Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur le programme de lutte contre l'insécurité contenu dans le contrat local de sécurité de Bobigny, Bobigny, le 5 octobre 1999.

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Circonstance : Signature du Contrat local de sécurité, à Bobigny, le 5 octobre 1999

Texte intégral

Monsieur le député maire,
Mesdames, Messieurs,

Pour moi, le plaisir est grand de me retrouver dans un département que je connais bien, à l'occasion de la signature du contrat local de sécurité (C.L.S) de Bobigny.
A l'heure actuelle, 292 contrats ont été signés, dont 63 en Île-de-France. 13 d'entre eux, signés ou en cours d'élaboration, sont spécifiques à un réseau de transport.
A l'heure actuelle, dans le département de Seine-Saint-Denis, le contrat local de sécurité de Bobigny est le 10ème à être signé. Les 9 contrats signés précédemment ont concerné les communes de Montreuil, Bondy, Noisy-le-Grand, Villepinte, Le Blanc-Mesnil, Clichy-Montfermeil, Epinay-sur-Seine/Villetaneuse, La Courneuve, Saint-Ouen. Un 11ème contrat sera signé début novembre à Aubervilliers. De nombreux contrats communaux ou intercommunaux sont en cours d'élaboration. D'ici un an et demi, ce sont les 2/3 des 40 communes du département qui seront concernées par la mise en uvre des contrat locaux de sécurité.
Une réelle dynamique est donc engagée ; elle résulte de la prise de conscience de ce que la sécurité ne peut pas être l'affaire des seuls services de la police et de la gendarmerie nationale. Le sentiment de sécurité ne résulte pas seulement du bon exercice de ces missions ; il dépend de nombreux autres facteurs : cohésion sociale, conscience civique, qualité de la vie urbaine. Ces facteurs relèvent pour une part des compétences de l'État et des collectivités territoriales et des initiatives émanant de la société elle-même.
C'est pourquoi le CLS de Bobigny associe en une véritable " coproduction de sécurité ", outre le Préfet, les services de police, la Justice, l'Éducation Nationale, le Conseil Général et bien sûr la commune, ainsi que les bailleurs sociaux, les transporteurs publics et l'ensemble de la population. Une telle concertation est pleinement justifiée dans un département très fortement urbanisé, dont une partie des habitants connaît de grandes difficultés sociales et économiques.
La démarche que vous avez engagée, il y a 18 mois, a permis d'élaborer un diagnostic partagé par tous les acteurs. Ce diagnostic révèle un taux de criminalité important à Bobigny, supérieur à celui du département. Les infractions de voie publique représentent à elles seules plus de la moitié de la délinquance totale ; les dégradations volontaires en constitue une part importante et les autobus de la RATP et les trains en sont parfois la cible. Les vols avec violence, qui ne représentent qu'une petite partie des délits commis sur la voie publique, connaissent , quant à eux, une augmentation inacceptable.
Le diagnostic souligne également la part significative, dans la violence urbaine, des atteintes aux symboles institutionnels, qu'il s'agisse des dégradations de biens publics ou d'outrages et violence aux dépositaires de l'autorité. Il souligne aussi la part des mineurs mis en cause dans ces faits.
Une telle situation ne manque pas de créer un sentiment d'insécurité comme le confirme une enquête menée auprès des habitants de Bobigny : plus de la moitié des personnes considère que depuis deux ou trois ans les choses se sont plutôt détériorées.
Si la situation est préoccupante, Bobigny n'en dispose pas moins d'atouts indéniables : le dynamisme de ses structures sociales et associatives, le partenariat actif qui s'est instauré entre la Police, la Justice, l'Éducation Nationale et la Ville. Le contrat local de sécurité se propose donc de structurer et de systématiser une démarche déjà engagée en lui donnant plus de lisibilité. Pour ce faire, des actions appropriées, au nombre de 50, ont été définies afin de répondre à quatre objectifs prioritaires :
réduction des faits et des effets de la délinquance de voie publique, en particulier à travers un renforcement de la police de proximité et un partenariat orienté vers un comportement plus citoyen ;

une maîtrise plus efficace des espaces publics et des transports ;

une prévention accrue et plus dissuasive de la délinquance des mineurs qui comporte également un volet important de soutien à la parentalité ;

une lutte plus efficace contre la toxicomanie.

Si vous le permettez, je prendrai l'exemple de la RATP qui agit contre l'insécurité vécue, tant par les agents de la Régie, que par les voyageurs sur les lignes de bus desservant des collèges, grâce à une présence humaine dissuasive, permettant de prévenir les conflits potentiels, lors des sorties et rentrées scolaires. Cette réhumanisation concernera aussi le tramway et la gare routière de Pablo Picasso.
Je voudrais poursuivre mon propos en abordant plus particulièrement mon domaine de compétence ministérielle, c'est à dire celui des transports. A mon initiative, à la fin 1997, le gouvernement a décidé la mise en uvre de douze mesures pour améliorer la sécurité des déplacements.

L'humanisation des réseaux de transport est immédiatement apparue comme une nécessité, rompant ainsi avec les politiques passées, et des dispositions significatives ont été prises dans ce sens.
Le redéploiement des effectifs statutaires a concerné en 1998 200 emplois à la SNCF et 300 à la RATP, soit environ le tiers de l'objectif fixé sur trois ans. Cet objectif a d'ailleurs été renforcé et concerne maintenant 2050 agents sur trois ans (1000 à la SNCF et 1050 à la RATP).
Concernant les emplois-jeunes, l'objectif de 2 450 recrutements sur les réseaux de l'Île-de-France de la RATP, de la SNCF et des entreprises privées, d'ici la fin de l'année, sera atteint.
Au titre de ce programme de réhumanisation des réseaux, il a été décidé d'assurer une présence humaine, jusqu'au dernier train, dans un grand nombre de gares SNCF d'Île-de-France. 52 en 1998 et 117 gares supplémentaires d'ici au 31 décembre de cette année bénéficieront de cette amélioration sensible de la qualité du service. A la fin de l'an 2000, la quasi-totalité des gares situées en zones agglomérées, c'est-à-dire les zones 1 à 5 de la carte orange, soit 200, au total, devraient offrir ce même service. Enfin, les trains circulant sur les secteurs situés sur les zones 6 à 8 de la carte orange seront accompagnés de 21 heures jusqu'au dernier train par deux agents.
Au total, 4 500 emplois en contact avec le public, auront été affectés sur l'ensemble du réseau de transport d'Île-de-France d'ici la fin 2000.
Un deuxième volet de mesures concerne les financements nouveaux d'équipements de sécurité. Les subventions ont été augmentées pour aider les entreprises de transport à mieux se défendre contre les agressions.
Ainsi, avant la fin 1999, 2000 bus de la RATP seront équipés de la radio-localisation et il y en aura 2000 autres avant la fin de l'an 2000. Le réseau IRIS qui permet une communication entre les agents de la SNCF et de la police sera achevé fin 1999 et étendu aux conducteurs de train dans le même délai.
Des postes de police sont progressivement implantés dans les locaux des gares les plus sensibles. En Seine-Saint-Denis, sont concernées à court terme la gare de Saint-Denis et ultérieurement celles de Noisy-le-Sec et Aulnay-sous-Bois.
L'adaptation des réponses judiciaires aux nouvelles formes de délinquance est bien engagée. De plus en plus les procédures sont traitées de manière accélérée et elles prennent de nouvelles formes : comparution immédiate, médiation pénale, mesures de réparation. Par ailleurs, le Code pénal a été modifié afin d'instituer des sanctions aggravées en cas d'atteintes ou d'outrages aux agents des entreprises de transport en commun.
On le voit, si la sûreté fait partie des compétences régaliennes de l'État, le contrat local décline au plus près du terrain ces mesures d'ordre général, et c'est la condition de son efficacité.
Nous devons, j'en suis persuadé, nous attacher à reconstruire une responsabilité citoyenne, une solidarité plus généreuse, le sens, d'un vivre mieux ensemble. Cette tâche est l'affaire de tous, parce que justement c'est une question de vie en société, de civilisation, de démocratie!
Écarter et combattre la violence, les rapports de dominations, d'humiliations, d'inégalités, d'exclusions peut sembler hors de portée d'un individu pris isolément. Et pourtant, si des gouvernements aux diverses institutions publiques ou privées, si des éducateurs aux parents, en passant par les médias, on mesure l'enjeu, on s'apercevra qu'il y a dans chaque citoyen, dans chaque peuple, un potentiel formidable d'humanité. C'est ce pari digne des valeurs les plus progressistes que nous faisons.
Je vous remercie de votre attention.

(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 28 octobre 1999)