Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre Assemblée est indissociable de la politique économique et sociale du Gouvernement pour relancer la croissance et l'emploi.
Je dirai même qu'il en est à bien des égards la clef de voûte.
Voici près de deux ans que la croissance s'est ralentie. Depuis maintenant un an, le chômage n'a cessé d'augmenter. L'emploi a désormais repris la première place dans les préoccupations des Français, devant l'insécurité.
La morosité de la conjoncture internationale y est certes pour beaucoup, mais il existe dans notre pays bien des blocages qui expliquent nos difficultés. Pour ceux d'entre nous qui avons la lucidité de voir les choses en face, quelle que soit leur appartenance politique, c'est bien la convergence de ces blocages qui explique le choc électoral du 21 avril dernier.
Une fois encore, les Français nous confient les responsabilités au moment où le redressement s'impose.
C'est pourquoi ma première exigence est de tout faire pour répondre aux trois facteurs qui sont à la source du malaise économique et social français :
1er facteur : l'absence d'un dialogue social constructif comme préalable à toute réforme. On a cru pouvoir imposer et imposer encore sans concertation réelle. Il en est résulté un état incontestable de doute et de crispation du corps social ;
2e facteur : la rigidité de notre organisation du travail, symbolisée par l'impact économique et culturel de l'instauration forcée des 35 heures. Il en est résulté une dépréciation sans précédent du travail comme valeur sociale. En France, il est devenu presque anachronique d'afficher sa volonté de se dépasser ; il est presque devenu indécent d'appeler à se " retrousser les manches " ;
3e facteur, enfin : la stagnation des bas salaires qui est une injustice sociale pour les Français les plus modestes. Stagnation aggravée par l'effet des lois sur la réduction du temps de travail qui ont affaibli, avec la multiplication des SMIC, le rôle de référent du salaire minimum.
Les salariés modestes ont vu leur pouvoir d'achat stagner depuis 3 ans, quand les cadres voyaient le leur croître.
Ces trois facteurs ont bloqué notre pacte économique et social.
Ils pèsent clairement sur l'emploi.
Les leçons du passé ont appris la modestie aux gouvernants. Je veux croire que personne dans cet hémicycle ne s'en tiendra dans la période difficile où nous sommes au discours simpliste consistant à réduire la politique de l'emploi à la réduction du temps de travail et la création d'emplois aidés dans le secteur public.
Cette politique n'a pas réussi.
Sinon comment expliquer que la France qui est le seul pays européen à avoir fait ces choix se situe au 12° rang parmi les pays de l'Union pour ses performances en matière d'emploi.
Les 35 heures ont contribué à dégrader la compétitivité internationale des entreprises françaises.
Elles ont limité leur capacité à réagir à la demande.
Elles ont accru le volume des importations pour compenser les déficiences de la production nationale.
Elles ont affaibli l'attractivité de notre territoire.
Aucun autre pays n'a suivi la voie des 35 heures, quelle que soit son inspiration politique. Mesurons donc bien les risques immenses que prendrait notre pays à s'enfermer dans une application dogmatique des 35 heures.
Regardons enfin la réalité en face : La réduction uniforme et obligatoire du temps de travail, sans discernement et sans contrepartie, rend inévitable la diminution de la richesse nationale qui peut être répartie entre les Français.
Alors que la conjoncture mondiale s'assombrit, alors que l'économie internationale est en passe de franchir une nouvelle mutation avec l'entrée de la Chine à l'OMC, alors que l'élargissement lance un nouveau défi à nos entreprises la réforme s'impose.
C'est dire combien créer les conditions de la confiance indispensable à la relance, est tout l'objectif de la politique économique et sociale du Gouvernement.
Nous relançons la demande par le pouvoir d'achat, particulièrement celui des bas salaires avec la prime pour l'emploi élargie au temps partiel, la baisse de l'impôt et une augmentation sans précédent des SMIC.
Nous relançons l'offre en libérant les énergies du secteur marchand par la baisse des charges, par l'assouplissement du temps de travail, par les nouveaux contrats jeunes en entreprise.
Nous relançons le dialogue pour décrisper le corps social et dynamiser la création d'emplois durables.
Réhabiliter en France la valeur du travail, c'est toute notre philosophie.
En soumettant à votre Assemblée ce projet de loi sur les salaires, le temps de travail et le développement de l'emploi, le Gouvernement ne met pas seulement en oeuvre les engagements électoraux du Président de la République et de la majorité.
Nous avons choisi d'agir dans un même élan pour débloquer les trois facteurs qui sont au coeur du malaise économique et social que nous traversons, ces trois facteurs qui ont entravé le travail en France depuis cinq ans.
Hausse rapide des bas salaires par harmonisation des SMIC, assouplissement des 35 heures, amplification de la baisse des charges destinée maîtriser le coût du travail : voilà le schéma volontariste que nous vous proposons.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le débat que nous engageons aujourd'hui dépasse la seule question de la durée du travail : il s'agit de l'esprit même de la politique globale du Gouvernement au service de la croissance et de l'emploi.
Si je tiens à replacer ce débat au centre de notre projet économique, c'est que je me souviens combien la réduction autoritaire de la durée du travail avait donné lieu, ici même, à bien des caricatures. On nous rejouait les débats du XIXe siècle ou de Juin 1936. On invoquait le travail des enfants, la conquête des congés payés ou encore, je cite, "les plus belles heures des luttes sociales de notre pays".
Je me contenterai, pour ma part, de vous présenter un projet pragmatique qui cherche à répondre à la réalité de l'économie mondiale, aux besoins de nos entreprises et aux aspirations de leurs salariés.
Bref, je vous présente une loi du XXIe siècle.
Ma méthode, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier Ministre, a été de renouer intensément le dialogue autour de ce projet. J'avais mon cap, mais contrairement aux pratiques en vigueur ces dernières années, j'ai écouté.
Je fais confiance aux partenaires sociaux.
C'était déjà la méthode privilégiée avec la loi relative au contrat jeune en entreprise qui leur donne volontairement des espaces de négociation. Nous rejoignons l'esprit de la politique qui nous anime, consistant à fixer le cap par la loi pour élargir le champ de la négociation dans les branches et les entreprises.
Nous voulons mettre les Français et les corps intermédiaires en situation de mouvement et de proposition. La France d'aujourd'hui ne peut plus être gouvernée comme celle d'hier, de façon uniforme, sans considération pour la réalité complexe et mouvante des situations économiques et sociales.
C'est par cet impératif de concertation que je me suis efforcé de saisir le fil de l'intérêt général.
De nombreuses observations et préoccupations énoncées par les partenaires sociaux ont été prises en compte. Derrière le mur apparent des critiques avancées ici ou là, nul ne doit se tromper sur le diagnostic établi par la majorité d'entre eux sur le dossier mal ficelé des 35 heures et sur celui, indéchiffrable et inéquitable, des multismic.
Mon projet a pour objet de rebattre les cartes.
Il est équilibré.
Il respecte les intérêts des entreprises et ceux des salariés.
Bref, il est, selon moi, conforme à l'intérêt national.
Le projet de loi qui vous est soumis comprend trois parties. D'abord l'augmentation des SMIC et le retour rapide à un seul SMIC, ensuite les modalités d'assouplissement des 35 heures offertes à la négociation des acteurs sociaux, et enfin un nouveau dispositif d'allégement de cotisations destiné à promouvoir l'emploi.
Il nous faut en effet d'abord sortir du piège des multismic. Plus de deux millions de Français sont directement concernés.
Le SMIC joue pour les Français un rôle tout particulier dans le champ des relations du travail. Il détermine bien évidemment le minimum horaire auquel doit correspondre la rémunération de tout salarié. Il constitue, par ailleurs, une valeur de référence déterminante dans la fixation et l'évolution des basses rémunérations. Il constitue enfin une des composantes essentielles du coût du travail pour les entreprises et affecte, à ce titre, les conditions d'emploi des salariés les moins qualifiés.
C'est dire qu'il est bien plus qu'une référence : un symbole !
Le gouvernement précédent n'a cependant pas hésité à jouer avec cette valeur dans des conditions particulièrement peu transparentes.
Le principe posé par l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 était, en apparence, simple : il fallait faire en sorte que, pour les salaires le plus bas, le passage aux 35 heures ne se traduise pas par une réduction de la rémunération. De même, le principe posé par ce même article, la convergence entre la garantie mensuelle et le SMIC, ne semblait pas poser de difficulté particulière.
La réalité, maintes fois et unanimement dénoncée, était toute différente.
Ces dispositions terriblement mal conçues allaient provoquer une multiplication des valeurs de référence et une complexité inextricable tant pour les salariés que pour les employeurs.
Cette complexité est d'autant moins acceptable qu'elle ne permet même pas d'atteindre les objectifs visés par les auteurs du texte de janvier 2000.
Contrairement à ce qui avait été promis, le dispositif ne conduisait nullement par lui-même à la convergence à terme du SMIC et de la garantie mensuelle. En effet, toute augmentation du SMIC entraînait la création d'une nouvelle garantie repoussant d'autant la convergence.
Le dispositif ne permettait pas davantage d'assurer la justice sociale puisqu'il entraînait au contraire des disparités injustifiables et injustifiées entre les salariés selon que leur entreprise était ou non passée aux 35 heures ou selon la date du passage à un horaire collectif de 35 heures.
Tout le monde se perdait dans cet imbroglio. Il devenait de plus en plus difficile de fixer dans les accords salariaux une valeur de référence et de comparaison dans la détermination des minima de branche.
Inéquitable et illisible pour le salarié, complexe et coûteux pour les entreprises, notamment pour les plus petites d'entre elles, le dispositif imposé pour les 35 heures remettait progressivement en cause la cohérence même des relations du travail.
C 'est dire s'il était urgent d'agir, non seulement parce que la loi elle-même l'imposait mais aussi et surtout parce que la justice sociale et l'efficacité économique, donc l'emploi, étaient en cause.
Fort de ce constat, le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social dès l'installation du Gouvernement. A partir de ces travaux, le projet arrêté répond à deux préoccupations essentielles :
- rétablir au plus vite l'unité du SMIC dans son rôle de référence nationale ;
- assurer dans un même mouvement la progression du pouvoir d'achat des salaires les plus bas.
La restauration de l'unité du SMIC passe nécessairement par un mécanisme volontaire de convergence. Celui-ci s'effectuera à partir de la garantie la plus élevée, assurant ainsi une augmentation du pouvoir d'achat des salariés rémunérés au SMIC horaire de 11,4 % sur 3 ans et un gain de pouvoir d'achat, en moyenne, de 6,5 % pour l'ensemble des plus bas salaires sur la même période.
Les règles de calcul du SMIC sont modifiées mais pour une période temporaire, exclusivement justifiée par les besoins de la convergence. Il y sera évidemment mis fin pour revenir aux règles habituelles de revalorisation une fois la convergence achevée.
Les plus bas salaires vont donc bénéficier jusqu'en 2005 d'un gain de pouvoir d'achat bien supérieur à la simple application des règles habituelles.
Un gain de pouvoir d'achat comme aucun gouvernement n'en a jamais accordé depuis deux décennies.
C'est un signal fort vers les revenus les plus faibles.
C'est un pas décisif vers la réhabilitation de la valeur du travail.
C'est une mesure d'équité.
C'est une vraie mesure de justice sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Ces mêmes principes ont guidé le Gouvernement au sujet du dispositif prévu pour l'assouplissement des 35 heures.
Je ne veux pas relancer un débat idéologique sur la réduction de la durée du travail. On nous a rabattu que les lois Aubry auraient permis de créer ou de préserver, transitoirement, quelque 300 000 emplois en 5 ans.
Mais c'est bien entendu la croissance, soutenue par les allègements de charges, qui les a créés ces emplois. Dès qu'elle fléchit, le chômage repart de plus belle, réduction ou non du temps de travail.
La vérité, c'est que la politique de l'emploi du gouvernement Jospin n'a réglé aucun des problèmes structurels qui entravent notre marché du travail.
Il est temps de s'y attaquer en rendant toute sa place au travail comme élément central de la cohésion sociale et en replaçant la négociation collective au coeur de l'aménagement du temps de travail.
Nous proposons de le faire sans remettre en cause la durée légale des 35 heures, n'en déplaisent à ceux qui caricaturent notre projet.
Pour y parvenir, le point essentiel de la réforme s'articule autour du régime des heures supplémentaires. D'elles dépendent en réalité le rythme de travail des salariés et l'organisation du travail au sein des entreprises.
Nous sommes là au coeur du dispositif sur l'aménagement du temps de travail.
Le système actuel est inextricable puisqu'il faut distinguer le contingent dont le dépassement est subordonné à l'autorisation de l'inspecteur du travail et le contingent dont le dépassement implique l'octroi du repos compensateur. L'un peut être négocié par les partenaires sociaux, l'autre, relatif au repos compensateur, est fixé unilatéralement par l'Etat. A cela s'ajoute un régime encore plus compliqué définissant les conditions de rémunération des heures supplémentaires.
Je mets au défi quiconque de s'y retrouver !
La réforme que je vous propose prend le contre-pied des errements du passé par sa simplicité et sa souplesse d'adaptation à la situation propre à chaque branche ou entreprise. Le rôle de l'Etat dans le maintien des équilibres essentiels n'en est pas moins préservé.
Simplicité d'abord, avec l'uniformisation des contingents.
Il existera désormais un contingent unique déterminant tant l'autorisation administrative que le déclenchement du repos compensateur. Ce souci de simplicité ne doit toutefois pas aller jusqu'à méconnaître la situation spécifique des petites entreprises qui font l'objet de dispositions particulières en matière de majoration des heures supplémentaires et de repos compensateur obligatoire.
En ce qui concerne les entreprises de moins de 20 salariés, à défaut d'accord de branche, le taux actuel de 10 % sera maintenu jusqu'au 31 décembre 2005, afin de leur laisser davantage de temps pour s'adapter.
Souplesse ensuite par un renvoi aux partenaires sociaux pour la fixation du niveau du contingent des heures supplémentaires et des conditions de leur rémunération.
C'est pour moi le point essentiel de la réforme des 35 heures, car sa portée dépasse l'assoupissement de la durée du travail.
Il est emblématique de notre volonté de rééquilibrer le droit des relations du travail en réduisant l'emprise du droit législatif et réglementaire au profit de la norme conventionnelle.
En ce sens, cette réforme préfigure un des chantiers qui sera le nôtre l'an prochain et qui me tient particulièrement à coeur : celui de la modernisation de la négociation collective par le biais de la validité et de la légitimité des accords.
Il y va de l'avenir du dialogue social dans notre pays.
C'est de cet avenir, c'est-à-dire la capacité des partenaires à prendre enfin en charge l'évolution des relations sociales que dépend largement notre capacité à réformer la France.
Ce choix ne doit cependant pas se traduire par un désengagement de l'Etat.
C'est pourquoi le dispositif que je vous propose répartit clairement les rôles : l'Etat fixe la règle du jeu, les partenaires sociaux négocient les conditions de son application branche par branche, entreprise par entreprise.
S'agissant d'une question aussi essentielle pour les salariés que celle de la rémunération des heures supplémentaires, la loi fixe les modalités de l'accord qui en déterminera le régime en exigeant un accord de branche étendu.
La loi fixe, par ailleurs, une règle minimale en dessous de laquelle les partenaires sociaux ne sauraient valablement aller en prévoyant que le taux de majoration ne peut être inférieur à 10%.
Enfin, tant en matière de fixation du niveau du contingent que pour les conditions de rémunération des heures supplémentaires, l'Etat fixe la règle supplétive qui s'applique en l'absence d'accord.
Un décret fixera donc, à défaut d'accord, le niveau du contingent.
Le renvoi à la négociation que prévoit la loi n'aurait guère de sens si parallèlement l'Etat fixait de manière définitive le niveau supplétif du contingent. Ce serait à juste titre perçu comme une préemption injustifiée de l'Etat sur les discussions futures affectant le contenu, voire l'existence même des négociations.
Le décret qui sera pris sur le fondement des nouvelles dispositions sera donc destiné à être réexaminé. Et c'est au vu du contenu des négociations et des choix opérés dans le cadre des accords signés que le Gouvernement prendra définitivement position sur le niveau optimal du contingent destiné à s'appliquer en l'absence d'accord.
Il le fera après avis de la commission nationale de la négociation collective et au vu d'un rapport du Conseil économique et social.
Certains ont cru fourbir leur opposition à ce décret en ayant recours à une comparaison historique.
Je me serais inspiré des décrets-lois de 1938 pour liquider les 35 heures sans le dire !
En gros : Fillon - Reynaud même combat.
Mais ils n'ont pas compris grand chose au précédent de 1938.
Et pour cause car les analyses de Paul Reynaud sur les moyens de sortir notre pays de la crise économique dans laquelle il restait englué étaient parfaitement pertinentes. Il mettait en avant les solutions de type keynésien qui finiront par être appliquées, bien que trop tardivement, par le gouvernement Daladier.
Certes, Raynaud ne flattait pas la démagogie à un moment où le contexte international ne s'y prêtait guère. De même n'hésitait-il pas à soutenir les thèses sur l'utilisation de l'arme blindée d'un obscur colonel promis à sauver la France.
Il y a, vous en conviendrez, des comparaisons moins flatteuses.
Mais laissez-moi leur dire surtout que nous ne parlons pas de la même chose. Les 40 heures de 1936 étaient une durée maximale du travail, l'équivalent de nos 48 heures actuelles. C'est d'ailleurs bien ce qui les rendait, comme l'avait noté Alfred Sauvy, totalement antiéconomiques. Et c'est bien la raison pour laquelle il a fallu inventer les heures supplémentaires en 1938, pour en rajouter encore en 1946.
Ce qui est simplement en cause avec ce décret relevant le contingent d'heures supplémentaires, c'est de rendre possible plus largement le recours aux heures supplémentaires lorsque c'est tout simplement nécessaire.
Alors n'en faisons pas un conflit théologique, ni chez les patrons, ni à ma gauche.
Les mêmes exigences de simplicité et de souplesse inspirent les autres dispositions plus techniques concernant les 35 heures, notamment celles relatives au compte épargne temps. Les partenaires sociaux pourront désormais prévoir que les éléments du compte pourront êtres valorisés en argent et non pas obligatoirement en temps.
Je souhaite enfin insister sur le fait que le projet de loi ne remet pas en cause les accords déjà conclus.
Il ne se substitue pas à eux, ils continuent à produire leurs effets et il n'y a nulle obligation de les renégocier. La loi ouvre de nouvelles pistes, mais il appartient aux partenaires sociaux de s'en saisir, s'ils le souhaitent. Bien sûr, de leur côté, les accords dont le contenu avait été remis en cause par la loi de janvier 2000 et qui trouvent maintenant une base légale pourront eux aussi produire tous leurs effets.
Décrispation sociale, responsabilisation des partenaires sociaux, convergence des SMIC vers le haut et assouplissement des 35 heures n'ont qu'un seul objectif : redynamiser l'emploi en France.
C'est pourquoi le projet que je soumets à votre examen comprend dans son titre III un volet essentiel à la cohérence de l'ensemble : l'allègement des cotisations de sécurité sociale.
S'il est une seule leçon à tirer des expériences précédentes, c'est que la baisse des charges sur le travail peu qualifié favorise efficacement la création d'emplois. C'est l'orientation qu'avaient prise avec succès Edouard Balladur et Michel Giraud en 1993, puis Alain Juppé et Jacques Barrot en 1995.
Mais attention, notre politique de baisse de charges n'a rien à voir avec celle du gouvernement précédent. Nous passons d'une incitation aux 35 heures à une véritable ambition d'encouragement à l'emploi.
On a fait croire aux Français que l'on pouvait travailler 35 heures payées 39 sans que quelqu'un ne finisse par payer l'addition. C'est la collectivité qui a pris partiellement cette supercherie à sa charge mais il nous faut maintenant solder les comptes.
Le nouveau dispositif aidera à tourner la page des 35 heures non financées. Il est destiné à ce que le surcoût lié à la sortie des multismic ne pénalise pas excessivement la compétitivité des entreprises, donc l'emploi.
Il permettra surtout de diminuer le coût du travail pour les bas salaires et le travail peu qualifié par la mise en place progressive d'un nouveau dispositif d'allègement à partir du 1er juillet 2003. Ce dispositif sera maximum au niveau du SMIC et concernera tous les salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC.
Pour les salaires modestes et moyens, les allègements de charges ne feront pas que compenser les effets de la convergence des SMICS, ils abaisseront réellement le coût du travail.
La France a été l'un des premiers pays à expérimenter une réduction générale des cotisations sociales en 1993. D'autres ont suivi, en Belgique, aux Pays Bas, puis en Allemagne et en Italie. Les résultats observés ont toujours été très positifs.
Les économistes considèrent que les allègements de charges ont permis d'enrichir la croissance en emplois. Le seuil de croissance à partir duquel l'économie française est créatrice d'emploi serait passé, grâce aux allègements de charges, de 2,5% à 1,5% dès 1994.
La baisse du nombre d'emplois peu qualifiés a été enrayée et la part des emplois peu qualifiés dans le total des emplois, après avoir baissé de 7 points de 1983 à 1994 a recommencé à croître très légèrement à partir de cette date.
Cette inversion de tendance est un phénomène majeur, non seulement d'un point de vue économique, mais pour notre cohésion sociale, car nous ne pouvons accepter que les progrès de notre économie laissent les plus faibles sur le bord du chemin.
Cet allègement, dont le surcoût pour les finances publiques sera de l'ordre de 6 milliards d'Euros d'ici 2006, sera, je le souligne, intégralement compensé aux régimes de sécurité sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Augmentation des bas salaires, assouplissement des 35 heures, baisse des charges : la réforme qui vous est proposée s'inspire très largement de ce qui avait été conclu par les branches et les entreprises elles-mêmes entre 1998 et 2000. Le gouvernement précédent n'avait pas voulu en tenir compte puisqu'il savait mieux que les acteurs sociaux ce qui était bon pour les entreprises et les salariés.
L'économie générale de notre projet se fonde sur un souci d'équilibre entre le maintien de la durée légale de 35 heures, les exigences de souplesse et de compétitivité des entreprises et un rôle accru conféré en la matière aux partenaires sociaux.
La durée légale de 35 heures est maintenue, mais elle est maintenant organisée sur un mode qui permet aux acteurs sociaux, s'ils le souhaitent, de s'en écarter, de l'adapter, bref de se l'approprier comme ils l'entendent.
Telles sont, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, les principales dispositions du projet de loi qui est soumis à votre examen.
Cette réforme n'est pas un retour en arrière.
Cette réforme est un retour à la raison.
Cette réforme, c'est plus de liberté pour plus de justice sociale.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 3 octobre 2002)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre Assemblée est indissociable de la politique économique et sociale du Gouvernement pour relancer la croissance et l'emploi.
Je dirai même qu'il en est à bien des égards la clef de voûte.
Voici près de deux ans que la croissance s'est ralentie. Depuis maintenant un an, le chômage n'a cessé d'augmenter. L'emploi a désormais repris la première place dans les préoccupations des Français, devant l'insécurité.
La morosité de la conjoncture internationale y est certes pour beaucoup, mais il existe dans notre pays bien des blocages qui expliquent nos difficultés. Pour ceux d'entre nous qui avons la lucidité de voir les choses en face, quelle que soit leur appartenance politique, c'est bien la convergence de ces blocages qui explique le choc électoral du 21 avril dernier.
Une fois encore, les Français nous confient les responsabilités au moment où le redressement s'impose.
C'est pourquoi ma première exigence est de tout faire pour répondre aux trois facteurs qui sont à la source du malaise économique et social français :
1er facteur : l'absence d'un dialogue social constructif comme préalable à toute réforme. On a cru pouvoir imposer et imposer encore sans concertation réelle. Il en est résulté un état incontestable de doute et de crispation du corps social ;
2e facteur : la rigidité de notre organisation du travail, symbolisée par l'impact économique et culturel de l'instauration forcée des 35 heures. Il en est résulté une dépréciation sans précédent du travail comme valeur sociale. En France, il est devenu presque anachronique d'afficher sa volonté de se dépasser ; il est presque devenu indécent d'appeler à se " retrousser les manches " ;
3e facteur, enfin : la stagnation des bas salaires qui est une injustice sociale pour les Français les plus modestes. Stagnation aggravée par l'effet des lois sur la réduction du temps de travail qui ont affaibli, avec la multiplication des SMIC, le rôle de référent du salaire minimum.
Les salariés modestes ont vu leur pouvoir d'achat stagner depuis 3 ans, quand les cadres voyaient le leur croître.
Ces trois facteurs ont bloqué notre pacte économique et social.
Ils pèsent clairement sur l'emploi.
Les leçons du passé ont appris la modestie aux gouvernants. Je veux croire que personne dans cet hémicycle ne s'en tiendra dans la période difficile où nous sommes au discours simpliste consistant à réduire la politique de l'emploi à la réduction du temps de travail et la création d'emplois aidés dans le secteur public.
Cette politique n'a pas réussi.
Sinon comment expliquer que la France qui est le seul pays européen à avoir fait ces choix se situe au 12° rang parmi les pays de l'Union pour ses performances en matière d'emploi.
Les 35 heures ont contribué à dégrader la compétitivité internationale des entreprises françaises.
Elles ont limité leur capacité à réagir à la demande.
Elles ont accru le volume des importations pour compenser les déficiences de la production nationale.
Elles ont affaibli l'attractivité de notre territoire.
Aucun autre pays n'a suivi la voie des 35 heures, quelle que soit son inspiration politique. Mesurons donc bien les risques immenses que prendrait notre pays à s'enfermer dans une application dogmatique des 35 heures.
Regardons enfin la réalité en face : La réduction uniforme et obligatoire du temps de travail, sans discernement et sans contrepartie, rend inévitable la diminution de la richesse nationale qui peut être répartie entre les Français.
Alors que la conjoncture mondiale s'assombrit, alors que l'économie internationale est en passe de franchir une nouvelle mutation avec l'entrée de la Chine à l'OMC, alors que l'élargissement lance un nouveau défi à nos entreprises la réforme s'impose.
C'est dire combien créer les conditions de la confiance indispensable à la relance, est tout l'objectif de la politique économique et sociale du Gouvernement.
Nous relançons la demande par le pouvoir d'achat, particulièrement celui des bas salaires avec la prime pour l'emploi élargie au temps partiel, la baisse de l'impôt et une augmentation sans précédent des SMIC.
Nous relançons l'offre en libérant les énergies du secteur marchand par la baisse des charges, par l'assouplissement du temps de travail, par les nouveaux contrats jeunes en entreprise.
Nous relançons le dialogue pour décrisper le corps social et dynamiser la création d'emplois durables.
Réhabiliter en France la valeur du travail, c'est toute notre philosophie.
En soumettant à votre Assemblée ce projet de loi sur les salaires, le temps de travail et le développement de l'emploi, le Gouvernement ne met pas seulement en oeuvre les engagements électoraux du Président de la République et de la majorité.
Nous avons choisi d'agir dans un même élan pour débloquer les trois facteurs qui sont au coeur du malaise économique et social que nous traversons, ces trois facteurs qui ont entravé le travail en France depuis cinq ans.
Hausse rapide des bas salaires par harmonisation des SMIC, assouplissement des 35 heures, amplification de la baisse des charges destinée maîtriser le coût du travail : voilà le schéma volontariste que nous vous proposons.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le débat que nous engageons aujourd'hui dépasse la seule question de la durée du travail : il s'agit de l'esprit même de la politique globale du Gouvernement au service de la croissance et de l'emploi.
Si je tiens à replacer ce débat au centre de notre projet économique, c'est que je me souviens combien la réduction autoritaire de la durée du travail avait donné lieu, ici même, à bien des caricatures. On nous rejouait les débats du XIXe siècle ou de Juin 1936. On invoquait le travail des enfants, la conquête des congés payés ou encore, je cite, "les plus belles heures des luttes sociales de notre pays".
Je me contenterai, pour ma part, de vous présenter un projet pragmatique qui cherche à répondre à la réalité de l'économie mondiale, aux besoins de nos entreprises et aux aspirations de leurs salariés.
Bref, je vous présente une loi du XXIe siècle.
Ma méthode, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier Ministre, a été de renouer intensément le dialogue autour de ce projet. J'avais mon cap, mais contrairement aux pratiques en vigueur ces dernières années, j'ai écouté.
Je fais confiance aux partenaires sociaux.
C'était déjà la méthode privilégiée avec la loi relative au contrat jeune en entreprise qui leur donne volontairement des espaces de négociation. Nous rejoignons l'esprit de la politique qui nous anime, consistant à fixer le cap par la loi pour élargir le champ de la négociation dans les branches et les entreprises.
Nous voulons mettre les Français et les corps intermédiaires en situation de mouvement et de proposition. La France d'aujourd'hui ne peut plus être gouvernée comme celle d'hier, de façon uniforme, sans considération pour la réalité complexe et mouvante des situations économiques et sociales.
C'est par cet impératif de concertation que je me suis efforcé de saisir le fil de l'intérêt général.
De nombreuses observations et préoccupations énoncées par les partenaires sociaux ont été prises en compte. Derrière le mur apparent des critiques avancées ici ou là, nul ne doit se tromper sur le diagnostic établi par la majorité d'entre eux sur le dossier mal ficelé des 35 heures et sur celui, indéchiffrable et inéquitable, des multismic.
Mon projet a pour objet de rebattre les cartes.
Il est équilibré.
Il respecte les intérêts des entreprises et ceux des salariés.
Bref, il est, selon moi, conforme à l'intérêt national.
Le projet de loi qui vous est soumis comprend trois parties. D'abord l'augmentation des SMIC et le retour rapide à un seul SMIC, ensuite les modalités d'assouplissement des 35 heures offertes à la négociation des acteurs sociaux, et enfin un nouveau dispositif d'allégement de cotisations destiné à promouvoir l'emploi.
Il nous faut en effet d'abord sortir du piège des multismic. Plus de deux millions de Français sont directement concernés.
Le SMIC joue pour les Français un rôle tout particulier dans le champ des relations du travail. Il détermine bien évidemment le minimum horaire auquel doit correspondre la rémunération de tout salarié. Il constitue, par ailleurs, une valeur de référence déterminante dans la fixation et l'évolution des basses rémunérations. Il constitue enfin une des composantes essentielles du coût du travail pour les entreprises et affecte, à ce titre, les conditions d'emploi des salariés les moins qualifiés.
C'est dire qu'il est bien plus qu'une référence : un symbole !
Le gouvernement précédent n'a cependant pas hésité à jouer avec cette valeur dans des conditions particulièrement peu transparentes.
Le principe posé par l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 était, en apparence, simple : il fallait faire en sorte que, pour les salaires le plus bas, le passage aux 35 heures ne se traduise pas par une réduction de la rémunération. De même, le principe posé par ce même article, la convergence entre la garantie mensuelle et le SMIC, ne semblait pas poser de difficulté particulière.
La réalité, maintes fois et unanimement dénoncée, était toute différente.
Ces dispositions terriblement mal conçues allaient provoquer une multiplication des valeurs de référence et une complexité inextricable tant pour les salariés que pour les employeurs.
Cette complexité est d'autant moins acceptable qu'elle ne permet même pas d'atteindre les objectifs visés par les auteurs du texte de janvier 2000.
Contrairement à ce qui avait été promis, le dispositif ne conduisait nullement par lui-même à la convergence à terme du SMIC et de la garantie mensuelle. En effet, toute augmentation du SMIC entraînait la création d'une nouvelle garantie repoussant d'autant la convergence.
Le dispositif ne permettait pas davantage d'assurer la justice sociale puisqu'il entraînait au contraire des disparités injustifiables et injustifiées entre les salariés selon que leur entreprise était ou non passée aux 35 heures ou selon la date du passage à un horaire collectif de 35 heures.
Tout le monde se perdait dans cet imbroglio. Il devenait de plus en plus difficile de fixer dans les accords salariaux une valeur de référence et de comparaison dans la détermination des minima de branche.
Inéquitable et illisible pour le salarié, complexe et coûteux pour les entreprises, notamment pour les plus petites d'entre elles, le dispositif imposé pour les 35 heures remettait progressivement en cause la cohérence même des relations du travail.
C 'est dire s'il était urgent d'agir, non seulement parce que la loi elle-même l'imposait mais aussi et surtout parce que la justice sociale et l'efficacité économique, donc l'emploi, étaient en cause.
Fort de ce constat, le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social dès l'installation du Gouvernement. A partir de ces travaux, le projet arrêté répond à deux préoccupations essentielles :
- rétablir au plus vite l'unité du SMIC dans son rôle de référence nationale ;
- assurer dans un même mouvement la progression du pouvoir d'achat des salaires les plus bas.
La restauration de l'unité du SMIC passe nécessairement par un mécanisme volontaire de convergence. Celui-ci s'effectuera à partir de la garantie la plus élevée, assurant ainsi une augmentation du pouvoir d'achat des salariés rémunérés au SMIC horaire de 11,4 % sur 3 ans et un gain de pouvoir d'achat, en moyenne, de 6,5 % pour l'ensemble des plus bas salaires sur la même période.
Les règles de calcul du SMIC sont modifiées mais pour une période temporaire, exclusivement justifiée par les besoins de la convergence. Il y sera évidemment mis fin pour revenir aux règles habituelles de revalorisation une fois la convergence achevée.
Les plus bas salaires vont donc bénéficier jusqu'en 2005 d'un gain de pouvoir d'achat bien supérieur à la simple application des règles habituelles.
Un gain de pouvoir d'achat comme aucun gouvernement n'en a jamais accordé depuis deux décennies.
C'est un signal fort vers les revenus les plus faibles.
C'est un pas décisif vers la réhabilitation de la valeur du travail.
C'est une mesure d'équité.
C'est une vraie mesure de justice sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Ces mêmes principes ont guidé le Gouvernement au sujet du dispositif prévu pour l'assouplissement des 35 heures.
Je ne veux pas relancer un débat idéologique sur la réduction de la durée du travail. On nous a rabattu que les lois Aubry auraient permis de créer ou de préserver, transitoirement, quelque 300 000 emplois en 5 ans.
Mais c'est bien entendu la croissance, soutenue par les allègements de charges, qui les a créés ces emplois. Dès qu'elle fléchit, le chômage repart de plus belle, réduction ou non du temps de travail.
La vérité, c'est que la politique de l'emploi du gouvernement Jospin n'a réglé aucun des problèmes structurels qui entravent notre marché du travail.
Il est temps de s'y attaquer en rendant toute sa place au travail comme élément central de la cohésion sociale et en replaçant la négociation collective au coeur de l'aménagement du temps de travail.
Nous proposons de le faire sans remettre en cause la durée légale des 35 heures, n'en déplaisent à ceux qui caricaturent notre projet.
Pour y parvenir, le point essentiel de la réforme s'articule autour du régime des heures supplémentaires. D'elles dépendent en réalité le rythme de travail des salariés et l'organisation du travail au sein des entreprises.
Nous sommes là au coeur du dispositif sur l'aménagement du temps de travail.
Le système actuel est inextricable puisqu'il faut distinguer le contingent dont le dépassement est subordonné à l'autorisation de l'inspecteur du travail et le contingent dont le dépassement implique l'octroi du repos compensateur. L'un peut être négocié par les partenaires sociaux, l'autre, relatif au repos compensateur, est fixé unilatéralement par l'Etat. A cela s'ajoute un régime encore plus compliqué définissant les conditions de rémunération des heures supplémentaires.
Je mets au défi quiconque de s'y retrouver !
La réforme que je vous propose prend le contre-pied des errements du passé par sa simplicité et sa souplesse d'adaptation à la situation propre à chaque branche ou entreprise. Le rôle de l'Etat dans le maintien des équilibres essentiels n'en est pas moins préservé.
Simplicité d'abord, avec l'uniformisation des contingents.
Il existera désormais un contingent unique déterminant tant l'autorisation administrative que le déclenchement du repos compensateur. Ce souci de simplicité ne doit toutefois pas aller jusqu'à méconnaître la situation spécifique des petites entreprises qui font l'objet de dispositions particulières en matière de majoration des heures supplémentaires et de repos compensateur obligatoire.
En ce qui concerne les entreprises de moins de 20 salariés, à défaut d'accord de branche, le taux actuel de 10 % sera maintenu jusqu'au 31 décembre 2005, afin de leur laisser davantage de temps pour s'adapter.
Souplesse ensuite par un renvoi aux partenaires sociaux pour la fixation du niveau du contingent des heures supplémentaires et des conditions de leur rémunération.
C'est pour moi le point essentiel de la réforme des 35 heures, car sa portée dépasse l'assoupissement de la durée du travail.
Il est emblématique de notre volonté de rééquilibrer le droit des relations du travail en réduisant l'emprise du droit législatif et réglementaire au profit de la norme conventionnelle.
En ce sens, cette réforme préfigure un des chantiers qui sera le nôtre l'an prochain et qui me tient particulièrement à coeur : celui de la modernisation de la négociation collective par le biais de la validité et de la légitimité des accords.
Il y va de l'avenir du dialogue social dans notre pays.
C'est de cet avenir, c'est-à-dire la capacité des partenaires à prendre enfin en charge l'évolution des relations sociales que dépend largement notre capacité à réformer la France.
Ce choix ne doit cependant pas se traduire par un désengagement de l'Etat.
C'est pourquoi le dispositif que je vous propose répartit clairement les rôles : l'Etat fixe la règle du jeu, les partenaires sociaux négocient les conditions de son application branche par branche, entreprise par entreprise.
S'agissant d'une question aussi essentielle pour les salariés que celle de la rémunération des heures supplémentaires, la loi fixe les modalités de l'accord qui en déterminera le régime en exigeant un accord de branche étendu.
La loi fixe, par ailleurs, une règle minimale en dessous de laquelle les partenaires sociaux ne sauraient valablement aller en prévoyant que le taux de majoration ne peut être inférieur à 10%.
Enfin, tant en matière de fixation du niveau du contingent que pour les conditions de rémunération des heures supplémentaires, l'Etat fixe la règle supplétive qui s'applique en l'absence d'accord.
Un décret fixera donc, à défaut d'accord, le niveau du contingent.
Le renvoi à la négociation que prévoit la loi n'aurait guère de sens si parallèlement l'Etat fixait de manière définitive le niveau supplétif du contingent. Ce serait à juste titre perçu comme une préemption injustifiée de l'Etat sur les discussions futures affectant le contenu, voire l'existence même des négociations.
Le décret qui sera pris sur le fondement des nouvelles dispositions sera donc destiné à être réexaminé. Et c'est au vu du contenu des négociations et des choix opérés dans le cadre des accords signés que le Gouvernement prendra définitivement position sur le niveau optimal du contingent destiné à s'appliquer en l'absence d'accord.
Il le fera après avis de la commission nationale de la négociation collective et au vu d'un rapport du Conseil économique et social.
Certains ont cru fourbir leur opposition à ce décret en ayant recours à une comparaison historique.
Je me serais inspiré des décrets-lois de 1938 pour liquider les 35 heures sans le dire !
En gros : Fillon - Reynaud même combat.
Mais ils n'ont pas compris grand chose au précédent de 1938.
Et pour cause car les analyses de Paul Reynaud sur les moyens de sortir notre pays de la crise économique dans laquelle il restait englué étaient parfaitement pertinentes. Il mettait en avant les solutions de type keynésien qui finiront par être appliquées, bien que trop tardivement, par le gouvernement Daladier.
Certes, Raynaud ne flattait pas la démagogie à un moment où le contexte international ne s'y prêtait guère. De même n'hésitait-il pas à soutenir les thèses sur l'utilisation de l'arme blindée d'un obscur colonel promis à sauver la France.
Il y a, vous en conviendrez, des comparaisons moins flatteuses.
Mais laissez-moi leur dire surtout que nous ne parlons pas de la même chose. Les 40 heures de 1936 étaient une durée maximale du travail, l'équivalent de nos 48 heures actuelles. C'est d'ailleurs bien ce qui les rendait, comme l'avait noté Alfred Sauvy, totalement antiéconomiques. Et c'est bien la raison pour laquelle il a fallu inventer les heures supplémentaires en 1938, pour en rajouter encore en 1946.
Ce qui est simplement en cause avec ce décret relevant le contingent d'heures supplémentaires, c'est de rendre possible plus largement le recours aux heures supplémentaires lorsque c'est tout simplement nécessaire.
Alors n'en faisons pas un conflit théologique, ni chez les patrons, ni à ma gauche.
Les mêmes exigences de simplicité et de souplesse inspirent les autres dispositions plus techniques concernant les 35 heures, notamment celles relatives au compte épargne temps. Les partenaires sociaux pourront désormais prévoir que les éléments du compte pourront êtres valorisés en argent et non pas obligatoirement en temps.
Je souhaite enfin insister sur le fait que le projet de loi ne remet pas en cause les accords déjà conclus.
Il ne se substitue pas à eux, ils continuent à produire leurs effets et il n'y a nulle obligation de les renégocier. La loi ouvre de nouvelles pistes, mais il appartient aux partenaires sociaux de s'en saisir, s'ils le souhaitent. Bien sûr, de leur côté, les accords dont le contenu avait été remis en cause par la loi de janvier 2000 et qui trouvent maintenant une base légale pourront eux aussi produire tous leurs effets.
Décrispation sociale, responsabilisation des partenaires sociaux, convergence des SMIC vers le haut et assouplissement des 35 heures n'ont qu'un seul objectif : redynamiser l'emploi en France.
C'est pourquoi le projet que je soumets à votre examen comprend dans son titre III un volet essentiel à la cohérence de l'ensemble : l'allègement des cotisations de sécurité sociale.
S'il est une seule leçon à tirer des expériences précédentes, c'est que la baisse des charges sur le travail peu qualifié favorise efficacement la création d'emplois. C'est l'orientation qu'avaient prise avec succès Edouard Balladur et Michel Giraud en 1993, puis Alain Juppé et Jacques Barrot en 1995.
Mais attention, notre politique de baisse de charges n'a rien à voir avec celle du gouvernement précédent. Nous passons d'une incitation aux 35 heures à une véritable ambition d'encouragement à l'emploi.
On a fait croire aux Français que l'on pouvait travailler 35 heures payées 39 sans que quelqu'un ne finisse par payer l'addition. C'est la collectivité qui a pris partiellement cette supercherie à sa charge mais il nous faut maintenant solder les comptes.
Le nouveau dispositif aidera à tourner la page des 35 heures non financées. Il est destiné à ce que le surcoût lié à la sortie des multismic ne pénalise pas excessivement la compétitivité des entreprises, donc l'emploi.
Il permettra surtout de diminuer le coût du travail pour les bas salaires et le travail peu qualifié par la mise en place progressive d'un nouveau dispositif d'allègement à partir du 1er juillet 2003. Ce dispositif sera maximum au niveau du SMIC et concernera tous les salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC.
Pour les salaires modestes et moyens, les allègements de charges ne feront pas que compenser les effets de la convergence des SMICS, ils abaisseront réellement le coût du travail.
La France a été l'un des premiers pays à expérimenter une réduction générale des cotisations sociales en 1993. D'autres ont suivi, en Belgique, aux Pays Bas, puis en Allemagne et en Italie. Les résultats observés ont toujours été très positifs.
Les économistes considèrent que les allègements de charges ont permis d'enrichir la croissance en emplois. Le seuil de croissance à partir duquel l'économie française est créatrice d'emploi serait passé, grâce aux allègements de charges, de 2,5% à 1,5% dès 1994.
La baisse du nombre d'emplois peu qualifiés a été enrayée et la part des emplois peu qualifiés dans le total des emplois, après avoir baissé de 7 points de 1983 à 1994 a recommencé à croître très légèrement à partir de cette date.
Cette inversion de tendance est un phénomène majeur, non seulement d'un point de vue économique, mais pour notre cohésion sociale, car nous ne pouvons accepter que les progrès de notre économie laissent les plus faibles sur le bord du chemin.
Cet allègement, dont le surcoût pour les finances publiques sera de l'ordre de 6 milliards d'Euros d'ici 2006, sera, je le souligne, intégralement compensé aux régimes de sécurité sociale.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Augmentation des bas salaires, assouplissement des 35 heures, baisse des charges : la réforme qui vous est proposée s'inspire très largement de ce qui avait été conclu par les branches et les entreprises elles-mêmes entre 1998 et 2000. Le gouvernement précédent n'avait pas voulu en tenir compte puisqu'il savait mieux que les acteurs sociaux ce qui était bon pour les entreprises et les salariés.
L'économie générale de notre projet se fonde sur un souci d'équilibre entre le maintien de la durée légale de 35 heures, les exigences de souplesse et de compétitivité des entreprises et un rôle accru conféré en la matière aux partenaires sociaux.
La durée légale de 35 heures est maintenue, mais elle est maintenant organisée sur un mode qui permet aux acteurs sociaux, s'ils le souhaitent, de s'en écarter, de l'adapter, bref de se l'approprier comme ils l'entendent.
Telles sont, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, les principales dispositions du projet de loi qui est soumis à votre examen.
Cette réforme n'est pas un retour en arrière.
Cette réforme est un retour à la raison.
Cette réforme, c'est plus de liberté pour plus de justice sociale.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 3 octobre 2002)