Texte intégral
Monsieur le Ministre, cher Pierre MAZEAUD,
Monsieur le Président, cher Henri,
Mesdames, Messieurs,
Nous vous invitons à aborder les Etats généraux du sport avec enthousiasme, passion et volontarisme. Ce n'est pas par hasard, cher Henri, que nous sommes aujourd'hui réunis à la Maison du sport, témoignant ainsi du caractère partenarial de cette initiative.
Permettez-moi tout d'abord un détour personnel.
Je ne voudrais pas ici parler de politique. Je veux parler d'élan.
1958. A la fin du printemps, le général de Gaulle revient au pouvoir. Quelques semaines plus tard, l'équipe de France de football, menée par un homme fameux, Raymond KOPA, termine troisième de la Coupe du monde. Elle ne l'avait jamais fait. Quelques semaines encore et l'équipe de France de rugby, menée par un homme remarquable, Lucien MIAS, domine les Springboks sur leur terre. C'est la première défaite de l'Afrique du Sud chez elle, dans une série de test-matches, depuis la création du jeu.
Quel rapport entre de Gaulle et Kopa, entre de Gaulle et Mias, entre l'histoire de la France et les légendes du sport ? C'est un souffle, un espoir, un élan, qui transforment leur vie en destin. L'idée que c'était possible. L'idée qu'on pouvait changer les choses. L'idée qu'on pouvait gagner ensemble. L'idée qu'on est un grand pays. J'aime cette idée là, celle d'un grand élan collectif. C'est celle qui nous réunit aujourd'hui.
C'est parce que le sport est émotion avant toute chose, et émotion partagée, qu'il est d'une nature différente, qu'il nous fait aller plus loin que nous-mêmes. A condition évidemment, justement, de contrôler nos émotions. D'entrer, en somme, dans un processus de création.
C'est ce que nous vous proposons de faire en réfléchissant ensemble au sport français, à ce qu'il était, à ce qu'il est, à ce que nous voudrions qu'il devienne.
Le sport a ceci de merveilleux qu'il autorise tous les styles, les envolées lyriques et l'aridité de la technique, le romanesque et l'extrême précision des données. Cette cohabitation singulière et harmonieuse permet donc au ministre que je suis de changer de registre.
Je change donc de mots, afin de vous parler du mode d'organisation du sport en France, fondée sur l'articulation des missions de l'Etat et du mouvement sportif. Sa situation est absolument originale, notamment si on la compare à celle de nos partenaires européens.
Cette spécificité se définit notamment par les liens de solidarité - un mot emblématique du sport - entre le monde professionnel et le monde amateur. Une solidarité organisée au sein des fédérations dont le rôle est central. Ce lien est également assuré par un financement public important, dans le cadre du Fonds national du développement du sport. Une solidarité renforcée enfin par le rôle déterminant des cadres techniques et des entraîneurs qui contribuent à cette relation humaine étroite entre l'Etat et le mouvement sportif.
Ce modèle spécifique et original, propre à la France et peut-être à l'esprit français, nous voulons le préserver.
Cependant, il est aujourd'hui fragile. Si l'on n'y prend garde, le sport français et son mode d'organisation s'exposent à des évolutions non maîtrisées, en raison des mutations de son environnement économique et international et de sa pratique même. En raison également des exigences légitimes de transparence et d'éthique, qui sont celles de la société toute entière.
Toute institution s'affaiblit quand elle cesse d'être accordée avec les difficultés de l'époque.
Il nous faut éviter deux écueils. Le premier, c'est l'insuffisance de la prise en compte de ces nouveaux enjeux. Le second, c'est la tentation de légiférer et de réglementer sans s'inquiéter, comme ces dernières années, des conditions réelles d'application des textes.
C'est la raison pour laquelle, initiés par le Président de la République et annoncés par le Premier ministre dans son discours de politique générale, les Etats généraux du sport doivent créer les conditions d'un vrai dialogue entre le mouvement sportif, les collectivités locales, les acteurs économiques et l'Etat. Il s'agit d'imaginer et de cerner les évolutions du sport français qui nous permettront de relever ensemble les défis auxquels il est confronté.
Avant de lancer ces Etats généraux, je voudrais vous dire à quel point je fais mienne la volonté de décentralisation du Premier ministre. Vous le savez, aux six groupes de travail nationaux qui débattront de l'avenir du modèle fédéral, du rôle de l'Etat dans le sport, de la place du sport professionnel en France, de la fonction éducative et sociale du sport, du développement du sport et des territoires, du sport et de la santé, s'ajouteront la réflexion et le travail des 26 Etats généraux en régions.
Pourquoi me suis-je senti concerné à ce point par cette décentralisation de la pensée et de l'action ? Parce que le sport a joué un rôle éminent dans l'appropriation par les Français du territoire national. Parce que le sport, ce sont des champions qui passent, qui passent en des endroits et sur des territoires où ils créent de l'épopée et du souvenir, les transformant, pour nous, en lieux de mémoire.
Lorsque nous remettrons nos conclusions, le 8 décembre, nous serons presque dans l'année du centenaire du Tour de France. Longtemps, le Tour nous a appris la géographie : la Casse déserte de l'Izoard, la route de Mende où Laurent JALABERT distança Miguel INDURAIN et réinventa l'épopée en 1995, c'était un 14 juillet. Je me souviens du mont Ventoux cette année apprivoisé par Richard VIRENQUE et Lance AMSTRONG, chacun à sa manière, chacun à son rythme. Avec ces Etats généraux dans toute la France, nous allons faire le tour des idées de la France du sport.
C'est un travail considérable et exaltant. Parce que cette réflexion est aussi un plaisir et une passion, trois ingrédients qui font la richesse du sport et celle des échanges réussis. C'est un travail qui devra aboutir à un véritable diagnostic partagé sur la situation du sport français, ainsi que sur le rôle et les missions de chacun, étant bien entendu qu'un mouvement sportif fort a besoin d'un ministère fort. Et réciproquement.
Ces Etats généraux doivent être également le cadre d'une réflexion sur la meilleure articulation possible des compétences entre l'Etat, les collectivités locales et le mouvement sportif.
Certaines préconisations seront applicables très rapidement, d'autres nécessiteront la poursuite d'une réflexion entre l'Etat et le mouvement sportif, justifiant sans doute des ajustements législatifs ou réglementaires.
J'ai à cet égard une conviction personnelle. Je crois que le temps législatif seul ne convient pas au mouvement sportif. Si l'on s'en tient à cela, on reste loin du compte. Parce que, depuis toujours, le temps du sport est un temps spécifique.
Alors, il nous faut inventer ensemble un temps différent. Celui des idées, du dialogue, de la volonté, de l'ardeur, de l'élan, de l'action. C'est le temps des Etats généraux du sport.
Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs les journalistes, nous sommes, Pierre MAZEAUD, Henri SERANDOUR et moi-même, à votre disposition pour répondre à vos interrogations.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 18 septembre 2002)
Monsieur le Président, cher Henri,
Mesdames, Messieurs,
Nous vous invitons à aborder les Etats généraux du sport avec enthousiasme, passion et volontarisme. Ce n'est pas par hasard, cher Henri, que nous sommes aujourd'hui réunis à la Maison du sport, témoignant ainsi du caractère partenarial de cette initiative.
Permettez-moi tout d'abord un détour personnel.
Je ne voudrais pas ici parler de politique. Je veux parler d'élan.
1958. A la fin du printemps, le général de Gaulle revient au pouvoir. Quelques semaines plus tard, l'équipe de France de football, menée par un homme fameux, Raymond KOPA, termine troisième de la Coupe du monde. Elle ne l'avait jamais fait. Quelques semaines encore et l'équipe de France de rugby, menée par un homme remarquable, Lucien MIAS, domine les Springboks sur leur terre. C'est la première défaite de l'Afrique du Sud chez elle, dans une série de test-matches, depuis la création du jeu.
Quel rapport entre de Gaulle et Kopa, entre de Gaulle et Mias, entre l'histoire de la France et les légendes du sport ? C'est un souffle, un espoir, un élan, qui transforment leur vie en destin. L'idée que c'était possible. L'idée qu'on pouvait changer les choses. L'idée qu'on pouvait gagner ensemble. L'idée qu'on est un grand pays. J'aime cette idée là, celle d'un grand élan collectif. C'est celle qui nous réunit aujourd'hui.
C'est parce que le sport est émotion avant toute chose, et émotion partagée, qu'il est d'une nature différente, qu'il nous fait aller plus loin que nous-mêmes. A condition évidemment, justement, de contrôler nos émotions. D'entrer, en somme, dans un processus de création.
C'est ce que nous vous proposons de faire en réfléchissant ensemble au sport français, à ce qu'il était, à ce qu'il est, à ce que nous voudrions qu'il devienne.
Le sport a ceci de merveilleux qu'il autorise tous les styles, les envolées lyriques et l'aridité de la technique, le romanesque et l'extrême précision des données. Cette cohabitation singulière et harmonieuse permet donc au ministre que je suis de changer de registre.
Je change donc de mots, afin de vous parler du mode d'organisation du sport en France, fondée sur l'articulation des missions de l'Etat et du mouvement sportif. Sa situation est absolument originale, notamment si on la compare à celle de nos partenaires européens.
Cette spécificité se définit notamment par les liens de solidarité - un mot emblématique du sport - entre le monde professionnel et le monde amateur. Une solidarité organisée au sein des fédérations dont le rôle est central. Ce lien est également assuré par un financement public important, dans le cadre du Fonds national du développement du sport. Une solidarité renforcée enfin par le rôle déterminant des cadres techniques et des entraîneurs qui contribuent à cette relation humaine étroite entre l'Etat et le mouvement sportif.
Ce modèle spécifique et original, propre à la France et peut-être à l'esprit français, nous voulons le préserver.
Cependant, il est aujourd'hui fragile. Si l'on n'y prend garde, le sport français et son mode d'organisation s'exposent à des évolutions non maîtrisées, en raison des mutations de son environnement économique et international et de sa pratique même. En raison également des exigences légitimes de transparence et d'éthique, qui sont celles de la société toute entière.
Toute institution s'affaiblit quand elle cesse d'être accordée avec les difficultés de l'époque.
Il nous faut éviter deux écueils. Le premier, c'est l'insuffisance de la prise en compte de ces nouveaux enjeux. Le second, c'est la tentation de légiférer et de réglementer sans s'inquiéter, comme ces dernières années, des conditions réelles d'application des textes.
C'est la raison pour laquelle, initiés par le Président de la République et annoncés par le Premier ministre dans son discours de politique générale, les Etats généraux du sport doivent créer les conditions d'un vrai dialogue entre le mouvement sportif, les collectivités locales, les acteurs économiques et l'Etat. Il s'agit d'imaginer et de cerner les évolutions du sport français qui nous permettront de relever ensemble les défis auxquels il est confronté.
Avant de lancer ces Etats généraux, je voudrais vous dire à quel point je fais mienne la volonté de décentralisation du Premier ministre. Vous le savez, aux six groupes de travail nationaux qui débattront de l'avenir du modèle fédéral, du rôle de l'Etat dans le sport, de la place du sport professionnel en France, de la fonction éducative et sociale du sport, du développement du sport et des territoires, du sport et de la santé, s'ajouteront la réflexion et le travail des 26 Etats généraux en régions.
Pourquoi me suis-je senti concerné à ce point par cette décentralisation de la pensée et de l'action ? Parce que le sport a joué un rôle éminent dans l'appropriation par les Français du territoire national. Parce que le sport, ce sont des champions qui passent, qui passent en des endroits et sur des territoires où ils créent de l'épopée et du souvenir, les transformant, pour nous, en lieux de mémoire.
Lorsque nous remettrons nos conclusions, le 8 décembre, nous serons presque dans l'année du centenaire du Tour de France. Longtemps, le Tour nous a appris la géographie : la Casse déserte de l'Izoard, la route de Mende où Laurent JALABERT distança Miguel INDURAIN et réinventa l'épopée en 1995, c'était un 14 juillet. Je me souviens du mont Ventoux cette année apprivoisé par Richard VIRENQUE et Lance AMSTRONG, chacun à sa manière, chacun à son rythme. Avec ces Etats généraux dans toute la France, nous allons faire le tour des idées de la France du sport.
C'est un travail considérable et exaltant. Parce que cette réflexion est aussi un plaisir et une passion, trois ingrédients qui font la richesse du sport et celle des échanges réussis. C'est un travail qui devra aboutir à un véritable diagnostic partagé sur la situation du sport français, ainsi que sur le rôle et les missions de chacun, étant bien entendu qu'un mouvement sportif fort a besoin d'un ministère fort. Et réciproquement.
Ces Etats généraux doivent être également le cadre d'une réflexion sur la meilleure articulation possible des compétences entre l'Etat, les collectivités locales et le mouvement sportif.
Certaines préconisations seront applicables très rapidement, d'autres nécessiteront la poursuite d'une réflexion entre l'Etat et le mouvement sportif, justifiant sans doute des ajustements législatifs ou réglementaires.
J'ai à cet égard une conviction personnelle. Je crois que le temps législatif seul ne convient pas au mouvement sportif. Si l'on s'en tient à cela, on reste loin du compte. Parce que, depuis toujours, le temps du sport est un temps spécifique.
Alors, il nous faut inventer ensemble un temps différent. Celui des idées, du dialogue, de la volonté, de l'ardeur, de l'élan, de l'action. C'est le temps des Etats généraux du sport.
Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs les journalistes, nous sommes, Pierre MAZEAUD, Henri SERANDOUR et moi-même, à votre disposition pour répondre à vos interrogations.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 18 septembre 2002)