de la fonction publique ?
- "Cela me paraît une évidence, cela me paraît le simple bon sens, cela me paraît ce que les Français pensent eux-mêmes..."
Encore un autre exemple de ce que vous dites aux ministres qui défilent chez vous ?
- "Nous pouvons faire des économies sur les dépenses courantes de l'Etat, sur la gestion immobilière : l'Etat est propriétaire d'un tas d'immeubles pour exercer ses missions. Aujourd'hui, c'est géré n'importe comment. Nous pourrions avoir une modernisation de la gestion de l'immobilier de l'Etat. Deuxièmement, nous pourrions avoir une entreprise de l'Etat, qui s'occuperait de tous les achats publics. C'est ce qui a été fait en Italie et il y a eu des gains considérables. Nous pouvons, dans la première année, gagner un milliard d'euros, sur la commande publique en général, deux milliards la seconde année, trois milliards la troisième année. Nous pouvons faire des économies considérables en matière d'achat public."
Vous envisagiez, dans Paris-Match, une baisse de la rémunération du Livret A, qui est détenu par 46 millions de Français. Pourquoi avez-vous dit cela ?
- "Parce que la collecte du Livret A, l'épargne des Français, cela sert à financer le logement social et cela sert à offrir des loyers faibles à ceux qui vivent dans les HLM. Donc, je suis pour aider les personnes qui vivent dans les HLM et qui sont des familles modestes, et c'est pour cela que je préconisais la baisse ..."
... F. Mer pensait-il le contraire ?
- "Il pense exactement la même chose."
Vous êtes sûr de cela ? Il n'y a pas eu un différend entre vous deux ?
- "On est toujours d'accord, on a les mêmes idées économiques."
Vous êtes allés tous les deux chez le Premier ministre pour arbitrer, et il a arbitré contre vous ?
- "Pas contre. Le boulot des ministres est de faire des propositions..."
Mais cela donne une impression de cafouillage !
- "Pas du tout ! Le boulot des ministres est de faire des propositions et le boulot du Premier ministre est d'arbitrer. Nous avons un très bon Premier ministre, il arbitre. Et entre nous, nous serions en dessous de nos devoirs, si nous ne faisions pas de propositions."
Ca, c'est aujourd'hui. Est-ce qu'il ne faudra pas, un jour, fixer le taux du Livret A, selon des critères plus objectifs d'indexation ?
- "Tout le monde est d'accord là-dessus. Encore faut-il que nous ayons un point de départ qui soit réaliste. Pour l'instant, il ne l'est pas."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 mars 2003)
- "Nous disons ce que nous savons, au moment même où les informations nous parviennent. Donc, ce qui change peut-être par rapport aux pratiques antérieures, c'est que nous donnons les informations au moment même où elles nous parviennent."
Mais on ne prévoit pas ?
- "Les prévisions sont corrigées chaque année. Nous avons fait des prévisions à l'été pour bâtir le budget 2003. Comme chaque année, nous faisons des prévisions en mars, pour corriger celles de l'été précédent. Et nous donnons les informations dont nous disposons, au moment où elles nous parviennent. On ne peut pas faire mieux !"
Mais deux ans de suite, des déficits qui dépassent 3 %, est-ce que c'est de l'imprévoyance ou de la cachotterie ?
- "C'est tout simplement parce que l'économie se ralentit. Le Gouvernement précédent a engagé des dépenses nouvelles, pérennes, qui ont été financées par des recettes éphémères. Lorsque ces recettes éphémères disparaissent et que les dépenses demeurent, naturellement, le déficit bondit. Lorsque vous recrutez 45.000 fonctionnaires, vous les recruter pour 60 ans, pour 40 ans d'activité et pour 20 ans de retraite... Lorsque les recettes fiscales baissent, vous avez toujours la dépense de salaire et de retraite."
Est-ce qu'il n'y a pas une part de responsabilité de votre propre politique budgétaire depuis que vous êtes arrivés au pouvoir ?
- "Notre responsabilité, c'est d'avoir rétabli la vérité des comptes. Je suis un ministre du Budget qui a dû financer trois primes de Noël, parce que celle de l'année 2000 n'avait pas été financée, celle de l'année 2001 n'avait pas été financée. Je crois avoir fait le nécessaire pour que les Français y voir clair dans leurs comptes."
Votre majorité et vos cousins centristes pronostiquent pour 2003 un risque de déficit autour de 4 % ?
- "Nous sommes début mars et nous sommes dans l'impossibilité de prévoir quel sera le résultat de fin 2003. Nous sommes au début de l'année. Nous pensons, pour ce qui nous concerne, que le risque est de nous retrouver sur un déficit de l'ordre de 3,4. Voilà le chiffre sérieux qui me semble pouvoir être repris par l'ensemble des économistes et des experts."
C'est pourquoi, la nuit dernière, entre ministres européens, il y a eu une explication assez musclée, à Bruxelles. La cigale française contre quatorze fourmis, plus la Commission de Bruxelles ! Elle va sanctionner un déficit excessif. La France est menacée d'une forte amende. Qu'est-ce cela vous fait ?
- "Ce n'est pas une forte amende. La Commission européenne souhaite simplement que nous revenions à l'équilibre budgétaire le plus rapidement possible, ce qui est notre intention. Donc, nous faisons du mieux que nous pouvons pour revenir à l'équilibre budgétaire. Je voudrais simplement vous dire que revenir à l'équilibre budgétaire est une exigence, mais ne pas précipiter notre économie dans la récession est également une exigence. Et c'est notre préoccupation. Je crois d'ailleurs que nos partenaires européens n'ont pas intérêt à voir un pays comme la France, ou un pays comme l'Allemagne, entrer en récession économique, puisque nous avons des économies qui sont tout à fait interdépendantes. Donc, même un pays qui est aujourd'hui en bonne santé financière au sein de la zone euro, n'a absolument pas intérêt à ce que la France ou l'Allemagne entrent en récession."
Est-ce que l'on ne peut pas dire que l'Europe se montre hypersensible à l'aggravation des déficits et totalement insensible à l'aggravation du chômage ? Parce que, ce qu'elle demande, vous le laissez entendre, c'est la récession, c'est plus de chômage, plus d'effets sur la vie des gens.
- "Il faut en effet que les procédures de déficit public excessif n'arrivent pas à des procédures de déprime publique excessive. Ce que je crains, dans toutes les informations qui, ici ou là, sont diffusées, c'est que les Français perdent un peu confiance, qu'ils perdent espoir, alors que l'année 2003 est naturellement menacée d'incertitudes. Nous pensons tous à l'Irak, mais l'hypothèque irakienne levée, je suis convaincu que nous pouvons avoir une année 2003 tout à fait convenable, et en tout cas meilleure que 2002."
C'est-à-dire qu'on atteindra 1,5 % de croissance ou un peu moins encore ?
- "C'est la moyenne que nous pouvons espérer."
Est-ce que vous demandez, ici ce matin, un Pacte de stabilité plus souple et plus intelligent ?
- "Je ne suis pas pour changer les règles, je suis pour leur donner une application avec discernement, appropriée à l'environnement dans lequel nous sommes. Donc, je pense que ce que nous devons faire, c'est soutenir la croissance, parce que c'est soutenir l'emploi, pas seulement en France, mais sur la zone euro, puisque, encore une fois, nos économies sont interdépendantes. Donc, plutôt que d'avoir les yeux rivés sur de l'arithmétique, parce qu'au fond, la situation d'un pays, que le déficit soit de 2,9 ou de 3,1, c'est tout de même un peu la même chose. Par contre, ce qui compte, c'est de permettre qu'il y ait de l'activité économique et qu'il y ait des emplois. C'est ce que les Français et les Européens attendent."
Les impôts, dit-on à Bercy, n'augmenteront pas en 2003. Mais est-ce qu'ils vont baisser ? Ou est-ce qu'ils baisseront proportionnellement au niveau de la croissance, c'est-à-dire 1,2 ou 1,3 ?
- "Dans la loi de finances pour 2003, il a été prévu que les impôts sur le revenu baisseraient de 6 % - de 5 % qui ont été acquis en 2002, plus 1 % pour 2003, ce qui fait 6 %. Donc, ce que nous avons surtout voulu dire, c'est qu'on n'augmenterait pas les impôts en 2003, pour réduire davantage le déficit. Nous avons une ligne stratégique budgétaire qui est très claire : nous tiendrons la dépense, nous ne dépenserons pas un euro de plus que ce qui a été autorisé par le Parlement. Par contre, nous n'allons pas essayer de compenser les moins-values fiscales qui sont liées au ralentissement de l'économie, parce que les compenser par des impôts nouveaux, ce serait prendre le risque, encore une fois, de précipiter notre économie dans la récession."
Mais la vérité n'est-elle pas que bientôt, nous allons arriver au moment d'une pause fiscale ? Pour peut-être la reprendre en 2004 ou 2005 si cela va mieux, mais le moment de la pause fiscale n'arrive-t-il ?
- "La baisse de l'impôt alimente aussi la croissance car cela alimente le pouvoir d'achat des Français. Et on peut même penser que c'est la baisse des impôts qui a permis de maintenir un niveau de croissance tout à fait convenable et suffisant en 2002 et en début 2003. Car on a pu constater, en France, que le pouvoir d'achat des Français s'était accru de 3 %. Et entre nous, le vrai moteur, le seul moteur de la croissance en 2002, cela aura été la consommation. Donc, la consommation, il faut l'alimenter avec du pouvoir d'achat. Et la baisse d'impôt, c'est du pouvoir d'achat."
Vous êtes donc en train de nous dire, contrairement à ce que l'on entend ailleurs, comme un paradoxe de bon sens : que c'est plutôt quand la croissance revient que la rigueur doit s'appliquer, et pas maintenant ?
- "Mais quand la croissance revient, on peut prélever des impôts, en effet, aux agents économiques, puisque, par définition, ils ont plus de moyens pour assumer la charge fiscale à ce moment-là. Si nous les accablons d'impôts au moment où la récession, ou en tout cas le ralentissement est fort, nous ne faisons qu'aggraver ce ralentissement, puisqu'ils ont un pouvoir d'achat qui est moins fort que lorsque la croissance est au rendez-vous."
Le Gouvernement a décidé d'annuler 1,4 milliard d'euros de crédits, sur la réserve 2003 que vous annonciez ici de 3,8 milliards. Cela fait 2,4 milliards. Est-ce que vous libérez ou est-ce que vous gelez toujours cette somme ?
- "Naturellement, elle reste en réserve. Nous avons annulé une partie de la mise en réserve, parce que cela nous paraissait le signal que nous devions donner sur notre détermination pour tenir la dépense, mais cette mise en réserve est tout à fait nécessaire pour ne pas dépasser les dépenses qui ont été autorisées dans le budget. J'ai une responsabilité : c'est que l'on ne dépense pas un euro de plus que ce qui a été autorisé par le Parlement."
Vous promettez, à Bercy, de passer au-dessous des 3 % en 2004. J'ai envie de vous demander comment ? En ce moment, vous discutez avec chaque ministre, vous les recevez un à un dans votre bureau ; qui doit faire des économies ?
- "Tout le monde ! Et nous avons des marges de manoeuvre absolument extraordinaires..."
Donnez-nous des exemples.
- "D'abord, un chiffre : nous avons 8 % de PIB, ce qui est considérable, de dépenses en plus de la moyenne des pays de l'OCDE. Cela veut donc dire que nous avons des marges de manoeuvres considérables. Prenons un exemple, je sais qu'il ne fait pas plaisir à tout le monde, mais disons le franchement : nous allons connaître de nombreux départs à la retraite dans la fonction publique. Eh bien, ayons la loyauté de dire que nous pouvons très bien ne pas remplacer tous les départs à la retraite, au motif précisément que la plupart des métiers de l'administration sont des métiers qui se sont modernisés, informatisés, dans lesquels il y a des gains de productivité considérables à faire..."
Donc, jouer sur les effectifs de la fonction publique ?
- "Cela me paraît une évidence, cela me paraît le simple bon sens, cela me paraît ce que les Français pensent eux-mêmes..."
Encore un autre exemple de ce que vous dites aux ministres qui défilent chez vous ?
- "Nous pouvons faire des économies sur les dépenses courantes de l'Etat, sur la gestion immobilière : l'Etat est propriétaire d'un tas d'immeubles pour exercer ses missions. Aujourd'hui, c'est géré n'importe comment. Nous pourrions avoir une modernisation de la gestion de l'immobilier de l'Etat. Deuxièmement, nous pourrions avoir une entreprise de l'Etat, qui s'occuperait de tous les achats publics. C'est ce qui a été fait en Italie et il y a eu des gains considérables. Nous pouvons, dans la première année, gagner un milliard d'euros, sur la commande publique en général, deux milliards la seconde année, trois milliards la troisième année. Nous pouvons faire des économies considérables en matière d'achat public."
Vous envisagiez, dans Paris-Match, une baisse de la rémunération du Livret A, qui est détenu par 46 millions de Français. Pourquoi avez-vous dit cela ?
- "Parce que la collecte du Livret A, l'épargne des Français, cela sert à financer le logement social et cela sert à offrir des loyers faibles à ceux qui vivent dans les HLM. Donc, je suis pour aider les personnes qui vivent dans les HLM et qui sont des familles modestes, et c'est pour cela que je préconisais la baisse ..."
... F. Mer pensait-il le contraire ?
- "Il pense exactement la même chose."
Vous êtes sûr de cela ? Il n'y a pas eu un différend entre vous deux ?
- "On est toujours d'accord, on a les mêmes idées économiques."
Vous êtes allés tous les deux chez le Premier ministre pour arbitrer, et il a arbitré contre vous ?
- "Pas contre. Le boulot des ministres est de faire des propositions..."
Mais cela donne une impression de cafouillage !
- "Pas du tout ! Le boulot des ministres est de faire des propositions et le boulot du Premier ministre est d'arbitrer. Nous avons un très bon Premier ministre, il arbitre. Et entre nous, nous serions en dessous de nos devoirs, si nous ne faisions pas de propositions."
Ca, c'est aujourd'hui. Est-ce qu'il ne faudra pas, un jour, fixer le taux du Livret A, selon des critères plus objectifs d'indexation ?
- "Tout le monde est d'accord là-dessus. Encore faut-il que nous ayons un point de départ qui soit réaliste. Pour l'instant, il ne l'est pas."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 mars 2003)