Conférence de presse de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur la célébration du vingtième anniversaire des Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et la poursuite de la décentralisation culturelle, Paris le 3 avril 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse pour la célébration du vingtième anniversaire des Fonds régionaux d'art contemporain à Paris le 3 avril 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, chers amis,
Il y a 20 ans, en 1983, mon prédécesseur, Jack Lang, prenait l'initiative de créer des Fonds régionaux d'art contemporain. Vous savez les uns et les autres, pour avoir pris part à leur développement, pour participer aujourd'hui à leur fonctionnement ou pour avoir suivi leur histoire, la place qu'ils ont prise dans le paysage culturel de notre pays. Je vois parmi nous certains des acteurs de la naissance de ces fonds régionaux, notamment Claude Mollard que je salue.
Je suis très heureux de vous annoncer aujourd'hui les manifestations qui marqueront ce vingtième anniversaire, événement auquel j'attache une grande importance. Les FRAC se sont déployés sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi, plutôt que d'organiser une unique manifestation à Paris, selon l'habitude dans notre pays, j'ai souhaité qu'un ensemble d'expositions et d'événements soient présenté sur tout le territoire pour célébrer ce vingtième anniversaire.
Deux séries de manifestations seront organisées.
Tout d'abord, une grande exposition décentralisée sur quatre sites, à Strasbourg, à Avignon, à Nantes, à Arles. C'est un choix géographique large, et également un choix équilibré. En effet, pour bien marquer que cette célébration était l'affaire de la France tout entière, et aussi pour signifier l'impartialité de l'Etat, j'ai tenu à ce que soient concernées deux municipalités appartenant à l'actuelle majorité nationale, Strasbourg et Avignon, et deux municipalités dirigées par l'actuelle opposition, Nantes et Arles.
Il s'agit de quatre grandes expositions présentant, sous le titre " Trésors publics ", plus de 1500 oeuvres issues des collections des FRAC. Ensemble, ces quatre expositions feront fleurir sur le territoire de notre pays la plus grande exposition d'art contemporain jamais présentée en France.
J'ai également souhaité que, dans l'ensemble des régions, cet anniversaire soit fêté de façon digne et dynamique. Nous avons donc accompagné, promu, encouragé l'émergence, dans le courant du deuxième semestre 2003, de plus de 200 manifestations qui seront présentées sous le titre commun de " Détours de France ".
Je tiens avant toute chose, après avoir salué ceux qui ont été à l'origine des FRAC, à saluer tous ceux qui actuellement font en sorte que la vie de ces FRAC soit caractérisée par l'enthousiasme, l'énergie et, évidemment, la compétence. Je salue donc les présidents et les directeurs des FRAC, ainsi que les équipes qu'ils animent. Je salue Jacques Rigaud, président de l'association des présidents de Frac, et Katia Bodin, présidente de l'association des directeurs de FRAC. Je tiens aussi à saluer plus particulièrement l'un de nos directeurs de FRAC actuellement souffrant, Jean-François Taddéi, directeur du FRAC Pays de la Loire, professionnel unanimement respecté et aimé, et aussi la benjamine dans la fonction de directrice de FRAC, Eva Gonzales-Sancho, qui vient de se voir confier la direction du FRAC Bourgogne.
Quels sont les objectifs de cette célébration ?
Outre, bien sûr, le plaisir de nous faire accéder à des oeuvres importantes, le premier objectif sera de mieux faire connaître à nos concitoyens français et européens et à l'ensemble du public présent en France cet été les collections de ces FRAC, qui sont présents dans les 22 régions métropolitaines et dans deux collectivités d'outre-mer, la Martinique et la Réunion. Ces collections constituent un ensemble de 15 000 oeuvres rassemblant les productions de plus de 3 000 créateurs dans toutes les disciplines des arts plastiques, peinture, sculpture, photographie, dessin, vidéo, installations, cinéma expérimental, mais aussi, compte tenu de la singularisation de certains FRAC, dans celles de l'architecture et du design.
Il s'agit aussi de mieux faire connaître les actions conduites par ces FRAC, actions de constitution, de présentation, de valorisation d'une collection, action de diffusion de l'oeuvre des créateurs, action pédagogique dans de très nombreuses régions et, plus généralement, action de diffusion de l'art contemporain sur l'ensemble de notre territoire. Historiquement, vous le savez, la vie culturelle de notre pays s'est longtemps concentrée dans la capitale. Les choses ont beaucoup changé, et la culture est désormais un phénomène vivace sur l'ensemble de notre territoire. Une initiative comme la création des FRAC a naturellement marqué la volonté que soit accessible à l'ensemble du pays ce qui l'était à Paris grâce à diverses institutions, MNAM issu du Centre national d'art contemporain, Musée d'art moderne de la Ville de Paris, etc.
Cette célébration doit aussi mieux faire connaître la chance qu'a constitué, dans la mise en oeuvre des FRAC, le pari du partenariat entre l'Etat et les collectivités locales, les régions mais également d'autres collectivités qui se sont associées à la création de FRAC, par exemple dans la région Centre avec la Ville d'Orléans. On voit là un exemple réussi d'innovation dans le partenariat entre l'Etat et les collectivités locales.
Ce doit être enfin l'occasion de répondre aux critiques qui ont été faites aux FRAC. On leur a reproché d'être trop uniformes, trop conventionnels à l'égard d'une certaine norme nationale et internationale, et, parfois, de marquer un certain mépris à l'égard de la réalité artistique locale. Mais on a aussi reproché aux FRAC l'insuffisance de l'action éducative, de l'effort de promotion de la création contemporaine auprès de certains publics peu sensibilisés ou mal préparés à la création d'aujourd'hui, notamment pour des raisons sociologiques.
S'agissant de l'uniformité des FRAC, il s'agit en grande partie d'une légende. De nombreux FRAC ont pris le parti de se singulariser, comme, par exemple, le FRAC Centre dans le domaine de l'architecture, le FRAC Auvergne dans celui de la peinture, le FRAC Picardie dans celui du dessin. De plus, le nombre des artistes représentés dans l'ensemble des FRAC, 3 000, montre bien que leur politique ne se concentre pas seulement sur l'oeuvre de quelques personnalités très médiatiques. Les FRAC ont su rester un territoire de diversité, et beaucoup d'entre eux ont fait le choix d'une singularisation que je ne peux qu'encourager. Cette réflexion vaut aussi bien pour les FRAC que pour les musées et les centres d'art. On n'est jamais aussi passionné par une institution culturelle que lorsqu'elle est singulière, qu'elle présente des artistes singuliers, et qu'elle ne se contente pas de décliner banalement les grands mouvements ou les grands chef-d'oeuvres de la peinture.
L'insuffisance du travail éducatif et de l'effort de familiarisation du public à la création contemporaine est un reproche sans doute beaucoup plus fondé. Il rejoint celui, plus général, de l'insuffisance de l'action éducative des institutions publiques relativement à l'art et à la culture en général. A cet égard, je prendrai bientôt un certain nombre d'initiatives pour bien affirmer que le ministère de la Culture et de la Communication souhaite occuper dans le domaine de l'éducation artistique une place importante, en partenariat bien sûr avec le ministère de l'Education nationale.
La prise en compte de ces critiques doit nous amener à réfléchir à l'avenir. Je souhaite évidemment que les FRAC connaissent 20 nouvelles bonnes années de prospérité et de développement, après que nous nous serons attachés à renforcer leurs moyens et à améliorer leur situation statutaire.
S'agissant de la question de leur statut, les FRAC sont aujourd'hui des associations où se retrouvent les partenaires publics qui en soutiennent le fonctionnement et l'activité, ainsi que des personnalités compétentes et des acteurs de la vie locale impliqués dans le développement de l'art contemporain. Peut-être faudrait-il envisager un autre statut, ne serait-ce que pour clarifier celui des collections. Les collections, en effet, ont aujourd'hui un statut ambigu, puisqu'elle sont en droit des collections privées. Nous pourrions, par exemple, expérimenter cette année la création d'Etablissements Publics de Coopération Culturelle, comme la loi nous en offre désormais la possibilité, et dans la mesure où certaines régions semblent intéressées par cette perspective.
Se pose naturellement aussi la question de la place qu'occuperont les FRAC dans le processus de décentralisation engagé par le gouvernement. Notons que, en dehors des politiques nationales du patrimoine où l'Etat est souvent directement opérateur, il y a très peu de domaines de la vie culturelle où l'on puisse envisager une décentralisation au sens technique et juridique du terme. Dans les domaines du spectacle vivant, de la musique, des enseignements artistiques entre autres, l'Etat est déjà en situation de " tricotage " de sa responsabilité avec celle des collectivités locales, qui d'ailleurs sont le plus souvent en première ligne. Il s'agit donc plutôt, dans ces secteurs, d'envisager une redéfinition de la charte qui règle les relations entre l'Etat et les collectivités locales. Il en va de même pour la constitution de collections régionales d'art contemporain, puisque l'Etat n'est pas directement opérateur mais bien partenaire des collectivités locales, puisque l'Etat est en situation de promotion conjointe des projets et des activités.
Néanmoins, le Premier Ministre, dans son discours de Rouen sur la décentralisation, a évoqué la possibilité que soit expérimentée une plus large délégation de responsabilités au bénéfice de la collectivité régionale, quand celle-ci en ferait la demande et s'engagerait à mettre en oeuvre des moyens plus importants en vue du développement du FRAC et cela, dans le cadre d'un cahier des charges qu'il appartient à l'Etat de définir.
Cette réflexion mérite d'être poursuivie. Une fois que les lois sur la décentralisation auront été votées, nous pourrions envisager, dans trois régions et pour trois ans, l'expérience d'une prise de responsabilité plus large de la part des collectivités locales. Cela ne signifie pas un retrait de l'Etat, ni en terme budgétaire ni dans son rôle d'arbitre qui fait respecter la règle du jeu. Il s'agit au contraire de répondre à la volonté plus grande de telle ou telle collectivité locale de s'investir dans le développement de son FRAC. A ce jour, les régions Poitou-Charente et Auvergne, par exemple, semblent avoir manifesté leur intérêt pour cette expérience.
S'agissant des moyens alloués aux FRAC, se pose la question très importante des bâtiments dans lesquels sont installées les collections. Dans certaines régions, cette question a été traitée. Dans d'autres régions, la réflexion doit se poursuivre. On balance, selon les cas, entre la création d'un équipement spécifique et l'association du FRAC à un équipement existant - à Toulouse, par exemple, avec les Abattoirs. Les décisions que prendront ensemble le ministère de la Culture et les régions devront évidemment tenir compte des spécificités locales, des besoins locaux, de l'attente des publics, de la configuration géographique et démographique des différentes régions.
On le voit, les questions relatives au bilan et aux perspectives des FRAC renvoient aux grandes questions de la vie publique et politique de notre pays et, bien sûr, aux grandes questions de sa politique culturelle.
Encore un mot au sujet des quatre grandes expositions que j'ai évoquées plus haut.
A Strasbourg seront présentées des oeuvres autour de l'image, du cinéma, de la relation à la ville et à l'architecture.
En Avignon, le Palais des Papes accueillera des ensembles d'Arte Povera, d'art conceptuel ou minimal, d'art abstrait français des années 60 et 70.
A Nantes se déploiera une exposition autour de l'idée d'objet avec, notamment, l'oeuvre des nouveaux réalistes et du pop art, des artistes des années 80 et 90.
En Arles enfin, à l'occasion des Rencontres, seront présentées des oeuvres qui utilisent le médium photographique.
Ce sera donc bien un large déploiement de nos collections sur tout le territoire. Je précise que j'ai choisi délibérément quatre villes très visitées en été par les touristes et les festivaliers, de manière à ce que ce vingtième anniversaire des FRAC et cette présentation de la création contemporaine puissent toucher le public le plus large et le plus nombreux, ainsi que tous ceux qui parfois éprouvent encore une grande hésitation à s'intéresser à la création de notre temps.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 7 avril 2003)