Texte intégral
Quel est le sens de ma visite ? Je viens ici pour rencontrer mes homologues et les responsables politiques portugais, pour rappeler qu'il y a plus de choses qui nous unissent que de choses que nous divisent, que le Portugal est un partenaire de premier rang dans la construction européenne et que nous avons la capacité de nous projeter dans l'avenir. Et nous nous rendons compte dans les discussions que nous avons eues, tant sur le plan multilatéral, régional ou bilatéral, que nous avons des convergences de vues sur beaucoup de choses, voire l'essentiel. Cette visite a lieu à la veille de la réunion ministérielle qui réunira le "5+5" à Sainte-Maxime mercredi et jeudi prochains. Le "5+5" ce sont, je vous rappelle, les cinq pays des rives sud de l'Europe et les cinq pays des rives nord du bassin méditerranéen.
Nous nous rendons compte avec les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Maltais et les Français qu'il est nécessaire de faire des propositions dans le cadre de cette structure souple, et qui doit le rester, pour que l'Europe engage une politique euro-méditerranéenne. Je suis venu proposer un certain nombre de propositions susceptibles d'être présentées à la présidence grecque aujourd'hui, et à la présidence italienne demain, pour faire en sorte que l'Europe inscrive dans sa stratégie une nouvelle politique euro-méditerranéenne. C'est une démarche importante puisque le Portugal est attaché à cette structure souple qu'elle a suscitée et relancée et sur laquelle elle est très attentive. Nous nous rendons bien compte tous ensemble que l'Europe se doit d'avoir des propositions dans le cadre de la politique méditerranéenne. Ces propositions sont globalement validées et acceptées par l'ensemble des Dix et seront présentées la semaine prochaine. Il y a en tout cas un consensus et une volonté, une nouvelle fois, de travailler ensemble. C'est la raison pour laquelle je suis venu, du fait que le Portugal est un partenaire de premier rang.
Je vais vous présenter M. Marleix, ici présent, qui est député et qui préside le groupe d'amitié France/Portugal. Nous arrivons de Tunisie.
Au niveau de la crise irakienne, il est clair, nous le réaffirmons, que les Américains sont nos amis et nos alliés, que nous étions dans une logique d'action multilatérale dans le cadre du Conseil de sécurité, validée à l'unanimité, pour désarmer un pays qui était susceptible de disposer des armes de destruction massive et ceci pouvait se faire dans le cadre des inspections. Aujourd'hui la guerre est engagée. Nous souhaitons que ce conflit cesse le plus vite possible et le mieux possible et il est important de se projeter dans l'avenir. Il y a la résolution 1472 qui a été votée à l'unanimité au Conseil de sécurité pour la remise en place du programme "Pétrole contre nourriture", sous l'autorité des Nations unies, rappelant la nécessité de la souveraineté du peuple irakien et l'intégrité territoriale de l'Irak. Aujourd'hui M. Powell, à l'OTAN, rencontre l'ensemble des ministres des Affaires étrangères européens et des membres de l'OTAN. C'est une démarche multilatérale que bien entendu nous appuyons, à laquelle nous souscrivons, et que nous souscrivons inscrivons dans l'avenir.
Au niveau européen, Mme Lenoir, ministre déléguée chargée des Affaires européennes se rendra ici, au Portugal, à la fin du mois pour continuer cette construction européenne qui aujourd'hui subit une crise, mais l'Europe s'est construite grâce à des crises et toutes les crises ont apporté une solution par une construction. Donc c'est un message de construction positif. Nous avons tous la volonté de construire une Europe qui fonctionne et dans laquelle chacun trouve sa place. Et aujourd'hui, la crise nous permettra, je pense, de poser de bonnes questions et de fabriquer notre propre avenir.
Parallèlement à cela, dans le cadre d'une relation bilatérale, je crois que c'est très important de le souligner, nous sommes l'un des plus gros partenaires économiques du Portugal et c'est un client important pour nous puisqu'il est aussi important que la Chine qui est en dixième position. Nous sommes le troisième investisseur, nous avons près de 500 entreprises qui travaillent ici et qui emploient près de 80 000 personnes. Par ailleurs, 800 000 Portugais vivent en France. Nous avons donc des relations anciennes, ancestrales et amicales, fortes, denses, et nous pouvons constater, que ce soit au Lycée français où il y a près de 1750 jeunes ou au niveau des entreprises, que ce partenariat, cet esprit économique, cette dynamique commune fonctionnent parfaitement bien. L'Ambassadeur, ici présent, veille à ce que tout cela se passe bien, mais j'ai pu constater dans mes entretiens que, d'abord, tous nos interlocuteurs portugais parlent un français remarquable et vraiment tout ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise.
Je repars tout à l'heure pour préparer ce sommet qui pourra peut-être apporter des propositions politiques, susceptibles de bien montrer qu'une convergence de vues sur le plan politique, sur le plan diplomatique et sur le plan économique existe entre l'Europe et les pays du Maghreb. C'est une démarche me semble-t-il nécessaire, qui correspond à ces déplacements politiques qui nourrissent l'amitié entre nos deux pays. Le Premier ministre portugais va se rendre en France le 22 avril. Un accord a été passé entre nos deux pays pour que tous les ans les Premiers ministres se rencontrent. Tout cela montre bien à quel point nous sommes proches et cohérents avec nous-mêmes, même si aujourd'hui, sur le problème de l'Irak, nous avons eu des divergences d'appréciations. Je repars optimiste et ces entretiens ont été particulièrement sympathiques, amicaux et, je pense, efficaces.
M. Marleix reviendra la semaine prochaine avec un groupe de parlementaires pour rencontrer des membres du Parlement et pour entretenir ce dialogue, cette discussion, notamment le débat sur l'Irak dans le cadre de cette guerre, pour en sortir le plus vite possible et pour voir quelle serait la meilleure solution entre nos peuples et surtout sur la construction européenne.
Q - Quelle est la différence des positions portugaise et française sur l'Irak ?
R - Le Portugal a souhaité soutenir la nation américaine et s'inscrire dans la coalition. Dont acte et vous connaissez notre position sur l'opération militaire en Irak. Pour autant, les Américains sont nos amis et nos alliés depuis toujours et ils le resteront, les Portugais sont nos amis et nos alliés depuis toujours et ils le resteront. Et nous sommes dans une situation maintenant, compte tenu de cette prise de position, où il faut fabriquer l'avenir avec nos amis et nos alliés en tenant compte de cette nouvelle situation qui pour autant ne change pas nos relations respectives.
Q - Comment évaluez-vous les relations entre la France et les Etats-Unis en ce moment ?
R - Dominique de Villepin a rencontré Colin Powell tout à l'heure. Ce sont eux qui en feront état et la presse est là-bas pour rendre compte. Ils apporteront eux-mêmes leurs sentiments respectifs sur cette rencontre. Ce que je peux vous dire, c'est que, pour avoir participé, soit à toutes les réunions multilatérales des ministres des Affaires étrangères au Conseil de sécurité, soit aux réunions bilatérales entre Colin Powell et Dominique de Villepin, nos relations sont pleines d'amitié et de respect. Nous disons les choses parce que nous sommes amis, et que ces réunions-là sont des réunions des membres d'une même famille, qui se disent les choses clairement parce qu'ils s'apprécient.
Nous avons des intérêts économiques majeurs aux Etats-Unis, beaucoup d'entreprises américaines sont associées à des entreprises françaises. La seule chose que je peux vous dire c'est par contre que nous n'avons aucun intérêt économique en Irak, puisque ce pays représente 0,3% du commerce extérieur français. Nous ne sommes pas en compétition là-bas.
Q - Mais les relations ne sont pas bonnes
R - La guerre est en cours. Il faut essayer d'avoir le sens des responsabilités. On va avoir des manifestations, des tentatives de boycott, tout ceci est quelque part normal quand des peuples sont en guerre. Pour autant, sur le fond, notre histoire est forte, notre amitié est dense et donc notre avenir se fera ensemble, mais nous passons un moment difficile en Europe, dans le monde, dans cette région.
Nous avons toujours pensé et nous pensions que la guerre est une chose, mais il faudra faire la paix, et la paix ne se fera que tous ensemble. La paix ne se fera pas seule, ce n'est pas possible. Et d'ailleurs les Américains l'on déjà compris, puisqu'ils sont allés au Conseil de sécurité dans le cadre de la résolution qui redonne une légitimité à un processus d'aide humanitaire pour plus de 60% de la population qui était nourrie par le programme "Pétrole contre nourriture". Nous estimons, dans cette période du conflit, que ces 60% peuvent représenter 10 millions de personnes qui ont besoin de l'aide alimentaire mondiale et qu'aujourd'hui nous ne sommes capables sur le plan humanitaire que d'aider un million de personnes sur trois mois. Cela, c'est une réalité.
Q - Est-ce qu'il y a un accord entre la France et le Portugal sur la gestion post-conflit et sur le rôle de l'ONU ?
R - Non, il n'y a pas encore d'accord à ce sujet, mais d'après les échanges que j'ai eus avec mes différents interlocuteurs, nous nous inscrivons dans le multilatéral. On voit très bien d'ailleurs que M. Blair qui est membre de la coalition et qui a des hommes sur le terrain, s'est exprimé très clairement pour que le multilatéral joue de tout son poids.
Q - Quel type de propositions peuvent surgir de cette réunion de Sainte-Maxime, quelles pistes ?
R - Si vous voulez faire en sorte que l'Europe puisse se développer, notamment vers l'Europe de l'Est, puisque c'est la mécanique qui est en place aujourd'hui, comment traiter ce qu'a appelé Romano Prodi à Tunis il y a trois jours ces "nouvelles relations de bon voisinage". Il faut arriver à apporter des solutions sur le plan financier, il faut apporter des réponses sur le plan de la dévolution de la démocratie : comment peut-on mettre en place un parlement qui puisse avoir un rôle de délibération ? Peut-on apporter une réponse sur le volet culturel ? Nous devons mettre en place un dispositif avec les nouvelles technologies pour l'échange des cultures dans cette région et parallèlement à cela, une projection sur l'intelligence, sur la formation, sur les universités, les facultés, dans le cadre d'Internet et Intranet, de ces universités mobiles qui échangent entre elles leurs ressources scientifiques ou leurs publications. Voilà quelques pistes qui me paraissent envisageables en termes de propositions.
Q - On a l'impression qu'il y a beaucoup de rhétorique autour de la Méditerranée. Où en est le processus de Barcelone ? C'est vrai qu'il y a une volonté, mais on a toujours l'impression que cela patine.
R - C'est la raison pour laquelle j'ai commencé mes déplacements à Rome où je suis allé voir mon homologue et où j'étais allé voir le Cardinal Etchegarray qui revenait de Bagdad, pour voir la conception de nos amis italiens qui vont avoir la présidence de l'Union européenne. Selon l'interlocuteur, le processus est un échec ou un succès, mais globalement pour moi, marseillais, pour moi, Français, je n'ai pas l'impression que ce soit un succès absolu, c'est clair. Nous pouvons avoir le même raisonnement sur les modalités de financement avec les différents cycles financés par MEDA, est-ce que cela suffit ? On peut vraiment se poser la question pour essayer d'apporter de nouvelles réponses en tirant les bénéfices de ce qui a marché, mais en portant des jugements objectifs sur ce qui n'a pas marché.
Ce qui est difficile dans le bassin méditerranéen, ce sont les problèmes de démographie, de démocratie, d'économie, d'eau et de conflits. Et c'est peut-être pour toutes ces raisons que l'on n'a pas pu aller jusqu'au bout du processus de Barcelone ou consommer les fonds européens dans le cadre de MEDA. Alors peut-être que des structures souples comme celles du "5+5" peuvent proposer à l'Europe une vraie politique méditerranéenne avec des outils qui s'appuient sur les succès et qui rejette les échecs pour passer à une nouvelle étape.
Q - Que pensez-vous du sommet des petits et moyens pays à Luxembourg ?
R - Il n'y a pas de petits ou moyens pays. Il n'y a que des pays, des pays qui ont des logiques différentes. Les pays de l'Est qui rentrent en Europe ont des logiques de développement économique, d'appartenir à un marché, - une logique qui est différente de celle de l'Espagne, du Portugal ou de la France. Pour autant, chacun de ces pays doit trouver sa place, son rang et doit se sentir considéré et respecté pour s'intégrer dans une démarche commune. C'est cela la difficulté de l'exercice.
D'où l'importance de cette construction européenne où l'on doit répondre à des questions stratégiques de fond qui concernent la mission de l'Europe dans les dix ou quinze ans à venir, la raison pour laquelle on se met tous ensemble et où l'on va tous ensemble. On y va sur le plan économique, on voit bien que l'euro est plutôt un succès, que c'est quelque chose qu'on nous envie à l'extérieur. On y va sur le plan politique, on voit bien qu'il y a des difficultés d'équilibre entre la Commission et l'Assemblée. On y va sur le plan des Affaires étrangères, on voit bien, avec ce que l'on vient de vivre, que nous avons parlé avec des voix discordantes, que cela perturbe le fonctionnement européen et cela perturbe notre puissance internationale. De la même manière, dans le cadre de la défense, il faut savoir comment on s'inscrit. Il faut poser les questions pour y répondre très clairement. On n'y échappera pas.
Q - La réunion "5+5" est-elle une initiative française ?
R - Non, c'est une réunion annuelle. Elle tombe à un moment qui est opportun. C'est sur chacune des rives alternativement.
Q - Est-ce que l'on ne risque pas une certaine langue de bois à Sainte-Maxime, afin de se débarrasser d'un sommet embarrassant ?
R - J'espère que non, et si on fait ces efforts, ces déplacements, ces contacts bilatéraux, c'est que l'on a tous envie de faire des propositions concrètes. Et on peut les faire d'autant plus facilement que finalement c'est une structure souple de gens qui vivent ensemble, qui ont l'habitude de travailler ensemble, dans un processus de respect de ces différents pays de la Méditerranée occidentale qui fait en sorte qu'ils peuvent envoyer des messages, et le plus fort des messages est envoyé à l'Europe. Pourquoi l'Europe ? Parce que l'Europe est en train d'être tirée vers l'Est et nous, nous estimons qu'il ne faut pas oublier le Sud.
Q - La récente visite de M. Chirac a montré que la principale attente du sud, c'étaient les visas
R - C'est l'une des demandes, c'est clair, mais quand vous avez dans une ville d'un million de personnes comme Oran, 800 000 personnes qui descendent dans la rue, ce ne sont pas 800 000 personnes qui demandent des visas. Ce sont deux pays qui se connaissent depuis très longtemps, qui ont eu, il n'y a pas si longtemps, une histoire difficile à vivre et qui aujourd'hui, par la visite du président de la République et la première visite d'un chef d'Etat français depuis l'indépendance de ce pays, réussissent à tourner la page. On voit les jeunes manifester, on voit que la population a besoin de s'accrocher à l'Europe parce qu'elle se rend bien compte qu'il se passe un certain nombre de choses, que beaucoup de jeunes sont au chômage, qu'ils n'ont pas été formés et que, bien entendu, pour l'Europe, c'est la France, et donc l'accès à la connaissance, au savoir, à la richesse, cela passe par l'Europe, mais en ligne directe par la France.
Je crois surtout que ce moment de liesse, ce moment de joie intense, ce moment où vous avez ces 800 000 personnes sur un million qui descendent dans la rue, cela ne correspond pas à des visas. La réalité c'est qu'il y autour du bassin méditerranéen, dans tous ces pays, j'en suis absolument convaincu, des problèmes d'eau, des problèmes d'économie, des problèmes de démographie, que compte tenu de la mondialisation générale on a envie de travailler ensemble au niveau de la région et que l'Europe doit s'y pencher. Et l'Europe réussira si elle a une vraie politique euro-méditerranéenne.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 avril 2003)
Nous nous rendons compte avec les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Maltais et les Français qu'il est nécessaire de faire des propositions dans le cadre de cette structure souple, et qui doit le rester, pour que l'Europe engage une politique euro-méditerranéenne. Je suis venu proposer un certain nombre de propositions susceptibles d'être présentées à la présidence grecque aujourd'hui, et à la présidence italienne demain, pour faire en sorte que l'Europe inscrive dans sa stratégie une nouvelle politique euro-méditerranéenne. C'est une démarche importante puisque le Portugal est attaché à cette structure souple qu'elle a suscitée et relancée et sur laquelle elle est très attentive. Nous nous rendons bien compte tous ensemble que l'Europe se doit d'avoir des propositions dans le cadre de la politique méditerranéenne. Ces propositions sont globalement validées et acceptées par l'ensemble des Dix et seront présentées la semaine prochaine. Il y a en tout cas un consensus et une volonté, une nouvelle fois, de travailler ensemble. C'est la raison pour laquelle je suis venu, du fait que le Portugal est un partenaire de premier rang.
Je vais vous présenter M. Marleix, ici présent, qui est député et qui préside le groupe d'amitié France/Portugal. Nous arrivons de Tunisie.
Au niveau de la crise irakienne, il est clair, nous le réaffirmons, que les Américains sont nos amis et nos alliés, que nous étions dans une logique d'action multilatérale dans le cadre du Conseil de sécurité, validée à l'unanimité, pour désarmer un pays qui était susceptible de disposer des armes de destruction massive et ceci pouvait se faire dans le cadre des inspections. Aujourd'hui la guerre est engagée. Nous souhaitons que ce conflit cesse le plus vite possible et le mieux possible et il est important de se projeter dans l'avenir. Il y a la résolution 1472 qui a été votée à l'unanimité au Conseil de sécurité pour la remise en place du programme "Pétrole contre nourriture", sous l'autorité des Nations unies, rappelant la nécessité de la souveraineté du peuple irakien et l'intégrité territoriale de l'Irak. Aujourd'hui M. Powell, à l'OTAN, rencontre l'ensemble des ministres des Affaires étrangères européens et des membres de l'OTAN. C'est une démarche multilatérale que bien entendu nous appuyons, à laquelle nous souscrivons, et que nous souscrivons inscrivons dans l'avenir.
Au niveau européen, Mme Lenoir, ministre déléguée chargée des Affaires européennes se rendra ici, au Portugal, à la fin du mois pour continuer cette construction européenne qui aujourd'hui subit une crise, mais l'Europe s'est construite grâce à des crises et toutes les crises ont apporté une solution par une construction. Donc c'est un message de construction positif. Nous avons tous la volonté de construire une Europe qui fonctionne et dans laquelle chacun trouve sa place. Et aujourd'hui, la crise nous permettra, je pense, de poser de bonnes questions et de fabriquer notre propre avenir.
Parallèlement à cela, dans le cadre d'une relation bilatérale, je crois que c'est très important de le souligner, nous sommes l'un des plus gros partenaires économiques du Portugal et c'est un client important pour nous puisqu'il est aussi important que la Chine qui est en dixième position. Nous sommes le troisième investisseur, nous avons près de 500 entreprises qui travaillent ici et qui emploient près de 80 000 personnes. Par ailleurs, 800 000 Portugais vivent en France. Nous avons donc des relations anciennes, ancestrales et amicales, fortes, denses, et nous pouvons constater, que ce soit au Lycée français où il y a près de 1750 jeunes ou au niveau des entreprises, que ce partenariat, cet esprit économique, cette dynamique commune fonctionnent parfaitement bien. L'Ambassadeur, ici présent, veille à ce que tout cela se passe bien, mais j'ai pu constater dans mes entretiens que, d'abord, tous nos interlocuteurs portugais parlent un français remarquable et vraiment tout ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise.
Je repars tout à l'heure pour préparer ce sommet qui pourra peut-être apporter des propositions politiques, susceptibles de bien montrer qu'une convergence de vues sur le plan politique, sur le plan diplomatique et sur le plan économique existe entre l'Europe et les pays du Maghreb. C'est une démarche me semble-t-il nécessaire, qui correspond à ces déplacements politiques qui nourrissent l'amitié entre nos deux pays. Le Premier ministre portugais va se rendre en France le 22 avril. Un accord a été passé entre nos deux pays pour que tous les ans les Premiers ministres se rencontrent. Tout cela montre bien à quel point nous sommes proches et cohérents avec nous-mêmes, même si aujourd'hui, sur le problème de l'Irak, nous avons eu des divergences d'appréciations. Je repars optimiste et ces entretiens ont été particulièrement sympathiques, amicaux et, je pense, efficaces.
M. Marleix reviendra la semaine prochaine avec un groupe de parlementaires pour rencontrer des membres du Parlement et pour entretenir ce dialogue, cette discussion, notamment le débat sur l'Irak dans le cadre de cette guerre, pour en sortir le plus vite possible et pour voir quelle serait la meilleure solution entre nos peuples et surtout sur la construction européenne.
Q - Quelle est la différence des positions portugaise et française sur l'Irak ?
R - Le Portugal a souhaité soutenir la nation américaine et s'inscrire dans la coalition. Dont acte et vous connaissez notre position sur l'opération militaire en Irak. Pour autant, les Américains sont nos amis et nos alliés depuis toujours et ils le resteront, les Portugais sont nos amis et nos alliés depuis toujours et ils le resteront. Et nous sommes dans une situation maintenant, compte tenu de cette prise de position, où il faut fabriquer l'avenir avec nos amis et nos alliés en tenant compte de cette nouvelle situation qui pour autant ne change pas nos relations respectives.
Q - Comment évaluez-vous les relations entre la France et les Etats-Unis en ce moment ?
R - Dominique de Villepin a rencontré Colin Powell tout à l'heure. Ce sont eux qui en feront état et la presse est là-bas pour rendre compte. Ils apporteront eux-mêmes leurs sentiments respectifs sur cette rencontre. Ce que je peux vous dire, c'est que, pour avoir participé, soit à toutes les réunions multilatérales des ministres des Affaires étrangères au Conseil de sécurité, soit aux réunions bilatérales entre Colin Powell et Dominique de Villepin, nos relations sont pleines d'amitié et de respect. Nous disons les choses parce que nous sommes amis, et que ces réunions-là sont des réunions des membres d'une même famille, qui se disent les choses clairement parce qu'ils s'apprécient.
Nous avons des intérêts économiques majeurs aux Etats-Unis, beaucoup d'entreprises américaines sont associées à des entreprises françaises. La seule chose que je peux vous dire c'est par contre que nous n'avons aucun intérêt économique en Irak, puisque ce pays représente 0,3% du commerce extérieur français. Nous ne sommes pas en compétition là-bas.
Q - Mais les relations ne sont pas bonnes
R - La guerre est en cours. Il faut essayer d'avoir le sens des responsabilités. On va avoir des manifestations, des tentatives de boycott, tout ceci est quelque part normal quand des peuples sont en guerre. Pour autant, sur le fond, notre histoire est forte, notre amitié est dense et donc notre avenir se fera ensemble, mais nous passons un moment difficile en Europe, dans le monde, dans cette région.
Nous avons toujours pensé et nous pensions que la guerre est une chose, mais il faudra faire la paix, et la paix ne se fera que tous ensemble. La paix ne se fera pas seule, ce n'est pas possible. Et d'ailleurs les Américains l'on déjà compris, puisqu'ils sont allés au Conseil de sécurité dans le cadre de la résolution qui redonne une légitimité à un processus d'aide humanitaire pour plus de 60% de la population qui était nourrie par le programme "Pétrole contre nourriture". Nous estimons, dans cette période du conflit, que ces 60% peuvent représenter 10 millions de personnes qui ont besoin de l'aide alimentaire mondiale et qu'aujourd'hui nous ne sommes capables sur le plan humanitaire que d'aider un million de personnes sur trois mois. Cela, c'est une réalité.
Q - Est-ce qu'il y a un accord entre la France et le Portugal sur la gestion post-conflit et sur le rôle de l'ONU ?
R - Non, il n'y a pas encore d'accord à ce sujet, mais d'après les échanges que j'ai eus avec mes différents interlocuteurs, nous nous inscrivons dans le multilatéral. On voit très bien d'ailleurs que M. Blair qui est membre de la coalition et qui a des hommes sur le terrain, s'est exprimé très clairement pour que le multilatéral joue de tout son poids.
Q - Quel type de propositions peuvent surgir de cette réunion de Sainte-Maxime, quelles pistes ?
R - Si vous voulez faire en sorte que l'Europe puisse se développer, notamment vers l'Europe de l'Est, puisque c'est la mécanique qui est en place aujourd'hui, comment traiter ce qu'a appelé Romano Prodi à Tunis il y a trois jours ces "nouvelles relations de bon voisinage". Il faut arriver à apporter des solutions sur le plan financier, il faut apporter des réponses sur le plan de la dévolution de la démocratie : comment peut-on mettre en place un parlement qui puisse avoir un rôle de délibération ? Peut-on apporter une réponse sur le volet culturel ? Nous devons mettre en place un dispositif avec les nouvelles technologies pour l'échange des cultures dans cette région et parallèlement à cela, une projection sur l'intelligence, sur la formation, sur les universités, les facultés, dans le cadre d'Internet et Intranet, de ces universités mobiles qui échangent entre elles leurs ressources scientifiques ou leurs publications. Voilà quelques pistes qui me paraissent envisageables en termes de propositions.
Q - On a l'impression qu'il y a beaucoup de rhétorique autour de la Méditerranée. Où en est le processus de Barcelone ? C'est vrai qu'il y a une volonté, mais on a toujours l'impression que cela patine.
R - C'est la raison pour laquelle j'ai commencé mes déplacements à Rome où je suis allé voir mon homologue et où j'étais allé voir le Cardinal Etchegarray qui revenait de Bagdad, pour voir la conception de nos amis italiens qui vont avoir la présidence de l'Union européenne. Selon l'interlocuteur, le processus est un échec ou un succès, mais globalement pour moi, marseillais, pour moi, Français, je n'ai pas l'impression que ce soit un succès absolu, c'est clair. Nous pouvons avoir le même raisonnement sur les modalités de financement avec les différents cycles financés par MEDA, est-ce que cela suffit ? On peut vraiment se poser la question pour essayer d'apporter de nouvelles réponses en tirant les bénéfices de ce qui a marché, mais en portant des jugements objectifs sur ce qui n'a pas marché.
Ce qui est difficile dans le bassin méditerranéen, ce sont les problèmes de démographie, de démocratie, d'économie, d'eau et de conflits. Et c'est peut-être pour toutes ces raisons que l'on n'a pas pu aller jusqu'au bout du processus de Barcelone ou consommer les fonds européens dans le cadre de MEDA. Alors peut-être que des structures souples comme celles du "5+5" peuvent proposer à l'Europe une vraie politique méditerranéenne avec des outils qui s'appuient sur les succès et qui rejette les échecs pour passer à une nouvelle étape.
Q - Que pensez-vous du sommet des petits et moyens pays à Luxembourg ?
R - Il n'y a pas de petits ou moyens pays. Il n'y a que des pays, des pays qui ont des logiques différentes. Les pays de l'Est qui rentrent en Europe ont des logiques de développement économique, d'appartenir à un marché, - une logique qui est différente de celle de l'Espagne, du Portugal ou de la France. Pour autant, chacun de ces pays doit trouver sa place, son rang et doit se sentir considéré et respecté pour s'intégrer dans une démarche commune. C'est cela la difficulté de l'exercice.
D'où l'importance de cette construction européenne où l'on doit répondre à des questions stratégiques de fond qui concernent la mission de l'Europe dans les dix ou quinze ans à venir, la raison pour laquelle on se met tous ensemble et où l'on va tous ensemble. On y va sur le plan économique, on voit bien que l'euro est plutôt un succès, que c'est quelque chose qu'on nous envie à l'extérieur. On y va sur le plan politique, on voit bien qu'il y a des difficultés d'équilibre entre la Commission et l'Assemblée. On y va sur le plan des Affaires étrangères, on voit bien, avec ce que l'on vient de vivre, que nous avons parlé avec des voix discordantes, que cela perturbe le fonctionnement européen et cela perturbe notre puissance internationale. De la même manière, dans le cadre de la défense, il faut savoir comment on s'inscrit. Il faut poser les questions pour y répondre très clairement. On n'y échappera pas.
Q - La réunion "5+5" est-elle une initiative française ?
R - Non, c'est une réunion annuelle. Elle tombe à un moment qui est opportun. C'est sur chacune des rives alternativement.
Q - Est-ce que l'on ne risque pas une certaine langue de bois à Sainte-Maxime, afin de se débarrasser d'un sommet embarrassant ?
R - J'espère que non, et si on fait ces efforts, ces déplacements, ces contacts bilatéraux, c'est que l'on a tous envie de faire des propositions concrètes. Et on peut les faire d'autant plus facilement que finalement c'est une structure souple de gens qui vivent ensemble, qui ont l'habitude de travailler ensemble, dans un processus de respect de ces différents pays de la Méditerranée occidentale qui fait en sorte qu'ils peuvent envoyer des messages, et le plus fort des messages est envoyé à l'Europe. Pourquoi l'Europe ? Parce que l'Europe est en train d'être tirée vers l'Est et nous, nous estimons qu'il ne faut pas oublier le Sud.
Q - La récente visite de M. Chirac a montré que la principale attente du sud, c'étaient les visas
R - C'est l'une des demandes, c'est clair, mais quand vous avez dans une ville d'un million de personnes comme Oran, 800 000 personnes qui descendent dans la rue, ce ne sont pas 800 000 personnes qui demandent des visas. Ce sont deux pays qui se connaissent depuis très longtemps, qui ont eu, il n'y a pas si longtemps, une histoire difficile à vivre et qui aujourd'hui, par la visite du président de la République et la première visite d'un chef d'Etat français depuis l'indépendance de ce pays, réussissent à tourner la page. On voit les jeunes manifester, on voit que la population a besoin de s'accrocher à l'Europe parce qu'elle se rend bien compte qu'il se passe un certain nombre de choses, que beaucoup de jeunes sont au chômage, qu'ils n'ont pas été formés et que, bien entendu, pour l'Europe, c'est la France, et donc l'accès à la connaissance, au savoir, à la richesse, cela passe par l'Europe, mais en ligne directe par la France.
Je crois surtout que ce moment de liesse, ce moment de joie intense, ce moment où vous avez ces 800 000 personnes sur un million qui descendent dans la rue, cela ne correspond pas à des visas. La réalité c'est qu'il y autour du bassin méditerranéen, dans tous ces pays, j'en suis absolument convaincu, des problèmes d'eau, des problèmes d'économie, des problèmes de démographie, que compte tenu de la mondialisation générale on a envie de travailler ensemble au niveau de la région et que l'Europe doit s'y pencher. Et l'Europe réussira si elle a une vraie politique euro-méditerranéenne.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 avril 2003)