Intervention de Gilles de Robien, ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, vice-président de l'UDF, sur le rôle et la place de son mouvement au sein de la majorité présidentielle, à Issy-les-Moulineaux le 20 octobre 2002.

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Circonstance : Conseil national de l'UDF à Issy-les-Moulineaux le 20 octobre 2002

Texte intégral

Mes chers amis,
Vous avez passé, 24 heures pour certains, une matinée pour d'autres à travailler à l'avenir de la France, à l'avenir de l'UDF. Je vous dis bravo, c'est le Conseil national des retrouvailles, de l'amitié et de la fidélité.
La première évidence est que si nous sommes là, c'est que nous existons toujours et nous existons de plus en plus fort. Les années qui viennent montreront aux yeux de la France entière que l'UDF, existe, se renforce et que nous sommes indispensables à la vie politique pour la France.
Si nous existons, c'est à François que nous le devons. Si nous existons toujours, François, merci, c'est grâce à toi.
Le 21 avril, je le dis et je l'ai dit aux jeunes, si Le Pen n'est pas arrivé en tête, encore une fois, merci François. !
Il y avait une telle déception chez les citoyens, une telle rancune par rapport à la politique en général, que si la candidature de François Bayrou n 'avait pas été aussi affirmée et aussi ferme, je suis persuadé que Le Pen serait arrivé en tête, ce qui aurait été un désastre national. Merci François !
Aujourd'hui, nous sommes au mois d'octobre et malgré quelques départs que nous déplorons tous, bien sûr, je sens comme une nouvelle fraîcheur au sein de l'UDF. Pas la fraîcheur qui fait trembler de froid, mais une fraîcheur qui vient de la jeunesse qui arrive, comme une sorte de nouvelle respiration militante. A quelques notables partis, nous saurons substituer la jeunesse d'une nouvelle génération généreuse et passionnée pour la vie politique.
Le peuple a tranché et pour 5 ans il y a un Président. Ce n'est pas Jospin ce n'est pas Le Pen, ouf ! Ce n'est pas encore François Dont acte. Pas encore.
Le peuple à tranché et pour 5 ans, Jacques Chirac est notre Président et pour 5 ans il y a une majorité.
Jacques Chirac est notre président parce que nous sommes respectueux de la démocratie et pendant 5 ans, il n'y a pas d'élection présidentielle, il n'y a pas d'élections législatives, sauf accident que nous ne souhaitons pas. Parce que si accident il y a, la preuve est déjà faite, elle a été faite il n'y a pas si longtemps, c'est pour la gauche ou les extrêmes de tous poils. Nous n'en voulons évidemment pas pour la France.
Nous avons donc, pour la France, le devoir de faire réussir cette majorité.
Nous avons même le devoir de la faire réussir parfois même, et nous le verrons au cours des années qui viennent, contre elle-même.
Où sommes-nous ? C'est la question que beaucoup se posent.
J'entends les gens , ici et là, dans les comités, dans la rue : " alors où est-ce que vous êtes maintenant ? Vous êtes dans la majorité ou dans l'opposition ? " Nous sommes clairement dans la majorité, bien entendu.
On ne peut pas avoir un pied dans la majorité et un pied dans l'opposition, cela n'a aucun sens. C'est comme cela que l'on se fait des entorses parfois douloureuses et mêmes mortelles et ce serait incompréhensible que nous ne soyons pas dans cette majorité.
Mais, aujourd'hui cette majorité, même si nous sommes insuffisamment entendus, officiellement, je crois en réalité, que nous sommes très écoutés et je vais vous en apporter trois preuves.
La première preuve, c'est le programme de François Bayrou qui fait aujourd'hui la popularité de la majorité.
Certes, c'est vrai, la personnalité du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin y est pour quelque chose de très important. Il n'empêche ; je vous donnerai trois exemples :
Qui a commencé à parler et à donner des solutions pour lutter contre l'illettrisme ? François !
Qui a donné la priorité à la lutte contre l'illettrisme ? François Bayrou!
Qui a donné la priorité à la lutte contre le chômage, par la baisse des charges sociales sur les salaires et notamment les petits emplois ? François Bayrou.
Et puis, qui a, tout au long de la campagne présidentielle parlait de la lutte contre l'insécurité et aussi l'insécurité routière ? C'est la lutte contre l'amnistie qui a popularisé aussi François Bayrou et la majorité d'aujourd'hui, c'est encore François.
Sur chacun de ces sujets, l'UDF a encore, y compris sur l'insécurité, sur la lutte contre le chômage, sur la lutte contre l'illettrisme, j'en suis persuadé, encore des choses à dire.
Si c'est le programme de François Bayrou qui fait le succès actuel de la majorité, c'est parce que, seule l'UDF pouvait générer, à travers son candidat, des messages vraiment nouveaux, vraiment forts qui ont été entendus des citoyens.
Imaginez un instant que le parti unique avant les élections existât ou qu'il y ait un candidat unique pour notre majorité. La vie politique française aurait perdu cette valeur ajoutée considérable qu'a consisté la candidature de François Bayrou, soutenu par l'UDF.
Si nous avons été entendus, la question qui se pose est : est-ce que nous sommes écoutés ?
Etre entendu et écouté, ce n'est pas tout à fait la même chose.
Nous avons aujourd'hui trois grands chantiers pour être écouté, mais vraiment écouté, nous, UDF et si on s'appuie sur nous, l'UDF.
Le premier grand chantier, quel que soit l'issue du référendum irlandais, - dont on nous dit qu'il est très probablement positif, Dieu merci, et nous nous en réjouissons - quelle que soit l'architecture de l'élargissement de la configuration européenne demain, je le dis avec beaucoup de tristesse et beaucoup d'autres que moi pourraient le dire, l'Europe aujourd'hui est en panne.
Une illustration : la France aujourd'hui est contrainte d'augmenter considérablement ses efforts de la défense (le budget de la défense 2003 le montrera bien sûr et Charles Amédée de Courson nous le démontrera). Si les contribuables français sont obligés de faire des efforts pour la défense de la France, c'est parce qu'il n'y a pas encore de volonté vraiment politique commune pour avoir une défense européenne.
C'est parce que notre famille, même minoritaire existe, que l'Europe a commencé.
Un exemple qui m'a énormément touché il y a 15 jours.
J'avais la chance et l'honneur d'inaugurer un nouveau pont au sud de Strasbourg... Il s'appelle " Pont Pierre Pflimlin ".
Vous savez l'émotion que l'on peut éprouver. J'ai d'ailleurs gardé à Amiens soigneusement dans mon bureau les deux rubans, allemand et français, que nous avons coupés l'un et l'autre, le ministre président du land et moi-même en tant que ministre des transports.
Quelle émotion que de voir ces centaines de jeunes enfants qui célébraient en chantant, en allemand et en français, l'ouverture de cette belle liaison au-dessus du Rhin !
Ce pont Pierre Pflimlin est un bel exemple. Cela montre combien notre famille est, bien sûr, volontariste et a toujours porté la construction européenne. Ne cessons pas de porter ce message. Qu'il soit entendu et appliqué, en partie, par d'autres à moins d'importance. L'essentiel c'est que l'Europe avance. Aujourd'hui il faut le remarquer, elle est en panne.
Deuxième chantier. Puisque le Premier ministre lance les assises des libertés locales, nous devons faire entendre notre voix pour la décentralisation. C'est le moment.
Le chantier est commencé. Cela va durer quelque semaines ou quelques mois avant que les premières lois arrivent, des lois d'application et d'expérimentation.
Il faut absolument, je vous en supplie, éviter que cette décentralisation soit une décentralisation-complication, mais que ce soit une vraie décentralisation-simplification, tout simplement pour que les citoyens y comprennent quelque chose ; qu'en comprenant quelque chose ils participent à la vie publique et qu'ils soient vraiment les acteurs de cette décentralisation. C'est à nous de porter ce message de participation.
Souvenons-nous que ce n'est pas acquis d'avance.
Souvenons-nous que dans la première série de transferts aux collectivités locales, c'est la droite qui a voté contre. Aujourd'hui, nous nous engageons dans cette deuxième phase de décentralisation très volontariste, je l'espère. C'est à l'UDF de porter ce message ; c'est à l'UDF de faire de la pédagogie et il nous appartient d'être les grands décentralisateurs et d'être écoutés sur ce sujet.
Le troisième chantier évidemment, c'est celui du partenariat social et le Premier ministre parle du dialogue social et du contrat.
C'est bien, mais c'est aussi à inclure dans les faits, dans les gestes et dans la culture française. Aujourd'hui, le contrat et le dialogue social ne font pas partie intrinsèquement de notre culture du dialogue social. C'est ce chantier qui a manqué dans les années 1995 1997 et qui a fait échoué en 1997 l'ancien gouvernement.
Le Premier ministre, n'en doutons pas, est un homme de dialogue, il le démontre, c'est dans sa nature, reconnaissons-le. Il a besoin d'aide pour réussir cette démarche. Il doit pouvoir compter sur l'UDF pour changer la culture française et avoir une culture de dialogue et de contrat. Ce sera très difficile.
Souvenez-vous du discours de politique générale de Jean-Pierre Raffarin.
Il a occupé au moins 10 minutes à donner sa version du contrat, du dialogue et de la concertation. C'était parfait.
Avant hier - je ne veux absolument pas porter de jugement là-dessus parce qu'il y a en France une séparation entre l'exécutif et le législatif - 140 parlementaires UMP ont fait une proposition de loi exactement contraire, à la ligne de Jean-Pierre Raffarin.
Jean-Pierre Raffarin disait : il faut que la continuité du service public soit assuré avec le dialogue, avec la concertation, aboutir à des contrats entreprise par entreprise pour que le service public soit maintenu. De mon côté, en tant que ministre des transports, j'avais fait passer ce message à la SNCF qui s'était mis au travail. Dès cet été, le président Gallois avait réuni les partenaires sociaux pour essayer de repousser la conflictualité comme dernière étape d'une négociation qui aurait échoué.
Brutalement, jeudi dernier, 140 parlementaires ont déposé une proposition de loi pour dire : le droit de grève on le reconnaît. Mais de 10 h à 17 h, il n'y aura plus de droit de grève. C'est justement la méthode inverse que celle qui était annoncée par Jean-Pierre Raffarin. Cela nous a mis dans un embarras épouvantable.
J'ai reçu évidemment au ministère des appels des syndicats disant : mais on ne comprend plus rien ? C'est vous qui envoyez cette proposition, vous dites par devant que l'on doit négocier et, par derrière vous faites faire une proposition de loi par vos amis.
J'ai été obligé de reconnaître que c'était une initiative parlementaire que je respectais mais qui allait à contresens des consignes données par le Premier ministre lui-même.
Contrat ou contrainte ? Nous, UDF, avons choisi, c'est le contrat. Le Premier ministre a choisi, c'est le contrat. Aujourd'hui, nous avons à adopter cette méthode.
Aidons Jean-Pierre Raffarin à faire triompher le dialogue et la concertation, à éviter les blocages de décembre 1996 qui ont abouti à la dissolution de 1997.
C'est par des règles contractuelles que les conflits baisseront. Notre ligne à l'UDF, c'est le contrat avec les partenaires sociaux. Notre ligne à l'UDF, c'est le respect réciproque entre partenaires, cela doit être notre culture.
Vous voyez, l'Europe c'est sérieux. La décentralisation justifiée, simplifiée, c'est un deuxième sujet sérieux. Le dialogue social par le contrat entre partenaires de bonne volonté, c'est encore une fois quelque chose d'absolument indispensable dans notre pays.
L'UDF possède cette triple culture, c'est vraiment dans nos gènes politiques.
Vous voyez que, sur un plan mathématique, le Premier ministre n'a pas peut-être besoin de nous. Mais la politique, ce n'est pas des mathématiques et, sur le plan pédagogique, il doit s'appuyer sur nous, sur notre famille, sans chercher, ni à la diluer, ni à la négliger.
Si notre famille n'existait pas, ce qui n'est pas le cas, en tout cas elle manquerait dans la bonne gouvernance.
Elle manquerait tout simplement à la France.

(source http://www.udf.org, le 25 octobre 2002)