Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, le temps d'un déjeuner, et je voudrais remercier Daniel Bouton de l'occasion qu'il m'offre d'exprimer devant une telle assemblée la politique de notre gouvernement en matière de finances publiques. Je suis venu pour parler, naturellement, mais aussi pour écouter et dialoguer, afin que ce déjeuner soit un temps d'échange véritable. Je m'efforcerai de vous rappeler aussi brièvement que possible, en guise d'introduction notre stratégie budgétaire et nos choix fiscaux.
1/ Notre stratégie budgétaire est fondée sur le respect de nos engagements et l'objectif - je dirais même l'obsession - d'assurer la soutenabilité à long terme des finances publiques
Cette stratégie a 4 caractéristiques :
Elle est globale, non seulement parce qu'elle prend en compte l'ensemble des comptes des administrations publiques mais parce qu'elle intègre dans une vision dynamique à la fois les contraintes et les marges de manoeuvre propres à chaque catégorie de collectivités - État, organismes sociaux, collectivités locales - pour pondérer leurs efforts relatifs et en déduire une trajectoire optimale d'assainissement.
Elle est ambitieuse parce que l'objectif premier de la politique économique du Gouvernement est de rétablir une croissance forte et durable de l'activité et de l'emploi, en menant de front la baisse des prélèvements obligatoires, la réduction du déficit public et les réformes de structure nécessaires pour restaurer l'initiative et la soutenabilité à long terme de nos comptes publics.
Elle est réaliste par le rythme de réduction des déficits retenu (0,5 point de PIB par an à partir de 2004 pour le déficit structurel) et par l'ancrage de l'effort d'assainissement (effort prioritaire sur l'État, grâce à une maîtrise des dépenses adossée à de vraies réformes).
Elle repose enfin sur la re-création d'un lien de confiance entre les français et leurs comptes publics. Par toute une série de mesures prises depuis que je suis arrivé au ministère du budget, j'ai souhaité infléchir une pratique des pouvoirs publics qui ne permettait plus aux observateurs d'avoirs des repères satisfaisants. Les comptes publics s'avéraient souvent en décalage ex post avec les affichages initiaux. Je crois que nous allons arriver à casser la spirale du " mensonge budgétaire " grâce notamment à deux mesures prises depuis 6 mois :
- mise en place rapport sur l'exécution budgétaire en milieu d'année,
- recalage des recettes de l'État en loi de finances rectificative avec coordination sur la loi de finances de l'année suivante.
En tant qu'ancien directeur du budget, Daniel Bouton connaît l'importance de ce type de mesures, apparemment techniques.
Concrètement, comment comptons-nous mettre en oeuvre cette stratégie ?
Comme vous le savez, nous avons trouvé à notre arrivée une situation budgétaire très dégradée que je rappelle. Le déficit 2002 sera le double en exécution de ce qui était prévu en LFI. Le déficit public structurel, calculé selon la méthode de la Commission, est ainsi passé de 1 % en 1999 à 2,1 % du PIB en 2002.
Redresser la situation suppose de substituer un pilotage rigoureux par la norme de dépense au pilotage par le seul déficit, qui était insuffisant en phase de haute conjoncture. La seule manière de financer durablement la réduction du déficit et la politique de baisse des impôts et charges prévues sur la nouvelle législature est en effet de respecter une norme de progression des dépenses publiques inférieure à la croissance économique. Nous nous fixons dans notre programmation pluriannuelle une norme de hausse des dépenses de 1,3 % en volume pour les années 2004-2006, soit 1,5 point de moins que l'objectif moyen de croissance pour cette période et un point de moins que l'évolution des dépenses entre 1998 et 2002. Dans un premier temps, en 2003, il a fallu stopper la dérive en veillant à ne pas fragiliser le scénario de reprise économique attendu. Le budget 2003 représente une réduction de 0,6 % des dépenses de l'État par rapport à l'exécution 2002 tandis que le PLFSS programme un freinage significatif des dépenses d'assurance maladie (3,8 % en volume contre plus de 5 % cette année), grâce à une première étape de rationalisation de la dépense de médicaments et de contrôle médicalisé des soins de ville et hospitaliers. Pour l'avenir, le principal effort portera sur l'État, puisque les dépenses locales devraient rester dynamiques (autour de 2 %) compte tenu de la montée en charge de l'APA et de leurs besoins en investissement ; s'agissant de l'assurance maladie, l'objectif est que ses dépenses progressent au même rythme que ses ressources (2,5 % en volume) grâce à l'amélioration des mécanismes de régulation du système de soins. J'insiste sur cette rupture majeure par rapport aux précédents exercices de programmation pluriannuelle qui sous-estimaient systématiquement le dynamisme des dépenses de maladie et retardaient de ce fait l'effort à réaliser sur les dépenses de l'État.
Une importante revue des programmes d'intervention et d'investissement de l'État sera menée dès 2003 pour réaliser les redéploiements nécessaires. A cet effet, j'ai souhaité réformer la procédure interne de préparation du budget au sein du Gouvernement à. Elle commencera dès janvier au niveau ministériel, ce qui est une petite révolution car nous avançons de 5 mois notre procédure budgétaire. Ceux-ci porteront leurs fruits de manière progressive et croissante sur 2004-2006, parallèlement à la mise en uvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Une stratégie pluriannuelle de réforme des ministères sera élaborée par chaque ministre et présentée au Parlement avant la fin de l'année 2003.
Au total, le poids des dépenses publiques devrait diminuer de 0,5 point de PIB en 2003, après être resté stable entre 1998 et 2002. Cette baisse se poursuivra sur 2004-2006, à hauteur de 1,8 point de PIB dans le scénario à 2,5 % de croissance, et de 2,5 points de PIB dans celui à 3 %. Ces marges de manuvre structurelles permettront de financer la politique de baisse des impôts et charges du Gouvernement (9 à 13 Md venant s'ajouter aux 6 Md déjà décidés pour 2002 et 2003 depuis notre arrivée) ainsi que la réduction du déficit public.
Avant de détailler notre stratégie fiscale, je voudrais dire quelques mots sur l'optique dans laquelle nous poursuivons notre programme d'assainissement et le rythme que nous avons retenu. Le retour à une situation de quasi équilibre en 2006 est nécessaire pour la soutenabilité à long terme des finances publiques. Il faut en effet absorber le choc démographique sans hausse brutale des prélèvements obligatoires, alors que l'impasse de financement prévue à l'horizon 2040 est estimée entre 4 et 6 points de PIB par an en absence de réforme de nos systèmes de retraite et de santé. C'est pourquoi nos efforts portent de manière conjointe sur deux axes : une réforme des régimes de retraite par répartition, dont les paramètres actuels ne garantissent pas leur pérennité à l'horizon 2040-2050 ; une politique de désendettement rapide, qui permettra également de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires grâce à la réduction des charges d'intérêt.
S'agissant du rythme de cet assainissement, je voudrais dissiper un malentendu. Il n'y a pas de relâchement de l'effort français, bien au contraire. Il s'agit d'un décalage lié d'une part au retournement de la conjoncture en 2002 et d'autre part au fait que la trajectoire du précédent gouvernement ne reposait sur aucun mécanisme sérieux de régulation des dépenses. Ce sont ces mécanismes que nous devons construire, sans mettre en danger la croissance et sans brusquer le corps social.
L'année 2003 marque déjà une rupture. Le poids des dépenses publiques diminue de 0,6 point de PIB. Quant à l'effort de réduction sur 2004-2006, il est accentué par rapport aux prévisions précédentes (ce qui est normal puisqu'on part d'une situation plus dégradée) et se fait à un rythme conforme à celui que propose la Commission. Le déficit public serait ainsi ramené à 1 % du PIB en 2006 dans le scénario à 2,5 % de croissance.
J'en viens maintenant à notre stratégie fiscale, en rupture par rapport à celle de nos prédécesseurs, non seulement parce que les choix diffèrent, mais parce que la conception qui inspire ces baisses est radicalement autre :
1°) elles sont intégralement gagées sur des économies (y compris l'allégement de 5 % de l'IR dès 2002 qui est compensé par des annulations d'un même montant en collectif de fin d'année) ;
2°) elles sont vertueuses parce qu'elles exercent un effet cliquet à la baisse sur le poids de la dépense publique et qu'elles permettent de réunir un consensus politique sur la nécessité de réduire à la fois les dépenses et le déficit.
2/ Notre stratégie fiscale vise à encourager l'emploi et l'initiative et à restaurer l'attractivité de la France
Le constat est aujourd'hui clairement établi. Le niveau des prélèvements obligatoires est en France supérieur de 8 points de PIB à la moyenne de l'OCDE, en raison des choix effectués en matière de protection sociale mais aussi en raison du coût élevé de nos services publics. Par ailleurs, la hausse des prélèvements s'est concentrée depuis deux décennies sur le facteur travail, ce qui a pesé sur le chômage structurel et la compétitivité de l'économie française. Enfin, les prélèvements obligatoires sont trop complexes et éparpillés : à titre d'exemple, 95 % des impôts et taxes rapportent seulement 20 % du produit total.
La stratégie du Gouvernement en matière de prélèvements poursuit donc deux objectifs : d'une part, favoriser l'emploi et l'initiative, d'autre part renforcer l'attractivité de la France. Les axes de réforme retenus sur la nouvelle législature sont la baisse des impôts et charges et la simplification de notre système de prélèvements.
Le deuxième semestre 2002 et l'année 2003 constituent de ce point de vue une phase de transition pour mettre en place les conditions d'une plus forte mobilisation de la main d'oeuvre et encourager l'initiative : allégement de 6 points du barème de l'IR (le taux marginal supérieur passant pour la première fois en-dessous de 50 %), assouplissement des 35 heures et sortie par le haut des SMIC multiples, compensés par une baisse de charges dégressives sur les bas salaires, incitations ciblées sur les jeunes par la voie d'exonérations de charges pour les moins de 22 ans sans qualifications, et incitation au retour à l'emploi pour les travailleurs à temps partiel (revalorisation de la PPE), suppression de la part salariale résiduelle dans la taxe professionnelle. L'effort d'allégement des prélèvements est concentré sur le facteur travail. Il est réparti de manière égale entre les ménages et les entreprises.
Cette stratégie ciblée sera poursuivie sur les années 2004 et suivantes, avec des baisses de charges et d'impôts ciblées sur l'emploi et l'initiative, de façon à renforcer notre potentiel de croissance. Le programme de stabilité prévoit ainsi 9 Md d'allégements sur trois ans dans le scénario à 2,5 % de croissance, et 13 Md avec 3 % de croissance. Ces baisses s'ajouteront aux 6 Md d'allégements réalisés sur 2002-2003.
La simplification de notre système de prélèvements contribuera à renforcer l'attractivité de la France, grâce à la suppression de petites taxes obsolètes, la simplification des textes afin de rendre la loi fiscale plus lisible, plus stable et compréhensible.
Au-delà, nous réfléchissons à 3 chantiers majeurs de réforme dont je me limiterai à vous donner les têtes de chapitre :
- La fiscalité locale en lien avec la décentralisation
- La fiscalité de l'épargne et du patrimoine (avec en particulier une réflexion sur l'ISF et ses effets sur l'emploi d'une part ainsi que sur la fiscalité des successions)
- La fiscalité spécifique pour les salariés mobiles et à haut revenu (dans la suite des rapports Charzat et autres)
En conclusion
L'ensemble de notre action repose sur une conviction : cette stratégie de finances publiques doit favoriser le vrai moteur de la croissance économique, celui qui permet d'investir : la confiance. Confiance dans les comptes qui doivent eux même marquer une tendance à la baisses des prélèvements, pour libérer les énergies.
S'agissant des baisses d'impôts, qui ne seront possibles, mais surtout crédibles qu'à la condition qu'elles reposent sur des baisses effectives de dépenses, il ne s'agit pas de s'engager dans une stratégie de moins-disant fiscal mais de répondre aux efforts déjà réalisés par nos partenaires, qui sont confrontés aux mêmes problèmes (déclin de la croissance potentielle avec la réduction de la population active et nécessité de sauvegarder notre modèle de protection sociale ; concurrence entre pays au sein d'un même espace économique et entre l'Europe et les autres zones économiques dans un contexte de mobilité totale des capitaux et de mobilité croissante du travail qualifié, c'est-à-dire du capital humain).
Comme vous le voyez, le Gouvernement s'engage dans une stratégie de long terme qui vise à permettre que la France reste un pays ou il fasse bon investir, créer de la richesse et développer la prospérité de nos concitoyens.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 11 décembre 2002)