Déclaration de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance, sur les enfants maltraités, la violence et la pédophilie et l'échec scolaire, Paris le 29 mai 2000.

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Circonstance : Colloque de la Fondation pour l'enfance "La Résilience : le réalisme de l'espérance" à Paris le 29 mai 2000

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Vous me pardonnerez, je l'espère, de n'avoir pu être des vôtres ce matin et de ne pouvoir assister à l'ensemble de vos travaux, aux interventions de M. le Professeur Manciaux, de M. Tomkiewicz, de M. Cyrulnik et de toutes les personnalités éminentes qui sont ici réunies : c'est la rançon de la fonction ministérielle que d'obliger, entre le temps choisi et le temps contraint, à des arbitrages pour moi nécessairement frustrants. Je suis cependant heureuse d'avoir pu répondre à l'invitation de la Fondation pour l'Enfance, de sa présidente, Mme Giscard d'Estaing, et de sa directrice, Mme Poilpot, dont je connais l'action et avec qui je compte travailler sur ce que je considère comme un des chantiers majeurs du Ministère de la Famille et de l'Enfance, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire aux différentes associations de lutte contre la maltraitance que j'ai réunies le 5 mai dernier. Car le sujet m'importe et ce n'est pas d'aujourd'hui.
J'ai donc tenu à venir vous dire personnellement tout le prix que j'attache à cette approche renouvelée de la maltraitance résumée par le concept de " résilience " que vous allez, durant ces deux jours, interroger et éclairer. Une approche capable à la fois de prendre la pleine mesure des souffrances vécues et de refuser l'assignation des enfants maltraités à cette seule souffrance. Une approche où l'attention due aux victimes oblige à ne jamais s'incliner devant la loi du silence mais à ne pas céder non plus devant la profusion des discours qui font écran à la complexité des choses. Une approche qui refuse de passer du malheur inaudible, qui était jadis la règle, au malheur obligé, qui serait l'inéluctable destin de ceux qui ont souffert.
Ce " réalisme de l'espérance " qui est le bel intitulé de ce colloque, je suis venu vous dire que j'en partage l'ambition raisonnée car il constitue pour l'action (qu'elle soit thérapeutique, associative ou politique) le meilleur parti-pris. Le seul qui respecte, en chaque enfant blessé, les chances de l'adulte à venir.
L'apparent paradoxe de la situation actuelle est qu'il nous faut simultanément combattre sur deux fronts. Il nous faut, d'une part, approfondir l'effort engagé pour prévenir et mettre à jour les situations de maltraitance, pour rendre chacun plus conscient de son devoir d'assistance aux enfants en danger, plus attentif aux signes qui doivent alerter, plus convaincu que nulle complaisance n'est admissible face à l'intolérable. Et, alors qu'une émotion légitime accompagne la sensibilisation croissante aux droits de l'enfant et qu'y porter atteinte fait de plus en plus figure, dans nos sociétés, de mal absolu, il nous faut dans le même temps veiller aussi à ne pas écraser les enfants sous le poids de la cause, à ne pas alourdir leur fardeau du poids de nos hantises.
La bonne distance entre les ravages du secret et ceux d'une exposition excessive, l'équilibre entre l'appréhension lucide des destructions à l'uvre dans la maltraitance et l'attention nécessaire à ce qui, chez l'enfant, ruse avec le malheur, résiste et offre à la reconstruction autant de points d'appui, c'est cela qu'il nous faut aujourd'hui penser avec plus de rigueur, plus de vigilance quant aux effets pervers des sollicitudes mal réfléchies voire des effusions douteuses.
Car l'enfant n'est pas un objet mais un sujet de protection. Cela signifie, pour moi, que son droit imprescriptible à être protégé vaut aussi reconnaissance du fait qu'il reste, fût-ce dans l'adversité la plus sombre , une personne en devenir et a besoin, quoi qu'il en soit, qu'on l'aide à grandir. Autrement dit ni un adulte en miniature ni l'otage passif de ses traumatismes précoces.
Ces questions, j'avoue me les être posées eu ayant longtemps ignoré le terme de " résilience ", découvert à la lecture de ce " Merveilleux malheur " dont Boris Cyrulnik est l'auteur. Il me manquait le mot pour dire ce que je constatais : l'intensité de la souffrance mais aussi la capacité de résistance des enfants maltraités, leur étonnante propension (pour peu qu'on les accompagne intelligemment et leur offre les points d'appui adéquats) à rebondir, à repartir, à faire que la vie l'emporte sur la mort alors même qu'on aurait pu les croire définitivement cassés.
Lorsque j'ai pris mes fonctions de Ministre de l'Enseignement scolaire, il m'a immédiatement semblé que l'école devait assumer toutes les responsabilités que sa mission lui confère à l'égard des élèves dont elle a la charge, lesquels ne sont pas des abstractions désincarnées mais des enfants et des adolescents dont les bonheurs et les malheurs influent sur les apprentissages et, dans tous les cas, rappellent les adultes à leur devoir de protection. Je n'ai jamais dissocié sa tâche de prévention et dans le domaine de la santé scolaire de sa tâche de transmission des savoirs et d'apprentissage : ce sont les deux facettes d'un même métier qui s'adresse à l'enfant pris dans sa globalité.
La loi de 1989 relative à la prévention des mauvais traitements traçait certes le cadre qui s'imposait à tous et a marqué un tournant décisif dans la prise de conscience collective. Mais, pour vous le dire franchement, il m'a très vite semblé qu'en matière de violences faites aux enfants et aux adolescents, l'institution scolaire devait plus systématiquement ou plus hardiment tirer toutes les conséquences de sa position privilégiée au contact quotidien des élèves de tous âges. Il m'a semblé que , malgré d'indéniables progrès déjà réalisés, elle pouvait et devait mieux faire, qu'il s'agisse de sa capacité à détecter les violences subies hors ses murs et notamment dans l'entourage familial mais qu'il s' agisse aussi des atteintes à l'intégrité des enfants perpétrées dans le cadre scolaire.
J'ai pu, pour ce combat, m'appuyer sur le sentiment majoritaire des personnels éducatifs de toutes catégories : leur conviction était acquise mais beaucoup se sentaient désarmés pour faire face dans la vie quotidienne des établissements. Pour eux, j'ai mis au point des outils (guide, cellules d'écoute, N° Azur, etc.). J'ai senti, dans le même temps, quelques réticences voire résistances tenant non au déni des situations vécues mais à la crainte que, les choses de la vie faisant irruption dans l'univers scolaire, la préoccupation éducative et le souci de protection ne prévalent au détriment des tâches d'instruction : est-ce bien le rôle de l'école ? se demandait-on de ce côté-là. Et puis, je dois dire qu'il m'est arrivé d'affronter, ici ou là, la tendance ordinaire de toute institution à se protéger en fermant les yeux ou en ne les ouvrant pas assez.
Contre la pédophilie, sujet à propos duquel j'ai dès le mois d'août 97 tenu à diffuser une instruction rappelant l'obligation légale de signalement et la nécessaire fermeté disciplinaire à l'égard des personnels convaincus de tels actes, j'ai fait l'expérience de comportements contrastés, allant de la détermination sans faille à l'extrême indulgence motivée par la crainte que " ça se sache " et ternisse le prestige de la maison La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a, de ce point de vue, constitué un précieux renfort pour l'adoption d'une attitude sans complaisance. Pour que les choses s'inscrivent dans la durée, j'ai mis en place une mission de prévention des violences sexuelles commises ou révélées en milieu scolaire.
S'agissant du bizutage, violence exercée par des jeunes sur d'autres jeunes et atteinte inadmissible, souvent traumatisante, à leur dignité et à leur intégrité (atteinte commise de façon de plus en plus précoce puisque l'usage s'en était répandu depuis les classes préparatoires jusqu'au collège et même au CM2), il fallut là aussi déclarer l'omerta hors la loi et rappeler, en créant ce délit spécifique, que la protection des élèves incombe à tous les adultes de la communauté éducative et ne saurait s'accommoder de quelque tolérance au prétexte fallacieux de laisser vivre les traditions. J'ai eu, comme vous le savez, à répondre devant la Cour de Justice de la République du fait de n'avoir pas euphémisé mon propos en rappelant aux adultes leur responsabilité et leur devoir d'intervention. Je vous mentirais si je vous disais que j'ai vécu les proportions prises par cette affaire dans l'allégresse et l'insouciance. Mais je n'ai jamais douté qu'agir efficacement impliquait d'appeler les choses par leur nom, de réprimer sans faille les manquements, d'attacher plus de prix à la parole des victimes qu'au confort de ceux qui ne leur viennent pas en aide, de rappeler inlassablement de quel côté se situent la Loi et le droit. Ceci tout en veillant à fournir aux personnels qui ont à affronter ces situations sur le terrain et à épauler des jeunes en grande détresse non seulement l'assurance d'un soutien hiérarchique mais aussi les outils très pratiques qui facilitent les réactions et les interventions nécessaires.
Vous me pardonnerez d'évoquer ici quelques aspects d'une expérience passée mais encore proche et qui reste, pour moi, très instructive. N'y voyez de ma part aucune immodestie mais plutôt le signe d'un état d'esprit que j'entends appliquer au nouveau domaine dont j'ai la charge. Il se trouve en outre qu'en m'efforçant de combattre, en milieu scolaire, les maltraitances perpétrées dans et hors l'école, j'ai appris et compris deux ou trois choses qui, aujourd'hui, m'inspirent plus que jamais.
Je me suis en effet rapidement aperçue que les soutiens apportés dans l'urgence d'une maltraitance découverte pouvaient aboutir, une fois l'actualité passée et la mobilisation des uns et des autres retombée, à un sentiment cruel d'isolement et d'abandon entravant le lent et nécessaire travail de reconstruction de soi auquel toute victime est confrontée. Reconnaître le plus vite possible un enfant ou un jeune dans sa souffrance, il le faut. Saisir la justice pour que les mots du droit rappellent la Loi et, notamment dans le cas de violences familiales et d'inceste, c'est nécessaire. Ne serait-ce que pour procéder, dans l'enceinte du tribunal, à ce qu'Eva Thomas, victime de l'inceste, appelait dans " Le Sang des Mots ", une " chirurgie symbolique " séparant, sous le scalpel de la loi, ce qui avait été confondu. Ne serait-ce aussi que pour aider la victime à sortir de cet état dont Guillaume, le jeune qui témoignait hier soir dans le reportage télévisé de Daniel Karlin, disait : " on est perdu, il n'y a plus de nord, plus de sud, on se sait plus qui on est ". C'est dans la durée qu'il faut accompagner, soutenir, épauler. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais, à l'Education nationale, signé une convention avec l'INAVEM, afin que les associations d'aide aux victimes puissent s'impliquer durablement aux côtés de ceux qui ont été meurtris et ont, devant eux, un long chemin à parcourir.
Au-delà du devoir d'assistance et de protection à mettre en uvre non seulement dans les textes mais dans les faits, j'ai tiré une autre leçon de l'action menée à l'éducation nationale. Elle a trait au regard qu'il convient de porter sur ces jeunes précocement atteints et blessés, parfois très durement.
Vous m'avez, par ce que je sais de vos écrits et de vos prises de position, intimement convaincue que le regard porté sur eux, s'il les rive à leur malheur présent aboutit à les y enfermer et contribue à refermer les portes encore ouvertes par où peut s'engouffrer leur tenace désir de vivre et même de vivre heureux en surmontant l'épreuve. Or c'est peut-être là, dans une sollicitude qui ne soit pas désarmante, dans un effort constant pour s'arracher aux stéréotypes et aux prophéties créatrices qui rognent les ailes, dans le pari qu'un potentiel de reconstruction est toujours à réactiver, là donc que réside le plus difficile. Car il faut alors résister à la tentation de projeter sur l'enfant le découragement qui parfois nous étreint devant les souffrances infligées. Pourtant - et c'est la seule bonne nouvelle de ce triste sujet - la plasticité des enfants est immense et l'irréparable, quelqu'abominables qu'aient été les sévices subis, n'est jamais définitivement commis si du moins l'on ne consent pas à ce qu'il en soit ainsi.
Si j'osais, je ferais volontiers le parallèle avec ce qu'à l'école on nomme " l'effet Pygmalion " qui fait de l'exigence et de l'ambition explicitement conçues par un enseignant pour son élève un facteur déterminant de réussite effective. Cela vaut d'ailleurs aussi bien pour la parole des parents qui, s'ils croient en la réussite de leurs enfants, les aident à se projeter positivement dans l'avenir. Dans le domaine des apprentissages comme dans celui de la maltraitance, l'ennemi principal est parfois ce déterminisme fait de mauvaise vulgarisation sociologique et psychologique, épris de reproduction sans espoir. Ce déterminisme-là voudrait que, parce que les parents n'ont pas connu ou aimé l'école, leurs enfants y échouent forcément et que la répétition soit la malédiction sans appel de tous les maltraités qui, forcément, maltraiteront un jour. Ces représentations sont fausses mais elles ont la peau dure. Tenir compte du contexte ne doit pas signifier lui prêter une toute-puissance qui aboutit à nier toute possibilité salvatrice de s'affranchir des pesanteurs du passé et de l'histoire familiale.
Dans l'univers scolaire, on parle de " réussites paradoxales " quand des élèves démentent brillamment le pronostic d'échec scolaire hâtivement imputé à des origines sociales modestes, supposées à tort handicap culturel insurmontable. J'ai connu, en particulier dans les zones d'éducation prioritaire, de ces jeunes au parcours remarquable. La résilience dont vous avez fait le thème de votre colloque est ce processus bénéfique par lequel les enfants maltraités démentent aux aussi les sombres pronostics dans lesquels les meilleures intentions peuvent, si l'on n'y prend garde, les enfermer malgré eux, aboutissant à redoubler l'agression initiale d'une autre, également destructrice.
Voilà notamment pourquoi, de l'enseignement scolaire dont j'ai eu la charge, à la Famille et à l'Enfance dont je suis aujourd'hui responsable, j'entends agir dans la continuité non seulement des orientations gouvernementales mais aussi des convictions qui sont les miennes de longue date.
Dans ce secteur aussi se pose le problème des violences exercées dans le secret des institutions auxquelles des enfants sont confiés. La loi du silence ne saurait y prévaloir, ce qui signifie en particulier qu'on doit protéger de tout licenciement abusif ceux qui, en révélant les faits, ne font que leur devoir. Une disposition est d'ailleurs prévue en ce sens dans la loi de modernisation sociale.
L'aide sociale à l'enfance est le dispositif central par lequel les enfants en danger et en situation de risque peuvent être secourus. Elle est, depuis les lois de décentralisation, de la responsabilité directe des présidents de conseils généraux. La décentralisation, ce n'est pas la déresponsabilisation de l'Etat. C'est, avec les collectivités territoriales, un nouveau partage des responsabilités où chacun doit assumer la plénitude de celles qui lui reviennent et où la coopération doit prévaloir pour plus d'efficacité et de justice. Nous avons, je crois, besoin les uns des autres pour que, des lois votées par le pays aux pratiques effectivement mises en uvre sur le terrain, la protection de l'enfance et des mineurs soit mieux assurée. Je serai très prochainement destinataire d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales qui fait, sans complaisance, le point à ce propos et je compte en tirer des conclusions opérationnelles dans le sens d'une moins grande hétérogénéité territoriale et d'une plus grande égalité de traitement des usagers sur l'ensemble du territoire national, dans le sens d'une plus grande transparence et de la mise en place d'outils qui apportent à tous les intervenants une aide véritable.
S'agissant de l'objet même de votre colloque, vous comprendrez donc que j'y sois très directement intéressée et c'est pourquoi je me tiendrai très précisément informée du contenu de vos travaux et de vos conclusions. Car il y a, je crois, dans la démarche qui est la vôtre, dans le réajustement du regard et des pratiques pour lequel elle plaide, des conséquences concrètes à tirer en matière de formation des personnels, de coordination des actions des différents services ayant à connaître de la maltraitance et à en accueillir les victimes avérées ou potentielles, en matière de prise en charge d'une manière générale. Cette question de la prise en charge est le thème choisi cette année pour la journée nationale de l'enfance maltraitée, le 26 septembre prochain : quel accueil dans les structures concernées ? quels soins apporter dans l'urgence et au long cours ? quels liens avec les parents maltraitants ? tous sujets qui me paraissent s'inscrire dans la continuité de vos travaux et sur lesquels nous pourrons, je l'espère, travailler ensemble à cette occasion.
Ministre de la Famille et de l'Enfance, je mesure combien les droits de l'une ont étroitement à vois avec les droits de l'autre. Et combien le devoir de responsabilité parentale peut être une incantation vaine si l'on ne se préoccupe pas d'en réunir, au plus près des situations vécues, les conditions très concrètes, notamment psychologiques et matérielles. Ce n'est certes pas parce qu'on est pauvre qu'on maltraite ses enfants et il est des parents financièrement aisés qui martyrisent les leurs. Mais la pauvreté, la précarité, le surendettement, les vies assaillies de toutes parts par la difficulté sont, pour les enfants qui les vivent et leurs parents, une maltraitance sociale à laquelle il n'y a pas lieu, non plus, de se résigner. Les enfants maltraités ne deviendront pas fatalement des parents maltraitants mais il est de fait que nombre de parents maltraitants ont été des enfants maltraités. Une pédopsychiatre, qui intervenait hier soir lors du débat qui a suivi la projection télévisée du documentaire de Daniel Karlin, a rappelé à juste titre l'importance d'un travail au niveau de ces parents qui, disait-elle, ont du mal à protéger leurs enfants dès lors qu'on ne leur a pas donné quittance de ce qu'ils ont eux-mêmes vécu dans leur enfance.
Ardemment partisane de la saisine de l'autorité judiciaire en cas d'infraction, je crois que le tribunal (à condition que la Justice y procède avec le souci de ne pas infliger à l'enfant une violence supplémentaire) est le lieu où la victime peut vivre une reconnaissance fondatrice de sa restauration et être clairement déchargée de toute culpabilité concernant la sanction quand sont mis en cause des parents ou des proches qu'on continue malgré tout à aimer. Mais l'essentiel est en amont, dans la prévention effective et l'aide à la fonction parentale. Les réseaux d'écoute et d'accompagnement peuvent y aider puissamment et j'entends favoriser leur développement. Mais je crois que, plus largement, c'est l'ensemble de la politique familiale et sa capacité à épauler réellement les pères et les mères dans l'exercice de leur métier souvent difficile de parents qui doit permettre d'inscrire la lutte contre la maltraitance dans une action plus globale pour la bientraitance des enfants. C'est du moins l'objectif que je me fixe, en accord avec les associations qui se mobilisent pour l'enfance maltraitée.
Je vous suis, pour cela, infiniment reconnaissante de nous inviter tous à tenir davantage compte des ressorts positifs sur lesquels les enfants les plus blessés réussissent malgré tout à prendre appui. Ils sont, pour la responsable politique que je suis, plus qu'une raison d'espérer : une raison d'agir dont doivent également procéder des façons d'agir. J'entends le faire en m'inspirant de vos travaux et en gardant présente à l'esprit cette observation lucide de Dos Passos : " le seul élément qui puisse remplacer la dépendance à l'égard du passé est la dépendance à l'égard de l'avenir ". Peu importe, alors, qu'on tienne la voie pour étroite : c'est cette étroitesse-là qui est la voie. Je vous remercie et vous souhaite d'affûter, durant ces deux jours, de quoi nourrir aussi la résilience des décideurs qui ne se résignent pas au désordre des choses dont les enfants, toujours, payent le prix le plus fort.


(Source http://www.social.gouv.fr, le 19 juin 2000)