Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur les relations économiques et commerciales entre la France et L'Inde et sur la nécessité de réguler le commerce international et d'y inclure les pays en voie de développement , Paris, le 23 mai 2000.

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Circonstance : Ouverture de la Xème commission mixte franco-indienne, à Paris, le 23 mai 2000

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Messieurs les Directeurs, Mesdames, Messieurs,
1 - Contexte bilatéral de la Commission mixte :
Je tiens tout d'abord à vous souhaiter la bienvenue en France, Monsieur le Ministre, ainsi qu'à la délégation de fonctionnaires et d'hommes d'affaire qui vous accompagnent, et à vous dire combien je souhaite que ce séjour réponde pleinement à nos attentes mutuelles.
Mieux nous connaître pour savoir comment et quoi décider afin de travailler ensemble mieux et davantage. Tel est l'objet de cette Xème Commission mixte et des autres rencontres tenues à cette occasion, particulièrement avec les milieux d'affaires de Paris et de la région Rhône-Alpes. Je veux en effet réaffirmer en préambule le souhait très vif du gouvernement français de voir s'étendre au plan économique l'exceptionnelle qualité des relations politiques que nous entretenons avec l'Inde et que traduit le partenariat stratégique engagé il y a deux ans.
Ce partenariat trouve son fondement me semble-t-il dans une conviction partagée profondément par nos deux pays : l'attachement à une vieille culture et à une longue histoire n'est pas antinomique avec le souci de la modernité économique et sociale. Ainsi, à l'heure de la mondialisation, la France comme l'Inde, souhaitent défendre une conception des échanges, notamment économiques, respectueuse de la diversité de chacun, dans un monde qu'elle veulent multipolaire, ainsi que le rappelaient les Présidents CHIRAC et NARAYANAN, il y a quelques semaines à Paris.
Comme ministre du commerce extérieur, notre rencontre revêt pour moi une importance particulière : je ne peux me résoudre à me satisfaire du niveau actuel de nos échanges alors même que la puissance économique indienne ne cesse de se renforcer grâce au dynamisme de ses entrepreneurs et aux réformes de son gouvernement et que la France, quatrième puissance commerçante du monde, constitue aujourd'hui un des points d'appui les plus solides de la croissance de la zone euro. C'est pourquoi j'attends que nos travaux ce matin, à l'image des échanges que nous venons d'avoir, Monsieur le Ministre, soient francs et constructifs, sans hésiter à s'affranchir chaque fois que nécessaire du cadre quelquefois rigide d'un exercice administratif.
Si l'on s'en tient aux chiffres, nos échanges avec l'Inde demeurent en effet très en deçà de ceux de nos principaux partenaires européens. Ils sont en outre largement déficitaires (un peu plus de 200 millions d'Euros en 1999, il est vrai en forte diminution par rapport à 1998).
A cela plusieurs raisons sans doute. Sans vouloir épuiser le sujet et les échanges que nous allons avoir maintenant, permettez-moi d'en avancer deux : du côté français, une volonté inégale et en tous cas insuffisante de se donner les moyens d'appréhender sans idées préconçues l'ampleur des spécificités du marché indien et, par conséquent, une image quelques fois confuse et quelques fois caricaturale ; du côté indien, une perception sans doute encore relative de la transformation radicale et de la modernisation de nos entreprises depuis les années 1980, et du potentiel de développement d'un marché français désormais situé au cur de la zone Euro, et un des plus dynamiques de cette dernière.
Cette situation est cependant en passe de changer, j'en suis convaincu, sur le double plan de nos échanges commerciaux et de nos investissements. En outre, les esprits évoluent à grande vitesse. J'en veux pour preuve le succès des exposition France-India 2000, tenue en décembre dernier à Delhi, et " France Art de vivre ", à Bombay, auxquelles près de 250 entreprises française ont participé, et l'intérêt grandissant qui se manifeste en France autour de l'Inde des Nouvelles Technologies. Le choix de la France comme invité d'honneur du prochain Sommet technologique d'Hyderabad, en novembre prochain, confirmera d'ailleurs très certainement ce renouveau.
Plus concrètement, je me réjouis de ce que les investissements français en cours depuis début 1999 des grands groupes Michelin, Lafarge et Saint-Gobain conduiront sur un laps très très court à un triplement de notre stock d'investissements directs en Inde.
En direction de l'Inde, les autorités françaises d'ailleurs ont choisi depuis plusieurs années de mobiliser toutes les ressources disponibles : ressources financière, qu'il s'agisse de l'assurance crédit ou de l'aide publique au développement, et ressources humaines, à travers une nouvelle Mission Economique et Financière (MEF) et 4 autres implantations en Inde (Bombay, Bangalore, Madras, Calcutta), pour traduire dans les faits la priorité qui s'attache pour nous au partenariat économique entre les deux pays.
Mais bien entendu, tout ceci n'a de sens que si nos entreprises, qui sont les maîtres d'uvre concrets des échanges de biens, de services, de technologies et d'investissements, se persuadent des avantages considérables qu'elles auront à travailler ensemble. Je tiens donc à saluer, M. le Ministre, votre volonté de rencontrer nos entreprises pour leur présenter personnellement les perspectives offertes par l'économie indienne. Je ne doute pas que nos entrepreneurs, qu'il s'agisse des dirigeants des grandes entreprises française ou des PME, vous auront fait très bon accueil et continueront de le faire lors de votre déplacement en Région Rhône-Alpes.
2 - Le contexte multilatéral
Je souhaiterais également dès à présent dire quelques mots sur la position de la France quant à l'avenir des négociations multilatérales. Je crois en effet que c'est un sujet d'importance majeure, sur lequel nos deux pays, dans le respect des convictions de chacun, ne peuvent que gagner à dialoguer.
Le processus de globalisation est une donnée irréversible. Non maîtrisé, il peut aussi s'accompagner d'instabilité et d'inégalités.
Dans les pays développés, un sentiment d'insécurité lié à la montée en puissance des pays en développement en tant que producteurs de biens ou de services se développe. Les stratégies globales des entreprises engendrent la crainte d'un nivellement par le bas en matière sociale et environnementale.
Dans les pays en développement ou émergents, certains redoutent de ne pouvoir s'opposer à la puissance des sociétés transnationales, ou d'être perdants dans une ouverture qui serait inégale et ne tiendrait pas compte de la situation de départ de chacun. D'autres s'inquiètent du respect des valeurs culturelles, des patrimoines et des savoir-faire traditionnels.
Au total, les inquiétudes suscitées par la globalisation, sans être identiques partout, convergent et fondent une même conviction : une libéralisation sans conditions n'est pas souhaitable.
Le processus de globalisation reste néanmoins source de croissance et de productivité, j'en suis convaincu, même s'il appelle une meilleure régulation de la mondialisation, tant au plan de la libéralisation des mouvements de capitaux, qu'au plan des échanges commerciaux, pour lesquels nul ne doit pouvoir fixer unilatéralement les règles du jeu.
C'est pourquoi la France, avec l'Union européenne, a plaidé pour un cycle global permettant d'aborder de nouveaux sujets de régulation, dont la concurrence et l'investissement qui sont directement liés à l'accès au marché.
Des thèmes comme l'environnement ou les normes sociales restent controversés. La signature du protocole sur la biodiversité montre cependant que tous les pays ont un intérêt commun à la préservation de l'environnement.
Quant à la question des normes sociales nous ne l'envisageons pas sous l'angle de la concurrence déloyale, et écartons tout recours aux normes du travail à des fins protectionnistes. L'avantage comparatif des pays, en particulier des pays en développement à bas salaires, ne doit pas être remis en question, mais des progrès en matière de droits fondamentaux de l'homme au travail doivent pouvoir être accomplis.
Nous devons également améliorer le fonctionnement de l'OMC, et lui donner les moyens de remplir de manière efficace ses missions au service du développement. Il faut renforcer les moyens consacrés à l'assistance technique en son sein pour assurer la présence, la participation, et la force de proposition des pays en développement au processus de négociation, et faire droit aux questions de mise en uvre des engagements pris à Marrakech.
Enfin, beaucoup peut être fait pour améliorer la coordination entre les différentes enceintes internationales pour concilier les intérêts de tous, et traiter des questions dont les enjeux souvent à la fois économiques, environnementaux et sociaux le justifient.
L'Union européenne, et la France durant sa Présidence prochaine, entendent faire progresser cette réflexion.
3 - Le programme de la Commission mixte
L'importance de nos échanges de vues sur ces questions multilatérales me semble donc justifier qu'un point spécifique leur soit réservé parmi les sujets d'environnement économique qui seront traités tout à l'heure, même si notre Commission mixte se veut avant tout une enceinte bilatérale. Nous passerons ensuite en revue notre coopération dans différents secteurs, en particulier au vu du travail des groupes conjoints depuis la dernière Commission mixte ainsi que de leurs projets pour les prochains mois.
Permettez-moi d'avancer pour ma part les quelques réflexions suivantes :
- il faut que le cadre de notre coopération continue, comme il en fera la preuve tout à l'heure, à s'adapter avec souplesse à l'évolution de nos deux économies, et à des centres d'intérêt forcément évolutifs ;
- au-delà des thèmes qui seront évoqués, je voudrais attirer votre attention sur le secteur de l'eau et celui des nouvelles technologies de l'information. Je sais combien la maîtrise de ses ressources en eau est un enjeu stratégique pour l'Inde, et je crois que la France et ses entreprises ont les moyens d'établir avec elle une coopération fructueuse, ayant recours tant aux grandes solutions classiques qu'à des moyens plus originaux. Quant aux technologies de l'information, nous savons tous l'importance de ce secteur pour l'avenir économique, et le haut niveau atteint par l'Inde en particulier mais pas uniquement, dans le domaine des logiciels. Des partenariats entre entreprises de nos deux pays sont donc souhaitables et je veux les encourager ;
- Plus largement je souhaite que les relations entre nos deux pays soient également nourries par des PME. Nous devons donc réfléchir aux obstacles qui pèsent encore sur leur développement.
Enfin, la Commission se poursuivra avec la participation des entreprises ; lors du déjeuner et surtout lors de la séance de travail qui suivra au cours de laquelle des chefs d'entreprises indiens et français nous feront part de leur sentiment sur les perspectives de la relation économique franco-indienne.
En complétant les travaux des fonctionnaires par le dialogue des entreprises, de même qu'en prolongeant les discussions générales par des points sectoriels, je ne doute pas que cette journée soit aussi fructueuse que possible et j'espère très fortement pouvoir venir en Inde, dans les prochains mois, pour en approfondir les grandes orientations.
Merci de votre attention.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 29 mai 2000)