Interview de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, à "BFM radio" le 15 octobre 2002, sur le budget 2003 et les exigences européennes d'équilibre budgétaire, sur l'ouverture du marché français de l'énergie, et sur l'action du gouvernement pour faire face aux plans sociaux annoncés.

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Média : BFM radio

Texte intégral

B. Botella .- L'Assemblée nationale se penche sur le budget 2003 cet après-midi. Le Gouvernement maintient ses prévisions de croissance à 2,5 % l'année prochaine. Certains pourtant parlent de croissance zéro, voire de récession. Qui croire ?
- "Je crois qu'il y a une réalité. C'est vrai que l'Insee tablait sur une forte croissance jusqu'à l'été dernier et puis, elle a revu ses perspectives. La Banque de France a confirmé, en effet, cette révision à la baisse. Ceci étant, je crois, et je persiste à penser, que 2,5 % c'est une bonne référence, parce que c'est à peu près la croissance potentielle de notre économie. Il ne faut pas oublier, en effet, que le socle de croissance de la France, c'est la progression du revenu des ménages et donc la demande des ménages. Les perspectives tablent pour celle-ci autour de 3 %, donc en forte progression. On le voit d'ailleurs lorsque l'on voit des secteurs industriels, comme celui de l'automobile, qui est en train de repartir très fort."
Les signaux que vous recevez pourtant au ministère de l'Industrie sont inquiétants et préoccupants ?
- "Je dirais que certains secteurs, en effet, sont plus en difficultés que d'autres, mais ceci étant, j'observe, par exemple, que les entreprises et les industries sont extrêmement contentes et satisfaites des mesures que notre Gouvernement a prises tout récemment. Des mesures d'ailleurs que nous allons continuer à prendre pour alléger les charges sociales, pour baisser les impôts. Ils ont vraiment le sentiment que nous sommes dans la bonne direction pour une relance de l'économie française."
Mais preuve que le Gouvernement est quand même inquiet, on a prononcé la semaine dernière le mot de "rigueur". Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce que cela implique pour 2003 ?
- "Je suis convaincue que nous pourrons tout à fait concilier les promesses et les engagements que J. Chirac avait pris au cours de sa campagne et je dirais les "nécessités" de Bruxelles, des nécessités européennes qui veulent que nous restions dans un déficit maîtrisé. Tout cela se fera simplement sur la longueur. En cela, d'ailleurs, j'ai été tout à fait satisfaite que la Commission accepte de revoir la date qui avait été fixée justement pour atteindre cet équilibre budgétaire. C'est une bonne mesure, parce qu'il n'y a pas que la France qui est en difficultés."
Justement, vous êtes aussi ancienne présidente du Parlement européen et vous êtes une européenne convaincue. Qu'est-ce que cela vous fait lorsque vous entendez la Commission européenne montrer du doigt la France et dire : "Vous êtes la seule à ne pas vouloir baisser votre déficit en 2003 et vous mettez en péril le Pacte de stabilité" ?
- "Non, la Commission européenne n'a pas dit les choses comme ça. Je dirais qu'en tant qu'européenne convaincue, j'ai toujours regretté que l'on oublie que le Pacte de stabilité était aussi le Pacte de stabilité et de croissance. L'un des volets n'allait pas sans l'autre. Il y avait vraiment un lien très fort. La France met plus l'accent sur la croissance. La Commission est tout à fait dans son devoir et sa responsabilité quand elle rappelle à l'ordre ceux qui pourraient donner le sentiment qu'ils ne sont pas dans la bonne direction. Mais je crois que tout cela pourra tout à fait se concilier. Nous pourrons concilier à la fois nos exigences françaises et nos exigences européennes."
Regrettez-vous aussi la frilosité de la Banque centrale européenne ? Parce que vous parlez de la consommation qu'il faut maintenir forte, mais il y a aussi l'investissement. Est-ce que les taux d'intérêts en Europe ne sont pas trop élevés ?
- "En effet, j'aurai souhaité certainement une autre décision de la Banque centrale européenne. Maintenant, ceci étant, je ne crois pas que cela aurait changé fondamentalement les choses finalement. Il y a des phénomènes profonds. Il ne faut pas oublier aussi, tout de même, le contexte militaire, géopolitique et le contexte boursier. Je dirais qu'une levée rapide des incertitudes doperait la croissance, chacun le sait. Ces éléments extérieurs sont également très forts."
Après avoir fait la sourde oreille, la France décide enfin, semble-t-il, à ouvrir son marché de l'énergie, puisque le Sénat, cet après-midi, se penche sur la transposition de la directive européenne sur le gaz. La semaine dernière, vous avez fait un pas vers l'ouverture de la totalité du marché de l'électricité. Ca y est, la France s'ouvre enfin ?
- "Absolument vous avez dit "semble-t-il " et il semble bien, c'est en effet l'objectif que nous partageons avec nos partenaires européens. Nous pensons que c'est tout à fait important de libéraliser le marché de l'énergie et, effectivement, le premier acte que je vais poser, dans quelques instants, au Sénat, va être de soumettre un projet de loi pour transposer la directive gaz et ensuite, nous procéderons aux autres états."
Mais est-ce que vous comprenez l'agacement de nos autres partenaires face à EDF, qui mène à la fois une politique expansionniste et qui en même temps profite de son statut d'entreprise publique et d'une situation de quasi monopole ? Cela a de quoi agacer ?
- "Je connais cet agacement, maintenant, il ne faut pas, pour bien cerner la réalité des choses, oublier que dans les faits, le marché français est beaucoup plus ouvert que certains marchés européens. Ce n'est pas le moindre des paradoxes. Finalement, beaucoup de nos partenaires qui, juridiquement, ont ouvert leur marché, dans les faits continuent à avoir une politique qui est une politique qui est extrêmement fermée. Tout cela, il faut que nous en parlions, je dirais "gentiment" et dans un esprit de solidarité et dans l'esprit qu'on ne doit pas se tirer une balle dans le pied. Finalement, nous devrions mettre en place une stratégie industrielle européenne. Je l'appelle de mes voeux. Nous en avons beaucoup parlé au dernier conseil de compétitivité à Liborg. D'ailleurs, je me réjouis infiniment que le conseil ait créé cette nouvelle structure, ce conseil compétitivité qui, si nous donnons toute sa force à ce mot, je pense que nous irons certainement vers une dynamique européenne très forte et très souhaitable."
Un mot sur France Télécom. A. Lambert, ce matin, dans Les Echos, évoque l'idée d'une structure intermédiaire pour remettre à flots l'entreprise. C'est une idée comme cela ou c'est déjà un projet gouvernemental ?
- "C'est une des pistes. Il n'y a pas de projet gouvernemental, mais une recherche des meilleures solutions. Laissons T. Breton à son affaire. Je suis convaincue qu'en concertation avec nous bien sûr, il trouvera les meilleures solutions qui permettront de redresser France Télécom. Vraiment, c'est l'objectif fondamental."
On parlait de la conjoncture inquiétante et on annonce une vague de plans sociaux dans les prochains mois. Cela a une conséquence directe sur l'emploi et sur le niveau du chômage. Que peut faire le Gouvernement en amont pour prévenir ces plans sociaux ? Et doit-il faire quelque chose ?
- "Je crois que ce que le Gouvernement doit faire - et ce que je m'emploie à faire -, c'est renforcer l'attractivité justement du territoire français, renforcer la compétitivité des industries par un certain nombre de mesures concrètes, de mesures qui sont très attendues. Malheureusement, cela ne peut pas se faire en deux minutes."
On parle des emplois actuels.
- "Tout à fait. Il y a, à la fois, des actions très en amont. D'ailleurs, dans mon cabinet j'ai souhaité qu'il y ait une personne, un conseiller particulièrement compétent et qui, justement, en quelque sorte est chargé de gérer le plus en amont possible ces crises, de voir comment nous pouvons revitaliser les territoires qui sont les plus fragilisés, créer de nouvelles entreprises. Par exemple à Toulouse, avec Total-Elf Fina, nous travaillons très activement, pour faire en sorte que les dégâts soient les moins graves possibles pour les emplois, pour les personnes concernées. Je peux vous dire que nous y sommes très attentifs. Bien sûr, tout cela doit se faire évidemment en étroite concertation avec les salariés eux-mêmes. Il y a vraiment un dialogue social qui doit être d'une qualité particulière, pour que les personnes qui sont touchées par ces situations sachent que nous sommes vraiment avec elles, que nous voulons les soutenir et les aider. Et puisque nous avons cette volonté, eh bien, nous le ferons."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 octobre 2002)