Texte intégral
Vous avez souvent regardé la terre d'en haut. Maintenant, vous la regardez d'en bas. Depuis que vous êtes ministre, cela a-t-il changé quelque chose ?
- "Je crois qu'il faut quand même essayer, là aussi, de prendre de la distance. Ma carrière précédente m'avait donné cette possibilité d'être en interaction avec la communauté scientifique, avec les ingénieurs, les techniciens qui réalisaient les programmes. Donc, j'ai quand même une bonne base d'approche de tous ces problèmes que je rencontre au quotidien, non seulement des problèmes, mais aussi justement des perspectives d'avenir."
Parlons de la terre d'en bas et, notamment, de cette petite enquête qui vient d'être publiée sur les souhaits des lycéens. Les métiers d'avenir ne sont pas ceux qui font rêver les lycéens. Pourquoi ?
- "Je crois qu'il faut donner la possibilité aux jeunes de trouver une voie qui leur corresponde, qui résonne, et leur faire peut-être découvrir d'autres façades d'un métier. Par exemple, on parle de désaffection pour les carrières scientifiques, les jeunes s'engagent moins dans ces filières..."
Est-ce une réalité ?
- "C'est une réalité dans certains domaines ; on ne peut pas le dire de façon systématique, mais c'est vrai que c'est quelque chose dont on doit se soucier. On doit justement donner ce désir de science, cette façon de s'engager, de faciliter l'engagement, de donner des perspectives, parce qu'on aura valorisé ces métiers auprès des jeunes. Mais il faut aussi replacer aussi les différents éléments d'un métier, d'une carrière, aussi bien au niveau culturel - expressions de talents, possibilités d'être créatif, de pouvoir aller au bout de son projet. Les jeunes ont parfois l'impression d'être un petit peu contraints, orientés. On leur transmet des choses sans les faire complètement participer au choix."
On les oriente sans qu'ils aient leur mot à dire, c'est presque cela ?
- "Les jeunes disent souvent qu'effectivement, tout au long de leur cursus scolaire et au début de l'enseignement universitaire, ils ont envie d'être en interaction avec le chercheur, avec l'entreprise ; ce sont des jeunes qui veulent se diriger. Je crois qu'il faut leur faire comprendre qu'effectivement, on a la possibilité d'être créatif quel que soit le métier. Un chercheur, c'est aussi un créateur, alors que les jeunes, plus facilement, vont être tentés par des carrières artistiques, ont des rêves de culture, parfois par facilité. Il faut aussi leur redonner cette exigence de rigueur, de travail, c'est cela aussi structurer un avenir."
Cette enquête révèle aussi que le système d'évaluation des élèves est basé uniquement sur les compétences en mathématique et en français. C'est dommage, disent les auteurs de cette enquête.
- "Un effort va être fait justement pour réinstaller un petit peu les uns à côté des autres, et en interaction, les aspects culturels, littéraires, scientifiques. Il faut bien qu'il y ait un mode, à un moment donné, d'évaluation du système."
L'attractivité de la science en France, c'est votre domaine. C'est la 11ème édition de la Fête de la science, la semaine prochaine, du 14 au 20 octobre. Comment inciter les jeunes précisément à choisir les filières scientifiques et à devenir un jour chercheur ?
- "La Fête de la science, je crois que c'est un bon moment, effectivement, une semaine pour essayer d'ouvrir les portes, ouvrir les esprits aux sujets de la science, de la rendre un peu plus festive, justement, pour en donner l'envie, montrer à tous que la science qu'on a au quotidien, c'est elle qui a transformé notre vie. On la voit pas, elle n'est pas visible, il faut rappeler ça aussi. Et puis, il faut accompagner le jeune dans son parcours, il faut qu'il rencontre le chercheur, que le chercheur lui explique comment les choses se sont passées ; ce n'est pas seulement une présentation de résultats. Il faut qu'il comprenne les enjeux. Cela touche non seulement les jeunes, mais aussi les parents et tout le système d'éducation. Il faut pouvoir participer à cette science en mouvement, et se dire que cette science, cette recherche est là pour apporter des progrès, que parfois des enjeux sont difficiles. On peut avoir des craintes, il faut essayer de les expliciter. Il faut avoir l'information, l'expertise scientifique qui permet de prendre des décisions, de participer au débat. Les citoyens ont aussi envie d'être impliqués dans ce débat, mais il faut le rendre attractif, effectivement. Et ces jeunes-là, on va leur proposer de multiples activités sur l'ensemble de la France. Cette ouverture pour les plus jeunes, la possibilité non seulement de s'exprimer dans le domaine de la science mais d'aller jusqu'au bout des applications de la science et de les transférer dans le quotidien, c'est ouvrir les multiples facettes du métier de chercheur, de chercheur avec la blouse blanche ou de chercheur qui crée son entreprise, de celui qui, comme vous, va être un médiateur de l'informateur scientifique. Toutes ces facettes-là, il faut les revaloriser, il faut donner du sens à ce que peut être la science dans notre vie, dans le quotidien."
On va parler de ces chercheurs français qui, parfois, s'expatrient. Nous allons essayer de savoir pourquoi, avec vous. Nous allons parler de vos projets. Mais un mot quand même sur l'actualité : les OGM, il faut en parler. Il y a une réunion importante aujourd'hui du Gouvernement, pour décider de l'attitude du Gouvernement parce que le 17 octobre, à Bruxelles, à l'ordre du jour du Conseil des ministres européens de l'Agriculture, il y a cette fameuse levée du moratoire européen ?
- "On est en train effectivement de prendre en compte des différents aspects du dossier OGM. Je me suis exprimée sur le fait qu'au niveau de la recherche, je souhaitais qu'on puisse continuer non seulement les expérimentations ..."
Mais dans la clarté et la transparence ?
- "J'ai l'impression qu'on a une présentation souvent un peu négative, sans présenter ce qu'ont pu apporter les OGM sur le plan de la santé publique, sur les progrès de l'agriculture, en ouverture par exemple aux pays du Sud, en fonction des différentes conditions d'agriculture et de potentiels. On présente rarement les effets, les actions, les résultats positifs, alors que beaucoup de nos organismes sont impliqués sur ces développements. Il est important de pouvoir effectivement aller au bout du processus pour apporter des réponses, là où on a encore des difficultés de compréhension et des craintes sur la réalisation. Je ne parle pas de la mise en place des activités commerciales - la traçabilité, l'étiquetage, ce sont des choses très importantes pour la lisibilité et pour la transparence, concernant les OGM. C'est une réflexion qui a non seulement des impacts de santé, de progrès économiques, mais effectivement des enjeux financiers. Je crois qu'il faut prendre tous les éléments."
Selon vous, il faut savoir et comprendre.
- "Sur le plan de la recherche, on a encore des progrès pour savoir et comprendre, parce qu'on a été un peu limité dans la possibilité de le faire. Et à partir de là, il faut effectivement élargir la réflexion à tous les enjeux, économiques en particulier, qui sont autour de ce sujet."
Les grands cuisiniers refusent la levée de ce moratoire. J. Bové appelle à une veille citoyenne. La décision sera donc prise aujourd'hui - je ne vous demande pas quelle décision, puisque c'est une réunion du gouvernement...
- "Je crois qu'il faut que chacun exprime sa position dans le débat pour la levée du moratoire. Nous avons effectivement une réunion aujourd'hui pour qu'entre les différents ministères concernés par cette activité, nous puissions définir une position commune."
Deuxième partie - 8h45 :
Est-il vrai que de nombreux chercheurs français quittent la France pour s'installer à l'étranger ?
- "Je crois que ce n'est pas un problème typiquement français. Bien sûr, ça existe ; je dirai même que c'est un problème qui nous préoccupe, sur lequel on essaie d'avoir une influence. Je voulais dire que c'était assez général, même au niveau européen, effectivement, avec des jeunes qui ont des possibilités de s'exprimer plus facilement avec un environnement de travail, une valorisation."
Ça veut dire quoi ? Qu'ils sont mieux payés ?
- "Il y a l'aspect de salaire, il y a l'environnement et peut-être davantage de possibilité de prendre un risque, de proposer un projet, que ce projet soit accepté, qu'on fasse confiance à une équipe de jeunes avant d'entrer dans un système où on évalue a priori. Là, c'est une évaluation a posteriori, après qu'un projet ait été mis en place et ce n'est peut-être pas tout à fait ce qu'on a actuellement dans notre système en France."
Pourquoi ?
- "Il y a toute une culture, une culture d'évaluation, effectivement, de donner de la liberté, de la flexibilité, de la mobilité à un chercheur qui voudrait aller d'un endroit à un autre, s'intégrer dans une équipe pour proposer un projet, aller jusqu'au bout, avoir autour de lui un environnement technique, la plate-forme instrumentale qui lui permette de s'exprimer. Ce n'est pas toujours facile pour un très jeune. Donc, ils l'ont à l'étranger, ils y vont."
Qu'allez-vous faire ?
- "On veut rendre, effectivement, attractif sur le territoire national et au niveau européen. Je me place quand même dans un espace européen de la recherche qui est en train de se construire, parce qu'on ne peut pas avoir des plates-formes de haut niveau à chaque endroit, dans chacune des villes, dans chacune des universités. Donc, on est en train de constituer des pôles d'excellence, qui offrent aux jeunes la possibilité de s'exprimer. Il faut qu'on leur donne leur chance, qu'ils prennent des risques - c'est un risque personnel, c'est un risque collectif sur un projet à porter. Il faut qu'ils aient les ingénieurs autour d'eux, qui leur permettent de travailler et il faut qu'ils aient un salaire correct, effectivement, et des perspectives d'avenir. Donc, c'est ce que l'on essaie de mettre en place En particulier, on va créer la possibilité d'obtenir 400 postes de doctorants, pour venir d'avenir en France avec un salaire plus attractif que pouvait être auparavant l'entrée dans ce système, avec une espèce de contrat avec l'université, l'organisme de recherche ou l'industrie - parce qu'il y a recherche publique et recherche privée..."
Vous allez y associer le privé, qui n'est pas assez engagé dans la recherche ?
- "Bien sûr. Actuellement, on se fixe un objectif ambitieux : c'est d'atteindre 3 % de nos dépenses de recherche par rapport au PIB à l'horizon de 2010. C'est un objectif national et un objectif européen qui donne un élan, une croissance, une ambition pour une recherche. Cela ne peut pas se faire qu'avec des fonds publics. Bien évidemment, il faut avoir un effet de levier, une synergie avec le privé, aller d'une recherche fondamentale et, la création, le talent, l'innovation, pouvoir le transférer dans l'application au quotidien et aller jusqu'à l'industrie. Donc, une carrière de chercheur, ça peut être ça : une partie passée dans un laboratoire public et puis ensuite, ce chercheur veut aller dans la recherche privée, industrielle, et pourquoi pas créer sa jeune entreprise innovante lui-même. Donc, il faut donner ces perspectives, ces possibilités, mais il faut que chacun s'engage ; il faut que le jeune s'engage avec un labo, avec un industriel, pour qu'il y ait une perspective d'avenir. S'il n'y a pas de perspective, si on ne fait pas confiance à ces jeunes, si on ne rend pas attractif le territoire - ça passe non seulement par la science, par l'environnement fiscal, administratif qui facilite les choses. Plus de mobilité, plus de liberté : je crois que ces jeunes-là ont envie de liberté. C'est ça qui les fera revenir. Ils aiment la France, ils ont envie de travailler là."
L'innovation : un projet de loi avant la fin de l'année ?
- "C'est ça. Et une réflexion qui est en cours entre le ministère de l'Industrie, le ministère de la Recherche pour donner, justement, plus de possibilités d'aller au bout de l'innovation. Ça passe par des mesures"
Lesquelles, par exemple ?
- "Je ne vais pas dévoiler ce plan qui est en cours de mise en place."
Une ou deux !
- "On est en train de réfléchir, par exemple, à l'aspect de fondation à visée de recherche, qui existe encore très peu en France. Ce n'est pas très facile à mettre en place. Ça existe dans d'autres pays et ça peut être assez attractif et donner de la flexibilité au système. Il y a des incitations à la prise de risque, des financements, des fonds d'amorçage pour aider les jeunes entreprises qui se mettent en place. Il y a des choses un petit peu lourdes ; on voudrait enlever certains freins administratifs, certaines lourdeurs, faire en sorte que les choses aillent plus vite. On a besoin de soutenir les gens quand ils sont dans la phase de construction de leur entreprise, on a besoin de les accompagner tout au long du chemin. Je crois qu'il faut qu'on soit très professionnel pour ça et c'est une chose sur laquelle on travaille beaucoup."
Un mot sur votre budget : + 5,2 % par rapport à 2002, mais en intégrant des crédits non consommés en 2002. Toutes ces querelles politiques, comment les avez-vous vécues ?
- "On a essayé de construire un budget qui, effectivement, sur les crédits nouveaux, engagés, ceux qu'on apporte fraîchement pour l'année 2003, sont en léger recul par rapport à ce qu'on avait en 2002. Mais on prend en compte, effectivement, des budgets, des crédits qui restent de façon importante, non utilisés actuellement, des crédits non engagés. On n'est pas en train de parler de crédits déjà engagés, d'argent qui serait déjà engagé dans des projets. Donc, on va mobiliser tous ces moyens au service des projets de recherche."
Mais ces querelles, comment les avez-vous vécues ?
- "C'est un monde un peu difficile, effectivement, le monde du politique. C'est un monde que j'ai un peu découvert. C'est vrai que la discussion budgétaire, la façon de concevoir les choses Avec Bercy par exemple, on n'a pas obligatoirement, toujours, des réflexions qui sont On essaie de les mettre en cohérence, mais parfois on a des objectifs un petit peu distant entre la réduction du déficit et ambition pour la Recherche. Je crois qu'on a essayé de se donner les moyens de pouvoir, en 2003, répondre à cette ambition de synergie, de croissance, de faire avancer les choses, de donner aux chercheurs les moyens de travailler. On n'amputera aucun projet qui soit un projet de qualité. J'ai besoin que les chercheurs me donnent, me proposent des projets d'excellence, qu'ils se mobilisent. Et là, je les soutiens et on nous soutient pour ça ; on y arrivera."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 octobre 2002)
- "Je crois qu'il faut quand même essayer, là aussi, de prendre de la distance. Ma carrière précédente m'avait donné cette possibilité d'être en interaction avec la communauté scientifique, avec les ingénieurs, les techniciens qui réalisaient les programmes. Donc, j'ai quand même une bonne base d'approche de tous ces problèmes que je rencontre au quotidien, non seulement des problèmes, mais aussi justement des perspectives d'avenir."
Parlons de la terre d'en bas et, notamment, de cette petite enquête qui vient d'être publiée sur les souhaits des lycéens. Les métiers d'avenir ne sont pas ceux qui font rêver les lycéens. Pourquoi ?
- "Je crois qu'il faut donner la possibilité aux jeunes de trouver une voie qui leur corresponde, qui résonne, et leur faire peut-être découvrir d'autres façades d'un métier. Par exemple, on parle de désaffection pour les carrières scientifiques, les jeunes s'engagent moins dans ces filières..."
Est-ce une réalité ?
- "C'est une réalité dans certains domaines ; on ne peut pas le dire de façon systématique, mais c'est vrai que c'est quelque chose dont on doit se soucier. On doit justement donner ce désir de science, cette façon de s'engager, de faciliter l'engagement, de donner des perspectives, parce qu'on aura valorisé ces métiers auprès des jeunes. Mais il faut aussi replacer aussi les différents éléments d'un métier, d'une carrière, aussi bien au niveau culturel - expressions de talents, possibilités d'être créatif, de pouvoir aller au bout de son projet. Les jeunes ont parfois l'impression d'être un petit peu contraints, orientés. On leur transmet des choses sans les faire complètement participer au choix."
On les oriente sans qu'ils aient leur mot à dire, c'est presque cela ?
- "Les jeunes disent souvent qu'effectivement, tout au long de leur cursus scolaire et au début de l'enseignement universitaire, ils ont envie d'être en interaction avec le chercheur, avec l'entreprise ; ce sont des jeunes qui veulent se diriger. Je crois qu'il faut leur faire comprendre qu'effectivement, on a la possibilité d'être créatif quel que soit le métier. Un chercheur, c'est aussi un créateur, alors que les jeunes, plus facilement, vont être tentés par des carrières artistiques, ont des rêves de culture, parfois par facilité. Il faut aussi leur redonner cette exigence de rigueur, de travail, c'est cela aussi structurer un avenir."
Cette enquête révèle aussi que le système d'évaluation des élèves est basé uniquement sur les compétences en mathématique et en français. C'est dommage, disent les auteurs de cette enquête.
- "Un effort va être fait justement pour réinstaller un petit peu les uns à côté des autres, et en interaction, les aspects culturels, littéraires, scientifiques. Il faut bien qu'il y ait un mode, à un moment donné, d'évaluation du système."
L'attractivité de la science en France, c'est votre domaine. C'est la 11ème édition de la Fête de la science, la semaine prochaine, du 14 au 20 octobre. Comment inciter les jeunes précisément à choisir les filières scientifiques et à devenir un jour chercheur ?
- "La Fête de la science, je crois que c'est un bon moment, effectivement, une semaine pour essayer d'ouvrir les portes, ouvrir les esprits aux sujets de la science, de la rendre un peu plus festive, justement, pour en donner l'envie, montrer à tous que la science qu'on a au quotidien, c'est elle qui a transformé notre vie. On la voit pas, elle n'est pas visible, il faut rappeler ça aussi. Et puis, il faut accompagner le jeune dans son parcours, il faut qu'il rencontre le chercheur, que le chercheur lui explique comment les choses se sont passées ; ce n'est pas seulement une présentation de résultats. Il faut qu'il comprenne les enjeux. Cela touche non seulement les jeunes, mais aussi les parents et tout le système d'éducation. Il faut pouvoir participer à cette science en mouvement, et se dire que cette science, cette recherche est là pour apporter des progrès, que parfois des enjeux sont difficiles. On peut avoir des craintes, il faut essayer de les expliciter. Il faut avoir l'information, l'expertise scientifique qui permet de prendre des décisions, de participer au débat. Les citoyens ont aussi envie d'être impliqués dans ce débat, mais il faut le rendre attractif, effectivement. Et ces jeunes-là, on va leur proposer de multiples activités sur l'ensemble de la France. Cette ouverture pour les plus jeunes, la possibilité non seulement de s'exprimer dans le domaine de la science mais d'aller jusqu'au bout des applications de la science et de les transférer dans le quotidien, c'est ouvrir les multiples facettes du métier de chercheur, de chercheur avec la blouse blanche ou de chercheur qui crée son entreprise, de celui qui, comme vous, va être un médiateur de l'informateur scientifique. Toutes ces facettes-là, il faut les revaloriser, il faut donner du sens à ce que peut être la science dans notre vie, dans le quotidien."
On va parler de ces chercheurs français qui, parfois, s'expatrient. Nous allons essayer de savoir pourquoi, avec vous. Nous allons parler de vos projets. Mais un mot quand même sur l'actualité : les OGM, il faut en parler. Il y a une réunion importante aujourd'hui du Gouvernement, pour décider de l'attitude du Gouvernement parce que le 17 octobre, à Bruxelles, à l'ordre du jour du Conseil des ministres européens de l'Agriculture, il y a cette fameuse levée du moratoire européen ?
- "On est en train effectivement de prendre en compte des différents aspects du dossier OGM. Je me suis exprimée sur le fait qu'au niveau de la recherche, je souhaitais qu'on puisse continuer non seulement les expérimentations ..."
Mais dans la clarté et la transparence ?
- "J'ai l'impression qu'on a une présentation souvent un peu négative, sans présenter ce qu'ont pu apporter les OGM sur le plan de la santé publique, sur les progrès de l'agriculture, en ouverture par exemple aux pays du Sud, en fonction des différentes conditions d'agriculture et de potentiels. On présente rarement les effets, les actions, les résultats positifs, alors que beaucoup de nos organismes sont impliqués sur ces développements. Il est important de pouvoir effectivement aller au bout du processus pour apporter des réponses, là où on a encore des difficultés de compréhension et des craintes sur la réalisation. Je ne parle pas de la mise en place des activités commerciales - la traçabilité, l'étiquetage, ce sont des choses très importantes pour la lisibilité et pour la transparence, concernant les OGM. C'est une réflexion qui a non seulement des impacts de santé, de progrès économiques, mais effectivement des enjeux financiers. Je crois qu'il faut prendre tous les éléments."
Selon vous, il faut savoir et comprendre.
- "Sur le plan de la recherche, on a encore des progrès pour savoir et comprendre, parce qu'on a été un peu limité dans la possibilité de le faire. Et à partir de là, il faut effectivement élargir la réflexion à tous les enjeux, économiques en particulier, qui sont autour de ce sujet."
Les grands cuisiniers refusent la levée de ce moratoire. J. Bové appelle à une veille citoyenne. La décision sera donc prise aujourd'hui - je ne vous demande pas quelle décision, puisque c'est une réunion du gouvernement...
- "Je crois qu'il faut que chacun exprime sa position dans le débat pour la levée du moratoire. Nous avons effectivement une réunion aujourd'hui pour qu'entre les différents ministères concernés par cette activité, nous puissions définir une position commune."
Deuxième partie - 8h45 :
Est-il vrai que de nombreux chercheurs français quittent la France pour s'installer à l'étranger ?
- "Je crois que ce n'est pas un problème typiquement français. Bien sûr, ça existe ; je dirai même que c'est un problème qui nous préoccupe, sur lequel on essaie d'avoir une influence. Je voulais dire que c'était assez général, même au niveau européen, effectivement, avec des jeunes qui ont des possibilités de s'exprimer plus facilement avec un environnement de travail, une valorisation."
Ça veut dire quoi ? Qu'ils sont mieux payés ?
- "Il y a l'aspect de salaire, il y a l'environnement et peut-être davantage de possibilité de prendre un risque, de proposer un projet, que ce projet soit accepté, qu'on fasse confiance à une équipe de jeunes avant d'entrer dans un système où on évalue a priori. Là, c'est une évaluation a posteriori, après qu'un projet ait été mis en place et ce n'est peut-être pas tout à fait ce qu'on a actuellement dans notre système en France."
Pourquoi ?
- "Il y a toute une culture, une culture d'évaluation, effectivement, de donner de la liberté, de la flexibilité, de la mobilité à un chercheur qui voudrait aller d'un endroit à un autre, s'intégrer dans une équipe pour proposer un projet, aller jusqu'au bout, avoir autour de lui un environnement technique, la plate-forme instrumentale qui lui permette de s'exprimer. Ce n'est pas toujours facile pour un très jeune. Donc, ils l'ont à l'étranger, ils y vont."
Qu'allez-vous faire ?
- "On veut rendre, effectivement, attractif sur le territoire national et au niveau européen. Je me place quand même dans un espace européen de la recherche qui est en train de se construire, parce qu'on ne peut pas avoir des plates-formes de haut niveau à chaque endroit, dans chacune des villes, dans chacune des universités. Donc, on est en train de constituer des pôles d'excellence, qui offrent aux jeunes la possibilité de s'exprimer. Il faut qu'on leur donne leur chance, qu'ils prennent des risques - c'est un risque personnel, c'est un risque collectif sur un projet à porter. Il faut qu'ils aient les ingénieurs autour d'eux, qui leur permettent de travailler et il faut qu'ils aient un salaire correct, effectivement, et des perspectives d'avenir. Donc, c'est ce que l'on essaie de mettre en place En particulier, on va créer la possibilité d'obtenir 400 postes de doctorants, pour venir d'avenir en France avec un salaire plus attractif que pouvait être auparavant l'entrée dans ce système, avec une espèce de contrat avec l'université, l'organisme de recherche ou l'industrie - parce qu'il y a recherche publique et recherche privée..."
Vous allez y associer le privé, qui n'est pas assez engagé dans la recherche ?
- "Bien sûr. Actuellement, on se fixe un objectif ambitieux : c'est d'atteindre 3 % de nos dépenses de recherche par rapport au PIB à l'horizon de 2010. C'est un objectif national et un objectif européen qui donne un élan, une croissance, une ambition pour une recherche. Cela ne peut pas se faire qu'avec des fonds publics. Bien évidemment, il faut avoir un effet de levier, une synergie avec le privé, aller d'une recherche fondamentale et, la création, le talent, l'innovation, pouvoir le transférer dans l'application au quotidien et aller jusqu'à l'industrie. Donc, une carrière de chercheur, ça peut être ça : une partie passée dans un laboratoire public et puis ensuite, ce chercheur veut aller dans la recherche privée, industrielle, et pourquoi pas créer sa jeune entreprise innovante lui-même. Donc, il faut donner ces perspectives, ces possibilités, mais il faut que chacun s'engage ; il faut que le jeune s'engage avec un labo, avec un industriel, pour qu'il y ait une perspective d'avenir. S'il n'y a pas de perspective, si on ne fait pas confiance à ces jeunes, si on ne rend pas attractif le territoire - ça passe non seulement par la science, par l'environnement fiscal, administratif qui facilite les choses. Plus de mobilité, plus de liberté : je crois que ces jeunes-là ont envie de liberté. C'est ça qui les fera revenir. Ils aiment la France, ils ont envie de travailler là."
L'innovation : un projet de loi avant la fin de l'année ?
- "C'est ça. Et une réflexion qui est en cours entre le ministère de l'Industrie, le ministère de la Recherche pour donner, justement, plus de possibilités d'aller au bout de l'innovation. Ça passe par des mesures"
Lesquelles, par exemple ?
- "Je ne vais pas dévoiler ce plan qui est en cours de mise en place."
Une ou deux !
- "On est en train de réfléchir, par exemple, à l'aspect de fondation à visée de recherche, qui existe encore très peu en France. Ce n'est pas très facile à mettre en place. Ça existe dans d'autres pays et ça peut être assez attractif et donner de la flexibilité au système. Il y a des incitations à la prise de risque, des financements, des fonds d'amorçage pour aider les jeunes entreprises qui se mettent en place. Il y a des choses un petit peu lourdes ; on voudrait enlever certains freins administratifs, certaines lourdeurs, faire en sorte que les choses aillent plus vite. On a besoin de soutenir les gens quand ils sont dans la phase de construction de leur entreprise, on a besoin de les accompagner tout au long du chemin. Je crois qu'il faut qu'on soit très professionnel pour ça et c'est une chose sur laquelle on travaille beaucoup."
Un mot sur votre budget : + 5,2 % par rapport à 2002, mais en intégrant des crédits non consommés en 2002. Toutes ces querelles politiques, comment les avez-vous vécues ?
- "On a essayé de construire un budget qui, effectivement, sur les crédits nouveaux, engagés, ceux qu'on apporte fraîchement pour l'année 2003, sont en léger recul par rapport à ce qu'on avait en 2002. Mais on prend en compte, effectivement, des budgets, des crédits qui restent de façon importante, non utilisés actuellement, des crédits non engagés. On n'est pas en train de parler de crédits déjà engagés, d'argent qui serait déjà engagé dans des projets. Donc, on va mobiliser tous ces moyens au service des projets de recherche."
Mais ces querelles, comment les avez-vous vécues ?
- "C'est un monde un peu difficile, effectivement, le monde du politique. C'est un monde que j'ai un peu découvert. C'est vrai que la discussion budgétaire, la façon de concevoir les choses Avec Bercy par exemple, on n'a pas obligatoirement, toujours, des réflexions qui sont On essaie de les mettre en cohérence, mais parfois on a des objectifs un petit peu distant entre la réduction du déficit et ambition pour la Recherche. Je crois qu'on a essayé de se donner les moyens de pouvoir, en 2003, répondre à cette ambition de synergie, de croissance, de faire avancer les choses, de donner aux chercheurs les moyens de travailler. On n'amputera aucun projet qui soit un projet de qualité. J'ai besoin que les chercheurs me donnent, me proposent des projets d'excellence, qu'ils se mobilisent. Et là, je les soutiens et on nous soutient pour ça ; on y arrivera."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 octobre 2002)