Déclaration de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur le rôle du tourisme dans le développement économique de la Corse et l' amélioration de la qualité de l'offre touristique dans le cadre du contrat de plan Etat région, Ajaccio, le 6 décembre 1999.

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Circonstance : Réunion avec les professionnels du tourisme et les élus de Corse, à Ajaccio, le 6 décembre 1999

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi de vous dire le plaisir que j'ai à me retrouver à nouveau sur votre Île de Beauté.
Je ne cacherai pas, Monsieur le Président, mon attachement profond à la Corse qui m'a conduit, dès ma prise de fonctions, à y accomplir l'une de mes toutes premières visites officielles et à y revenir depuis, chaque été, à l'occasion d'événements touristiques ou culturels.

J'avais annoncé cet été en Balagne mon intention d'organiser une nouvelle rencontre destinée à échanger avec l'ensemble des élus et des acteurs concernés par la valorisation touristique de cette île et à préparer les bases du futur contrat de plan qui liera l'Etat et votre région pour les 7 prochaines années.

Nous vivons en effet un moment important du devenir de l'économie touristique de ce pays et de votre région.

De nos choix, de nos capacités à nous unir autour d'objectifs communs, forts et ambitieux, dépendra le succès d'un secteur d'activité qui constitue aujourd'hui l'un des moteurs essentiels de la croissance nationale et l'un des grands viviers d'emplois de cette fin de siècle.

C'est la raison pour laquelle je me suis rendue ces 6 derniers mois régulièrement sur le terrain dans les différentes régions touristiques de ce pays pour y rencontrer, comme je le fais aujourd'hui en Corse, celles et ceux qui aujourd'hui au quotidien font la réalité touristique de la France ou qui sont les porteurs de projets de son devenir.

Je suis très attachée en effet à cette démarche de concertation et de dialogue qui permettra de faire de ces futurs contrats de plan, non pas des démarches élitistes réservées à quelques privilégiés, mais, bien au contraire, des outils efficaces d'aménagement du territoire et de développement local.

C'est cette volonté d'accompagner le développement économique de la Corse qui a d'ailleurs conduit l'Etat à augmenter les moyens du contrat de plan qui liera celui-ci à la collectivité territoriale en portant l'enveloppe globale de ce dernier à plus de 1 milliard 630 MF. Ce qui représente une progression de 73 % des moyens par rapport à l'actuel contrat de plan, et ce qui met la Corse à la première place des régions métropolitaines si l'on regarde le ratio francs par habitant.

En venant à Ajaccio aujourd'hui, je m'inscris totalement dans cette démarche partenariale.

Je pense que le tourisme est, en cette fin de siècle, à un tournant de son histoire.

Il suffit pour s'en convaincre de voir l'extraordinaire développement des flux internationaux en matière de tourisme. Ceux-ci, selon l'OMT, devraient doubler en Europe et tripler dans le monde.

Pour que la France puisse prendre sa part légitime de cette croissance, il est nécessaire qu'elle se prépare activement en adaptant son offre aux nouvelles exigences de ses visiteurs et en réaffirmant sa présence sur les grands marchés de l'Europe et du monde par une promotion dynamique, des produits de qualité et un accueil irréprochable.

C'est pourquoi la politique que j'ai engagée depuis ma prise de fonctions visait, dans un premier temps, à faire reconnaître le tourisme auprès des décideurs politiques et économiques de ce pays comme un véritable secteur de développement économique et social, créateur d'emplois qualifiés et pérennes et générateurs d'un bien-être social.

J'ai souhaité également que chacun prenne conscience que ce secteur correspond à une aspiration légitime dont encore trop de nos concitoyens sont exclus.
Il est une activité économique qui se rattache à une éthique et à des valeurs d'amitié, de solidarité et d'échange de cultures, contribuant ainsi à plus de tolérance et de paix.

C'est ce tourisme équilibré, respectueux de l'environnement, des cultures et des traditions, mais en même temps porteur de développement local et créateur d'emplois que j'entends mettre en uvre avec vous durant ces prochaines années.

La Corse me semble, en effet, réunir toutes les conditions favorables pour y parvenir. Vous bénéficiez non seulement d'un espace naturel, vaste, diversifié et surtout préservé, mais aussi d'une forte identité.
Il vous appartient de valoriser et de promouvoir davantage encore ce potentiel environnemental, culturel et patrimonial riche.

L'originalité de votre île réside aussi dans sa capacité à offrir toute une palette de produits qui vont du tourisme balnéaire le plus classique aux activités de montagne, en passant par le tourisme vert ou de nature, sans oublier bien sûr, la gastronomie.

Et je sais que bon nombre de vos visiteurs ont été séduits par ce mariage harmonieux permanent entre mer et montagne qui caractérise l'Île de Beauté.

Enfin et ce n'est pas le moindre de vos atouts, la Corse prend aujourd'hui la dimension de cet enjeu touristique, que ce soit au niveau de sa population ou de ses élus qui dans les collectivités territoriales et locales ont en charge ses choix de développement. Et je m'en réjouis.

Au cours de mes différentes visites ministérielles ou plus personnelles sur l'île, mais aussi à mon ministère à Paris, j'ai rencontré déjà beaucoup d'entre vous.

Vous m'avez fait part de vos ambitions, de votre volonté d'aller plus loin, de votre souci de cohérence, tant au niveau de l'aménagement touristique du territoire corse que de la promotion de son tourisme.

Mais vous m'avez fait part aussi de vos inquiétudes, de vos faiblesses et de l'urgence qu'il y avait à y apporter des réponses concrètes.

Ainsi a été souvent évoqué la nécessité que le secteur du tourisme soit mieux pris en compte dans toute sa dimension économique et sociale par les différentes collectivités de l'île. Et je salue particulièrement la présence dans cette salle de......

Le tourisme, il faut le rappeler, a fait ici ses preuves. Il a montré sa capacité à entraîner une grande part de l'économie.
Ses effet positifs se font sentir, en effet, bien au-delà de ses seuls acteurs.

Le commerce, l'agriculture, le bâtiment, l'artisanat comme les transports en sont aussi les bénéficiaires.

Vous avez démontré également qu'une croissance soutenue de ce secteur est possible, tout particulièrement dans le cadre d'une meilleure répartition de l'activité en favorisant une meilleure utilisation de l'existant et le développement de produits diversifiés.

Les effets de cette croissance sur l'emploi et sur les ressources des ménages, sont d'ores et déjà non négligeables.

Vous m'avez fait part aussi, de votre souhait de voir élaborer les outils stratégiques et de planification indispensables au développement cohérent du tourisme en Corse, que vous appelez de vos vux.

Je pense bien sûr au nécessaire schéma régional d'aménagement et de développement du tourisme et des loisirs qui lui-même doit s'inscrire dans un schéma d'aménagement plus large, comme le souhaite Monsieur le Président Giorgi.

Je pense aussi au plan stratégique marketing qui s'inscrit à l'image de celui réalisé au plan national un outil fondamental de la mise en cohérence des présences promotionnelles de la Corse comme de la France en Europe comme dans le monde.

Sa vocation fédératrice des partenaires touristiques et des initiatives de promotion, s'affirme de plus en plus et contribue au succès que nous connaissons en matière de fréquentation.

Et chacun sait, je tiens à le souligner, le rôle que l'Agence Touristique de la Corse a joué dans sa mise en place.

Mais permettez-moi de m'attarder quelques instants sur cette nécessité d'articuler le développement touristique autour de stratégies claires, partagées par tous car élaborées dans le dialogue et la concertation.

Nous sommes de plus en plus confrontés au nécessaire rééquilibrage territorial de notre tourisme.

En effet, sur l'île comme sur le continent, nous constatons que 80 % de nos visiteurs sont concentrés sur 20 % de notre territoire. Nous le savons, cette situation est incompatible avec une ambition de développement touristique durable. D'autant, que ces mêmes visiteurs ont de nouvelles exigences, en termes de cadre de vacances, de diversité des activités et de qualité d'accueil.

C'est la raison pour laquelle il faut veiller à élargir le champs des réponses à ces nouvelles attentes et votre île, à ce niveau, a toutes les ressources nécessaires pour y parvenir.

Vous avez, en effet, la capacité de faire émerger de nouveaux pôles de développement aux vocations touristiques différentes certes, mais très complémentaires.

Vous pourrez réaffirmer ainsi, j'en suis convaincue, la spécificité et l'authenticité de votre région en vous appuyant notamment sur les sites naturels exceptionnels dont vous bénéficiez tant sur le littoral qu'à l'intérieur et sur les richesses culturelles et patrimoniales très diffuse sur votre territoire.

Aussi, dans le cadre de votre Plan de Développement de la Corse, la définition de votre Schéma d'Aménagement de l'Ile peut elle être l'occasion d'affirmer l'existence de ces nouveaux pôles touristiques et d'assurer à travers eux cette meilleure répartition, non seulement dans l'espace mais aussi dans le temps, de vos touristes.

C'est pourquoi, votre volonté d'établir un maillage institutionnel et territorial du tourisme et de diversifier l'offre en hébergements comme en activités ou en événements, contribuera sans doute à répondre à cet enjeu de développement.
La pluri-saisonnalité des activités, est aussi une des conditions du succès.

Le rééquilibrage territorial du tourisme doit aussi s'accompagner, chacun le sait ici, d'une connaissance plus fine des touristes d'aujourd'hui, pour mieux comprendre leurs attentes bien sûr, mais surtout pour mieux y répondre.

L'observatoire régional du tourisme constitue pour l'ensemble de la profession, un outil précieux de cette connaissance.

Toutes ces orientations devraient permettre de vous aider dans la politique que vous avez engagée autour de l'Agence du Tourisme de la Corse. Elles devraient aussi vous permettre, après des choix que je sais être difficiles mais nécessaires, de mieux déterminer les clientèles françaises et étrangères auprès desquelles vous souhaiterez promouvoir votre offre et valoriser votre image.

Tout cela impliquera en complément, et vous avez été nombreux à m'interpeller sur ce sujet, de conforter et de restructurer le tissu économique et touristique de votre île qui se compose, ici comme ailleurs, quasi exclusivement de petites et moyennes entreprises.

Je sais que dans un contexte de concurrence entre destinations méditerranéennes, les entreprises touristiques corses doivent s'adapter et donc moderniser bien souvent leur outil de travail.

Mais je sais aussi dans quelles conditions difficiles et même parfois délicates elles se trouvent, tant en termes de trésorerie que d'endettement et ce, malgré 2 années de redressement de la fréquentation touristique.

Le problème du financement des entreprises est sensible sur cette île, en raison notamment de la frilosité naturelle du secteur bancaire pour le tourisme.

Il l'est d'ailleurs tout autant sur le continent.

Comme vous le savez, la caractéristique de votre secteur d'activité est de jumeler à la fois une forte intensité capitalistique et de main d'oeuvre à de faibles taux de marge.
Et il faut bien l'avouer, il souffre encore trop d'une mauvaise image auprès d'un secteur bancaire qui ne pratique guère de capital risque en matière de tourisme.

C'est après avoir fait ce constat et pour faciliter en l'accompagnant, la modernisation de vos équipements et de vos entreprises que j'ai décidé de faire procéder par mes services, sur l'ensemble du territoire à une analyse micro-économique d'une centaine de petites et moyennes entreprises "panels" de l'hôtellerie-café-restauration dans 8 départements, afin d'identifier ses besoins en investissement au niveau national.
Concernant la Corse, j'ai demandé à mes services de réaliser également ici, cette analyse fine de la situation de l'endettement des entreprises pour mieux identifier vos besoins spécifiques.

C'est notamment au vu de ses éléments qu'il sera possible d'établir ensemble, un véritable "contrat de modernisation et de valorisation" de l'offre touristique Corse.

Le but de ce contrat est de permettre d'accompagner les entreprises dans leurs démarches de modernisation et dans leurs perspectives de développement.

Je vous propose qu'il s'articule, dans sa mise en place, autour de quatre étapes :
l'identification et la qualification des projets
l'aide au conseil et au montage des projets
l'appui à leurs mises en uvre
et enfin leur suivi.
Bien entendu, pour en assurer la bonne marche un certain nombre de moyens et d'outils sera mobilisé.

Je citerai en premier lieu le contrat de plan dont j'ai porté l'enveloppe tourisme à 55 MF soit une augmentation de 278 %, ce qui en fait l'une des plus importantes au niveau national (la seconde).

Pour vous accompagner dans cette démarche, j'ai aussi décidé de renforcer notablement les moyens humains et les capacités d'expertises de mon ministère, en Corse.

Par ailleurs j'ai demandé au Directeur du Tourisme et de l'AFIT de désigner un collaborateur qui aidera de manière permanente, du ministère, les projets de la Corse.

Enfin, j'ai le plaisir de vous informer qu'à mon initiative et celle de ma collègue Marylise Lebranchu, le gouvernement a décidé la mobilisation du Fonds National de Développement des Entreprises, pour favoriser la création d'un fonds régional qui, s'il était abondé par la collectivité territoriale Corse, comme il semble qu'elle le souhaite, permettrait de garantir les prêts accordés aux entreprises de l'île à une hauteur maximale de 70 %.

Le tourisme est bien sûr l'un des tout premiers secteurs concernés par cette mesure.

Mais, vous le savez, l'aménagement du territoire, l'équipement et la valorisation des entreprises ne suffisent pas à eux seuls à pérenniser le développement touristique.

La qualification des hommes et des femmes, leur formation et l'emploi durable qui en résulte constituent la clé de voûte d'un tourisme facteur de croissance et de progrès social.

Comme vous le savez j'ai fait de cet objectif l'une des priorités de mon ministère et des futurs contrats de plan.

Je sais qu'un certain nombre de dossiers avance maintenant rapidement dans le domaine de la formation initiale et continue des acteurs du tourisme en particulier autour des deux pôles de formation d'Ajaccio et de Bastia.

Mais je sais aussi, qu'ici comme ailleurs, se pose le problème des conditions de vie et de travail des salariés saisonniers du tourisme.

J'ai, comme vous le savez, confié à Monsieur Anicet LE PORS, conseiller d'Etat et ancien Ministre, la réalisation d'un rapport dont il m'a remis les conclusions au début de cette année.

Depuis, j'ai engagé un important travail interministériel qui devrait aboutir prochainement à un certain nombre de mesures dans les domaines de la sécurisation des embauches et des contrats de travail, de la santé, du logement et de la formation des ces salariés encore trop précarisés.

J'ai par ailleurs mené avec les professionnels et les élus de la région PACA une expérimentation pilote des besoins en matière de formation, qui permettra, en dehors des saisons touristiques, l'organisation de formations bi-qualifiantes, rémunérées, à destination des saisonniers. Celle-ci pourrait être étendue à l'île de Beauté.

Une fois encore l'ensemble des services de l'Etat seront à vos cotés pour accompagner toutes les initiatives que vous pourrez prendre pour améliorer les conditions de travail et de vie de ces saisonniers.

Mais puisque cette réunion à pour objectif de me mettre à votre écoute pour mieux appréhender comment nous allons ensemble assurer le développement de l'économie et de l'emploi touristique de la Corse, je vais maintenant vous céder la parole en vous remerciant de votre présence à cette rencontre et de la chaleur de votre accueil.

(source http://www.tourisme.gouv.fr, le 6 janvier 2000)