Interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, à France-Inter le 5 avril 2003, sur la réforme de retraites, le réseau de lutte contre les épidémies et les progrès de la défense européenne.

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Média : France Inter

Texte intégral

Q - Etes-vous surchargée ou au chômage technique ?
R - Je ne suis pas du tout au chômage technique. Je suis très occupée et je voyage beaucoup, car la famille européenne s'agrandit et l'espace européen s'agrandit d'autant. J'étais ces trois derniers jours dans les pays baltes, en Estonie, Lettonie et Lituanie. Les débats sur l'Europe sont très animés. Le sentiment est pro-européen.
Q - La température n'est-elle pas retombée ?
R - La température dans ces pays est un peu retombée. Ils ont surtout besoin d'être reconnus avec une identité retrouvée après cinquante ans de joug soviétique. Ils ont envie d'être des acteurs de premier plan en Europe, ce qui est bon signe.
Q - On avait dit qu'on saluerait ensemble Malte, car c'est le premier candidat entré après référendum.
R - Tout à fait : le peuple maltais après une campagne très rude entre pro et anti-Européens s'est prononcé avec un taux de participation de 91 % et 54 % en faveur de l'Europe. Le débat continue.
Q - C'est la démocratie. Vous êtes notre invité juge. Nous allons traiter des deux sujets d'actualité. Vous nous direz si vous avez des commentaires.
Sur les retraites.
R - Tous les pays européens sont confrontés à la même difficulté. Nous sommes des sociétés à grands progrès économique et social. L'espérance de vie est plus importante qu'hier. Imaginez que depuis la création de l'Europe, on a gagné 12 ans d'espérance de vie. Les hommes vivent jusqu'à 76 ans et les femmes jusqu'à 83 ans. Dans le même temps, il y a moins d'actifs, il y a du chômage et les gens partent en retraite plutôt. On a tous les mêmes difficultés. Certains sont allés plus vite pour s'adapter à cette nouvelle donne. C'est tout l'intérêt de l'Europe, tout en conservant à chaque Etat le soin de décider de son régime de retraite, de permettre les comparaisons. La méthode de M. Fillon est remarquable. Il a visité tous les pays et capitalisé toute cette information. Nous pensons que la réforme que nous allons mener va préserver ce à quoi nous tenons, c'est-à-dire que les travailleurs puissent, une fois leur temps de travail terminé, profiter pleinement de leur retraite. Si nous ne réformons par le système, le déficit public sera multiplié par deux en 2006. Je crois qu'il y a une confiance dans la nécessité de changer, éveillée par les comparaisons des systèmes de retraites européens.
Les épidémies
Q - Je pense que vous connaissez ce réseau européen de lutte contre les épidémies ?
R - On peut aller plus loin. Il faut absolument augmenter les compétences de l'Europe en matière de santé publique. Pour ma part, je pense qu'il faut se calquer sur l'exemple américain du centre "for disease control", qui est un institut fonctionnant en réseau pour la veille sanitaire et épidémiologique et pouvant déclencher des campagnes de dépistage et prendre des mesures coercitives pour limiter les contagions. A l'heure où la maladie voyage avec le malade, il faut vraiment prendre ces mesures, surtout vis-à-vis des pays qui vont nous rejoindre en 2004 car ils n'ont pas les outils pour faire face à ce genre de situation.
Q - Avez-vous le sentiment que la survie de l'Europe est menacée ?
R - Est-ce que vous connaissez une organisation qui soit plus attractive ? L'Europe est une famille turbulente surtout dans un contexte international lourd. Mais l'Europe est un modèle unique au monde : des Etats qui gardent leurs identités nationales mais capables de mettre en commun nombre de moyens et de compétences pour permettre à leurs citoyens de vivre dans la stabilité en démocratie avec un niveau de vie unique au monde. Le projet européen attire toujours les foules.
Q - Les conventionnels travaillent beaucoup à Bruxelles. On se demande ce qui va résulter de leur travail. Avez-vous quelques indiscrets ?
R - On a consacré le caractère politique de la construction européenne avec l'idée que l'Europe n'est pas seulement un marché. Les nouvelles compétences en matière de politique étrangère sont discutées. Ce qui se passe actuellement n'entraînera pas de recul. Il faut attendre encore quelques semaines. Mais aucun Etat ne veut aller en arrière.
Q - Il faut protéger l'économie, mais combien de divisions en Europe ?
R - La défense européenne doit être renforcée, notamment les capacités militaires. Il n'y aura pas de politique étrangère sans les moyens de mise en uvre de cette politique étrangère. C'est pourquoi nous souhaitons qu'il y ait sur la base du volontariat un accord entre les Etats pour se doter d'équipements militaires communs. Au dernier Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement le 21 mars à Bruxelles, a été entérinée la création d'une agence de l'armement pour la programmation et l'achat d'équipements militaires, qui serviront à consolider l'Europe politique.
Q - Depuis le Sommet de Nice, on nous annonce une force d'intervention rapide dont on nous avait dit qu'elle verrait le jour en 2003. Votre collègue Mme Alliot-Marie a repoussé la date pour 2004. Qu'en est il ?
R - En matière de défense un pas considérable a été franchi : désormais, il y aura des forces de commande sur le terrain d'opérations militaires. 345 soldats issus des pays européens sont en Macédoine pour une opération de maintien de la paix. L'année prochaine en 2004, il y aura environ 10 000 soldats des pays membres sous commandement européen. Il y a eu une entente entre les pays de l'Union européenne et l'OTAN, pour que les Européens puissent être maîtres de leur destin et assurer leur propre sécurité
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 avril 2003)